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05/07/2024 | FRANCE | N°20/07811

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 05 juillet 2024, 20/07811


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me ERIGNAC-GODEFROY et Me LIEGES COLBERT
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me LEFEVRE, Me LUTFALLA, Me EDOU,
Me STOEBER, Me LAMPE, Me THORRIGNAC, Me MÉHEUT




8ème chambre
3ème section

N° RG 20/07811
N° Portalis 352J-W-B7E-CSTVL

N° MINUTE :

Assignation du :
8 juillet 2020







ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

rendue le 5 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. STARLIGHT

91
[Adresse 9]
[Localité 17]

représentées par Maître Clarisse BAINVEL de la SELARL UGGC AVOCATS, avocate au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant, et par Maître Sophie ERIGNAC-...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me ERIGNAC-GODEFROY et Me LIEGES COLBERT
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me LEFEVRE, Me LUTFALLA, Me EDOU,
Me STOEBER, Me LAMPE, Me THORRIGNAC, Me MÉHEUT

8ème chambre
3ème section

N° RG 20/07811
N° Portalis 352J-W-B7E-CSTVL

N° MINUTE :

Assignation du :
8 juillet 2020

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

rendue le 5 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. STARLIGHT 91
[Adresse 9]
[Localité 17]

représentées par Maître Clarisse BAINVEL de la SELARL UGGC AVOCATS, avocate au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant, et par Maître Sophie ERIGNAC-GODEFROY de la SCP UGGC AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0261

DÉFENDEURS

Société ALLIANZ IARD, es qualité d’assureur de la SCI STARLIGHT 91
[Adresse 1]
[Localité 13]

représentée par Maître Emmanuèle LUTFALLA, avocate au barreau de PARIS, vestiaire #K0151

S.C.I. [Adresse 9]
[Adresse 6]
[Localité 11]

représentée par Maître Victor EDOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0021

S.A. GENERALI IARD, es qualité d’assureur de la S.C.I. [Adresse 9]
[Adresse 5]
[Localité 12]

représentée par Maître Nicolas STOEBER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0132

S.A. GESTEN
[Adresse 2]
[Localité 14]

représentée par Maître Julien LAMPE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R211

Société ALLIANZ IARD, es qualité d’assureur de la S.A. GESTEN
[Adresse 1]
[Localité 13]

représentée par Maître Bruno THORRIGNAC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0125

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], représenté par son syndic en la S.A.S. CABINET JUNEGE
[Adresse 4]
[Localité 10]

représenté par Maître Christian LEFEVRE, avocat au barreau de CRÉTEIL, vestiaire #PC385

S.A. AXA FRANCE IARD, es qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9]
[Adresse 7]
[Localité 15]

représentée par Maître Sabine LIEGES COLBERT, avocate au barreau de PARIS, vestiaire #E0279

PARTIES INTERVENANTES

Madame [S] [N] épouse [T]
[Adresse 9]
[Localité 17]

représentée par Maître Clarisse BAINVEL de la SELARL UGGC AVOCATS, avocate au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant, et par Maître Sophie ERIGNAC-GODEFROY de la SCP UGGC AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0261

S.A. Lloyd’s Insurance Company
[Adresse 8]
[Localité 3] (BELGIQUE)

représentée par Maître David MÉHEUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0429

MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT

Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge, assisté de Madame Léa GALLIEN, greffier

DÉBATS

A l’audience du 5 juin 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 5 juillet 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

En décembre 2015, la SCI Starlight 91 a dénoncé la survenance d'infiltrations d'eau dans l'appartement dont elle est propriétaire au troisième étage du bâtiment A d'un immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 17], en-dessous d'un appartement appartenant à la SCI [Adresse 9] lots 15 et 16.

Par ordonnance du 14 décembre 2016, le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé a ordonné la réalisation d'une expertise et désigné M. [Z] [F] en qualité d'expert judiciaire. Celui-ci a déposé son rapport définitif le 16 juillet 2018.

Par exploits d'huissier signifiés les 8 et 9 juillet 2020, la SCI Starlight 91 a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 9] à Paris, la SA Axa France IARD, la SA Allianz IARD, la société Gesten, la SA Generali IARD, la SCI [Adresse 9] lots 15 et 16 et les souscripteurs et syndicat du Lloyd’s de Londres devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par une ordonnance du 27 janvier 2023, le juge de la mise en état a notamment déclaré recevables les demandes formées par la SCI Starlight 91 à l'encontre de la SA Axa France IARD ; déclaré irrecevables les demandes formées par la SCI Starlight 91 à l'encontre de la société Lloyd’s Insurance Company ; déclaré irrecevables les demandes indemnitaires formées par la SCI Starlight 91 à l'encontre de la SA Allianz IARD et de la société Gesten, à l'exception de celles tendant à l'indemnisation d'une perte d'usage ; déclaré recevables les demandes formées par Mme [S] [N] (ép. [T]) à l'encontre de la société Lloyd’s Insurance Company ; déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [S] [N] (ép. [T]) à l'encontre de la SA Allianz IARD, de la société Gesten et de la SA Axa France IARD.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 28 février 2023, la SCI Starlight 91 et Mme [S] [N] (ép. [T]) forment les demandes suivantes :

