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11/07/2024 | FRANCE | N°22/06480

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 11 juillet 2024, 22/06480


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :
à Maître LEROY et
Maître VERSCHAEVE

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître DUBOIS





8ème chambre
2ème section


N° RG 22/06480
N° Portalis 352J-W-B7G-CXCIS

N° MINUTE :


Assignation du :
31 Mai 2022








ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [J] [U] (dite Madame [E] [X])
[Adresse 3]
[Localité 5]

re

présentée par Maître Arnaud LEROY de la SCP PETIT - MARCOT - HOUILLON - & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1683 et par Maître Antonin PIBAULT, avocat au barreau de VAL D...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :
à Maître LEROY et
Maître VERSCHAEVE

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître DUBOIS

8ème chambre
2ème section

N° RG 22/06480
N° Portalis 352J-W-B7G-CXCIS

N° MINUTE :

Assignation du :
31 Mai 2022

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [J] [U] (dite Madame [E] [X])
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Arnaud LEROY de la SCP PETIT - MARCOT - HOUILLON - & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1683 et par Maître Antonin PIBAULT, avocat au barreau de VAL D’OISE, avocat plaidant, vestiaire 100

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. G IMMO
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Jean-Jacques DUBOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0110

Société PVP
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Christophe VERSCHAEVE de la SELEURL ILEX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0467

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Anita ANTON, Vice-présidente

assistée de Madame Lucie RAGOT, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 18 Juin 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 11 Juillet 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble [Adresse 3] est soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis.

Le syndic de l'immeuble était la société G. Immo jusqu'au 20 novembre 2018.

Madame [U]-[X] est propriétaire des lots n° 19, 24 et 26 correspondants notamment à un appartement de trois pièces, situé au 3ème étage de l'immeuble et à une chambre de service située au-dessus.

Madame [U]-[X] a souhaité pouvoir acquérir les combles situés au-dessus du lot n° 24 et, à cette fin, a adressé au Syndic une résolution à porter à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires.

Le 28 septembre 2016, l'assemblée des copropriétaires a accepté le principe de la vente de ces combles issus des parties communes.

Durant l'été 2017 Madame [U]-[X] a effectué des travaux de réaménagement de ses lots.

Lors de l'assemblée qui s'est tenue le 10 octobre 2017, les copropriétaires ont décidé de voter un budget de 6.000 €, réparti par tiers entre le syndicat des copropriétaires d'une part, Madame [U]-[X] d'autre part et Madame [R], de dernière part, pour exécuter des travaux de rétablissement de l'évacuation d'eau desservant l'appartement de Madame [R], coupée lors de la réalisation des travaux de Madame [U]-[X], sous réserve de la vérification de la conformité des travaux réalisés aux autorisations données par l'assemblée.

La société G. Immo a été autorisée, ès qualités de syndic, à ester en justice à l'encontre de Madame [U]-[X] afin d'obtenir la remise en l'état initial des lieux, lors de l'assemblée du 5 février 2018.

Une expertise judiciaire a été ordonnée par le président du tribunal de grande instance de Paris, à la demande du syndicat des copropriétaires, alors représenté par la société G. Immo, par ordonnance de référé en date du 4 juillet 2018.

Monsieur [N] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 21 octobre 2020.

Par exploit de commissaire de justice délivré le 31 mai 2022, Madame [U]-[X] a assigné la société PVP et la société G. Immo devant le Tribunal, aux fins de voir :

- juger que la responsabilité de la société G. Immo est engagée sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- juger que la responsabilité de la société PVP est engagée sur le fondement de l'article 1231 du code civil,
- lui donner acte de l'effet interruptif de prescription et de forclusion de l'exploit introductif d'instance,
- surseoir à statuer sur les demandes de Madame [U]-[X] dans l'attente de la décision de justice à intervenir.

Aux termes de son assignation, elle soutient qu'elle est bien fondée à appeler en garantie le précédent syndic en son nom personnel G Immo et la société PVP dès lors que l'expert judiciaire énonce que les désordres sont imputables au syndic G Immo, qui pourtant averti du début des travaux, n'a pas alerté Mme [X] sur le non-respect de ses obligations envers la copropriété et que la responsabilité de la société PVP est également engagée en ce qu'elle n'a pas émis de réserve et d'opposition sur les travaux entrepris alors qu'en sa qualité de professionnelle, elle est débitrice d'une obligation d'information.

