TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :
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2ème chambre civile
N° RG 23/00214 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYSL2
N° MINUTE :
Assignation du :
16 Décembre 2022
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 04 Juillet 2024
DEMANDERESSE
Madame [C] [D]
[Adresse 6]
[Localité 12]
Représentée par Maître François EXPERT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire G0737
DEFENDEURS
Madame [V] [D]
[Adresse 8]
[Localité 4] (ALGÉRIE)
Défaillante
Madame [L] [D]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Madame [Y] [D]
[Adresse 3]
[Localité 12]
Madame [R] [D] épouse [Z]
[Adresse 11]
[Localité 10]
Madame [F] [D] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 13]
Toutes les quatre représentées ensemble par Maître Samuel CHEVRET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0729
Madame [B] [D]
[Adresse 6]
[Localité 12]
Défaillante
Madame [I] [D]
[Adresse 8]
[Localité 4] (ALGÉRIE)
Défaillante
Monsieur [A] [D]
[Adresse 8]
[Localité 4] (ALGÉRIE)
Défaillant
Monsieur [J] [D]
[Adresse 8]
[Localité 4] (ALGÉRIE)
Défaillant
___________________________
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Claie ISRAEL, Vice-Présidente,
Assistée de Madame Audrey HALLOT, Greffière,
DEBATS
A l’audience du 27 Mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 04 Juillet 2024.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au Greffe
Réputée contradictoire et suscseptible de recours,
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE
[H] [D] est décédé le [Date décès 5] 2012, laissant pour lui succéder :
-Mme [B] [S], son épouse survivante,
-Mme [L] [D],
-Mme [C] [D],
-M. [N] [D],
-Mme [Y] [D],
-Mme [R] [P] épouse [Z],
-Mme [F] [O] épouse [U],
Par jugement du 3 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a essentiellement ordonné le partage judiciaire de la succession d’[H] [D] et dit que Mme [B] [S] et Mme [C] [D] devront justifier de l’origine des fonds leur ayant permis d’acquérir les immeubles dont elles sont devenues propriétaires depuis le 10 juillet 1992.
La société [15] a été déléguée par le président de la chambre interdépartementale des notaires de [Localité 14] le 22 mars 2016.
Le [Date décès 7] 2017, [N] [D] est décédé, laissant pour lui succéder Mme [I] [D], son épouse et M. [A] [D], M. [J] [D] et Mme [V] [D], leurs enfants, lesquels ont été assignés en intervention forcée.
Par arrêt du 27 mars 2019, la cour d’appel de Paris a :
-Infirmé le jugement du 3 novembre 2015 en ce qu’il a dit que Mme [B] [S] et Mme [C] [D] devront justifier de l’origine des fonds leur ayant permis d’acquérir les immeubles dont elles sont devenues propriétaires depuis le 10 juillet 1992,
-Confirmé le jugement pour le surplus,
-Rejeté la demande de Mmes [B] et [C] [D] tendant à ce que les intimés produisent divers justificatifs relatifs à leur propre patrimoine et le financement de ce dernier,
-Déclaré irrecevable les demandes de Mmes [B] et [C] [D] pour le surplus.
Par arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cet arrêt.
Les opérations de partage ont repris et par courrier du 15 novembre 2022, Mme [C] [D] a communiqué par l’intermédiaire de son conseil, un dire au notaire commis demandant notamment le rapport à la succession par Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [P], [F] [U] et par les héritiers de M. [N] [D], de différentes donations.
Par exploits d’huissier en date des 16, 20 et 21 décembre 2022, Mme [C] [D] a fait assigner Mme [B] [S], Mme [L] [D], Mme [Y] [D], Mme [R] [P] épouse [Z], Mme [F] [U], Mme [I] [D], M. [A] [D], M. [J] [D] et Mme [V] [D] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
-Voir condamner Mme [L] [D], Mme [Y] [D], Mme [F] [U] aux peines du recel successoral,
-Les voir condamner à rapporter diverses sommes à la succession d’[H] [D],
-Voir ordonner le partage complémentaire des sommes recelées.
Il s’agit de la présente instance.
Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 9 novembre 2023 et en dernier lieu le 2 février 2024, Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [P] épouse [Z] et [F] [U] demandent au juge de la mise en état de :
-Juger la juridiction de fond Tribunal judiciaire de Paris incompétente pour statuer sur les demandes présentées par Madame [C] [D], du chef des opérations de liquidation partage de la succession de Monsieur feu [H] [D], d’ores et déjà ordonnées selon jugement TGI Paris du 13.11.2015,
-Juger irrecevable l’assignation délivrée à la requête de Madame [C] [D] du chef de l’autorité de chose jugée induite du jugement rendu par le TGI de Paris le 13.11.2015 et de la fin de non-recevoir subséquente induite par les dispositions de l’article 122 du Code de Procédure Civile,
En toute hypothèse,
-Juger les prétentions émises par Madame [C] [D] manifestement irrecevables du chef de la prescription largement acquise au titre des recels successoraux allégués,
-Juger en conséquence n’y avoir lieu à poursuite de l’instance devant la juridiction de fond.
-Condamner Madame [C] [D] au paiement d’une indemnité de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens des instances d’incident et de fond.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 février 2024, Mme [C] [D] demande au juge de la mise en état de :
-REJETER l’exception d’incompétence du Tribunal de céans soulevée Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [Z] et [F] [U],
-JUGER que le Tribunal de céans est compétent pour connaître de l’action en recel successoral et en partage complémentaire intentée par Mme [C] [D],
Sur la recevabilité de l’action,
-REJETER la fin de non-recevoir prise de la prescription soulevée par Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [Z] et [F] [U],
-JUGER recevable l’action intentée par Mme [C] [D],
-CONDAMNER in solidum Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [Z] et [F] [U] à payer à Mme [C] [D] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Subsidiairement,
-DÉSIGNER le juge commis (Tribunal judiciaire de Paris, 2 è chambre civile, 1 è section) comme étant compétent et PRONONCER LE RENVOI de la présente affaire devant ce juge conformément aux articles 81 et 82 du Code de procédure civile,
En toute hypothèse,
-DÉBOUTER Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [Z] et [F] [U] de leur demande tendant à voir Mme [C] [D] condamnée au paiement d’une indemnité de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Mme [B] [S], Mme [I] [D], M. [A] [D], M. [J] [D] et Mme [V] [D] n’ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exception d’incompétence
Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [P] épouse [Z] et [F] [U] soutiennent que le tribunal judiciaire n’est pas compétent pour connaître des demandes relatives au recel successoral formées par Mme [C] [D] dans la présente instance, alors que le partage judiciaire de la succession d’[H] [D] a déjà été ordonné et que les opérations de partage sont en cours. Elles font valoir qu’elle ne pouvait donc pas saisir une nouvelle juridiction et que ses demandes relèvent de la compétence du juge commis en application de l’article 1371 du code civil.
Elles ajoutent que la demande de recel successoral ne peut être formée qu’à l’occasion d’une action en partage judiciaire.
Mme [C] [D] se fonde sur l’article 841 du code civil pour soutenir que le tribunal judiciaire de Paris est compétent pour connaître de ses demandes, la distinction entre la compétence du juge commis au sein du tribunal judiciaire et du tribunal lui-même étant sans portée.
Elle ajoute que son action consiste en une action en recel successoral et partage complémentaire, une telle action excédant la compétence du juge commis, la présente procédure pouvant être jointe à l’instance pendante en partage.
Sur ce
En application de l’article R. 211-3-26 3° du code de l’organisation judiciaire, le tribunal judiciaire a compétence exclusive en matière de successions.
En l’espèce, l’action de Mme [C] [D] visant à voir appliquer les peines du recel successoral à trois de ses cohéritières, à les voir condamner à rapporter à la succession de leur père diverses donations et à voir ordonner un « partage complémentaire » portant sur les biens recelés, constitue bien une action en matière de succession et relève donc de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.
Il n’est par ailleurs par contesté qu’[H] [D] avait son dernier domicile à [Localité 14], de sorte que le tribunal judiciaire de Paris est bien compétent en application des articles 45 du code de procédure civile et 841 et 720 du code civil.
