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04/07/2024 | FRANCE | N°22/07043

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 04 juillet 2024, 22/07043


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 22/07043 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXAIJ

N° PARQUET : 22-1034

N° MINUTE :


Assignation du :
01 Juin 2022

A.F.P.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Y] [R]
[I] [Z] ALGERIE
ALGÉRIE
représenté par Me Nkulufa irène EMBE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #500



DEFENDERESSE

LA P

ROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 1]
LAGUARIGUE DE SURVILLIERS Etienne, premier vice-procureur







Décision du 04/07/2024
Chambre du contentieux
de la na...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 22/07043 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXAIJ

N° PARQUET : 22-1034

N° MINUTE :

Assignation du :
01 Juin 2022

A.F.P.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Y] [R]
[I] [Z] ALGERIE
ALGÉRIE
représenté par Me Nkulufa irène EMBE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #500

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 1]
LAGUARIGUE DE SURVILLIERS Etienne, premier vice-procureur

Décision du 04/07/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 22/07043

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Hanane Jaafar, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 23 Mai 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile par Madame Antoanela Florescu-Patoz, magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Jaafar Hanane, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de Mme [Y] [R] constituées par l'assignation délivrée le 1er juin 2022 au procureur de la République, et les pièces notifiées par la voie électronique le 28 mars 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 19 juin 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 26 avril 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024,

MOTIFS

A titre liminaire, le tribunal relève que Mme [Y] [R] a joint dans son dossier de plaidoirie un jeu de conclusions intitulé « conclusions devant le tribunal judiciaire de Paris » alors même que la demanderesse n'a pas notifié par la voie électronque des nouvelle conclusions suite à son assignation en date du 1er juin 2022.
Décision du 04/07/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 22/07043

Dès lors, ces conclusions n'ayant pas été contradictoirement communiquées, elles seront jugées irrecevables en vertu des dispositions des articles 16 et 802 du code de procédure civile.

Par ailleurs, dans son dossier de plaidoirie, la demanderesse communique :
-un extrait d'état civil de la commune mixte de [Localité 3] de 1931 (pièce n°8 de la demanderesse),
-une fiche familiale d'état de [H] [J] (pièce n°13 de la demanderesse),
-une fiche familiale d'état civil de [P] [E] (pièce n°16 de la demanderesse),
-une fiche familiale d'état civil de Mme [Y] [R] (pièce n°19 de la demanderesse).

Ces pièces ne figurent pas au bordereau de communication de pièces joint à l'assignation et elles n'apparaissent pas avoir été communiquées au ministère public au cours de la mise en état.

Or, aux termes de l’article 768 du code de procédure civile, le dernier bordereau fixe la liste des pièces communiquées.

Ces pièces de la demanderesse n'ont dès lors pas été produites contradictoirement au sens de l'article 16 du code de procédure civile et seront déclarées irrecevables.

En outre, il apparaît que le bordereau de communication de pièces du dossier de plaidoirie ne correspond pas à la numérotation du bordereau contradictoirement communiqué. Le tribunal désignera ainsi les pièces sous la numérotation présentée dans le bordereau joint à l'assignation.

Le tribunal examinera ainsi les demandes formulées par Mme [Y] [R] aux termes de son assignation qui constitue ses dernières écritures, et les pièces telles que communiquées le 28 mars 2023.

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 31 août 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [Y] [R], se disant née le 17 avril 1987 à [Localité 4] (Algérie), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle fait valoir que sa mère, Mme [P] [E], née le 17 décembre 1962 à [Localité 2] (Algérie), est française pour être la fille de [H] [J], née en 1930 à [Localité 2], qui a conservé la nationalite française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie pour relever du statut civil de droit commun, pour être la descendante de [N] [J], admis au statut civil de droit commun par décret du 13 mars 1909.

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 22 novembre 2019 par le directeur des services de greffe judiciaires du pôle de la nationalité française du tribunal d'instance de Paris aux motifs que l'intéressée avait produit au soutien de sa demande des actes d'état civil ne respectant pas la législation algérienne et qu'ils ne pouvaient se voir reconnaître de force probante et qu'elle ne fournissait aucun élément de possession d'état de français pour elle ou sa mère (pièce n°1 de la demanderesse).

Sur la demande de constat

Mme [Y] [R] sollicite du tribunal de « constater » qu'elle est de nationalité française. Cette demande de « constat » s'analyse en une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile à voir « juger » qu'elle est de nationalité française. Le tribunal statuera sur cette demande ainsi requalifiée.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, aux termes duquel est Français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.

