TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
9ème chambre
2ème section
N° RG 20/05026 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CSF3Z
N° MINUTE : 4
Assignation du :
18 Mai 2020
JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDERESSE
Madame [A] [T] veuve [J], représentée par son curateur Monsieur [X] [K] [W]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Maître Christophe RÉLU de l’ASSOCIATION LOMBARD, BARATELLI ASTOLFE & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0183
DÉFENDEURS
Monsieur [I] [N] [V] [M] [R]
[Adresse 8]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Maître Bérengère LAGRANGE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0800
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/024731 du 20/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître Dominique FONTANA de la SELARL DREYFUS FONTANA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0139
Décision du 05 Juillet 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 20/05026 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSF3Z
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Gilles MALFRE, Premier Vice-Président adjoint
Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Alexandre PARASTATIDIS, Juge
assistés de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière
DÉBATS
À l’audience du 24 Mai 2024 tenue en audience publique devant Monsieur BOUJEKA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 05 Juillet 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
___________________
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant convention en date du 3 avril 2015, Madame [A] [T], veuve [J], ci-après Madame [J], a ouvert dans les livres de la Société Générale agence « Croix Rouge » de Paris, un compte dit « de particulier individuel » numéro 00050745962 42.
Le même jour, elle a donné une procuration générale à Monsieur [I] [M] [R] et adhéré au service « banque en ligne » proposé par le même établissement.
Le 20 octobre 2016, Madame [J] a, par lettre recommandée avec accusé de réception et télécopie, fait état auprès de la Société Générale de manipulations informatiques sur son compte imputables à Monsieur [M] [R], à l’origine de plusieurs virements pour un montant de 43.000 euros dont elle a sollicité l’annulation.
Ce même jour, elle a déposé une plainte à l’encontre de Monsieur [M] [R], notamment pour abus de confiance sur une personne vulnérable.
Le 24 octobre 2016, la Société Générale a enregistré une opposition sur 13 chèques adossés au compte de Madame [J] à la Société Générale, motivant sa démarche par des vols commis par Monsieur [M] [R].
Le 5 décembre 2017, le juge des tutelles près le tribunal de grande instance de Lisieux a, par jugement, placé sous curatelle Madame [J], en désignant comme curateur le fils de l’intéressée, Monsieur [X] [K] [W].
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 octobre 2018, le conseil de Madame [J] a fait état, auprès de la Société Générale de ce que cet établissement avait manqué à son obligation de vigilance et d’informations à l’origine de détournements frauduleux par Monsieur [M] [R] pour la somme totale de 180.215,47 euros et mis en demeure la banque de rembourser, sous huitaine, cette somme, à sa cliente.
C’est dans ce contexte que par exploit d’huissier de justice du 18 mai 2020, Madame [J] a fait assigner la Société Générale et, aux termes de cet acte introductif d’instance, demande à ce tribunal, au visa des articles 1231-1 du code civil, L. 131-38, L. 131-2, et L. 131-3 du code monétaire et financier, de :
- Condamner la Société Générale à lui verser la somme totale de 180.215,47 euros correspondant à l'ensemble des débits frauduleux effectués sur son compte ;
- Ordonner que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date des débits apparus sur les comptes, ce jusqu'au remboursement des sommes détournées ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- Condamner la Société Générale à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral.
En tout état de cause,
- Condamner la Société Générale au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société Générale aux entiers dépens dont distraction, au profit de Maître Christophe Rélu ;
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie.
Par acte du 15 février 2021, la Société Générale a fait assigner Monsieur [M] [R] devant ce tribunal, afin que celui-ci la garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre dans la présente instance.
Par jugement en date du 12 mai 2021, le tribunal correctionnel de Paris (n° parquet 163230000749) a déclaré Monsieur [M] [R] coupable notamment de faux et usage de faux en écriture, abus de confiance sur une personne vulnérable en récidive, usage de chèques contrefaisants ou falsifiés et l’a notamment condamné à un emprisonnement de cinq ans dont deux ans de sursis probatoire.
Par ordonnance du 21 mai 2021, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des instances opposant d’une part, Madame [J] à la Société Générale et d’autre part, cet établissement à Monsieur [M] [R].
