TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
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7ème chambre 1ère section
N° RG 20/01184
N° Portalis 352J-W-B7E-CRS5N
N° MINUTE :
Assignation du :
27 Décembre 2019
JUGEMENT
rendu le 09 Juillet 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. LEVERNE PERE & FILS ENTREPRISE DE TERRASSEMENT
6 TER LA MORTOISERIE
89150 SAVIGNY SUR CLAIRIS
représentée par Maître Laure LE CHEVOIR de la SCP BOIVIN-LE CHEVOIR, avocats au barreau de SENS, vestiaire #
DÉFENDEURS
Monsieur [T] [D]
69 boulevard de Sébastopom
75002 PARIS
représenté par Maître Sophie BODDAERT de la SELEURL CABINET BODDAERT AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0923
Madame [I] [H]
116 rue de Javel
75015 PARIS
représentée par Maître Dominique DIALLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0363
Décision du 09 Juillet 2024
7ème chambre 1ère section
N° RG 20/01184 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRS5N
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Perrine ROBERT, Vice-Président
Monsieur Mathieu DELSOL, Juge
Madame Malika KOURAR, Juge
assistée de Marie MICHO, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 29 Avril 2024 tenue en audience publique devant Madame ROBERT, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé en audience publique
Contradictoire
en premier ressort
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues aux deuxième alinéa de l’article de l’article 450 du Code de procédure civile
Signé par Madame Perrine ROBERT, Présidente, et par Madame Marie MICHO, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [T] [D] et Madame [I] [H] ont, en qualité de maîtres d’ouvrage, fait procéder à des travaux de réhabilitation de leur propriété située au Lieudit Les Guinebaux à Piffonds (89).
Sont notamment intervenues à l'opération de construction :
- la société SCHEMAA, en qualité d’entreprise chargée de la maîtrise d'œuvre complète, assurée auprès de la MAF ;
- la société LEVERNE PERE & FILS, en qualité d’entreprise chargée des travaux.
Au titre de ces travaux, la société LEVERNE PERE & FILS a adressé à Monsieur [T] [D] et Madame [I] [H] plusieurs factures pour un montant total de 85 071,80 euros TTC qui n’ont pas été réglées en totalité.
Le 21 novembre 2018, Monsieur [T] [D] et Madame [I] [H] ont mis fin au pacte civil de solidarité (PACS) qui les unissait.
Par décisions des 22 novembre 2019 et 5 mars 2020, la commission de surendettement des particuliers de Paris a ouvert une procédure de surendettement au bénéfice de Monsieur [T] [D] et de Madame [I] [H].
Par décision du 24 juin 2020, la commission de surendettement a adopté un plan de redressement au bénéfice de Monsieur [D] incluant une dette au profit de la société LAVERNE correspondant à des factures de travaux d’un montant de 31 771 euros.
Par requête du 10 mai 2019, la société LEVERNE PERE & FILS a saisi le tribunal d’instance d’Auxerre d’une requête en injonction de payer à l’encontre de Monsieur [T] [D] à hauteur de 31 685,10 € TTC, lequel y a fait droit suivant ordonnance du 19 juillet 2019 signifiée à étude le 5 septembre 2019.
Monsieur [T] [D] a formé opposition à cette ordonnance le 8 octobre 2019 et par jugement du 27 décembre 2019, le tribunal de grande instance d’Auxerre s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris. Le dossier a été enregistré sous le RG n°20/01184.
Monsieur [T] [D] a ensuite, et par acte d’huissier de justice délivré le 2 octobre 2020, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris Madame [I] [H] en intervention forcée et garantie. Le dossier a été enregistré sous le RG n°20/09695 puis jointe à l’instance principale le 22 février 2021.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 12 avril 2022.
Entretemps, la société LEVERNE PERE & FILS a été dissoute le 29 novembre 2021, liquidée amiablement et radiée du registre du commerce et des sociétés le 9 mai 2022 suite à la clôture des opérations de liquidation.
Par jugement du 21 mars 2023, le Tribunal a, en considération de ces éléments, ordonné la révocation de la clôture prononcée et invité les parties à conclure sur la qualité à agir de la société LEVERNE PERE ET FILS.
*
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 15 juin 2021, la société LEVERNE PERE & FILS demande au tribunal de :
« Dire et juger la SARL LEVERNE Père et Fils tant recevable que bien fondée en ses demandes.
Par conséquent,
Condamner Monsieur [T] [D] solidairement avec Madame [I] [H] à payer à la SARLE LEVERNE Père et Fils la somme de 31.685,10 € au titre des factures impayées.
