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10/07/2024 | FRANCE | N°21/06115

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 3ème section, 10 juillet 2024, 21/06115


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le
Expédition exécutoire délivrée à :
- Maître Michel, #P10
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Maître Le Brun, #NA702 ([Localité 8])
- Maître Georges Picot, #J98
- Mâitre Regnier, #D451




3ème chambre
3ème section


N° RG 21/06115 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUK55

N° MINUTE :


Assignation du :
30 avril 2021

incident







ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 juillet 2024
DEMANDERESSE

Soc

iété MOLO DESIGN LTD
[Adresse 2]
[Localité 9] (CANADA)

représentée par Maître Arnaud MICHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P10


DEFENDERESSES

S.A.S. INLUCE
[Adresse 4]
[Adresse...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le
Expédition exécutoire délivrée à :
- Maître Michel, #P10
Copie certifiée conforme délivrée à :
- Maître Le Brun, #NA702 ([Localité 8])
- Maître Georges Picot, #J98
- Mâitre Regnier, #D451

3ème chambre
3ème section

N° RG 21/06115 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUK55

N° MINUTE :

Assignation du :
30 avril 2021

incident

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 juillet 2024
DEMANDERESSE

Société MOLO DESIGN LTD
[Adresse 2]
[Localité 9] (CANADA)

représentée par Maître Arnaud MICHEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P10

DEFENDERESSES

S.A.S. INLUCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Antoine LE BRUN de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NA702

S.A.S. CHANEL
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Marie GEORGES PICOT de l’AARPI Beylouni Carbasse Guény Valot Vernet , avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J98
Décision du 10 juillet 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 21/06115 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUK55

S.A.R.L. PROCEDES CHENEL INTERNATIONAL
[Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Maître Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #D0451

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
assisté de Lorine MILLE, greffière,

DEBATS

A l’audience sur incident du 16 mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 10 juillet 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société de droit canadien Molo Design se présente comme ayant une activité de studio de conception et de production d’œuvres artistiques. Elle revendique, en particulier, avoir conçu des structures flexibles autoportantes et modulables intitulées “Softwalls” et “Softblocks”.
La société par actions simplifiée Chanel a pour activité la conception, la création et la commercialisation de produits de luxe.
La société Procédés Chénel International se présente comme spécialisée dans la distribution de matériels destinés aux concepteurs d’exposition et d’architecture d’intérieur.
La société InLuce se présente comme une agence de publicité spécialisée dans la promotion visuelle (merchandising) pour les plus grands noms du luxe.
La société Molo Design reproche aux sociétés Chanel, InLuce, et Procédés Chénel, l'utilisation dans des boutiques Chanel d'éléments de séparation et de présentation imitant ceux qu'elle commercialise sous les noms “Sotfwall” et “Softblock”, en contrefaçon, selon elle, de ses droits d'auteur et du dessin ou modèle communautaire n°460258-0001 dont elle est titulaire.
Elle a fait assigner en février 2021 différentes sociétés du groupe Chanel en mesures d'interdiction provisoire au Canada, aux États-Unis, à Taïwan et, dans l'Union européenne, en Allemagne et en Italie puis, le 2 mars 2021, en France, assignant alors en outre les sociétés InLuce et Procédés Chénel devant ce tribunal. Elle a obtenu le prononcé d'une interdiction en Italie le 5 juillet 2021, et s'est désistée en France, les équipements litigieux ayant été retirés des boutiques.
Par acte de commissaire de justice du 30 avril 2021, la société Molo Design a fait assigner les société Chanel, Procédés Chénel International et InLuce devant ce tribunal, principalement, en contrefaçon de droits d’auteur.
Par ordonnance du 23 décembre 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer introduite par la société Chanel, l’a condamnée à payer 1000 euros à la société Molo Design en application de l’article 700 du code de procédure civile et a renvoyé l’affaire à la mise en état.
Par conclusions du 13 septembre 2023, la société Procédés Chénel International a saisi le juge de la mise en état de conclusions d’incident tendant à déclarer prescrites les dernières demandes de la société Molo Design relatives aux modèles “Honeycomb” et “Pipe & Drop”.
Par décision du 14 mars 2024, le juge de la mise en état a renvoyé l’incident au tribunal, invitant les parties à inclure la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
Par conclusions notifiées le 4 avril 2024 la société Chanel a saisi le juge de la mise en état d’une demande de sursis à statuer.
L’incident a été fixé à l’audience du 16 mai 2024 sans audience avec l’accord des parties.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées le 13 mai 2024, la société Chanel demande au juge de la mise en état de :- la déclarer recevable de toutes ses demandes, fins et conclusions
- débouter la société Molo Design de toutes ses demandes, fins et conclusions, comme étant irrecevables
- surseoir à statuer dans l’attente des décisions à intervenir de la Cour de justice de l’Union européenne sur les questions préjudicielles posées dans les affaires C-580/23 Mio AB c./ [E] [D], déposée en Suède le 21 septembre 2023, C-795/23 Konektra c./ USM déposée en Allemagne, le 21 décembre 2023 et C-227/23 Kwantum c./ Vitra, déposée aux Pays-Bas le 31 mars 2023
- réserver les frais irrépétibles et les dépens.