Par une autre ordonnance rendue le 6 janvier 2023, le juge de la mise en état près ce tribunal a :
- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion partielle des demandes de Madame [J] opposée par la Société Générale et Monsieur [M] [R] ;
- Renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état de la 2ème section de la 9ème chambre de ce tribunal du vendredi 10 mars 2023 à 9h30, Madame [J] devant avoir signifié des conclusions au fond avant cette date ;
- Réservé les dépens et les demandes formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières écritures signifiées le 8 février 2024, Madame [J] demande à ce tribunal, au visa des articles 1231-1 et 1937 du code civil, L.561-5, L.131-19 et L.131-38 du code monétaire et financier, de :
- L’accueillir en ses demandes, fins et conclusions, la dire bien fondée et recevable ;
- Débouter la Société Générale de l’intégralité de ses demandes ;
- Débouter [I] [M] [R] de l’intégralité de ses demandes ;
- Dondamner la Société Générale à lui verser la somme de 106.387,95 euros au titre des chèques revêtus d’une fausse signature et libellés à l’ordre de [I] [M] [R] ;
- Condamner la Société Générale à lui verser la somme de 27.827,52 euros au titre des chèques frauduleusement signés par [I] [M] [R] pour ses dépenses personnelles ;
- Condamner la Société Générale à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de retraits d’espèce par chèque frauduleusement réalisés par [I] [M] [R] ;
- Condamner la Société Générale à lui verser la somme de 43.000 euros au titre des virements bancaires frauduleusement réalisés par [I] [M] [R] ;
- Ordonner que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la date des débits apparus sur les comptes, ce jusqu’au remboursement des sommes détournées ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- Condamner la Société Générale à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation de son préjudice moral,
En tout état de cause,
- Condamner la Société Générale à verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société Générale aux entiers dépens dont distraction, au profit de Maître Christophe Rélu ;
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie.
Par ses dernières écritures signifiées le 23 avril 2024, la Société Générale demande à ce tribunal de :
- Déclarer Madame [A] [T], veuve [J], mal fondée en ses demandes.
En conséquence,
- L’en débouter.
- Condamner in solidum Madame [A] [T], veuve [J], et Monsieur [I] [M] [R] à payer à Société Générale la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Subsidiairement,
- Déclarer la Société Générale recevable et bien fondée en ses demandes à l’encontre de Monsieur [I] [M] [R].
- Condamner Monsieur [I] [M] [R] à garantir Société Générale de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de Madame [A] [T], veuve [J].
- Condamner Monsieur [I] [M] [R] à payer à Société Générale la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
- Écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir en application de l’article 514-1 du code de procédure civile dans l’hypothèse où le tribunal ferait droit aux demandes de Madame [A] [T], veuve [J].
- Condamner in solidum Madame [A] [T] veuve [J] et Monsieur [I] [M] [R] aux entiers dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Par dernières écritures signifiées le 22 décembre 2023, Monsieur [M] [R] demande à ce tribunal, au visa des articles L.131-1 et suivants du code monétaire et financier, 514 et suivants, 695 et suivants du code de procédure civile, de :
- L’accueillir en ses conclusions, et les déclarer recevables et bien fondées.
- Débouter la Société Générale de toutes ses demandes et arguments dirigés contre lui comme étant mal fondés,
Subsidiairement,
- Limiter le montant de l’éventuelle garantie mise à sa charge en écartant la somme de 25.729,52 euros ayant servie à régler des dépenses personnelles de Madame [J],
- Statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
La clôture a été prononcée le 26 avril 2024, l’affaire étant appelée à l’audience du 24 mai 2024 et mise en délibéré au 5 juillet 2024.
Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes principales
Sur l’obligation spéciale de vigilance
Madame [J] se prévaut, à l’encontre de la Société Générale, des dispositions de l’article L.561-5 du code monétaire et financier, ce texte prévoyant notamment un certain nombre d’obligations à la charge des prestataires de services de paiement tant à l’occasion de l’ouverture d’un compte que durant le fonctionnement de ce compte, ces obligations consistant notamment à recueillir des informations sur l’identité du client et l’origine des fonds transitant par le compte, ces informations devant être actualisées régulièrement. Elle précise que la banque n’a pas rempli ces obligations sans pouvoir se réfugier derrière l’obligation de non-ingérence lui incombant.
En réplique, la Société Générale se prévaut de la jurisprudence pour soutenir qu’un particulier, en l’occurrence Madame [J], ne peut se prévaloir des dispositions du code monétaire et financier relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme pour réclamer des dommages-intérêts à un établissement bancaire à qui il fait reproche du non-respect de cette réglementation.
Sur ce,
Il est de principe qu’un particulier ne peut se prévaloir des dispositions du code monétaire et financier relatives aux obligations des banques en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, en ce que ces dispositions ne visent pas à protéger des intérêts privés.
En effet, il s'agit de règles professionnelles poursuivant un objectif d’intérêt général qui ne peuvent servir de fondement à une action en responsabilité civile.
Par conséquent, les griefs de Madame [J], reposant sur des manquements, à les supposer établis, de la Société Générale à pareilles obligations, sont mal fondés et seront en conséquence rejetés.
