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05/07/2024 | FRANCE | N°22/14876

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 2ème section, 05 juillet 2024, 22/14876


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre
2ème section


N° RG 22/14876 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYNOV

N° MINUTE : 6




Assignation du :
07 Décembre 2022









JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDERESSE

Madame [I] [B]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0625




DÉFENDERESSE

S.A. CRÉDIT LYONNAI

S
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Frédéric LEVADE de l’AARPI NMCG AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L007





Décision du 05 Juillet 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 22/14876 - N° P...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre
2ème section

N° RG 22/14876 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYNOV

N° MINUTE : 6

Assignation du :
07 Décembre 2022

JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDERESSE

Madame [I] [B]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Maude HUPIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0625

DÉFENDERESSE

S.A. CRÉDIT LYONNAIS
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Frédéric LEVADE de l’AARPI NMCG AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L007

Décision du 05 Juillet 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 22/14876 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYNOV

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles MALFRE, Premier Vice-Président adjoint
Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Alexandre PARASTATIDIS, Juge

assistés de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière

DÉBATS

À l’audience du 24 Mai 2024 tenue en audience publique devant Monsieur BOUJEKA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

_________________

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [I] [B], titulaire d’un compte ouvert dans les livres du Crédit Lyonnais, affirme avoir été contactée, le 27 août 2020, sur le réseau social Instagram par une personne qui lui a proposé un emploi dans une société de location de véhicules automobiles.

Cet interlocuteur aurait expliqué à Madame [B], d’après celle-ci, que les personnes louant les véhicules de la société devaient régler une caution, Madame [B] devant alors, dans le cadre de son emploi, percevoir les sommes correspondantes à ces cautions pour les reverser ensuite à cette société.

Il était en outre convenu, selon Madame [B], que celle-ci serait rémunérée selon un pourcentage prélevé sur les montants versés à titre de caution.

Madame [B] affirme encore avoir accepté cet emploi pendant la période de l’épidémie de la Covid, ajoutant avoir cru percevoir, dans le cadre de cette activité, un virement de 14.400 euros sur son compte ouvert au Crédit Lyonnais.

Après réception de cette somme, Madame [B] a effectué des virements vers un autre compte, numéro [XXXXXXXXXX08], au profit de Monsieur [H] [N] :
Le 11 septembre 2020, pour un montant de 2.500 euros ;Le 12 septembre 2020, pour un montant de 2.000 euros ;Le 13 septembre 2020, pour un montant de 900 euros ;Le 15 septembre 2020, pour un montant de 800 et 500 euros.
De plus, Madame [B] a effectué d’autres virements, à destination du compte numéro [XXXXXXXXXX07], au profit de Monsieur [L] [W] [C] :
Le 11 septembre 2020, pour un montant de 1.700 euros ;Le 12 septembre 2020, pour un montant de 200 euros et de 700 euros ;Le 13 septembre 2020, pour un montant de 700 euros ;Le 14 septembre 2020, pour un montant de 1.100 et 500 euros.
Elle indique encore que son compte a été prélevé à deux reprises, à chaque fois pour la somme de 400 euros.

Madame [B] expose avoir par ailleurs constaté, le 16 septembre 2020, un débit de 14.000 euros sur son compte et, après avoir pris attache avec sa banque, a reçu l’explication selon laquelle huit chèques de 1.800 euros avaient été déposés sur son compte le 10 septembre 2020, ces titres s’étant avérés être le fruit d’un vol.

Madame [B] ajoute encore avoir pris contact avec son employeur qui lui a répondu être responsable de cette situation car il n’avait pas signé les chèques, lui réclamant en outre la somme de 500 euros pour régler la difficulté.

S’étant abstenue de verser cette somme et n’ayant plus eu de contact avec son employeur, Madame [B] a considéré qu’elle avait été victime d’une escroquerie et déposé plainte le 17 septembre 2020.