Le juge commis, dont la mission est définie par les articles 1364 et suivants du code de procédure civile, ne constitue pas une juridiction autonome mais est un juge du tribunal judiciaire qui peut être commis par lui, pour surveiller les opérations de partage judiciaire complexe ordonnées par le tribunal.
Au surplus, si aux termes des dispositions de l’article 1371 du code de procédure civile, le juge commis statue sur les demandes relatives à la succession pour laquelle il a été commis, ces dispositions ne lui confèrent pas pouvoir pour statuer sur requête sur des demandes relatives à la succession qui ne se rapportent pas au déroulement des opérations de partage mais constituent un point de désaccord sur le fond entre les parties, subsistant après l’établissement d’un projet d’état liquidatif du notaire commis, et dont l’examen relève des pouvoirs exclusifs du tribunal en application de l’article 1375.
L’exception d’incompétence soulevée sera donc rejetée et il n’y a pas lieu d’ordonner un renvoi devant le juge commis.
Sur la recevabilité de l’action de Mme [C] [D]
En revanche, par jugement du 3 novembre 2015, confirmé par arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 mars 2019, le partage judiciaire de la succession d’[H] [D] a été ordonné selon la procédure prévue aux articles 1364 à 1376 du code de procédure civile.
Dès lors, sauf abandon de la voie judiciaire par conclusion d’un partage amiable, les parties doivent se conformer à la procédure prévue à ces articles et à l’ordre qu’elle organise.
Par suite, elles doivent faire dresser par la société [15] déléguée par le président de la chambre interdépartementales des notaires de [Localité 14] pour procéder aux opérations de partage, un projet d’état liquidatif, et en cas de désaccord sur ce projet, saisir la juridiction en application de l’article 1373 du code de procédure civile.
A ce titre, Mme [C] [D] a d’ailleurs adressé un dire au notaire commis en date du 15 novembre 2022.
Dès lors, en assignant devant ce tribunal aux fins de voir condamner ses cohéritières aux peines du recel successoral ou à rapporter des donations, sans attendre la présentation par le notaire de son projet d’état liquidatif et l’éventuelle rédaction d'un procès-verbal de dires, Mme [C] [D] n’a pas accompli le préalable indispensable à la recevabilité de ses demandes.
Cette irrecevabilité étant d’ordre public, le tribunal peut la soulever d’office.
Me [C] [D] ne saurait arguer de ce qu’elle agit en partage complémentaire de la succession d’[H] [D] au sens de l’article 892 du code civil, les opérations de partage étant toujours en cours, sa demande tendant en réalité à voir comprendre certains biens détournés ou certaines indemnités de rapport à la masse à partager.
Il lui appartient donc de faire valoir les points de désaccord sur le partage de la succession dans le cadre des opérations de partage, devant le notaire commis.
Ses demandes, formées dans une instance distincte seront donc déclarées irrecevables.
En conséquence, il n’y a pas lieu d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées.
L’extinction de l’instance sera constatée, l’ensemble des demandes étant déclarées irrecevables.
Sur les demandes accessoires
Mme [C] [D] sera condamnée aux dépens et à verser aux défenderesses à l’instance constituées, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous Claire Israel, juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire, susceptible de recours,
Rejetons l’exception d’incompétence et déclarons le tribunal judiciaire de Paris compétent pour connaître des demandes de Mme [C] [D] tendant à :
-Voir condamner Mme [L] [D], Mme [Y] [D], Mme [F] [O] aux peines du recel successoral,
-Les voir condamner à rapporter diverses sommes à la succession d’[H] [D],
-Voir ordonner le partage complémentaire des sommes recelées,
Déclarons ces demandes irrecevables,
Constatons en conséquence l’extinction de la présente instance,
Constatons le dessaisissement du tribunal de la présente procédure inscrite au répertoire général sous le numéro RG n° 23/00214,
Condamnons Mme [C] [D] aux dépens,
Condamnons Mme [C] [D] à verser à Mmes [L] [D], [Y] [D], [R] [P] épouse [Z] et [F] [O] épouse [U] prises ensemble la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Faite et rendue à Paris le 04 Juillet 2024
La GreffièreLe Juge de la mise en état