Sur l’obligation générale de vigilance lors de l’ouverture et le fonctionnement du compte
Madame [J] reproche à la Société Générale divers manquements à l’obligation contractuelle de vigilance lui incombant, tant au moment de l’ouverture du compte que du fonctionnement de celui-ci. Elle rappelle à cet égard qu’en page 27, § E des conditions générales de la convention de compte, la Société Générale s’est réservée le droit de ne pas agréer un mandataire ayant procuration sur le compte en considération de motifs liés à la capacité, au discernement du titulaire du compte. Selon Madame [J], la Société Générale ne peut se retrancher derrière l’obligation de non-ingérence pour se soustraire à un tel engagement. Elle précise être atteinte de troubles de comportement depuis plusieurs années antérieurement à l’ouverture de son compte à la Société Générale, troubles qui l’ont conduite à être placée sous curatelle renforcée le 5 décembre 2017 et sur la base desquels la Société Générale l’a, au regard des conséquences sur la gestion de ses avoirs, inscrite au Fichier des Incidents de Paiement. Elle souligne que la Société Générale n’a pas procédé à toutes les vérifications nécessaires sur sa capacité alors qu’elle était présente le 3 avril 2015 lors de l’ouverture du compte et de l’octroi d’une procuration à Monsieur [M] [R]. Elle indique que le simple courrier d’accueil que lui a envoyé la banque ne suffit pas à attester de l’obligation de vérification par la banque du domicile de son nouveau client, ce d’autant plus que la Société Générale reconnaît que la concluante vivait à l’époque principalement au Maroc, l’adresse mentionnée par la banque lors de l’ouverture du compte, située [Adresse 4] dans le [Localité 5], n’étant pas évoquée avec pertinence pour soutenir que les relevés du compte étaient régulièrement reçus par la concluante. Elle ajoute que sa carte de séjour et son permis de conduire, l’une et l’autre délivrés au Maroc en mars 2016, démontrent qu’elle vivait dans ce pays à l’époque des détournements commis par Monsieur [M] [R]. La défaillance de la banque dans les vérifications préalables à l’ouverture du compte s’est aggravée, selon la concluante, par l’ouverture, quatre jours après, d’un compte dans la même agence au profit de Monsieur [M] [R] pour recevoir une partie des fonds détournés. Elle indique que le 11 janvier 2016, la banque a fait passer le découvert autorisé sur son compte de 9.000 à 15.000 euros sans son accord et à la demande de Monsieur [M] [R] sans que la banque puisse se prévaloir de ce que la concluante était informée de la situation dans la mesure où celle-ci ne recevait pas de relevé de compte. Elle précise que les mails par lesquels Monsieur [M] [R] prétend lui avoir transmis des relevés ne démontrent rien, en ce que les documents communiqués ont été sélectionnés de manière à exclure ceux contenant des opérations litigieuses. À l’argument adverse de la Société Générale affirmant qu’elle aurait commis des fautes dans le suivi du compte, Madame [J] observe que Monsieur [M] [R] est parvenu, par stratagème et par ruse, à prendre possession des comptes de la concluante qui ne lui a pas délivré de son plein gré les éléments permettant d’y accéder, ajoutant que la jurisprudence retient que la faute de la victime ne peut être caractérisée par le seul fait qu’un tiers ait pu avoir connaissance de ses codes personnels.
En réplique, la Société Générale conteste tout manquement, estimant s’être conformée aux dispositions de l’article R.312-2 du code monétaire et financier au moment de l’ouverture du compte en vérifiant l’identité et le domicile de Madame [J]. À cet égard, elle expose que Madame [J] lui a communiqué comme adresse le [Adresse 4], justificatif de domicile à l’appui, adresse à laquelle devait être expédiée la lettre d’accueil qui n’est pas revenue au destinataire, la demanderesse n’ayant jamais communiqué une adresse au Maroc ni ailleurs. Elle ajoute que dans le mois suivant l’ouverture du compte, l’autorisation de découvert a été ramenée à 1.000 euros, ce qui démontre que Madame [J] était informée de la situation de ses comptes, notamment au moyen de l’abonnement au service « banque à distance ». Elle ajoute que Madame [J] a reconnu lors de l’instruction être particulièrement généreuse, faisant montre d’une grande prodigalité vis-à-vis de ses proches. Elle souligne que Madame [J] a fait montre de légèreté en confiant la gestion de ses moyens de paiement à un tiers, ce qui justifie qu’elle soit déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Sur ce,
Aux termes de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable, « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
En application de ce texte, le banquier est astreint à un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, réserve faite du devoir général de vigilance lui incombant tant à l’occasion de l’ouverture que du fonctionnement d’un compte bancaire.
Au cas particulier, il est constant que Madame [J] a ouvert un compte de particulier auprès de la Société Générale selon convention en date du 3 avril 2015.
Ce même jour, Madame [J] a signé, au profit de Monsieur [M] [R], une procuration ainsi libellée :
« J’autorise / Nous autorisons les opérations suivantes :
- Verser toutes sommes ;
- Remettre au crédit tous chèques ;
- Souscrire, se faire délivrer et utiliser tous moyens de paiement susceptibles de faire fonctionner le compte et notamment :
- des formules de chèques,
- des cartes de paiement, de retrait ou de crédit, qu’elles soient établies à mon / notre nom ou à celui de mon / notre mandataire, étant rappelé que l’usage de la carte est strictement réservé à son titulaire ;
- Retirer toutes sommes ; signer tous ordres de virement d’espèces ou ordres de paiement ; signer, endosser et acquitter tous chèques ;
- Signer tous reçus, quittances ;
- Conclure et utiliser éventuellement toutes avances et crédits consentis auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ou des sociétés de son groupe, constituer au profit de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ou des sociétés de son groupe, toutes garanties mobilières et immobilières pour sûreté de tous engagements ;
- Traiter toutes opération de change ;
- Enfin, faire fonctionner le(s) compte(s) susvisé(s), user de tous les services financiers ou de banque à distance et, à cet effet, souscrire tous contrats y afférents comme je pourrais le faire moi-même, lui donnant pour se faire mes pleins et entiers pouvoirs ;
- Consulter et se faire communiquer toutes pièces et tous renseignements concernant mon compte susvisé, sans exception ni réserve.