Il est en outre rappelé que les effets sur la nationalité française de l’accession à l’indépendance des départements d’Algérie, fixés au 1er janvier 1963, sont régis par l’ordonnance n°62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n°66-945 du 20 décembre 1966 ; ils font actuellement l’objet des dispositions des articles 32-1 et 32-2 du code civil ; il résulte en substance de ces textes que les Français originaires d’Algérie ont conservé la nationalité française:

- de plein droit, s’il étaient de statut civil de droit commun ce qui ne pouvait résulter que de leur admission ou de celle de l’un de leur ascendant, ce statut étant transmissible à la descendance, à la citoyenneté française en vertu exclusivement, soit d’un décret pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, soit d’un jugement rendu sur le fondement de la loi du 4 février 1919 ou, pour les femmes, de la loi du 18 août 1929, ou encore de leur renonciation à leur statut personnel suite à une procédure judiciaire sur requête, étant précisé que relevaient en outre du statut civil de droit commun les personnes d’ascendance métropolitaine, celles nées de parents dont l’un relevait du statut civil de droit commun et l’autre du statut civil de droit local, celles d’origine européenne qui avaient acquis la nationalité française en Algérie et les israélites originaires d’Algérie qu’ils aient ou non bénéficié du décret “Crémieux” du 24 octobre 1870 ;

- s’ils étaient de statut civil de droit local, par l’effet de la souscription d’une déclaration de reconnaissance au plus tard le 21 mars 1967 (les mineurs de 18 ans suivant la condition parentale dans les conditions prévues à l’article 153 du code de la nationalité française), ce, sauf si la nationalité algérienne ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962, faute de quoi ils perdaient la nationalité française au 1er janvier 1963.

Il appartient donc à Mme [Y] [R], non titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, une chaîne de filiation légalement établie à l'égard de son ascendant revendiqué et, d'autre part, d'établir que celui-ci relevait du statut civil de droit commun, par des actes d’état civil fiables et probants au sens de l’article 47 du code civil, étant rappelé qu'aux termes de l’article 20-1 du code civil, la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, pour justifier du lien de filiation maternelle de Mme [P] [M] à l'égard de [H] [J], la demanderesse produit une copie, délivrée le 31 octobre 2021, de l'acte de mariage célébré en 1948 entre [O] [E] et [H] [J]. L'acte portant mention marginale d'une rectification par ordre du président du tribunal de Bouhadjar, du 8 septembre 2020, n°381, en ce que l'intéressé est marié en 1948 au lieu de marié le 7 mai 2021 (pièce n°11 de la demanderesse).

Le ministère public conteste l'établissement du lien de filiation de la mère de la demanderesse à l'égard de [H] [J] en indiquant que la décision rectificative de l'acte n'est pas produite alors qu'elle en est indissociable et que l'acte est donc dépourvu de force probante.

La demanderesse n'a formulé aucune observation quant à ce grief pourtant relevé par le ministère public.

Il est rappelé qu'un acte d'état civil rectifié en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l'efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante de l'acte de mariage des grands-parents revendiqués de la demanderesse est ainsi subordonnée à la régularité internationale de la décision en exécution de laquelle il a été rectifié.

En l'espèce, comme relevé par le ministère public, Mme [Y] [R] ne produit pas la décision mentionnée sur l'acte de mariage précité, privant le tribunal de la possibilité d'examiner la régularité internationale de cette décision au regard de l'ordre juridique français et d'apprécier si ledit acte de mariage a bien été rectifié en respectant le dispositif de cette décision.

Il s'ensuit que cet acte de mariage est dépourvu de toute force probante au sens des dispositions de l'article 47 du code civil, de sorte que la demanderesse ne justifie pas du lien de filiation légalement établi de sa mère, Mme [P] [E] à l'égard de [H] [J].

Mme [Y] [R] ne justifie donc pas d'une chaîne de filiation légalement établie à l'égard de [N] [J] et ne peut donc se prévaloir de son admission à la nationalite française.

En conséquence, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés par le ministère public, il y a lieu de débouter Mme [Y] [R] de sa demande tendant à voir dire qu'elle est de nationalité française par filiation maternelle. Par ailleurs, dès lors qu'elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dommages et intérêts

Mme [Y] [R] sollicite la condamnation de la partie défenderesse au paiement de la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts ainsi qu'aux intérêts légaux.

Or, Mme [Y] [R] n'a pas été attrait en la cause l'agent judiciaire de l'Etat.

Les demandes de dommages et intérêts et de paiement aux intérêts légaux formées par Mme [Y] [R] seront donc jugées irrecevables.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [Y] [R], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [Y] [R] ayant été condamnée aux dépens, sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Sur l'exécution provisoire

Au regard du sens de la présente décision, l'exécution provisoire, au demeurant exclue en matière de nationalité par les dispositions de l'article 1045 du code de procédure civile, ne sera pas ordonnée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge irrecevables les conclusions jointes par Mme [Y] [R] dans son dossier de plaidoirie ;

Juge irrecevables les pièces n°8, 13, 16 et 19 figurant au dossier de plaidoirie de Mme [Y] [R] ;

Déboute Mme [Y] [R] de sa demande tendant à voir juger qu'elle est de nationalité française ;

Juge irrecevable la demande de Mme [Y] [R] tendant à voir condamner la partie défenderesse à payer la somme de 2000€ au titre des dommages et intérêts ;

Juge irrecevable la demande de Mme [Y] [R] tendant à voir condamner la partie défenderesse à payer les intérêts légaux ;

Juge que Mme [Y] [R], née le 17 avril 1897 à [Localité 4] (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Rejette la demande de Mme [Y] [R] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [Y] [R] aux dépens ;

Rejette toute autre demande ;

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 04 Juillet 2024

La GreffièreLa Présidente
H. JAAFAR A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 22/07043
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;22.07043 ?
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