Condamner Monsieur [T] [D] solidairement avec Madame [I] [H] à payer à la SARL LEVERNE Père et Fils la somme de 3.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner Monsieur [T] [D] solidairement avec Madame [I] [H] aux entiers dépens en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile. »
A l’appui de ses demandes, la société LEVERNE PERE & FILS indique que Monsieur [T] [D] a reconnu lui être redevable des sommes qu’elle réclame ayant déclaré sa dette dans le cadre de la procédure de surendettement. Elle ajoute que certaines factures correspondent à des travaux complémentaires sollicités par les demandeurs et que les demandeurs qui sont tous deux propriétaires du bien dans lequel elle est intervenue, doivent être solidairement condamnés à lui régler le solde de ses factures.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 juin 2023, Monsieur [T] [D] demande au tribunal de :
« A titre principal
Prononcer l’irrecevabilité de l’ensemble des demandes de la société ENTREPRISE LEVERNE ET FILS pour défaut de capacité et de qualité à agir.
A titre subsidiaire,
Débouter la société ENTREPRISE LEVERNE PERE ET FILS de sa demande de condamnation de Monsieur [T] [D] au paiement de la somme de 31 685,10 euros, comme y étant mal fondée,
En tout état de cause,
Juger Monsieur [T] [D] recevable et bien fondé en ses demandes reconventionnelles, en y faisant droit,
Juger que Monsieur [T] [D] est recevable et bien fondé en sa demande d’intervention forcée de Madame [I] [H] dans la procédure actuellement pendante sous le numéro 20/01184 devant la 7ème Chambre 1ère Section du tribunal judiciaire de Paris, et engagée à son encontre par la société ENTREPRISE LEVERNE PERE ET FILS,
Juger que Madame [I] [H], en sa qualité de propriétaire indivise et de maître d’ouvrage des travaux confiés à la société ENTREPRISE LEVERNE PERE ET FILS sera tenue de garantir solidairement Monsieur [T] [D] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et de l’en relever indemne, dans le cadre de la procédure engagée par la société ENTREPRISE LEVERNE PERE ET FILS,
Condamner Madame [I] [H] ou tout autre succombant à payer à Monsieur [T] [D] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens, qui seront recouvrables par Maître Sophie BODDAERT.
Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »
A l’appui de ses demandes, Monsieur [T] [D] indique que la société LEVERNE PERE & FILS a perdu sa personnalité juridique à la date de sa dissolution, que les sommes réclamées par la société LEVERNE PERE & FILS ne correspondent pas aux devis acceptés et que la société LEVERNE PERE & FILS ne rapporte pas la preuve de l’exécution des travaux dans les règles de l’art et qu’il n’a jamais reçu de décompte de l’entreprise validé par le maître d’oeuvre. Il ajoute que l’existence d’un plan de surendettement incluant la dette alléguée par la société LEVERNE PERE & FILS n’équivaut pas à une reconnaissance de celle-ci.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 juin 2023, Madame [I] [H] demande au tribunal de :
“
Vu l’article 122 du code de procédure civile,
Vu l’article 370 du code de procédure civile,
Juger irrecevables les demandes de la demanderesse,
Subsidiairement,
- radier l’affaire du rôle,
Subsidiairement,
Vu les dispositions de l’article 1353 du code civil,
Vu les dispositions des articles 815-17 et 1873-15 du code civil,
Vu l’assignation en intervention forcée délivrée à la requête de Monsieur [T] [D] le 2 octobre 2020
Constater que la société ETABLISSEMENTS LEVERNE ne justifie pas de la créance alléguée à l’encontre de Madame [I] [H].
La débouter purement et simplement de toutes ses demandes.
Subsidiairement, constater que seule une condamnation à proportion de sa part indivise serait susceptible d’être prononcée contre la concluante.
En tout état de cause, la condamner à remettre à la concluante l’attestation justifiant de l’assurance décennale couvrant les travaux réalisés.
Débouter, en outre, Monsieur [T] [D] de ses demandes et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de Madame [I] [H], savoir :
- la solidarité d’une condamnation éventuelle
- l’indemnité au titre de l’article 700 du CPC,
Subsidiairement et si par impossible une condamnation devait être prononcée à l’encontre de Madame [I] [H],
Constater de même qu’eu égard à la situation d’indivision de Madame [I] [H] et de Monsieur [T] [D] dans la propriété du bien dans lequel ont été réalisés les travaux litigieux, seule une condamnation à proportion de la part de la concluante dans ledit bien pourrait éventuellement être prononcée.
