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11/07/2024 | FRANCE | N°21/10271

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 5ème chambre 2ème section, 11 juillet 2024, 21/10271


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
Me Philippe-Gildas BERNARD
Me Valérie LE BRAS
+ 1 copie dossier
délivrées le :




5ème chambre 2ème section
N° RG 21/10271 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU6XW

N° MINUTE :

Assignation du :
06 Août 2021













ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 Juillet 2024
DEMANDERESSE
La société Butard Enescot, Société par actions simplifiées inscrite au RCS de Paris sous le numéro 391 827 375 , ayant son

siège social, [Adresse 4], agissant poursuites et diligences par son Président domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Philippe-Gildas BERNARD de l’...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
Me Philippe-Gildas BERNARD
Me Valérie LE BRAS
+ 1 copie dossier
délivrées le :

5ème chambre 2ème section
N° RG 21/10271 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU6XW

N° MINUTE :

Assignation du :
06 Août 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 Juillet 2024
DEMANDERESSE
La société Butard Enescot, Société par actions simplifiées inscrite au RCS de Paris sous le numéro 391 827 375 , ayant son siège social, [Adresse 4], agissant poursuites et diligences par son Président domicilié en cette qualité audit siège,

représentée par Maître Philippe-Gildas BERNARD de l’AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #R0013

DEFENDERESSES
La Société MMA IARD Assurances Mutuelles, Société d’Assurance mutuelles à cotisation fixe, entreprise régie par le Code des Assurances, immatriculée au RCS du Mans sous le numéro 775 652 126, ayant son siège social [Adresse 1], prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,

La Société MMA IARD, Société Anonyme, au capital de 537.052.368,00 euros, entreprise régie par le Code des Assurances, immatriculée au RCS du Mans sous le numéro 440 048 882, ayant son siège social [Adresse 1], prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège,

5ème chambre 2ème section
N° RG 21/10271 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU6XW

représentées par Me Valérie LE BRAS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0267

S.A. Axa France IARD Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0372

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Antoinette LE GALL, Vice-présidente

assistée de Catherine BOURGEOIS, Greffier

DEBATS

A l’audience du 02 avril 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 13 juin 2024 et prorogée le 11 Juillet 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société BUTARD ENESCOT exerce une activité de traiteur et d’organisateur de réceptions. Elle a été successivement assurée, au titre de la responsabilité civile, par les sociétés MMA IARD et MMA Iard Assurances Mutuelles jusqu’au 31 décembre 2013, puis par la société AXA FRANCE IARD du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Le 6 août 2013, M. [U] [E], alors salarié de la société BUTARD ENESCOT, a été victime d’un accident pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Le 4 novembre 2015, le tribunal correctionnel de Paris a, notamment, déclaré la société BUTARD ENESCOT coupable des faits de blessures involontaires et responsable des préjudices subis par M. [U] [E].

Le 27 juillet 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a, notamment, reconnu la faute inexcusable de l’employeur et ordonné avant-dire droit une expertise en vue d’établir les préjudices de la victime.

Le 30 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris, auquel le contentieux de la sécurité sociale a été transféré, a, entre autres, fixé le montant du préjudice subi par M. [U] [E] à la somme de 193.444,20 euros, a rappelé que cette somme devait être versée directement à la victime par la CPAM du Val-d’Oise, et a déclaré le jugement opposable aux sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances Mutuelles et AXA FRANCE IARD.

Le 9 juin 2021, la CPAM du Val-d’Oise a réclamé à la société BUTARD ENESCOT le montant des indemnités qu’elle a versées à son salarié en exécution de ce jugement. Ladite société a, vainement, demandé à ses assureurs de prendre en charge le montant de ces indemnités augmenté des frais de défense qu’elle a exposés devant le tribunal correctionnel puis le pôle social du tribunal judiciaire de Paris.

