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05/07/2024 | FRANCE | N°20/03619

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 05 juillet 2024, 20/03619


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :
à Me BAUDOUIN, Me HOUFANI,
Me PARIENTE et Me KAHN HERRMANN
Copies certifiées
conformes délivrées le :
à Me SKOG




8ème chambre
3ème section

N° RG 20/03619
N° Portalis 352J-W-B7E-CSAFR

N° MINUTE :

Assignation du :
05 mars 2020





ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

rendue le 05 juillet 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic le CABINET

ORALIA PIERRE ET GESTION
[Adresse 7]
[Localité 10]

représenté par Maître Patrick BAUDOUIN de la SCP SCP d’Avocats BOUYEURE - BAUDOUIN - DAUMAS - CHAMARD BENSAHE L - GOMEZ-R...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :
à Me BAUDOUIN, Me HOUFANI,
Me PARIENTE et Me KAHN HERRMANN
Copies certifiées
conformes délivrées le :
à Me SKOG

8ème chambre
3ème section

N° RG 20/03619
N° Portalis 352J-W-B7E-CSAFR

N° MINUTE :

Assignation du :
05 mars 2020

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

rendue le 05 juillet 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic le CABINET ORALIA PIERRE ET GESTION
[Adresse 7]
[Localité 10]

représenté par Maître Patrick BAUDOUIN de la SCP SCP d’Avocats BOUYEURE - BAUDOUIN - DAUMAS - CHAMARD BENSAHE L - GOMEZ-REY - BESNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0056

DÉFENDEURS

Madame [U] [R] épouse [S]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Myriam HOUFANI de la SELARL CHAUVIN DE LA ROCHE-HOUFANI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0089

Monsieur [B] [T]
Madame [N] [P] épouse [T]
[Adresse 3]
[Localité 11]

représentés par Maître Sarah PARIENTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0451

S.A.R.L. BDO IMMOBILIER exerçant sous l’enseigne LAFORET IMMOBILIER
[Adresse 4]
[Localité 9]

représentée par Maître Karl SKOG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1677

Compagnie d’assurances ACTE IARD
Espace Européen de l’Entreprise
[Adresse 5]
[Localité 8]

représentée par Maître Muriel KAHN HERRMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1167

MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT

Madame Céline CHAMPAGNE, juge, assistée de Madame Léa GALLIEN, greffier

DÉBATS

A l’audience du 29 mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 05 juillet 2024.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

FAITS et PROCÉDURE

M. et Mme [T] sont propriétaires d'un appartement situé au quatrième étage dans l'immeuble du [Adresse 1], dont la gestion locative a été assurée par la société BDO Immobilier, exerçant sous l'enseigne Laforêt Immobilier.

Par actes délivrés les 05 et 06 mars 2020, le syndicat des copropriétaires les a fait assigner aux côtés de son assureur, la société Acte IARD, en indemnisation des préjudices subis dans les parties communes du fait d'un dégât des eaux.

Par acte en date du 27 mai 2021, ils ont également été assignés ainsi que le syndicat des copropriétaires et la société Acte IARD, par Mme [R] épouse [S] aux fins d'indemnisation des préjudices subis du fait de ce dégât des eaux.
La procédure a été jointe à l'instance principale par mention au dossier le 19 janvier 2022.

Par acte en date du 08 mars 2023, les époux [T] ont assigné en garantie la société BDO Immobilier.
La procédure a été jointe à l'instance principale par mention au dossier le 28 juin 2023.

Par conclusions, notifiées par voie électronique le 16 octobre 2023, la société BDO Immobilier a soulevé un incident de prescription.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 février 2024, la société BDO Immobilier sollicite du juge de la mise en état de :
« Déclarer les époux [T] irrecevables en leur action dirigée à l'encontre de la société BDO Immobilier, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil
condamner in solidum les époux [T] à verser à la société BDO Immobilier la somme de 2000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
condamner in solidum les époux [T] aux entiers dépens de l'incident qui pourront être recouvrés par Maître Karl Fredrik Skog, avocat au barreau de Paris sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ».