Le mandataire ne pourra procéder ni à la clôture du (des) compte(s) ni à son (leur) transfert dans une autre agence SOCIÉTÉ GÉNÉRALE.
La présente procuration pour l’exécution de laquelle le mandataire ne pourra se substituer un tiers prend effet à compter de sa signature et demeure valable jusqu’à réception, le cas échéant, par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, de la notification écrite et datée de sa révocation expresse. La procuration prendra également fin en cas de décès du mandant. »
Ceci étant rappelé, la Société Générale produit aux débats un passeport de Madame [J] délivré par la Préfecture de Police de Paris le 13 août 2014, mentionnant comme adresse de la récipiendaire le [Adresse 4] dans le [Localité 5]. La Société Générale produit également une quittance EDF établie le 23 février 2015 aux deux noms de Madame [J] et de Monsieur [M] [R], indiquant comme adresse le [Adresse 4], dans le [Localité 5].
Au regard de ces pièces, c’est à tort que Madame [J] soutient n’avoir jamais résidé au [Adresse 4] dans le [Localité 5], devant être relevé que l’intéressée n’allègue pas que ces documents fussent faux ou falsifiés.
La circonstance que Monsieur [M] [R] a résidé seul à cette adresse, à supposer le fait établi, est indifférente dès lors qu’il n’est pas sérieusement contesté que Madame [J] l’a indiquée comme celle vers laquelle devait être adressée sa correspondance avec la Société Générale.
En outre, si Madame [J] prétend, permis de conduire et carte de séjour établis par les autorités du Maroc à l’appui, avoir résidé dans ce dernier pays au jour de l’ouverture du compte et pendant la durée de son fonctionnement, elle ne démontre pas que la Société Générale a été informée de cet état de fait dont l’établissement bancaire conteste au demeurant avoir eu connaissance.
De plus, la Société Générale produit aux débats une copie de la « lettre d’accueil » que tout établissement bancaire doit envoyer à son client lors de l’ouverture d’un compte, le défaut de retour de cette lettre étant considéré comme attestant la véracité de l’adresse donnée par le client.
L’argument de Madame [J] tenant à ce qu’elle ne résidait pas à l’adresse de destination de cette lettre, en l’occurrence le [Adresse 4] dans le [Localité 5], caractérisant, selon elle, le manque de vigilance de la banque, ne peut prospérer dès lors que l’absence de retour de la lettre en question n’est ni alléguée, ni démontrée.
Par ailleurs, si Madame [J] reproche à la Société Générale, tant à la date de l’ouverture du compte que durant le fonctionnement de celui-ci, de n’avoir pas décelé que ses capacités étaient diminuées, ainsi que son discernement, elle ne démontre pas que la Société Générale a été informée d’une telle situation, devant être observé que la décision de placement de l’intéressée sous curatelle n’a été prise que le 5 décembre 2017, soit près de 14 mois après le déroulement des derniers actes frauduleux à propos desquels la demanderesse reproche un manque de vigilance à la Société Générale.
Par suite, il est établi que la Société Générale a accompli les diligences qui lui incombaient dans l’ouverture du compte ouvert dans ses livres par Madame [J].
À propos plus spécifiquement du fonctionnement du compte, si Madame [J] fait reproche à la Société Générale d’avoir autorisé, le 11 janvier 2016 et sans son accord, Monsieur [M] [R] à relever de 9.000 à 15.000 euros le découvert autorisé sur son compte, il sera retenu, d’une part que Monsieur [M] [R], en vertu de la procuration dont les termes ont été rappelés plus avant, était habilité par Madame [J] à effectuer seul pareilles opérations, d’autre part que, par son adhésion au service « banque en ligne » proposé par la Société Générale, Madame [J] était en mesure dès le relèvement de ce plafond, de s’y opposer, plus encore de révoquer à sa discrétion la procuration donnée à Monsieur [M] [R].
Par ailleurs, si Madame [J] affirme n’avoir pas été en mesure de recevoir les relevés du compte pour vérifier les opérations s’y déroulant, il sera rappelé qu’ayant donné l’adresse du [Adresse 4] dans le [Localité 5], comme lieu de réception de ses relevés, elle devait nécessairement les y avoir reçus et en l’absence d’une telle réception, s’en ouvrir auprès de la Société Générale, devant être précisé qu’en cas de changement d’adresse, il lui incombait de porter ce changement à l’attention de la Société Générale.
De plus, le service « banque en ligne » devait nécessairement lui permettre d’accéder à ses relevés.
Au demeurant, Madame [J] indique, dans ses dernières écritures, que Monsieur [M] [R] est parvenu, par stratagème et par ruse, à prendre possession de ses comptes et que ce n’est pas de son plein gré qu’elle lui a confié les éléments lui permettant d’y accéder.