Par conclusions d'incident n°2 notifiées par voie électronique le 14 juin 2024, la société G. Immo demande au juge de la mise en état de :

"Vu l'article 789 6° du code de procédure civile,
Vu les articles 2224 et 2241 du code civil,
Vu les articles 4 et suivants du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,

JUGER que les demandes de Madame [J] [U] dite [E] [X] formulées à l'encontre de la société G. Immo sont irrecevables, puisque prescrites,

DEBOUTER Madame [J] [U] dite [E] [X] de toutes demandes, fins, moyens, prétentions et conclusions formulés à l'encontre de la Société G. Immo,

CONDAMNER Madame [J] [U] dite [E] [X] à payer à la société G. Immo la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER Madame [J] [U] dite [E] [X] aux entiers dépens de l'incident et de l'instance, dont distraction au profit de Me Jean-Jacques Dubois, avocat au Barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile".

Par conclusions en réponse sur l'incident notifiées par voie électronique le 5 juin 2024, Madame [J] [U], dite [E] [X] demande au juge de la mise en état de :

"Vu les articles 2224 et suivants du code civil
vu les articles 63 et suivants du code de procédure civile
vu l'article 4 du code de procédure civile

JUGER recevables et bien fondées les demandes de Madame [J] [U] dite [E] [X]
En conséquence,

DEBOUTER la société G Immo de l'intégralité de ses demandes

RENVOYER les parties au fond

CONDAMNER le société G Immo à payer à Madame [J] [U] dite [E] [X] la somme de 1,500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile".

La société PVP n'a pas conclu sur l'incident.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L'incident a été évoqué à l'audience de mise en état du 18 juin 2024 et la décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS

Sur la prescription

La société G. Immo soutient que :

- les faits que Madame [U]-[X] reproche à la Société G. Immo datent du 1er juin 2017.

- en application de l'article 2224 du code civil, Madame [U]-[X] devait agir dans le délai de cinq ans à compter de cette date, c'est-à-dire avant le 1er juin 2022,

- si l'acte introductif d'instance date du 31 mai 2022, Madame [U]-[X] y demandait uniquement qu'il soit sursis à statuer à titre principal, sans qu'aucune demande d'aucune sorte n'ait été formulée à l'encontre de la Société G. Immo,

- en application de l'article 2241 du code civil, l'assignation du 31 mai 2022 ne constituait pas une demande en justice susceptible d'interrompre le délai de prescription quinquennal, qui n'a donc pas été valablement interrompu,

-dans ses conclusions en réponse à incident du 5 juin 2024, Madame [U]-[X] relève qu'elle a assigné la Société G. Immo "dans le délai quinquennal imparti à compter du 1 er juin 2017", qu'elle reconnaît donc être le point de départ de la prescription qui lui est opposée,

- or l'acte introductif d'instance n'est pas interruptif de prescription dès lors qu'il ne contient à l'encontre de la Société G. Immo aucune demande en bonne et due forme,

- dès lors, Madame [U]-[X] est prescrite en ses demandes formulées à l'encontre de la Société G. Immo, dès lors que ces dernières ne l'ont été que le 31 août 2023.

Madame [U]-[X] fait valoir que :

- l'acte introductif date du 31 mai 2022 et elle a assigné la société G.Immo dans le délai quinquennal imparti à compter du 1 er juin 2017, la société G.Immo alléguant que le délai aurait commencé à courir à la date du 1 er juin 2017,

- dès lors, et en application de l'article 2241 du code civil, l'acte introductif a interrompu le délai de prescription,

- la société G.Immo, qui soutient que l'assignation ne constituait pas une demande en justice en raison du sursis à statuer, omet qu'il est demandé qu'un sursis à statuer soit octroyé en raison de l'instance pendante devant le président du tribunal judiciaire de Pontoise qui a donné lieu un désistement en date du 27 mars 2023 en raison de l'établissement d'un protocole d'accord,

- les demandes additionnelles formulées dans le cadre de la notification des conclusions du 31 août 2023 présentent nécessairement un lien suffisant et connexe avec les demandes principales,

- en tout état de cause, à titre principal, il était demandé au Tribunal de juger que la responsabilité de la société G.Immo était engagée, sous entendant explicitement qu'une demande indemnitaire serait formulée en ce sens,

- la demande indemnitaire additionnelle de Madame [X] est, dès lors recevable, et ce conformément aux articles 63 et suivants du code de procédure civile puisqu'elle se fonde sur la responsabilité engagée de la société G.Immo.