Au soutien de ses demandes la société Chanel fait principalement valoir que :- sa demande de sursis à statuer est recevable dans la mesure où le fait générateur est une décision du tribunal allemand de Düsseldorf, saisi d’un litige similaire, du 26 février 2024, ayant fait droit à la même demande de sursis à statuer présentée par la demanderesse
- les décisions de la CJUE à intervenir dans les affaires C-580/23, C-795/23 et C-227/23 ont une incidence directe sur le litige et génèrent un risque de contrariété de décision statuant sur les mêmes droits revendiqués par la demanderesse en France et en Allemagne
- la société Molo Design est mal fondée à faire valoir son droit à voir sa cause jugée dans un délai raisonnable alors que l’instruction de l’affaire a été ralentie par les multiples conclusions en demande déposées par celle-ci et que les décisions de la CJUE relatives aux questions préjudicielles posées sont attendues pour juin 2025, soit antérieurement à la date des plaidoiries de la présente affaire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2024, la société Procédés Chénel International demande au juge de la mise en état de surseoir à statuer dans l’attente dans l’attente des décisions à intervenir de la Cour de justice de l’Union européenne sur les questions préjudicielles posées dans les affaires C-580/23 Mio AB c./ [E] [D], déposée en Suède le 21 septembre 2023, C-795/23 Konektra c./ USM déposée en Allemagne, le 21 décembre 2023 et C-227/23 Kwantum c./ Vitra, déposée aux Pays-Bas le 31 mars 2023.
La société Procédés Chénel soutient que :- le fait générateur de la demande de sursis à statuer date du 26 février 2024, soit postérieurement à ses premières conclusions au fond, rendant sa demande recevable
- compte tenu les actions engagées par la société Molo Design en Allemagne et en France sont fondées sur les mêmes droits, visent les mêmes faits et présentent les mêmes demandes, l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduit à ce que la décision du juge français soit identique à celle du juge allemand.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2024, la société InLuce demande au juge de la mise en état de :- surseoir à statuer dans l’attente dans l’attente des décisions à intervenir de la Cour de justice de l’Union européenne sur les questions préjudicielles posées dans les affaires C-580/23 Mio AB c./ [E] [D], déposée en Suède le 21 septembre 2023, C-795/23 Konektra c./ USM déposée en Allemagne, le 21 décembre 2023 et C-227/23 Kwantum c./ Vitra, déposée aux Pays-Bas le 31 mars 2023
- réserver les frais et dépens.

La société InLuce avance les mêmes moyens et arguments que les autres demanderesses à l’incident relativement à la recevabilité et au bien fondé de sa demande de sursis à statuer.
Dans ses dernières conclusions d’incident, notifiées par voie électronique le 16 mai 2024, la société Molo Design demande au juge de la mise en état de :- à titre principal, déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer des sociétés Chanel, Procédés Chénel et InLuce
- à titre subsidiaire, si le juge de la mise en état décidait néanmoins de se saisir d’office de cette question relative à l’opportunité d’un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice :
$gt; débouter les sociétés Chanel, Procédés Chénel et InLuce de leurs demandes, fins et prétentions
$gt; juger non opportun un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice dans la cadre de la procédure française RG n° 21/06115
- en tout état de cause, condamner in solidum Chanel, Procédés Chénel et InLuce à lui payer 13 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Molo Design oppose que :- la demande de sursis à statuer présentée par les trois défenderesses au principal est irrecevable, s’agissant d’une exception de procédure qui devait être présentée avant tout défense au fond, le fait générateur étant les demandes de décisions préjudicielles dont la CJUE est saisie, lequel est antérieur aux conclusions au fond déposées par chacune d’entre elles
- même dans l’hypothèse où le fait générateur serait la décision du tribunal allemand du 26 février 2024, les demandes de sursis à statuer sont irrecevables comme étant présentées après les demandes des mêmes défenderesses de mars 2024 saisissant le juge de la mise en état d’un incident de prescription
- à les supposer recevables, les demandes de sursis à statuer sont mal fondées, les questions préjudicielles posées à la CJUE étant sans lien direct avec le litige, à la différence du litige pendant devant le tribunal allemand de Düsseldorf
- le risque de contrariété de décisions est inexistant dès lors que ses demandes présentées en Allemagne sont cantonnées aux faits qui se sont déroulés sur ce territoire
- un sursis à statuer générerait un retard considérable dans le jugement à intervenir contraire à son droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.