Condamner la société ETABLISSEMENTS LEVERNE ET FILS à payer à Madame [I] [H] une somme de 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.
La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Dominique DIALLO, avocat aux offres de droit. »
A l’appui de ses demandes, Madame [I] [H] indique que la société LEVERNE PERE & FILS n’a plus, du fait de sa dissolution et de la clôture des opérations de liquidation amiable, la capacité d’ester en justice et conclut qu’elle doit en conséquence être déclarée irrecevable en ses demandes. Subsidiairement, elle sollicite la radiation de l’affaire du rôle des affaires en cours. Au fond, elle affirme qu’une partie des sommes réclamées par l’entreprise ne correspond pas aux devis qu’elle a acceptés, qu’elle n’a pas mentionné l’entreprise dans la liste des créances communiquée dans le dossier qu’elle a déposé auprès de la commission de surendettement. Elle indique enfin qu’elle ne peut être condamnée solidairement avec Monsieur [D] à payer une quelconque somme dès lors qu’existe entre eux une indivision et qu’elle ne peut être recherchée qu’individuellement.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
*
La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 25 septembre 2023.
MOTIFS
Sur la recevabilité des demandes
L’irrecevabilité est une fin de non-recevoir qui sanctionne, sans examen au fond, un défaut de droit d’agir tel que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée (article 122 du code de procédure civile).
L’article L.237-2 du code de commerce dispose que la société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention " société en liquidation ".
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci.
La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés.
Il en résulte que la personnalité morale d'une société dissoute subsiste aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.
A compter de la date de clôture de sa liquidation , la société ne peut plus être représentée que par un mandataire ad hoc désigné en justice.
En l’espèce, il est établi par l’extrait KBIS de la société LEVERNE PERE & FILS et le procès-verbal des décisions de l’associé unique du 31 décembre 2021 que cette société a été dissoute à compter du 29 novembre 2021, cette dissolution ayant ouvert une période de liquidation amiable clôturée le 31 décembre 2021. Cette clôture a elle-même entrainé la radiation de la société du registre du commerce et des sociétés le 9 mai 2022.
En l’espèce, l’action qui a été intentée par la société LEVERNE PERE & FILS en paiement du solde de son marché de travaux révèle que les droits et obligations résultant de ce contrat sont susceptibles de ne pas avoir été intégralement liquidés.
En conséquence et contrairement à ce qu’indiquent les parties défenderesses, la personnalité morale de la société LEVERNE PERE & FILS n’a pas disparu du fait de la clôture des opérations de liquidation amiable et de sa radiation du registre du commerce et des sociétés mais survit pour les besoins de la liquidation de ces droits et obligations.
Néanmoins, n’étant plus valablement représentée en justice notamment depuis la clôture des opérations de liquidation amiable, elle ne peut plus agir que par l’intermédiaire d’un mandataire ad’hoc désigné à la demande de toute personne y ayant un intérêt.
Or, aucun mandataire ad’hoc n’a été désigné en l’espèce de sorte que les demandes faites par la société LEVERNE PERE & FILS mais également les demandes formées à son encontre par Monsieur [D] et Madame [H] (demande de communication de pièces) sont irrecevables.
Sur la demande en garantie de Monsieur [T] [D]
Les demandes formées par la société E LEVERNE & FILS ayant été déclarées irrecevables, l’appel en garantie formé par Monsieur [D] à l’encontre de Madame [H] au titre des condamnations qui pourraient être prononcées à son égard au profit de la partie demanderesse sont sans objet.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il apparaît équitable de laisser à chaque partie les frais irrépétibles qu’elle a engagés dans la présente instance. Les parties seront déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie conservera en outre la charge des dépens qu’elle a engagés dans cette instance en application de l’article 696 du code de procédure civile. En l’absence de condamnation aux dépens, il n’y a pas lieu à application de l’article 699 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
Au regard du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, l’exécution provisoire de la présente décision est de droit (article 514 du code de procédure civile).
PAR CES MOTIFS
Le TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
DECLARE la société LEVERNE PERE & FILS irrecevable en ses demandes,
DECLARE Madame [I] [H] irrecevable en sa demande de communication de pièces,
DIT sans objet l’appel en garantie formé par Monsieur [T] [D],
REJETTE les demandes formées par les parties en indemnisation de leurs frais irrépétibles,
LAISSE à chaque partie la charge des dépens qu’elle a engagés dans la présente instance,
Fait et jugé à Paris le 09 Juillet 2024
Le Greffier Le Président
Marie MICHO Perrine ROBERT