Dans leurs conclusions, notifiées par voie électronique le 22 mai 2024, M. et Mme [T] demandent, au visa des articles 789 6° du code de procédure civile et 2224 du code civil, de :
« Rejeter la fin de non-recevoir formulée par la société BDO Immobilier
Juger recevable l'action des époux [T] à l'encontre de la société BDO Immobilier introduite par l'assignation du 8 mars 2023 devant le tribunal judiciaire de Paris
Débouter la SARL BDO Immobilier du surplus de ses demandes
Condamner la société BDO Immobilier à verser aux époux [T] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700. »

Le syndicat des copropriétaires, la société Acte IARD et Mme [R] épouse [S] n'ont pas conclu à l'incident.

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

L'incident a été fixé à l'audience de plaidoirie du 29 mai 2024, date à laquelle il a été mis en délibéré au 05 juillet 2024.

MOTIFS

Sur les fins de non-recevoir

L'article 122 du code de procédure civile dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

L'article 789 du code de procédure civile dispose, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, que :
« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
(…)
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. »

La société BDO Immobilier soulève la prescription de l'action intentée à son encontre par les époux [T].
Elle explique en effet qu'un dégât des eaux, mettant en cause le lot de ces derniers dont elle avait la gestion, est survenu le 03 août 2015 mais qu'ils ne l'ont jamais alertée alors même qu'ils étaient, tout comme leur locataire, parties à l'ordonnance de référé ayant désigné M. [D], en qualité d'expert.
Elle relève qu'il ne lui a jamais été demandé de participer aux opérations d'expertise mais qu'il ressort de la seconde réunion, tenue le 29 mars 2017, que le conseil des époux [T] a indiqué vouloir l'appeler dans la cause.
Elle considère que ce souhait, exprimé de manière claire, exprime donc la parfaite connaissance que les époux [T] avaient alors de leurs droits envers notamment leur mandataire et qu'ils disposaient ainsi, à compter de cette date, d'un délai de cinq ans pour agir à son encontre.
En réponse aux arguments opposés, elle fait valoir qu'il importe peu que leur responsabilité ait été ou non recherchée à cette époque puisque le point de départ de la prescription se situe au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil.
Elle soutient ainsi que les époux [T] ont eu connaissance de ces faits, non pas à la délivrance de l'assignation le 06 mars 2020, mais au plus tard le 29 mars 2017, tel que cela ressort du rapport d'expertise.
Elle soutient que leur action, engagée le 08 mars 2023, est dès lors prescrite et par conséquent irrecevable.

Les époux [T] soutiennent pour leur part que, s'agissant des appels en garantie, le point de départ du délai de prescription de l'action de l'appelant en garantie est fixé par la jurisprudence au jour de la première action judiciaire, visant à voir reconnaître sa responsabilité, intentée à son encontre.
Or, ils relèvent qu'en l'espèce, elle date du 26 mars 2020, correspondant à l'assignation en paiement délivrée à leur encontre par le syndicat des copropriétaires.
Ils font en effet valoir, s'agissant de l'assignation en référé expertise, qu'elle ne peut constituer le point de départ de la prescription que si elle contient une demande de reconnaissance de leur responsabilité dans les dommages ayant affecté les parties communes et privatives de l'immeuble, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

A titre subsidiaire, ils demandent que soit retenue la date du 10 juillet 2018, correspondant au dépôt du rapport d'expertise, lequel établit que leur appartement n'était affecté d'aucun désordre pouvant alerter le locataire occupant, ou eux-mêmes, de l'existence d'un désordre affectant les étages inférieurs, de telle sorte qu'ils ne pouvaient envisager, avant le dépôt de ce rapport, que leur responsabilité pourrait être engagée.
Ils soutiennent donc la recevabilité de leur action engagée les 30 novembre 2022 et 08 mars 2023, soit dans le délai de cinq ans requis par l'article 2224 du code civil.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