MOTIVATION

I - Sur la recevabilité des demandes de sursis à statuer

L’article 73 du code de procédure civile dispose que constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours.
Aux termes de l’article 74 alinéa 1 du même code, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
Selon l'article 378 du même code, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’une demande tendant à faire suspendre le cours de l'instance, doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir (en ce sens Civ 2è, 27 sept. 2012, n° 11-16.361).
Cette règle doit, néanmoins, recevoir exception lorsque la cause du sursis à statuer demandé apparaît, est connu ou aurait dû l’être du demandeur postérieurement à une défense au fond ou à une fin de non-recevoir.
En application de l’article 789 du même code, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure.
Au cas présent, la société Molo Design indique qu’elle a agi en Allemagne à l’encontre de la société Chanel GmbH en référé puis au fond à titre principal pour la contrefaçon de ses droits d’auteur (ses conclusions page 11). Le litige pendant en Allemagne ayant donné lieu à une décision de sursis à statuer du tribunal de Düsseldorf le 26 avril 2024 (pièce Chanel n° 2.02).
Cette décision, postérieure aux conclusions au fond déposées par les défenderesses au principal dans le présent litige, rend leurs demandes de sursis à statuer recevables de ce fait.
La société Molo Design, qui assure que la société française Chanel, de même que les sociétés Procédés Chénel et InLuce, avaient connaissance de cette décision lorsqu’elles ont saisi respectivement le 12 mars, 8 mars et 13 mars 2024, le juge de la mise en état d’une fin de non-recevoir, ne le démontre par aucune pièce.
Le moyen tiré de l’irrecevabilité des demandes en sursis à statuer sera, en conséquence, écarté.
II - Sur les demandes de sursis à statuer

Selon l’article 108 du code de procédure civile, le juge doit suspendre l'instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d'un délai pour faire inventaire et délibérer, soit d'un bénéfice de discussion ou de division, soit de quelque autre délai d'attente en vertu de la loi.
Conformément à l'article 378 du même code, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
En l’occurrence, les sociétés Chanel, Procédés Chénel et InLuce n’invoquent aucune cause de sursis à statuer obligatoire.
La circonstance que dans un litige similaire la juridiction allemande ait décidé de surseoir à statuer dans l’attente de réponses de la CJUE à des questions préjudicielles dont aucune des parties ne soutient que l’une d’elles ait un lien direct avec le litige, n’impose pas de décider du même sursis.
Le retard pris dans la mise en état de la présente affaire, lié tant aux changements de stratégie de la société Molo Design, qu’aux multiples saisines du juge de la mise en état par les défenderesses, impose, au contraire, de rejeter les demandes de sursis à statuer.
III - Sur les demandes accessoires

III.1 - S’agissant des dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.
La présente décision ne mettant pas fin à l’instance, les dépens seront réservés.
V.2 - S’agissant de l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
Les société Chanel, Procédés Chénel et InLuce, qui perdent le procès en incident, seront condamnées in solidum à payer 4000 euros à la société Molo Design à ce titre.
V. 3 - S’agissant de l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En application de l’article 514-1 alinéa 3 du même code, par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.
PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état :

par décision susceptible d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel,

Rejette les demandes de sursis à statuer des sociétés Chanel, Procédés Chénel International et InLuce ;

Réserve les dépens de l’incident ;

Condamne in solidum les sociétés Chanel, Procédés Chénel International et InLuce à payer 4000 euros à la société Molo Design en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

par décision d’administration judiciaire,

Renvoie les parties à l’audience (dématérialisée) de mise en état du 3 octobre 2024 pour clôture et fixation ;

Faite et rendue à Paris le 10 juillet 2024

La greffière Le juge de la mise en état
Lorine Mille Jean-Christophe Gayet


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 21/06115
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Renvoi à la mise en état

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-10;21.06115 ?
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