Ainsi, la demanderesse reconnaît elle-même que l’appropriation frauduleuse des fonds placés dans son compte résulte de manœuvres illicites de Monsieur [M] [R], devant être en outre retenu que l’intéressée, loin d’attribuer l’accès à son compte bancaire à un manquement de la Société Générale, reconnaît avoir fourni les informations nécessaires à cet accès à Monsieur [M] [R].
Il résulte des éléments qui précèdent que Madame [J] échoue à démontrer que la Société Générale a manqué à l’obligation générale de vigilance lui incombant au moment de l’ouverture et durant le fonctionnement du compte en litige et ses demandes afférentes seront en conséquence rejetées.
Sur le défaut de vérification des chèques litigieux
Madame [J] estime, en se prévalant de la procédure pénale engagée à l’encontre de Monsieur [M] [R], que 22 formules de chèques lui appartenant ont été remplies par celui-ci en imitant grossièrement la signature de la concluante, dont seize libellés à l’ordre de Monsieur [M] [R] pour un montant total de 106.387,95 euros et six autres signés par le même pour payer ses dépenses personnelles pour un montant total de 27.827,52 euros. Elle souligne que la Société Générale devait déceler l’imitation grossière et flagrante de sa signature par une comparaison avec la copie du passeport ou de la procuration donnée émanant de la concluante. Elle conteste l’affirmation adverse selon laquelle les différents chèques détournés n’apparaissaient pas anormaux et ne mettaient pas en péril l’équilibre financier du compte sur lequel ils étaient tirés, alors que les relevés de ce compte établis entre le 1er juin 2015 et le 27 juillet 2016 n’ont quasiment enregistré que des opérations de débit et ont révélé des soldes négatifs, par exemple aux mois de novembre et décembre 2016, les montants particulièrement élevés de ces chèques devant nécessairement avoir alarmé la Société Générale. Elle estime que même en l’absence de faute de la Société Générale, la responsabilité de plein droit incombant à celle-ci doit la conduire à procéder au remboursement de la somme correspondant au montant figurant sur les chèques contestés.
En réplique, la Société Générale soutient que, s’agissant tout d’abord des deux chèques de retrait aux montants respectifs de 2.000 euros et de 3.000 euros, Madame [J] n’en produit pas les copies, de telle sorte que la demande de remboursement fondée sur leur caractère frauduleux ne peut prospérer. Elle précise que sur les 22 chèques dont Madame [J] invoque le détournement, seules 4 copies sont produites, étant à souligner que la plupart des titres en cause ont été signés en blanc par Madame [J]. La banque précise par ailleurs que sur les 6 chèques représentant un montant total de 27.827,52 euros, au moins trois d’entre eux, au montant total de 25.729,52 euros, correspondent au règlement de charges incombant à la demanderesse, en particulier les loyers de l’appartement situé au [Adresse 4], devant en outre être observé que la fausseté ou l’imitation de la signature de l’ensemble des chèques litigieux n’est pas démontrée. Quant aux 16 autres chèques émis à l’ordre de Monsieur [M] [R] entre le 1er août 2015 et le 27 juillet 2016, leur copie, produite aux débats, ne révèle pas une fraude par signature au regard d’une simple comparaison avec le passeport de la demanderesse ou la procuration qu’elle a donnée. Elle décline dès lors toute responsabilité quant au paiement de ces titres.
Sur ce,
Il est de principe que la banque tirée est tenue de vérifier la régularité formelle du chèque et en s’abstenant de le faire, elle prend un risque dont elle doit assumer les conséquences.
Au cas particulier et s’agissant des 16 chèques au montant total de 106.387,95 euros encaissés à son profit par Monsieur [M] [R] qui les aurait falsifiés, selon Madame [J], il résulte de l’examen des titres en cause les constatations suivantes :
- les chèques numéro 055 au montant de 11.4222 euros, numéro 056 au montant de 16.624,25 euros, numéro 037 au montant de 5.250 euros, numéro 022 au montant de 2.580 euros, comportent une signature conforme à celle figurant sur la copie du passeport de Madame [J] produite aux débats par la Société Générale, de telle sorte qu’un préposé normalement diligent de cet établissement a pu à juste titre les considérer comme réguliers ;
- à propos des chèques numéro 028 au montant de 2.450,60 euros, numéro 069 au montant de 11.200 euros, numéros 059 au montant de 3.750 euros, numéro 062 au montant de 5.250 euros, numéro 054 au montant de 20.762,86 euros, numéro 051 au montant de 1.500 euros et numéro 002 au montant de 2.450 euros, si les boucles des signatures apparaissent un peu plus arrondies que la signature de l’échantillon figurant sur le passeport, l’ensemble demeure assez proche de l’échantillon pour qu’un préposé normalement diligent de la Société Générale puisse les considérer comme régulières ;
- au sujet des chèques numéro 068 au montant de 1.714 euros, numéro 063 au montant de 4.238 euros et numéro 003 au montant de 5.978 euros, l’arrondi de la lettre P initiale de la signature, ainsi que la calligraphie des dernières lettres, si elles semblent différentes de l’échantillon figurant sur le passeport, accusent d’évidentes ressemblances avec la signature de Madame [J] figurant au bas de la dernière page de la convention de compte conclue le 3 avril 2015, de telle sorte qu’un préposé normalement diligent de la Société Générale a pu considérer les signatures de ces titres comme régulières ;
- quant au chèque numéro 040 au montant de 5.240 euros, sa signature ne paraît conforme ni à celle figurant au passeport de Madame [J], ni à celle figurant à la convention de compte ou la procuration donnée par la demanderesse à Monsieur [M] [R], encore moins à celle figurant sur la copie, au demeurant peu lisible, du permis de conduire marocain de Madame [J].
