TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le :
■
4ème chambre 2ème section
N° RG 23/01542
N° Portalis 352J-W-B7H-CY2RH
N° MINUTE :
Assignations des :
25, 26 et 30 Janvier 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 04 Juillet 2024
DEMANDERESSE
S.A. ALLIANZ IARD anciennement AGF IART
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Stéphane BOUILLOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0497
DEFENDEURS
Monsieur [K] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Jean-Michel BONZOM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0276
Monsieur [B] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Jean-Michel BONZOM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0276
S.A.M.C.V. CAISSE DE GARANTIE DES PROFESSIONNELS DE L’ASSURANCE (CGPA)
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Michel BONZOM, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0276
Décision du 04 Juillet 2024
4ème chambre 2ème section
N° RG 23/01542
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
assistée de Chloé GAUDIN, Greffière
DEBATS
A l’audience du 2 Mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 04 Juillet 2024.
ORDONNANCE
Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant actes des 25, 26 et 30 janvier 2023 la SA ALLIANZ IARD a fait délivrer assignation en responsabilité et en garantie à monsieur [B] [I], à monsieur [K] [I] et à leur assureur responsabilité civile professionnelle, la CAISSE DE GARANTIE DES PROFESSIONNELS DE L'ASSURANCE (ci-après la CGPA).
Par conclusions du 10 mai 2023, monsieur [B] [I], monsieur [K] [I] et la CAISSE DE GARANTIE DES PROFESSIONNELS DE L'ASSURANCE ont formé un incident devant le juge de la mise en état.
Par dernières conclusions aux fins d'incident communiquées par voie électronique le 19 avril 2024 ici expressément visées auxquelles il convient de se reporter pour un complet exposé des prétentions et des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 alinéa 2 du code procédure civile, monsieur [B] [I], monsieur [K] [I] et la CGPA demandent au juge de la mise en état de déclarer prescrite l'action formée ; ils font valoir principalement que les parties ont, par protocole aménagé comme le permet l'article 2254 du code civil, la prescription limitée à une durée de deux ans, le point de départ étant constitué par la connaissance de la faute de l'agent d'assurance, non par celle du dommage. Les défendeurs au principal contestent toute interruption efficiente du délai de prescription.
Par dernières conclusions aux fins d'incident communiquées par voie électronique le 26 avril 2024 ici expressément visées auxquelles il convient de se reporter pour un complet exposé des prétentions et des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 alinéa 2 du code procédure civile, la SA ALLIANZ IARD s'oppose à la prescription soulevée en faisant valoir, au visa de l' article 2224 du code civil, pour l'essentiel qu'elle n'a connu les faits lui permettant d’exercer l'action que le 26 février 2018, date du prononcé par le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire de Perpignan, ou à titre subsidiaire à compter du 15 décembre 2015, date de signification des conclusions de madame [X] dans le cadre de l'instance ayant abouti au jugement précité. La SA ALLIANZ IARD ajoute que le délai de prescription a en outre été interrompu par les invitations faites aux défendeurs de déclarer le sinistre et par le jugement du 26 février 2018 .
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience d'incident de mise en état le 7 septembre 2023.
L'affaire a été appelée à l’audience du 2 mai 2024.
SUR CE ,
A titre liminaire, il est rappelé qu'en procédure écrite, la juridiction n'est saisie que des seules demandes reprises au dispositif récapitulatif des dernières écritures régulièrement communiquées avant l'ordonnance de clôture et que les demandes de « donner acte », visant à « constater », à « prononcer », « dire et juger » ou à « dire n'y avoir lieu » notamment, ne constituent pas des prétentions saisissant le juge au sens de l'article 4 du code procédure civile dès lors qu'elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert . Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif du présent jugement.
Il est également rappelé qu'en application de l’article 768 du code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 2020 et applicable aux instances en cours à cette date, « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. ».
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action
En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
L’article 2224 applicable depuis la réforme du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile édicte : “les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l’exercer.”.
Sur l'aménagement conventionnel de la prescription
L' article 2254 du code civil alinéas 1 et 2 prévoit : « la durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d'un an ni étendue à plus de dix ans. Les parties peuvent également, d'un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d'interruption de la prescription prévues par la loi.».
Au cas présent il est constant et justifié en procédure par les consorts [I] et la CGPA qu'un protocole d'accord à effet du 1er janvier 1996 a été conclu entre cette dernière et la société ALLIANZ.
L'article 4 alinéa 2 dudit protocole stipule : « toute action qui résulte d'une faute commise par un agent d'assurance, et qui n'a pas fait l'objet d'une mise en cause de celui-ci par la compagnie dans les deux ans à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la faute, est considérée comme prescrite entre les parties signataires. Est admis comme une mise en cause, entre autres le fait pour la compagnie d'inviter son agent général à saisir son assureur responsabilité civile professionnelle ».
Si l'aménagement susvisé a été établi dans le cadre d'une procédure de conciliation entre la CGPA et la compagnie ALLIANZ, il n'en demeure pas moins que celui-ci a vocation à régir les actions (contentieuses) en responsabilité contre les agents d'assurance diligentées par la société ALLIANZ ; il apparaît donc inexact de soutenir comme le fait la société ALLIANZ que les parties n'ont entendu aménager que la face amiable de leurs discussions. L'aménagement conventionnel de la prescription stipulé au protocole a donc vocation à s'appliquer en l'espèce, la SA ALLIANZ IARD recherchant la responsabilité professionnelle des consorts [I] en leur qualité de mandataire - agent général d'assurance.