C’est dans ce contexte que par acte du 7 décembre 2022, Madame [B] a fait assigner le Crédit Lyonnais en recherche de la responsabilité de cet établissement pour défaut de vigilance et, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 26 octobre 2023, demande à ce tribunal, au visa des articles 1103 et suivants et 1231-1 et suivants du code civil, L.561-5 et suivants du code monétaire et financier, de :
- La déclarer bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- Débouter le Crédit Lyonnais de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Juger que le Crédit Lyonnais a commis plusieurs fautes ;
- Juger que le Crédit Lyonnais n’a procédé à aucune vérification de l’identité du remettant des chèques frauduleux ;
- Juger que le Crédit Lyonnais n’a procédé à aucune vérification de la provision des chèques litigieux ;
- Condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 12.400 euros, au titre du préjudice matériel ;

- Condamner le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 3.000 euros, correspondant au préjudice moral subi ;
- Condamner le Crédit Lyonnais à payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le Crédit Lyonnais aux entiers dépens ;
- Ordonner l’exécution provisoire.

Par dernières écritures signifiées le 8 janvier 2024, le Crédit Lyonnais demande au tribunal de céans, au visa des articles L.561-6 et suivants du code monétaire et financier, de :
- Débouter Madame [I] [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Madame [I] [B] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Madame [I] [B] aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 26 avril 2024, l’affaire étant appelée à l’audience du 24 mai 2024 et mise en délibéré au 5 juillet 2024.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale
Madame [B] recherche la responsabilité du Crédit Lyonnais en prenant appui sur les dispositions des articles 1104 et 1231-1 du code civil. Pour soutenir que cet établissement a manqué à l’obligation de vigilance lui incombant, elle se prévaut plus précisément des dispositions des articles L.561-5, L.561-5-1, comme de celles de l’article L.561-6, du code monétaire et financier prévoyant la nature et les modalités des vérifications à accomplir par un établissement tel que le défendeur, tant au moment de l’entrée en relation avec un client qu’au cours de cette relation, ce devoir de vigilance s’inscrivant dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Elle affirme encore que le Crédit Lyonnais a manqué à l’obligation générale de vigilance lui incombant pour n’avoir pas décelé les anomalies apparentes affectant les opérations litigieuses.

Elle souligne que les montants des virements litigieux étaient inhabituels, à destination de bénéficiaires inconnus, effectués à destination de pays vers lesquels aucun mouvement de fonds de sa part n’avait jusque-là été enregistré, révélant par là même des anomalies apparentes que le banquier aurait dû déceler. Elle ajoute au compte de telles anomalies la faiblesse de ses revenus à la date d’encaissement des chèques sur son compte, précisant ne pas avoir été en mesure de déposer autant de chèques le même jour, la fréquence rapide d’opérations sur un compte qui en enregistrait fort peu jusque-là devant interpeller la banque, comme le dépôt de chèques sur son compte par un tiers. Elle ajoute que la banque aurait dû s’assurer de l’existence de la provision avant d’autoriser les virements litigieux. En réponse aux arguments adverses, elle précise que c’est la sophistication du montage d’escroquerie, conjuguée à la négligence de la banque, qui ont permis la fraude et non la négligence de la concluante qui, même négligente, a droit à une réparation en pareille circonstance. Elle allègue un préjudice matériel de 12.400 euros et un préjudice moral justifié par sa situation de fragilité importante durant la période de l’escroquerie qui était celle de l’épidémie Covid, qu’elle évalue à 3.000 euros.