En conséquence, la responsabilité de la Société Générale doit être engagée en considération de ce que cet établissement a manqué à l’obligation lui incombant de contrôler la régularité de ce dernier chèque tiré sur le compte de Madame [J], sa cliente.
Concernant ensuite les six chèques dont Madame [J] reproche à la Société Générale le manque de vérification de la régularité et qui ont été encaissés par Monsieur [M] [R] sur le compte de celui-ci, il sera relevé d’emblée que Madame [J] n’en produit que quatre copies.
Sur ces quatre copies, leur examen révèle que celle du chèque numéro 033 au montant de 448 euros comporte une signature dont la mauvaise qualité de la reproduction n’autorise pas une comparaison pertinente alors que celle du chèque 046 au montant de 12.492,24 euros présente des similitudes avec l’échantillon figurant au passeport de Madame [J] permettant de la considérer comme régulièrement apposée sur le titre.
Demeurent les copies du chèque numéro 035 au montant de 951,50 euros dont les lettres, collées les unes aux autres, présentent de ce fait une nette différence avec les échantillons produits aux débats et celle du chèque numéro 014 au montant de 10.232,19 euros dont la calligraphie apparaît plus anguleuse, avec des nettes différences des dernières lettres avec les échantillons produits aux débats, de telle sorte qu’il y a lieu de les considérer comme irréguliers en la forme.
Dès lors que ces deux derniers titres présentent des anomalies dans leur signature aisément décelable par un préposé normalement diligent de la Société Générale, cet établissement doit être considéré comme ayant manqué à l’obligation de vérification lui incombant, sa responsabilité devant être en conséquence engagée.
Par ailleurs, Madame [J] querelle le manque de vigilance de la Société Générale au regard du fonctionnement de son compte en considération de l’ensemble des chèques soit émis, soit détournés par
Monsieur [M] [R], compte tenu des montants élevés de ces titres et des soldes négatifs provoqués par le paiement de ces titres au cours de la période courant de l’ouverture du compte le 3 avril 2015 jusqu’au 20 octobre 2016.
Cependant, il résulte des pièces produites que Madame [J] ne peut se prévaloir de l’impossibilité de recevoir les relevés de son compte pour s’assurer de son fonctionnement et de la régularité des opérations qui y ont été effectuées dans la mesure où ces relevés étaient expédiés à l’adresse que la demanderesse a elle-même indiqué à la banque et qu’elle avait souscrit au service « banque en ligne » lui permettant d’accéder à distance à son espace personnel révélant les opérations effectuées sur ce compte.
De surcroît et ainsi qu’il a été précisé plus avant, elle avait confié à Monsieur [M] [R] une procuration permettant à celui-ci d’effectuer toutes sortes d’opérations sur le compte, à l’exclusion de la clôture de celui-ci.
Au demeurant, les montants des titres émis et encaissés sur le compte ne peuvent s’analyser en une anomalie apparente dès lors qu’en vertu du devoir de non-immixtion, le client, ainsi que son mandataire, sont libres d’effectuer toutes opérations sur le compte bancaire, la banque ne pouvant, sans enfreindre ce devoir, les interroger sur l’opportunité des paiements effectués et les opérations sous-jacentes, ces dernières fussent-elles dangereuses pour le client.
Il résulte de l’ensemble des éléments qui précèdent que la responsabilité de la Société Générale, fondée sur le défaut de vérification de la signature des chèques litigieux, doit être retenue en ce qui concerne les chèques numéro 014 au montant de 10.232,19 euros, numéro 035 au montant de 951,50 euros et numéro 040 au montant de 5.240 euros
Sur les manquements tenant au défaut de contrôle des virements litigieux
Madame [J] soutient encore que la Société Générale a manqué au devoir de vigilance lui incombant à propos de quatre virements frauduleux émis depuis son compte par Monsieur [M] [R] entre juillet et octobre 2016, pour un montant total de 43.000 euros. Elle précise que le caractère électronique des ordres de paiement en litige ne dispensait en rien la Société Générale de son obligation de vigilance, celle-ci ne justifiant pas en outre de ce que la concluante avait bien reçu par SMS une notification de l’ajout de Monsieur [M] [R] comme bénéficiaire, alors que la jurisprudence lui attribue la charge de la preuve en la matière. Elle considère que la Société Générale aurait dû l’informer de l’existence de pareilles opérations, précisant avoir sollicité le remboursement des sommes détournées dans le délai légal de 13 mois fixé à l’article L.133-18 du code monétaire et financier, sans avoir commis la moindre faute exclusive de son droit au remboursement des sommes détournées.
