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04/07/2024 | FRANCE | N°23/05848

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 3ème section, 04 juillet 2024, 23/05848


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me BIJAOUI-CATTAN
Me GOSSER




9ème chambre 3ème section

N° RG 23/05848
N° Portalis 352J-W-B7H-CZTGY

N° MINUTE : 4




Assignation du :
17 Avril 2023









JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024
DEMANDEUR

Monsieur [P] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Karène BIJAOUI-CATTAN de la SELEURL KBC AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #

B0613




DÉFENDERESSE

S.A. LA BANQUE POSTALE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELARL CABINET GOSSET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0812




Déc...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me BIJAOUI-CATTAN
Me GOSSER

9ème chambre 3ème section

N° RG 23/05848
N° Portalis 352J-W-B7H-CZTGY

N° MINUTE : 4

Assignation du :
17 Avril 2023

JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024
DEMANDEUR

Monsieur [P] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Karène BIJAOUI-CATTAN de la SELEURL KBC AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0613

DÉFENDERESSE

S.A. LA BANQUE POSTALE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELARL CABINET GOSSET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0812

Décision du 04 Juillet 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 23/05848 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZTGY

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Hadrien BERTAUX, Juge

assistée de Chloé DOS SANTOS, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 13 Juin 2024 tenue en audience publique devant Madame CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 04 Juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] est titulaire d'un compte courant postal ouvert dans les livres de LA BANQUE POSTALE.

Le 11 mai 2022, Monsieur [L] a procédé à la vente d'un bien immobilier situé en Espagne moyennant la remise d'un chèque de 85.918,00 euros.

Le 16 mai 2022, Monsieur [L] indique avoir déposé ce chèque à l'agence de LA BANQUE POSTALE située [Adresse 5].

Le 29 mai 2022, Monsieur [L] a informé LA BANQUE POSTALE que son compte n'avait pas été crédité du montant du chèque.

Par courrier du 14 décembre 2022, Monsieur [L] a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure LA BANQUE POSTALE de procéder au remboursement de ce chèque.

Par assignation en date du 17 avril 2023, Monsieur [L] a assigné LA BANQUE POSTALE devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par conclusions signifiées par RPVA le 24 janvier 2024, Monsieur [P] [L] demande au tribunal de:
“- JUGER que Monsieur [P] [L] a effectivement remis le chèque n°3828885 d'un montant de 85.918,00 euros à LA BANQUE POSTALE ;
- JUGER que LA BANQUE POSTALE est devenue dépositaire de ce chèque dès sa remise ;
- JUGER que LA BANQUE POSTALE n'a jamais procédé à l'encaissement du chèque ni à sa restitution en raison de la perte de ce dernier ;
- JUGER que la perte du chèque n°3828885 d'un montant de 85.918,00 euros est imputable à LA BANQUE POSTALE ;
- JUGER que LA BANQUE POSTALE a manqué à son obligation de garde ;
- JUGER que LA BANQUE POSTALE demeure entière responsable des préjudices subis par Monsieur [P] [L] ;

EN CONSÉQUENCE :
- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE, à payer à Monsieur [P] [L] la somme de :
85.918,00 euros au titre de son préjudice financier,
5.000,00 euros au titre du préjudice de perte de chance,
3.000,00 euros au titre de son préjudice moral ;
- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE, à payer à Monsieur [P] [L] la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE, aux entiers dépens ;
- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur l'ensemble des condamnations prononcées ainsi que sur l'indemnité pour frais irrépétibles”.

Par conclusions en date du 14 mars 2024, la BANQUE POSTALE demande au tribunal de:
“- RECEVOIR LA BANQUE POSTALE en ses conclusions, l'y déclarant bien fondée ;

A titre principal,
- JUGER que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve du dépôt du chèque dont il invoque la perte ;

A titre subsidiaire,
- JUGER que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable ;

En tout état de cause,
- DEBOUTER Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- CONDAMNER Monsieur [L] à verser à LA BANQUE POSTALE la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Le CONDAMNER aux entiers dépens.”

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 mars 2024 avec fixation à l'audience du 4 avril 2024. L'affaire a été mise en délibéré au 2 mai 2024.

Par jugement du 2 mai 2024, le tribunal a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture, la réouverture des débats et a renvoyé à l'audience du 23 mai 2024 pour conclusions des parties sur le bordereau de dépot du chèque.

Par conclusions en date du 22 mai 2024, Monsieur [L] demande au tribunal de:
“- JUGER que Monsieur [P] [L] a effectivement remis le chèque n°3828885 d'un montant de 85.918,00 euros à LA BANQUE POSTALE,
- JUGER que LA BANQUE POSTALE est devenue dépositaire de ce chèque dès sa remise,
- JUGER que LA BANQUE POSTALE n'a jamais procédé à l'encaissement du chèque n°3828885 ni à sa restitution en raison de la perte de ce dernier,
- JUGER que la perte du chèque n°3828885 d'un montant de 85.918,00 euros est imputable à LA BANQUE POSTALE,
- JUGER que LA BANQUE POSTALE a manqué à son obligation de garde,
- JUGER que LA BANQUE POSTALE demeure entière responsable des préjudices subis par Monsieur [P] [L].

EN CONSÉQUENCE :
- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE, à payer à Monsieur [P] [L] la somme de :
85.918,00 euros au titre de son préjudice financier,
5.000,00 euros au titre du préjudice de perte de chance,
3.000,00 euros au titre de son préjudice moral.
- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE, à payer à Monsieur [P] [L] la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNER LA BANQUE POSTALE, aux entiers dépens,
- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur l'ensemble des condamnations prononcées ainsi que sur l'indemnité pour frais irrépétibles”.