En réplique, le Crédit Lyonnais sollicite le rejet de l’ensemble des demandes de Madame [B], en ce que celle-ci ne démontre pas l’existence des manquements dont elle se prévaut. Il souligne d’emblée que l’obligation spéciale de vigilance prévue en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme n’a pas pour finalité la protection d’intérêts particuliers, en l’occurrence du titulaire d’un compte bancaire, de telle sorte que c’est à tort que Madame [B] s’y réfère pour rechercher la responsabilité du concluant. À propos des chèques encaissés sur le compte de Madame [B], le Crédit Lyonnais précise être intervenu en qualité de banquier présentateur non-astreint à une quelconque obligation de vigilance, devant se borner à la vérification de la régularité formelle des chèques présentés au paiement, en particulier l’endos apposé sur pareil titre. Elle souligne que Madame [B] ne conteste pas l’endos des chèques litigieux dont elle produit des copies, les titres présentés ne comportant en outre aucune anomalie décelable par un préposé normalement diligent, quoi que les copies de ces titres, produites aux débats, soient de mauvaise qualité, devant être observé que l’ensemble des chèques en cause est bien libellé à l’ordre de « [B] [I] ». Elle considère comme inopérant l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 septembre 2019, cité par Madame [B], en ce que le chèque litigieux était libellé à l’ordre d’un bénéficiaire en sa qualité de professionnel administrateur judiciaire alors qu’il avait été remis à l’encaissement sur le compte personnel du bénéficiaire de telle sorte que l’anomalie était aisément décelable, contrairement à la situation présente, aucun manquement n’étant dès lors établi. Au sujet des virements contestés, le Crédit Lyonnais rappelle l’obligation de non-ingérence à laquelle il est tenu, soulignant que dans l’arrêt de la Chambre commerciale du 22 novembre 2011, cité par Madame [B], la solution n’est pas transposable, en ce que de nombreux mouvements sans justification apparente sont relevés alors que les virements effectués par Madame [B] étaient peu nombreux et leurs montants en corrélation avec la provision présente sur le compte. Il relève la particulière négligence de Madame [B] qui a accepté d’être démarchée par de parfaits inconnus, ce qui est établi par les déclarations qu’elle a faites dans sa plainte, acceptant un emploi sans connaissance de ses employeurs ni contrat, transmettant son relevé d’identité bancaire à des inconnus, affirmant avoir pensé qu’elle avait reçu un virement de 14.400 euros. Le Crédit Lyonnais affirme que les montants des chèques remis à l’encaissement par Madame [B] étaient, selon les conditions générales de banque, immédiatement crédités sur le compte de la bénéficiaire, ce qui constituait une avance dont le montant serait débité du compte en cas de non-paiement des chèques remis. Il ajoute que Madame [B] ne produit pas aux débats les relevés d’identité bancaire des deux destinataires des virements alors qu’elle devait en disposer, comme des échanges intervenus avec eux en relation avec le prétendu employeur qui aurait prélevé à deux reprises la somme de 400 euros sans dire comment. Il estime que Madame [B] est seule responsable de l’escroquerie dont elle dit avoir été victime, plus encore qu’elle ne démontre ni le moindre manquement du concluant, ni l’existence d’un préjudice matériel ou moral, de telle sorte que l’ensemble des demandes doit être rejeté.

Sur ce,

S’agissant des demandes de Madame [B] fondée sur les dispositions des articles L.561-5 et suivants du code monétaire et financier, ainsi que le relève justement le Crédit Lyonnais, Madame [B] ne saurait se prévaloir des dispositions du code monétaire et financier relatives aux obligations des banques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en ce que ces dispositions ne visent pas à protéger des intérêts privés.

En effet, il s'agit de règles professionnelles poursuivant un objectif d’intérêt général qui ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité civile.

Concernant les manquements du Crédit Lyonnais lors du dépôt des chèques litigieux sur le compte de Madame [B], si, sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n'a pas à procéder à de quelconques investigations sur l'origine et l'importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l'interroger sur l'existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu'aucun indice de falsification ne peut être décelé, elle doit, néanmoins, lorsqu'elle accepte de prendre un chèque à l'encaissement, s'assurer de l'identité du remettant et vérifier qu'il en est bien le bénéficiaire ou le mandataire régulier de celui-ci (Cass.Com., 25 sept. 2019, n° 18-15.965).