En réplique, la Société Générale se prévaut des articles L.133-6 et suivants du code monétaire et financier pour dire que le banquier recevant un ordre de virement régulièrement autorisé est tenu de l’exécuter sans avoir à contrôler son objet comme son bien-fondé. Elle précise que le relevé d’identité bancaire de Monsieur [M] [R] a été ajouté à la liste des bénéficiaires de virement avec les codes d’accès personnels de Madame [J] à partir de son espace client, celle-ci ayant reçu une notification sur son téléphone mobile et n’a pas réagi à cet envoi, les virements étant ensuite effectués avec les codes personnels de la demanderesse. Elle estime n’avoir commis aucune faute à l’occasion de l’exécution de ces ordres de virement qui n’ont pu être effectués qu’avec les code et identifiant personnels de Madame [J] alors que conformément à la convention de compte, la demanderesse était tenue de conserver et de ne pas transmettre ses données bancaires. Elle estime dès lors n’avoir pas commis la moindre faute alors que, selon elle, Madame [J] a commis une négligence à l’origine des pertes qu’elle a subies.
Sur ce,
En application de l’article L.133-19, IV, du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.
Au cas particulier, il est constant que par acte sous seing privé du 3 avril 2015, Madame [J] a donné procuration à Monsieur [M] [R] sur le compte ouvert le même jour dans les livres de la Société Générale, confiant au mandataire le pouvoir d’effectuer, notamment des opérations de paiement par chèque ou par virement sur ledit compte, mais également des opérations de paiement à distance par le truchement du service « banque à distance ».
À ce dernier égard, si Madame [J] fait reproche à la Société Générale de ne pas démontrer que les notifications idoines ont été envoyées sur son téléphone portable préalablement à la réalisation des virements en litige, elle ne conteste pas pour autant l’allégation de la Société Générale selon laquelle la demanderesse a communiqué son identifiant et son mot de passe à Monsieur [M] [R] pour effectuer lui-même ces opérations.
Plus encore, Madame [J] affirme, dans ses dernières écritures, que c’est par ruse et par stratagème que Monsieur [M] [R] s’est approprié les données d’accès pour prendre possession de ses différents comptes bancaires, dont celui ouvert dans les livres de la Société Générale.
Étant acquis aux débats que la Société Générale n’était en rien informée de la situation de vulnérabilité dont se prévaut Madame [J] pour justifier son inertie face aux agissements de Monsieur [M] [R], davantage encore du fait que la Société Générale n’était pas informée de ce qu’elle résidait au Maroc à l’époque des faits, à supposer ce dernier fait établi, il sera retenu que c’est par une négligence grave que Madame [J] a permis à Monsieur [M] [R] d’effectuer frauduleusement les virements litigieux.
Par suite, la responsabilité de la Société Générale ne serait être retenue, au cas particulier.
Sur les préjudices
Compte tenu des manquements dont elle fait reproche à la Société Générale, Madame [J] demande que cet établissement soit condamné à lui verser des dommages-intérêts au montant de 106.387,95 euros correspondant aux chèques encaissés sur son compte par Monsieur [M] [R]. Elle sollicite en outre la condamnation de la Société Générale à l’indemniser du montant total des six chèques émis par Monsieur [M] [R] pour effectuer des dépenses personnelles en imitant sa signature, au montant total de 27.827,52 euros, ainsi que la somme de 3.000 euros pour des retraits frauduleux par chèques émis par le même, mais encore la somme de 43.000 euros au titre des virements frauduleux, chaque montant étant augmenté des intérêt au taux légal à compter de la date du débit sur le compte, avec capitalisation des intérêts, outre la somme de 15.000 euros à titre de préjudice moral.
En réplique, la Société Générale fait valoir, au cas où sa faute viendrait à être reconnue, qu’elle ne peut être tenue d’indemniser Madame [J] au titre des dépenses incombant à celle-ci, en particulier les montants des chèques émis à l’ordre du cabinet [S] pour un montant total de 24.478,02 euros et un autre de règlement d’une facture de plomberie au montant de 951,50 euros. Elle ajoute que le préjudice moral invoqué n’est démontré ni dans son principe, ni dans son quantum.
Sur ce,
En application de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Au cas particulier, il a été retenu plus avant que les chèques établis par Monsieur [M] [R] par imitation de la signature de Madame [J] et à propos desquels la Société Générale a manqué de diligence sont les suivants :
- numéro 014 d’un montant de 10.232,19 euros, à l’ordre de « [S] » ;
- numéro 035 au montant de 951,50 euros, à l’ordre de « [H] [L] » ;
- numéro 040 au montant de 5.240 euros, à l’ordre de « [I] [M] [R] ».