La prescription extinctive est définie, à l'article 2219 du code civil, comme « un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps. »

La négligence procédurale du demandeur justifiant ainsi l'irrecevabilité de son action, il ne peut en revanche lui être reproché, s'il n'a pas encore été assigné au fond, de ne pas avoir exercé de recours, dans la mesure où, avant cette date, il n'a pas été mis en mesure de connaître effectivement les faits qui lui sont reprochés et ainsi d’exercer ses propres recours.

Il en va différemment si une assignation en référé expertise lui a été délivrée, mais encore faut-il, dans cette hypothèse, que cette dernière soit accompagnée d'une demande de reconnaissance de responsabilité.

En l'espèce, l'assignation en référé expertise n'est pas produite mais l'ordonnance de référé rendue le 12 octobre 2016 mentionne que « par acte d'huissier des 6, 7, 11 et 13 juillet 2016, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 12] a assigné la compagnie Acte IARD, Monsieur et Madame [B] [T], Monsieur [C] [O] et Madame [U] [S], devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire. »

Il s'en déduit que seule la désignation d'un expert judiciaire était sollicitée et qu'aucune demande de reconnaissance de responsabilité envers les époux [T] n'était formée.

Comme soutenu à juste titre par ces derniers, conformément aux jurisprudences qu'ils citent, le point de départ de la prescription est désormais fixé à la date de l'assignation au fond, date à laquelle la partie a ainsi pleinement connaissance des faits qui lui sont reprochés et est ainsi en mesure d'exercer ses recours.

En l'espèce, lors de la deuxième réunion d'expertise, tenue le 29 mars 2017, il est exact que le conseil des époux [T] a émis le souhait d'attraire dans la cause la société BDO Immobilier.
Pour autant, le fait que le rapport d'expertise ait mis en évidence la responsabilité des époux [T], raison pour lesquelles leur conseil a souhaité procéder à la mise en cause de l'agence immobilière, ne suppose toutefois pas nécessairement qu'une action soit intentée à leur encontre, les conclusions du rapport ne liant pas les parties qui sont libres ensuite de donner suite ou non ou partiellement à ces conclusions.

Dès lors, ce n'est bien que lorsque le syndicat des copropriétaires les a assignés au fond pour demander réparation des préjudices subis qu'ils ont eu connaissance des faits reprochés et ainsi été mis en mesure d'exercer leurs appels en garantie.

Cette assignation ayant été délivrée le 06 mars 2020, ils disposaient donc d'un délai de cinq ans pour agir à l'encontre de la société BDO Immobilier, soit jusqu'en 2025.

Leur assignation lui ayant délivré par acte en date du 08 mars 2023, la société BDO Immobilier ne peut donc opposer une quelconque prescription aux époux [T] dont l'action à son encontre doit par conséquent être déclarée recevable.

Elle est donc déboutée de la fin de non recevoir soulevée.

Sur les dépens

La société BDO Immobilier est condamnée aux dépens de l'incident.

Tenue aux dépens, elle est également condamnée à régler à M. et Mme [T], ensemble, la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles et est déboutée de sa demande formulée à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible d'appel dans les conditions de l'article 795 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société BDO Immobilier de la fin de non-recevoir soulevée ;

CONDAMNE la société BDO Immobilier aux dépens de l'incident ;

CONDAMNE la société BDO Immobilier à régler à M. et Mme [T], ensemble, la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE la société BDO Immobilier de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire ;

RENVOIE à l'audience de mise en état du 27 novembre 2024 à 10h00 pour conclusions récapitulatives en défense.

Faite et rendue à Paris le 05 juillet 2024

Le greffier Le juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 20/03619
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Autres décisions ne dessaisissant pas la juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;20.03619 ?
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