Par actes d’huissier de justice du 6 août 2021, la société BUTARD ENESCOT a fait assigner, devant ce tribunal, les sociétés MMA IARD, MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et AXA FRANCE IARD en paiement, à titre principal, par les sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES et, à titre subsidiaire, par la société AXA FRANCE IARD, en leur qualité d’assureurs successifs de sa responsabilité civile, à lui verser la somme de 229.726 euros, au titre de la garantie “Faute inexcusable” de leurs polices respectives.

Par ordonnance du 10 novembre 2022, le juge de la mise en état a rejeté les demandes provisionnelles formées par la société BUTARD ENESCOT, dit que les dépens de l’incident suivront le sort des dépens de l’instance principale et renvoyé l’affaire à la mise en état.

***

Par conclusions d’incident devant le juge de la mise en état notifiées par voie électronique le 4 décembre 2023, la société AXA FRANCE IARD demande :

- déclarer irrecevable comme prescrite l’action de la société BUTARD ENESCOT à son égard, au visa des dispositions des articles L. 114-1 et suivants du code des assurances ;
- déclarer irrecevables, et en tant que de besoin mal fondées, toutes parties en leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
- condamner la société BUTARD ENESCOT à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’incident, dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Beaumont en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient, en substance, que l’assignation en intervention forcée n’a été délivrée à son encontre que plus de deux ans après l’introduction de l’action en reconnaissance d’une faute inexcusable par le salarié à l’encontre de la société BUTARD ENESCOT, sans qu’aucune cause d’interruption ne soit intervenue.

Elle estime que les conditions générales du contrat d’assurance sont conformes aux exigences de l’article R. 112-1 du code des assurances, en ce qu’elles désignent les causes ordinaires d’interruption de la prescription.

***

Par conclusions en réponse sur incident devant le juge de la mise en état notifiées par voie électronique le 18 janvier 2024, la société BUTARD ENESCOT demande :

Vu les articles L. 114-1, L. 114-2, R. 112-1 du code des assurances,
Vu les articles 789 et 122 du code de procédure civile,
Vu la police responsabilité civile n°5898458904 souscrite auprès de la société AXA FRANCE IARD à effet du 1er janvier 2014,
- à titre principal, juger inopposable à son égard le délai de prescription biennale prévu à l’article L. 114-1 du code des assurances ;
- à titre subsidiaire, juger non prescrite l’action qu’elle a intentée contre la société AXA FRANCE IARD ;
- juger que la déclaration de sinistre réalisée par l’assuré auprès de son courtier est opposable à la société AXA FRANCE IARD ;
- débouter la société AXA FRANCE IARD de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
- la condamner à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle soutient, en substance, que la prescription biennale lui est inopposable dès lors que les conditions générales d’assurance ne mentionnent pas les causes d’interruption de prescription prévues aux articles 2241 et 2244 du code civil.

Elle indique, à titre subsidiaire, avoir effectué une déclaration de sinistre dès 2015 auprès de son courtier, mandataire de l’assureur.

***

Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles n’ont pas conclu sur l’incident.

***

Les parties ont été convoquées pour plaider sur cet incident par bulletin du greffe à l’audience du 2 avril 2024.

A cette audience, l’incident a été mis en délibéré au 13 juin 2024, prorogé au 11 juillet 2024.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription :

Aux termes de l’article L. 114-1 du code des assurances, dans sa version applicable à l’espèce, issue de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Toutefois, ce délai ne court :
1° en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2° en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.
Quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé.
Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l’assuré.

L’article L. 114-2 du même code prévoit que la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre. L’interruption de la prescription de l’action peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée, avec accusé de réception adressée par l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité.

Il résulte de l’article R. 112-1 du code des assurances que l’assureur est tenu de rappeler dans le contrat d’assurance, sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L. 114-1 du code des assurances, les causes d’interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code, dont les causes ordinaires d’interruption de la prescription sans se limiter à un simple renvoi textuel. La charge de la preuve d’une telle obligation d’information pèse sur l’assureur.