Si la Société Générale estime que Madame [J] ne devrait pas être indemnisée du montant des chèques numéro 014 et numéro 035 ci-dessus, au motif que ces titres auraient servi à payer, pour le premier, des prestations immobilières, pour l’autre, une facture de plomberie, l’établissement bancaire ne produit pas pour autant d’élément permettant d’étayer cette allégation.
Bien au contraire, le jugement correctionnel du 12 mai 2021 précise, en page 15, que Monsieur [M] [R] a, soit directement, soit indirectement, profité des paiements effectués à l’aide de formules de chèque faux ou falsifiées émanant de formules délivrées à Madame [J] par la Société Générale, ces paiements étant notamment effectués au profit de la société [S].
Par suite, il y a lieu de condamner la Société Générale à payer à Madame [J] le montant global de ces trois chèques, soit la somme de 16.423,69 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2018, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.
Relativement au préjudice moral allégué par Madame [J] à l’encontre de la Société Générale, il n’apparaît justifié ni dans son principe, ni dans son quantum, alors que la demanderesse a déjà obtenu une condamnation à ce titre, prononcée par le tribunal correctionnel de Paris le 12 mai 2021 à l’encontre de Monsieur [M] [R], à lui verser la somme de 100.000 euros de réparation.
Sur l’assignation en intervention forcée
La Société Générale entend appeler en garantie Monsieur [M] [R] pour toute condamnation pouvant être prononcée contre elle, sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Elle précise à cet effet que les fautes commises par Monsieur [M] [R], si elles sont avérées, ne peuvent qu’absorber celles imputables à la concluante, au demeurant contestées.
Madame [J] fait valoir que Monsieur [M] [R] ne démontre pas qu’il existe entre la concluante et lui-même un contrat onéreux de gestion d’affaire, soulignant que ce n’est que par simple artifice destiné à limiter sa responsabilité que la Société Générale a initié la demande en intervention forcée contre Monsieur [M] [R]. Elle indique n’avoir jamais habité au [Adresse 4], dans le [Localité 5], qui était en réalité le domicile de Monsieur [M] [R].
En réplique, Monsieur [M] [R] sollicite, à titre principal, un débouté pur et simple. Il affirme avoir bénéficié d’une procuration pour effectuer les opérations aujourd’hui contestées, mais aussi des chèques signés en blanc par Madame [J] pour effectuer des opérations, ajoutant que les chèques de retrait, d’un montant total de 3.000 euros, ont été autorisés par Madame [J], l’adresse du [Adresse 4] ayant été valablement donnée à la Société Générale par Madame [J], ainsi que le confirme un mail de la demanderesse envoyé à la Société Générale le 3 août 2015. À propos des 4 virements litigieux, il reconnaît avoir disposé des données permettant l’accès à l’espace en ligne de Madame [J] qui a dûment autorisé ces opérations de paiement par internet. Il conteste toute émission de chèque ou imitation de la signature de Madame [J] sur des chèques, alors que la demanderesse lui avait donné des chèques en blanc, ajoutant qu’il bénéficiait d’une procuration générale sur le compte de Madame [J], lui permettant d’ailleurs d’émettre des chèques sur le compte. Il affirme produire aux débats des mails prouvant qu’il gérait les affaires de la demanderesse.
À titre subsidiaire, Monsieur [M] [R] estime que si le tribunal devait faire droit à l’appel en garantie, il conviendrait de retrancher de la condamnation toutes les sommes correspondant aux dépenses ayant manifestement bénéficié à Madame [J], à savoir celles-là même dont se prévaut la Société Générale dans son argumentation.
Sur ce,
Monsieur [M] [R] n’est pas fondé à se prévaloir de la procuration qu’il a reçue le 3 avril 2015 sur le compte ouvert par Madame [J] dans les livres de la Société Générale pour éluder l’appel en garantie formulée par la Société Générale dès lors que l’intéressé a été reconnu pénalement responsable des détournements frauduleux de l’ensemble des paiements contestés par Madame [J] dans la présente instance.
Plus précisément, le jugement correctionnel du 12 mai 2021 a établi que Monsieur [M] [R] avait bénéficié, soit directement, soit indirectement, des paiements par chèque dont les fausses signatures ont été établies plus avant pour des titres représentant la somme globale de 16.423,69 euros.
Par suite, la Société Générale est fondée à appeler Monsieur [M] [R] à la garantir de la condamnation de la somme de 16.423,69 euros.
Sur les demandes annexes
Succombant, la Société Générale sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Christophe Rélu.
L’équité commande que la Société Générale soit condamnée à verser à Madame [T], veuve [J], la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il en est de même de Monsieur [I] [M] [R] qui sera condamné à verser à la Société Générale la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE la Société Générale à payer à Madame [A] [T], veuve [J], la somme de 16.423,69 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2018, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE Monsieur [I] [M] [R] à garantir la Société Générale du paiement à Madame [J] de la somme de 16.423,69 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2018, date de la mise en demeure, avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE la Société Générale aux dépens, dont distraction au profit de Maître Christophe Rélu ;
CONDAMNE la Société Générale à verser à Madame [A] [T], veuve [J], la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [I] [M] [R] à verser à la Société Générale la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024
La Greffière Le Président