En droit, l'article 2224 du code civil dispose que : "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer".

Le point de départ de l'action de l'article 2224 du code civil, glissant, est reporté au jour où son titulaire a eu connaissance des faits lui permettant de l'exercer (ex. : 3ème Civ., 1er octobre 2020, n° 19-16.986, publié au bulletin), pouvant être la date de dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire (ex. : 3ème Civ., 1er février 2018, n° 16-26.085, 9 mars 2022, n° 21-11.086 et 21-10.060).

La prescription de l'action en responsabilité civile extra-contractuelle ne court qu'à la date où le dommage s'est manifesté aux yeux de la victime et qu'elle a pu en prendre conscience dans toute son ampleur et ses conséquences.

La notion de manifestation ou de connaissance du dommage n'est donc pas assimilable à celle de réalisation du dommage.

Les dispositions précitées de l'article 2224 du code civil, résultant de la loi du 17 juin 2008, ont d'ailleurs renforcé la dimension subjective du point de départ du délai de prescription.

La détermination du point de départ du délai de prescription repose sur une appréciation in concreto par le juge des faits de l'espèce, en fonction de la date à laquelle la victime a eu ou aurait dû avoir connaissance des éléments de la responsabilité civile lui permettant d'agir à savoir l'existence du dommage, le fait générateur, le lien de causalité et l'identité de l'auteur.

En matière de copropriété, le point de départ du délai décennal de prescription applicable à l'action d'un copropriétaire à l'encontre du syndicat est reporté, lorsque cette question fait débat, au jour où la victime avait eu connaissance de la cause des désordres (ex. : Civ. 3ème, 2 mars 2005, n° 03-14.713, 24 mai 2006, n° 05-12.185, 19 novembre 2015, n° 14-17.784 et n° 13-19.999, 21 décembre 2017, n° 14-18.284, faisant état de la connaissance "certaine" de la cause des désordres).

En l'espèce, il ressort des éléments de la procédure que ce n'est qu'à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [N] le 21 octobre 2020 que Madame [U]-[X] a connu les faits lui permettant d'agir à l'encontre de l'ancien syndic, la société G. Immo en ce que l'expert judiciaire a conclu, que les désordres sont aussi imputables à l'ancien syndic G. Immo, qui averti du début des travaux, n'a pas alerté Mme [X] sur le non-respect de ses obligations envers la copropriété.

Madame [U]-[X] n'a donc eu connaissance de l'imputabilité des désordres faisant l'objet du présent litige (ex. : Cour d'appel de Versailles, 4ème chambre, 9 novembre 2020, n° RG 18/05327), donc des faits lui permettant d'agir à l'encontre de la société G. Immo qu'à l'issue des opérations d'expertise judiciaire confiées à Monsieur [N] ayant mis clairement en évidence les responsabilités, soit à la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

Préalablement au 21 octobre 2020, Madame [U]-[X] ne pouvait connaître les faits lui permettant d'exercer son action à l'encontre de la société G. Immo, faute d'éléments suffisants de nature à justifier la mise en cause de cette dernière.

Le point de départ du délai de prescription quinquennal de l'action personnelle de Madame [U]-[X] doit donc être fixé au 21 octobre 2020.

Dès lors, le délai de prescription quinquennale prévu par l'article 2224 du code civil n'est pas encore expiré.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale soulevée par la société G. Immo devra donc être rejetée.

Sur les demandes accessoires

L'équité ne commande pas de prononcer de condamnnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il convient de débouter les parties de leurs demandes respectives à ce titre.

La société G. Immo, succombant à l'incident, sera condamnée aux dépens de l'incident.

Les parties seront déboutées de toutes leurs demandes autres, plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et susceptible d'appel dans les conditions de l'article 795 du code de procédure civile :

REJETONS la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale soulevée par la société G. Immo ;

DEBOUTONS les parties de leurs demandes respectives formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS la société G. Immo aux dépens de l'incident ;

DEBOUTONS les parties de toutes leurs demandes autres plus amples ou contraires.

RENVOYONS l'affaire à l'audience du juge de la mise en état du 19 novembre 2024 à 10h00 pour :

- conclusions des parties à signifier au plus tard le 9 octobre 2024, clôture et fixation à l'audience de mise en état du 19 novembre 2024, sauf avis contraire des parties.

Faite et rendue à Paris le 11 Juillet 2024.

La Greffière La Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/06480
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Autres décisions ne dessaisissant pas la juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;22.06480 ?
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