Par conclusions en date du 22 mai 2024, la BANQUE POSTALE demande au tribunal de :
“- RECEVOIR LA BANQUE POSTALE en ses conclusions, l'y déclarant bien fondée,
- JUGER que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable,
- DEBOUTER Monsieur [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- CONDAMNER Monsieur [L] à verser à LA BANQUE POSTALE la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER Monsieur [L] aux entiers dépens”.

A l'audience du 23 mai 2024, la clôture a été ordonnée et fixée au 13 Juin 2024. L'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet 2024.

SUR CE,

Il sera rappelé, à titre liminaire, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de "juger" qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions, et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.

I. Sur le dépot du chèque

L'article 1103 du code civil énonce que : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Aux termes de l'article 1915 du code civil : « Le dépôt, en général, est un acte par lequel on reçoit la chose d'autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. »

Au surplus, l'article 1927 du code civil énonce que : « Le dépositaire doit apporter, dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent. »

Enfin l'article 1928 du code civil dispose que : « La disposition de l'article précédent doit être appliquée avec plus de rigueur :
1° si le dépositaire s'est offert lui-même pour recevoir le dépôt ;
2° s'il a stipulé un salaire pour la garde du dépôt ;
3° si le dépôt a été fait uniquement pour l'intérêt du dépositaire ;
4° s'il a été convenu expressément que le dépositaire répondrait de toute espèce de faute. »

Monsieur [L] sollicite la condamnation de LA BANQUE POSTALE à lui verser la somme de 85.918,00 euros correspondant au montant du chèque.

L'obligation de garde comporte au moins la surveillance et la conservation de la chose, de sorte que le dépositaire doit mettre en œuvre les moyens de protéger la chose gardée contre son vol, sa perte ou sa détérioration. À défaut, le dépositaire commet une faute de nature à engager sa responsabilité civile contractuelle.

Monsieur [L] a procédé à la remise du chèque n°3828885 d'un montant de 85.918,00 euros, accompagné du bordereau de remise de chèques, dûment complété et signé.
Ce bordereau de remise de chèque, figurant en pièce 3 a été vérifié et estampillé par le Directeur de l'agence LA BANQUE POSTALE de [Adresse 5].

LA BANQUE POSTALE n'a, dans un premier temps, contesté ni la remise ni le dépôt du chèque, en témoignent les éléments suivants :
- Le bordereau de remise du chèque n°3828885 estampillé par Monsieur [Y], directeur de l'agence ;
- Le 1er juin 2022, lors de la visite Monsieur [L] à l'agence bancaire [Adresse 5], Monsieur [Y] a déclaré être étonné par la situation et ignorer la raison pour laquelle le chèque n'avait pas encore été encaissé ;
- Le courriel de Monsieur [Y] du 3 juin 2022, dans lequel il écrit « je viens d'effectuer une relance pour avoir un retour sur le devenir de ce chèque (…) Navré pour ce contretemps » ; ainsi, Monsieur [Y] ne déclare à aucun moment ignorer l'existence d ece chèque.

La remise du chèque n°3828885 d'un montant de 85.918,00 euros tiré dans les livres de la banque SANTANDER a manifestement été acceptée par LA BANQUE POSTALE en connaissance de cause, dès lors que le directeur de l'agence bancaire en personne a reçu et estampillé le chèque. Quand bien même LA BANQUE POSTALE ne pouvait pas procéder à l'encaissement du chèque n°3828885 d'un montant de 85.918,00 euros, elle se devait de le conserver pour notamment, le restituer auprès de Monsieur [L], restitution qui n'est jamais intervenue.

En conséquence, le tribunal dira que la responsabilité de LA BANQUE POSTALE est engagée pour manquement contractuel à son obligation de garde.

II. Sur les préjudices subis

L'article 1217 précité du code civil énonce que : “La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : […] - demander réparation des conséquences de l'inexécution.”

L'article 1231-1 du code civil dispose que :
« Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après. »

Monsieur [L] a subi un préjudice personnel, direct et certain du fait de la perte de ce chèque par LA BANQUE POSTALE compte tenu du manquement commis par cette dernière à son devoir général de garde du chèque remis le 16 mai 2022.

Cependant, il n'est pas rapporté la preuve qu'une action ait été intentée contre l'acheteur en Espagne afin que ce dernier fasse opposition et qu'il paie le prix de vente par un autre moyen.

Le préjudice de Monsieur [L] réside donc, sauf élément supplémentaire de preuve, dans la perte de chance d'avoir pu percevoir rapidement le produit de la vente.

En conséquence, le tribunal condamnera LA BANQUE POSTALE à verser à Monsieur [L] la somme de 1.500 euros au titre de son préjudice.

Monsieur [L] invoque par ailleurs une perte de chance et un préjudice moral ; il n'apporte cependant pas d'éléments à l'appui de ses demandes indemnitaires à ces titres et sera en conséquence débouté de ses demandes sur ces chefs de préjudices.

III. Sur les autres demandes

LA BANQUE POSTALE qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Par ailleurs, elle sera condamnée à verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE LA BANQUE POSTALE à payer à Monsieur [P] [L] la somme de 1.500 euros au titre de son préjudice pour manquement contractuel à son obligation de garde ;

CONDAMNE LA BANQUE POSTALE, aux entiers dépens ;

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;

CONDAMNE LA BANQUE POSTALE, à payer à Monsieur [P] [L] la somme de 4.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 04 Juillet 2024.

LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 23/05848
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;23.05848 ?
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