o Sur l’indemnisation du préjudice matériel immobilier
Au principal :
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], la société AXA France IARD, en sa qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], à verser à la SCI STARLIGHT 91 la somme de 684.082,75 euros au titre de son préjudice matériel immobilier ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal ne retenait pas le chiffrage du préjudice tel que démontré par les concluantes :
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], la société AXA France IARD, en sa qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], à verser à la SCI STARLIGHT 91 la somme de 48.453,39 euros au titre de son préjudice matériel immobilier ;

o Sur l’indemnisation du préjudice matériel mobilier
Au principal :
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], ainsi que la société Lloyd's Insurance Company SA à verser à Madame [T] la somme de 200.300 euros au titre de son préjudice mobilier ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le Tribunal ne retenait pas le chiffrage du préjudice tel que démontré par les concluantes :
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], ainsi que la société Lloyd's Insurance Company SA à verser à Madame [T] la somme de 85.892,77 euros au titre de son préjudice mobilier ;

o Sur le préjudice immatériel
Au principal :
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], la société GESTEN, la compagnie ALLIANZ IARD en sa qualité d’assureur de GESTEN mais également en sa qualité d’assureur multirisques habitation de la SCI STARLIGHT, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], la société AXA France IARD, en sa qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], à verser à la SCI STARLIGHT 91 la somme de 537.445,19 euros au titre de son préjudice immatériel ;

A titre subsidiaire, si le Tribunal considérait que la SCI STARLIGHT ne peut se prévaloir d’un préjudice immatériel :
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9] à verser à Madame [T] la somme de 537.445,19 euros au titre de son préjudice immatériel ;

A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal considérait que la SCI STARLIGHT peut se prévaloir d’un préjudice immatériel mais conteste l’indemnisation sollicitée au principal :

- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], la société GESTEN, la compagnie ALLIANZ IARD en sa qualité d’assureur de GESTEN mais également en sa qualité d’assureur multirisques habitation de la SCI STARLIGHT, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], la société AXA France IARD, en sa qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], à verser à la SCI STARLIGHT 91 la somme de 125.000 euros au titre de son préjudice immatériel ;

A titre encore plus subsidiaire, si le Tribunal considérait que la SCI STARLIGHT ne peut se prévaloir d’un préjudice immatériel et conteste l’indemnisation sollicitée au principal :
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9] à verser à Madame [T] la somme de 125.000 euros au titre de son préjudice immatériel ;

En tout état de cause :
- DEBOUTER les défendeurs de l’ensemble des demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la SCI STARLIGHT 91 et de Madame [T] ;
- ASSORTIR les sommes allouées des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation ;
- ORDONNER la capitalisation des intérêts ;
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], la société GESTEN, la compagnie ALLIANZ IARD en sa qualité d’assureur de GESTEN mais également en sa qualité d’assureur multirisques habitation de la SCI STARLIGHT, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], la société AXA France IARD, en sa qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], ainsi que la société Lloyd's Insurance Company SA, à verser à la SCI STARLIGHT 91 et à Madame [T] la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la SCI [Adresse 9], la compagnie GENERALI IARD en sa qualité d’assureur de la SCI [Adresse 9], la société GESTEN, la compagnie ALLIANZ IARD en sa qualité d’assureur de GESTEN mais également en sa qualité d’assureur multirisques habitation de la SCI STARLIGHT, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], la société AXA France IARD, en sa qualité d’assureur du syndicat des copropriétaires du [Adresse 9], ainsi que la société Lloyd's Insurance Company SA, à verser à la SCI STARLIGHT 91 et à Madame [T] aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire.

Par ordonnance du 6 octobre 2023, le juge de la mise en état a notamment déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [S] [N] (ép. [T]) à l'encontre de la SCI [Adresse 9] lots 15 et 16, ainsi que les demandes indemnitaires formées par la SCI Starlight 91 à l'encontre de cette même société, à l'exception de celles tendant à l'indemnisation d'une perte d'usage. L'affaire a été renvoyée à la mise en état.

***

Par conclusions notifiées le 4 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 16] a saisi le juge de la mise en état afin que celui-ci déclare irrecevables les demandes formées à son encontre par Mme [S] [N] (ép. [T]), ainsi que les demandes indemnitaires formées par la SCI Starlight 91 – outre demandes au titre des dépens et frais irrépétibles.