Les causes ordinaires interruptives de prescription, prévues par les articles 2240, 2241 et 2244 du code civil, sont les suivantes :
- reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit ;
- demande en justice, même en référé ;
- mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou acte d’exécution forcée (voir notamment : Douai 30/05/2024 RG 23/04418 ; Chambéry 03/01/2023, RG 22/00663).

En l’espèce, l’article 7.1.1 “Prescription” des conditions générales d’assurance, du contrat de la société AXA FRANCE, est rédigé en ces termes :
“ Conformément aux dispositions prévues par l’article L 114-1 du Code des Assurances, toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1. en cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;
2. en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.
Quand l’action de l'assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour ou ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé.
Conformément à l’article L 114-2 du Code des Assurances, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription :
- toute demande en justice, même en référé, tout acte d’exécution forcée ;
- toute reconnaissance par l’assureur du droit à garantie de l’assuré, ou toute reconnaissance de dette de l’assuré envers l'assureur ;
Elle est également interrompue :
- par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre ;
- par l’envoi d’une lettre recommandée avec accuse de réception adressée par:
. l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime,
. l’assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité.
Conformément à l’article L 114-3 du Code des Assurances, les parties au contrat d’assurance ne peuvent, même d’un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de celle-ci.”

Si l’article 7.1.1 rappelé ci-dessus apporte bien à la société BUTARD ENESCOT des informations précises sur la prescription, le délai biennal et ses causes d’interruption, ces informations fournies par l’assureur restent incomplètes.

En effet, il appartenait à la société AXA FRANCE IARD de rappeler la totalité des causes ordinaires d’interruption de prescription : or, la liste dressée par l’assureur ne comporte pas l’interruption de ce délai par la sollicitation d’une mesure conservatoire, telle qu’elle est prévue par l’article 2244 du code civil.

Il s’ensuit que la prescription biennale n’est pas en l’espèce opposable à la société BUTARD ENESCOT.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société AXA FRANCE IARD.

Sur les demandes accessoires :

En application des articles 696 et 790 du code de procédure civile, il convient de condamner la société AXA FRANCE IARD, qui succombe, à supporter les dépens de l’incident, le surplus des dépens de l’instance étant réservé.

Tenue aux dépens de l’incident, la société AXA FRANCE IARD devra verser à la société BUTARD ENESCOT la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il convient de rappeler que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

***

Eu égard à l’état d’avancement de l’affaire, et sachant que les dernières conclusions au fond ont été régularisées par la société BUTARD ENESCOT le 27 mars 2023, par la société AXA FRANCE IARD le 4 décembre 2023 et par les sociétés MMA le 4 décembre 2023, il convient d’inviter les parties à accomplir les diligences suivantes :

- conclusions en réplique au fond de la société BUTARD ENESCOT avant le 27 septembre 2024,
- conclusions au fond de la société AXA FRANCE IARD et des sociétés MMA avant le 27 novembre 2024.

L’affaire sera renvoyée à l’audience de mise en état dématérialisée du 28 janvier 2025 pour le prononcé de l’ordonnance de clôture et la fixation de la date de plaidoirie.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et susceptible de recours dans les conditions de l’article 795 du code de procédure civile,

Rejetons la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société AXA FRANCE IARD,

Condamnons la société AXA FRANCE IARD aux dépens de l’incident, le surplus des dépens de l’instance étant réservé,

Condamnons la société AXA FRANCE IARD à payer à la société BUTARD ENESCOT la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Fixons le calendrier de procédure suivant :

- conclusions en réplique, au fond, de la société BUTARD ENESCOT avant le 27 septembre 2024,
- conclusions au fond de la société AXA FRANCE IARD et des sociétés MMA avant le 27 novembre 2024,

Renvoyons l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 28 janvier 2025 pour le prononcé de l’ordonnance de clôture et la fixation de la date de plaidoirie,

Rappelons que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire,

Rejetons toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Faite et rendue à Paris le 11 Juillet 2024

Le Greffier Le Juge de la mise en état

Catherine BOURGEOIS Antoinette LE GALL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 5ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/10271
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Autres décisions ne dessaisissant pas la juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;21.10271 ?
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