Aux termes du protocole susvisé, la durée de prescription de l'action en responsabilité de l'agent d'assurance a donc, conformément à l'article 2254 du code civil, été réduite à deux ans et le point de départ fixé à la date à laquelle la société ALLIANZ a connaissance de la faute qu'elle impute à l'agent. Le débat qui porte sur le point de départ fixé par application de l' article 2224 et non du protocole à la connaissance du dommage apparaît dès lors inopérant.
La faute reprochée par la SA ALLIANZ IARD aux consorts [I] réside dans la délivrance d'attestations d'assurance les 3 mars 2008, 4 février 2009 et 18 mars 2009 mentionnant de manière erronée que l'entreprise [X] était assurée au titre des travaux de bâtiment en ce compris la pose de tuiles canal.
Il n'est pas débattu que la SA ALLIANZ IARD qui vient aux droits et obligations de la compagnie AGF n'a pas eu connaissance desdites attestations à leurs dates d'émission susvisées. Il n’est pas davantage discuté que les attestations étaient effectivement erronées, ni que celles-ci ont conduit à la condamnation in solidum de la SA ALLIANZ IARD et de madame [X] à payer aux consorts [C]-[R] une somme en principal de 45.160,45 euros TTC au titre des des travaux de reprise de leur toiture.
Sur la date à laquelle la SA ALLIANZ IARD a eu connaissance des attestations et donc de la faute fixant conventionnellement le point de départ, il doit être retenu que les motifs du jugement du tribunal alors de grande instance de Perpignan du 26 février 2018 retient que l'agent général de la compagnie AGF aux droits de laquelle vient la SA ALLIANZ IARD a certifié par attestation du 4 février 2009 que l'entreprise [X] était couverte au titre de la police responsabilité civile professionnelle pour son activité de maçonnerie béton armé, les travaux de bâtiment comprenant la pose de tuile dite canal ; que cette dernière mention, de nature à induire en erreur tant l’assurée que le maître de l'ouvrage a engagé la responsabilité de la SA ALLIANZ IARD. Il s'en déduit que la dite attestation a comme le soutiennent les consorts [I] été produite aux débats devant le tribunal de Perpignan au plus tard par dernières conclusions communiquées dans le cadre de cette instance, soit au plus tard le 15 décembre 2015, date des conclusions visées au jugement, la preuve n'étant en revanche pas rapportée de ce que l'attestation en cause figurait au bordereau de communication de pièces annexée à l'assignation en garantie délivrée par madame [X] le 5 novembre 2013.
Le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé au 15 décembre 2015.
A défaut de cause d'interruption ou de suspension, l'action en responsabilité était donc prescrite le 15 décembre 2017.
La SA ALLIANZ IARD considère que le délai de prescription a été interrompu par les demandes adressées aux défendeurs de déclarer le sinistre et par le jugement du 26 février 2018 .
Sur l'interruption du délai de prescription
Les défendeurs au principal soutiennent toutefois que ni les courriels susvisés ni le jugement ne constituent une cause interruptive de prescription au sens des articles 2240 à 2246 du code civil.
La demande adressée aux consorts [I] datée du 24 mai, par courriels des 21 août et 10 novembre 2017 avait pour objet d'inviter l'agent général à déclarer le sinistre à son assureur responsabilité civile professionnelle.
Si ces invitations ne constituent ni une reconnaissance du droit de celui contre lequel il est prescrit (article 2240), ni une demande en justice (2241, 2242), ni un acte d'exécution forcée (2245), ni une interpellation à héritier ou à caution (2245, 2246), les parties ont toutefois aux termes de l'article 4 du protocole, ajouté aux causes légales de suspension ou d'interruption d'autres causes, l'invitation étant admise comme une mise en cause.
Le délai de prescription a donc été interrompu par courriels des 24 mai 2017, 21 août et 10 novembre 2017. Le délai biennal a donc recommencé à courir à partir de cette dernière date pour s'achever au 10 novembre 2019.
Ce nouveau délai étant insusceptible d'avoir été interrompu par le jugement du 26 février 2018 qui ne constitue pas une cause interruptive de prescription au sens des articles 2240 à 2246 du code civil, l'assignation délivrée les 25, 26 et 30 janvier 2023 par la SA ALLIANZ IARD aux consorts [I] et à la CGPA, soit postérieurement au 10 novembre 2019, l'action introduite par la SA ALLIANZ IARD apparaît prescrite et dès lors irrecevable sans qu'il soit besoin d'examiner le surplus des moyens exposés par les parties.
Autres mesures
Les dépens de l’instance seront mis à la charge de la SA ALLIANZ IARD qui succombe laquelle sera en outre condamnée à payer à chacune des parties demanderesse la somme de 1.000 euros au titre des frais non répétibles.
L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514, 514-1 à 514-3 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances dont relève le cas présent et introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020.
PAR CES MOTIFS,
Nous, juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire susceptible d'appel mise à disposition au greffe le jour du délibéré :
DECLARONS IRRECEVABLE comme prescrite l'action formée suivant actes des 25, 26 et 30 janvier 2023 par la SA ALLIANZ IARD à l'encontre de messieurs [K] et [B] [I] et de la CGPA ;
CONDAMNONS la SA ALLIANZ IARD à supporter les dépens de l'incident ;
CONDAMNONS la SA ALLIANZ IARD à payer à monsieur [B] [I], à monsieur [K] [I] et à la CAISSE DE GARANTIE DES PROFESSIONNELS DE L'ASSURANCE pris séparément chacun la somme de 1.000 euros au titre des frais non répétibles ;
RAPPELONS que l'exécution provisoire est de droit.
Faite et rendue à Paris le 04 Juillet 2024.
LE GREFFIER LA VICE-PRÉSIDENTE,
JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
Chloé GAUDIN Nathalie VASSORT-REGRENY