Par conclusions notifiées le 5 février 2024, la société Axa France IARD a soulevé une fin de non-recevoir identique à celle de son assuré et demande également au juge de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes formées par la SCI Starlight 91 – outre demandes au titre des dépens et frais irrépétibles.

Par messages électroniques datés respectivement des 5 février 2024, 6 février 2024 et 4 juin 2024, les sociétés Gesten, Lloyd’s Insurance Company et Allianz IARD ont indiqué s'en rapporter à justice quant aux incidents soulevés.

Par conclusions notifiées le 4 juin 2024, Mme [S] [N] (ép. [T]) et la SCI Starlight 91 ont répliqué sur l'incident et concluent à la recevabilité de leurs demandes – outre demandes en paiement de dommages et intérêts, ainsi qu'au titre des dépens et frais irrépétibles.

***

L’affaire a été appelée par le juge de la mise en état à l’audience de plaidoiries du 5 juin 2024, durant laquelle les débats se sont tenus. La décision a été mise en délibéré au 5 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 789 du code de procédure civile dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

6° Statuer sur les fins de non-recevoir  ; »

1 – Sur la recevabilité

L’article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

A – Sur les demandes formées par Mme [S] [N] (ép. [T])

En application des articles 2222 et 2224 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent désormais par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

*

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires conteste la recevabilité des demandes formées à son encontre par Mme [S] [N] (ép. [T]), faisant principalement valoir que celles-ci seraient prescrites par l'écoulement d'un délai de cinq ans à compter de la survenance des désordres, et que le juge de la mise en état a déjà statué en ce sens par ordonnances du 27 janvier 2023 et 6 octobre 2023.

Comme il a été précédemment jugé, la prescription quinquennale a débuté son cours le 19 décembre 2015, date à laquelle les demandeurs étaient en mesure d'exercer leur action, puis a été interrompue par le prononcé de l'ordonnance désignant l'expert judiciaire le 14 décembre 2016. La SCI Starlight 91 a formé ses demandes par exploits d'huissier signifiés les 8 et 9 juillet 2020, et Mme [S] [N] (ép. [T]) a formé ces mêmes demandes par conclusions notifiées le 26 août 2021.

En conséquence, il apparaît que les demandes formées par Mme [S] [N] (ép. [T]) à l'encontre du syndicat des copropriétaires sont atteintes par la prescription, et devront donc déclarées irrecevables.

B – Sur les demandes formées par la SCI Starlight 91

Les articles 31 et 32 du code de procédure civile disposent que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.

L'intérêt à agir est usuellement défini comme une condition de recevabilité de l’action consistant dans l’avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge du bien-fondé de sa prétention. Il doit être personnel, direct, né et actuel, et il n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action. L'intérêt qu'a une partie à exercer une action est apprécié souverainement par les juges du fond, au jour de l'introduction de la demande en justice, et sans tenir compte de circonstances postérieures qui l'auraient rendue sans objet.

Il résulte de ces dispositions qu'il ne peut être exigé du demandeur qu'il démontre d’une légitimité ou d'une certitude d'un intérêt à agir : le défaut d'intérêt s'entend d'une absence objective d'intérêt à agir, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le fond du litige.

*

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires et son assureur la société Axa France IARD contestent la recevabilité des demandes formées à leur encontre par la SCI Starlight 91, faisant principalement valoir que celle-ci serait dépourvue d'intérêt et de qualité à agir, dès lors qu'elle aurait subrogé son assureur dans ses droits et qu'une personne morale ne peut revendiquer avoir subi un préjudice de jouissance.

Il est relevé que la société Axa France IARD apparaît se joindre au présent incident afin d'appuyer l'argumentation de son assuré, dans la mesure où il a d'ores et déjà été statué sur la recevabilité des demandes formées à son encontre par ordonnance du 27 janvier 2023.

La société Axa France IARD soutient tout d'abord que la SCI Starlight 91 ne justifie pas d'un intérêt et d'une qualité à agir à son encontre, car elle ne justifierait pas avoir subi un préjudice personnel et direct. Toutefois, il est de jurisprudence constante que la démonstration de l'existence d'un préjudice n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès. Il ne peut ainsi être fait grief à la SCI Starlight 91, en invoquant un défaut de qualité, de ne pas justifier devant le juge de la mise en état de l'existence d'un préjudice personnel et direct.

Le syndicat des copropriétaires et son assureur se prévalent ensuite des termes des ordonnances du 27 janvier 2023 et 6 octobre 2023, par lesquelles le juge de la mise en état a considéré que la SCI Starlight 91 a subrogé son assureur dans ses droits et ainsi perdu sa qualité à agir à l'encontre des tiers qu'elle estime responsables, sauf pour réclamer indemnisation au titre d'un trouble de jouissance.