Au cas particulier, Madame [B] soutient ne pas avoir remis les chèques litigieux à l’encaissement, prétendant que leurs montants cumulés, lui avaient paru être le montant d’un virement de 14.400 euros.

En appui de ses prétentions, elle produit aux débats des copies recto et verso des huit chèques en litige, seul l’une d’entre elle étant lisible.

Il sera retenu que les titres en cause présentaient tous une apparence de régularité formelle, y compris l’endossement dont Madame [I] [B] ne dénie pas la signature, ainsi que le relève le Crédit Lyonnais.

Madame [B] se borne en effet à reprendre à son compte le motif de la contrepassation de ces titres, argués de vol par le Crédit Lyonnais, pour faire reproche à cet établissement d’avoir accepté en présentation pour encaissement des titres qu’elle prétend n’avoir pas remis.

Or pareil argument ne saurait prospérer dès lors que Madame [B] ne se prévaut pas de l’irrégularité des titres litigieux.

En outre, dans la plainte qu’elle a déposée le 17 septembre 2020, Madame [B] expose :
« Le vingt-sept août deux mille vingt, j’ai été contacté par un compte INSTAGRAM sous le pseudonyme [Courriel 6].
Cette dernière m’a proposé de travailler dans une société de location de voiture qui serait d’après ces dires la société SIXT RENT A CARS.
Elle m’a expliqué que lorsque des personnes louer les véhicules de leur société, les loueurs devaient payer une caution.
Elle m’a déclaré que mon rôle serait d’encaisser sur mon compte les cautions des locataires de véhicule avant de renvoyer la somme perçue sur le compte de la dite société afin que ces derniers ne paye pas d’impôt dessus.
Sur la somme que je récupérais, je pouvais garder un pourcentage avant de la renvoyer.
Le pourcentage dépendait de la somme que je recevais.
J’ai donc accepté le travail.
Je précise n’avoir signé aucun papier ni contract avec cette société.
La personne qui m’avait contacté m’a ensuite fourni son numéro de téléphone qui est le [XXXXXXXX01] afin de communiquer via le réseau social WHATSAPP.
Je lui ai ensuite fourni mon relevé d’identité bancaire avant de commercer les transferts d’argent. »

Il résulte de cette déclaration que Madame [B] a autorisé la remise sur son compte de sommes par des tiers afin de pouvoir les transférer ensuite à son prétendu employeur.

Si la demanderesse affirme avoir reçu un virement de 14.400 euros crédité sur son compte, pour ensuite transférer, sur la base de cette somme considérée comme provision, diverses autres sommes à des tiers, elle ne peut sérieusement prétendre avoir eu connaissance de la remise des chèques litigieux que, à tout le moins, le 16 septembre 2020, date de contrepassation de ces titres alors que le virement de 14.400 euros qu’elle dit avoir reçu le 10 septembre 2020 comporte la même date que celle de remise à l’encaissement des chèques litigieux.

Au demeurant, la déclaration faite par Madame [B] dans sa plainte ne précise pas les modalités de versement des « cautions » sur son compte, devant être observé qu’elle ne précise pas que le virement de 14.400 euros crédité sur son compte le 10 septembre 2020 fut un versement de caution.

De même, Madame [B] ne conteste pas que les chèques remis à l’encaissement sur son compte le 10 septembre 2020 consistaient dans des « cautions », la circonstance que ces titres aient été remis le même jour sans que la banque ne s’y oppose ne pouvant s’analyser en un défaut de vigilance de l’établissement qui, en vertu du devoir de non-ingérence lui incombant, n’a pas à contrôler le motif ou les rapports sous-jacents à la remise d’un chèque à l’encaissement.

Par suite, le grief tenant au défaut de vérification des chèques litigieux n’est pas fondé.

À propos du reproche fait par Madame [B] au Crédit Lyonnais d’avoir immédiatement inscrit les chèques remis à l’encaissement au crédit de son compte, il sera rappelé qu’en application de l’article L.131-67 du code monétaire et financier, la remise d'un chèque en paiement, acceptée par un créancier, n'entraîne pas novation.

