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04/07/2024 | FRANCE | N°22/04883

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 04 juillet 2024, 22/04883


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 22/04883
N° Portalis 352J-W-B7G-CWV6S

N° PARQUET : 22/432

N° MINUTE :

Assignation du :
14 Avril 2022

C.B.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024








DEMANDERESSE

Madame [P] [V]
[Adresse 3]
[Localité 2] - NIGER

représentée par Maître Bruno BASSET de la SELARL BASSET & MACAGNO, avocats au barreau de PARIS, avoc

ats plaidant, vestiaire #E0112


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Localité 1]

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du c...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 22/04883
N° Portalis 352J-W-B7G-CWV6S

N° PARQUET : 22/432

N° MINUTE :

Assignation du :
14 Avril 2022

C.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [P] [V]
[Adresse 3]
[Localité 2] - NIGER

représentée par Maître Bruno BASSET de la SELARL BASSET & MACAGNO, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #E0112

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Localité 1]

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 22/04883

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 23 Mai 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 14 avril 2022 par Mme [P] [V] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 12 juin 2023,

Vu les dernières conclusions de Mme [P] [V] notifiées par la voie électronique le 18 octobre 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 avril 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 22/04883

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 12 août 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [P] [V], se disant née le 1er janvier 1946 à [Localité 2] (Niger), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945. Elle fait valoir que son père, [D] [V], est français pour être né le 4 novembre 1919 à [Localité 5] (Haut-Rhin) de parents de nationalité française.

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 27 août 2021 par le directeur des services de greffe judiciaires du service de la nationalité française du tribunal judiciaire de Paris aux motifs qu'elle ne justifiait pas d'une filiation légalement établie à l'égard de [D] [V] et qu'elle n'avait pas produit diverses pièces sollicitées (pièce n°6 de la demanderesse)

Sur la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française

Mme [P] [V] sollicite du tribunal d' « ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française » à son profit.

Il est rappelé que le tribunal, dont la saisine n'est pas subordonnée à une demande préalable de délivrance d'un certificat de nationalite française, n'a pas le pouvoir d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française dans le cadre de la présente action déclaratoire de nationalité française relevant des dispositions de l'article 29-3 du code civil, étant également rappelé que s'il était fait droit à la demande tendant à voir dire que la demanderesse est de nationalité française, la délivrance d'un certificat de nationalité française serait de droit.

La demande tendant à voir ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française sera donc déclarée irrecevable.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions des articles 17 et 18 du code de la nationalité française dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945.

Selon l'article 17 de ce code, « Est Français :
1° L'enfant légitime né d'un père français ;
2° L'enfant naturel lorsque celui de ses parents à l'égard duquel la filiation a d'abord été établie, est français. »

L'article 18 du même code dispose : « Est Français :
1° L'enfant légitime né d'une mère française et d'un père qui n'a pas de nationalité ou dont la nationalité est inconnue ;
2° L'enfant naturel lorsque celui de ses parents à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu est français si l'autre parent n'a pas de nationalité ou si sa nationalité est inconnue. »

Il appartient ainsi à Mme [P] [V], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Par ailleurs, nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique.

En l'espèce, le tribunal relève d'emblée que les copies de l'acte de naissance de la demanderesse et celles de l'acte de naissance de son père revendiqué, sont produites en simples photocopies (pièces n°8, 9 et 12 de la demanderesse).

Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d'authenticité et d'intégrité, ces pièces sont dépourvues de toute force probante, étant rappelé qu'il est indiqué dès le premier bulletin de procédure que la partie en demande doit s'assurer qu'elle détient bien une copie intégrale en original de son acte de naissance, qui devra figurer dans le dossier de plaidoirie, exigence rappelée dans le bulletin notifiant la clôture s'agissant de tous les actes de l’état civil du dossier de plaidoirie, qui doivent être produits en original.

En outre, Mme [P] [V] produit plusieurs copies d'un extrait du jugement supplétif n°1 lui tenant lieu d'acte de naissance rendu le 12 janvier 1952 par le tribunal du premier degré d'Agadez. Cet extrait porte mention en en-tête qu'il a été rectifié par ordonnance n°1544/VP/TGI/AZ du 2 septembre 2019 (pièce n°13 de la demanderesse).
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 22/04883

Le ministère public fait valoir qu'elle ne produit aux débats ni l’ordonnance rectificative ni le jugement supplétif en expédition certifiée conforme.

En réponse, Mme [P] [V] fait valoir qu'elle produit des copies portant mention « pour copie certifiée conforme » du jugement supplétif et qu'elle n'a pas à produire l'ordonnance rectificative en ce que la présomption d'authenticité des actes d'état civil délivrés à l’étranger prévue à l'article 47 ne peut être renversée qu'en présence de divergences grossières et substantielles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque les différentes copies produites du jugement supplétif comportent des mentions similaires.

Il sera tout d'abord rappelé qu'un acte d'état civil dressé en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l'efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante de l'acte de naissance produit par la demanderesse est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été dressé et de l'ordonnance en exécution duquel il a été rectifié.

Aux termes de l’article 37 de l’accord de coopération franco-nigérienne en matière de justice du 19 février 1977, les documents qui émanent des autorités judiciaires ou d’autres autorités compétentes de l’un des deux Etats, ainsi que les documents dont elles attestent la certitude et la date, la véracité de la signature, ou la conformité à l’original sont dispensés de légalisation et de toute formalité analogue lorsqu’ils doivent être produits sur le territoire de l’autre Etat.

Par ailleurs, l'article 55 de l'accord de coopération franco-nigérienne précité précise que la partie à l'instance qui invoque l'autorité d'une décision judiciaire ou qui en demande l'exécution doit produire une expédition de la décision réunissant les conditions nécessaires à son authenticité.

Ainsi, faute de production d'une expédition certifiée conforme à l'original, le tribunal est privé de la possibilité d'examiner la régularité internationale du jugement supplétif et de l’ordonnance rectificative au regard de l'ordre juridique français, de sorte que ceux-ci ne sont pas opposables en droit français.

Il s'ensuit que l'acte de naissance de Mme [P] [V], dressé sur la base de décisions inopposables en France, est dépourvu de toute force probante au sens des dispositions de l'article 47 du code civil, précité.

Dès lors, faute de rapporter la preuve d’un état civil certain et fiable, Mme [P] [V] ne peut revendiquer à aucun titre la nationalité française.

En conséquence, Mme [P] [V] sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation paternelle. En outre, dès lors qu'elle ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [P] [V], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [P] [V] ayant été condamnée aux dépens, sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Dit irrecevable la demande de Mme [P] [V] tendant à voir ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française à son profit ;

Juge que Mme [P] [V], se disant née le 1er janvier 1946 à [Localité 2] (Niger), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Rejette la demande de Mme [P] [V] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [P] [V] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 04 Juillet 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 22/04883
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;22.04883 ?
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