Il est renvoyé sur ce point aux motifs de l'ordonnance rendue le 27 janvier 2023, qui relève que l'assureur Allianz IARD a produit aux débats une « quittance d'indemnité » datée du 19 février 2019 et comportant la signature manuscrite de Mme [S] [N] (ép. [T]), agissant en son personnel ainsi qu'en qualité de gérante de la SCI Starlight 91.

Aux termes de ce document, les demanderesses déclarent accepter de la SA Allianz IARD la somme de 346 392,51 euros à titre « d'indemnité contractuelle immédiate définitive au titre des dommages affectant les parties privatives immobilières ; les embellissements ; les pertes et frais divers hors perte d'usage ». Elles y certifient en outre ne pas avoir été indemnisées préalablement pour les mêmes préjudices et « s'engagent à n'exercer aucun recours contre les tiers, qui, par leur fait, ont causé le dommage, objet de la présente indemnité ».

Enfin, elles reconnaissent l'effet subrogatoire du paiement effectué par l'assureur (« je tiens la compagnie Allianz IARD quitte et valablement déchargée à ce titre et en tant que de besoin, la subroge au titre des droits et actions dont je dispose à l'encontre des tiers responsables et leurs assureurs »).

Par conséquent, en application des articles 1364-1 du code civil et L. 121-2 du code des assurances, il apparaît que la SCI Starlight 91 et Mme [S] [N] (ép. [T]) ont subrogé leur assureur dans leurs droits et ont ainsi perdu leur qualité à agir à l'encontre des tiers qu'elles estiment responsables, à l'exception de leur action en indemnisation d'un trouble de jouissance.

Les demandes indemnitaires formées par la SCI Starlight 91 à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de la société Axa France IARD, ès qualités, seront ainsi déclarées irrecevables, à l'exception de celles tendant à l'indemnisation d'une perte d'usage.

2 – Sur les demandes indemnitaires

L'article 123 du code de procédure civile dispose que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt ».

Les demanderesses à l'instance forment une demande reconventionnelle à l'encontre du syndicat des copropriétaires et de la société Axa France IARD, à qui elles reprochent d'avoir engagé tardivement une procédure d'incident dès lors que des moyens identiques avaient déjà été soulevés par d'autres parties à deux reprises devant le juge de la mise en état.

Il doit tout d'abord être relevé à nouveau que la société Axa France IARD avait d'ores et déjà soulevé un incident par voie de conclusions le 8 novembre 2022, si bien qu'il ne peut lui être reproché d'avoir agi tardivement.

En revanche, alors que le syndicat des copropriétaires est partie à l'instance depuis son introduction, que les premières conclusions d'incident ont été notifiées par la société Lloyd’s Insurance Company le 15 juin 2021, et qu'il a d'ores et déjà été statué par deux fois sur des moyens identiques par le juge de la mise en état, il apparaît que le syndicat des copropriétaires s'est abstenu de les soulever plus tôt dans une intention dilatoire.

Il sera ainsi condamné au paiement de la somme de 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts.

3 – Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Le syndicat des copropriétaires ayant agi tardivement, dès lors qu'il a d'ores et déjà été statué par deux fois sur un incident en tous points similaires, il convient de lui faire supporter la charge des dépens engagés pour l'incident.

- Sur les frais exposés non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Tenu aux dépens, le syndicat des copropriétaires sera condamné à indemniser les demandeurs à l'instance des frais irrépétibles qu'ils ont dû engager pour cette procédure d'incident, et ce à hauteur de la somme de 1 000,00 euros.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, publiquement et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE irrecevables les demandes formées par Mme [S] [N] (ép. [T]) à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 9] à [Localité 16] ;

DÉCLARE irrecevables les demandes formées par la SCI Starlight 91 à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 9] à Paris et de la société Axa France IARD, à l'exception de celles tendant à l'indemnisation d'une perte d'usage ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [S] [N] (ép. [T]) et la SCI Starlight 91 (ensemble) la somme de 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

DÉBOUTE Mme [S] [N] (ép. [T]) et la SCI Starlight 91 de leur demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la société Axa France IARD ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires au paiement des dépens de l'incident ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [S] [N] (ép. [T]) et la SCI Starlight 91 (ensemble) la somme de 1 000,00 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour l'incident ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 2 octobre 2024 à 10 heures, pour toutes conclusions en réplique aux dernières écritures notifiées sur le fond du litige ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire à titre provisoire.

Faite et rendue à Paris, le 5 juillet 2024.

Le greffier Le juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 20/07811
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Autres décisions ne dessaisissant pas la juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;20.07811 ?
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