S’il est par ailleurs d’usage établi que le montant d’un chèque présenté à l’encaissement voit son montant immédiatement inscrit au compte du remettant, réserve faite d’une contrepassation ultérieure en cas de défaut de provision ou d’un autre motif licite, il demeure que le banquier, auquel un chèque est remis à l'encaissement, s'il ne procède pas à son inscription en compte immédiatement, a l'obligation d'en prévenir son client, faute de quoi il engagerait sa responsabilité, sauf stipulations contractuelles contraires ou circonstances particulières.

En l’espèce, Madame [B] n’allègue ni ne démontre l’existence d’une clause contractuelle idoine ou d’une circonstance particulière justifiant que le Crédit Lyonnais ait été tenu de s’abstenir de créditer immédiatement sur son compte les chèques litigieux.

Par suite, le Crédit Lyonnais était fondé à créditer la somme de 14.400 euros, résultant des remises cumulées des chèques litigieux sur le compte de Madame [B], cette somme ayant pu servir de provision à des virements ordonnés par la suite par Madame [B] au profit de tiers postérieurement à la remise des chèques.

Il résulte des éléments qui précèdent que Madame [B] n’est pas fondée à reprocher au Crédit Lyonnais un manque de vigilance dans le traitement des chèques litigieux.

Quant aux virements effectués par Madame [B] à propos desquels la demanderesse querelle le manque de vigilance du Crédit Lyonnais, il sera rappelé que le banquier teneur de compte est astreint à un devoir de non-ingérence, lequel est limité par l’obligation générale de vigilance contraignant l’établissement à déceler les anomalies apparentes affectant les opérations de paiement effectuées depuis ledit compte.

Au cas particulier, Madame [B] ne conteste pas avoir donné elle-même les ordres de virement litigieux, de telle sorte qu’elle ne peut faire reproche au Crédit Lyonnais de n’avoir pas décelé de possibles anomalies apparentes de nature matérielle affectant ces paiements.

Or en vertu de ce devoir général de vigilance, sauf anomalie matérielle ou intellectuelle manifeste, la banque, du fait de son obligation de non-immixtion dans les affaires de son client, ne saurait questionner les opérations de paiement régulièrement effectuées par celui-ci, quel que soit le montant de ces opérations et leur opportunité, sauf à engager sa responsabilité en cas de refus d'exécuter lesdites opérations.

En réalité, les paiements en litige ne présentaient aucune anomalie puisque Madame [B] les a elle-même effectués, ne les ayant contestés qu'après avoir découvert l'escroquerie dont elle a indiqué avoir été victime.

En outre, les comptes destinataires étaient domiciliés en France et la circonstance que la banque n’a pas auparavant effectué des paiements vers ces comptes ne constitue pas une anomalie apparente.

Au demeurant, Madame [B] ne justifie nullement avoir informé le Crédit Lyonnais de l'objet réel de ces paiements.

Par suite, c'est par une démarche volontaire et délibérée que Madame [B] a effectué les opérations de paiement qu’elle conteste dans la présente instance.

Elle est donc mal fondée à rechercher la responsabilité du Crédit Lyonnais, en sa simple qualité de teneur de compte depuis lequel ces paiements ont été effectués, d'autant plus que Madame [B] n'a jamais informé la banque de la teneur réelle de ces opérations qu'elle était alors déterminée à effectuer du fait des rendements espérés.

En conséquence, Madame [B] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Sur les demandes annexes
Succombant, Madame [I] [B] sera condamnée aux dépens et à verser au Crédit Lyonnais la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la teneur de la décision, l’exécution provisoire sera écartée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE Madame [I] [B] de l’ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [I] [B] aux dépens et à verser au Crédit Lyonnais la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

ÉCARTE l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/14876
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;22.14876 ?
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