La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°21/14990

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 04 juillet 2024, 21/14990


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 21/14990
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQQ3

N° PARQUET : 21/1144

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Novembre 2021

AJ du TJ de MONT-DE-MARSAN du 18/11/2020 complétée le 3/11/2021
N° 2020/002077

M.M.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024



DEMANDERESSE

Madame [V] [F]
Chez Madame [P] [J] - [Adresse 1]
[Localité 2]

représen

tée par Me Julie MADRE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0688

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002077 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONT-...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 21/14990
N° Portalis 352J-W-B7F-CVQQ3

N° PARQUET : 21/1144

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Novembre 2021

AJ du TJ de MONT-DE-MARSAN du 18/11/2020 complétée le 3/11/2021
N° 2020/002077

M.M.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [V] [F]
Chez Madame [P] [J] - [Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Me Julie MADRE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0688

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/002077 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONT-DE-MARSAN le 18/11/2020, complétée le 3/11/2021)

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 7] de Paris
[Localité 3]

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/14990

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 23 Mai 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 16 novembre 2021 par Mme [V] [F] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 28 mars 2023,

Vu les dernières conclusions de Mme [V] [F] notifiées par la voie électronique le 13 octobre 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 25 avril 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Décision du 4 juillet 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/14990

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 2 mars 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [V] [F], se disant née le 26 juillet 1999 à [Localité 9], [Localité 5] (Madagascar), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle expose que sa mère, Mme [A] [D] (nommée [R] dans l'acte de naissance malgache), née le 7 décembre 1971 à [Localité 9] (Madagascar), est française pour être la fille de [I] [D], née le 18 février 1949 à [Localité 9], et la petite-fille de [H] [U] [X] [K], né le 12 janvier 1910 à [Localité 9], elle-même issue de [U] [K], né le 13 mai 1881 à [Localité 8] (Ile Maurice), et de [H] [E] [C], née le 10 septembre 1880 à [Localité 6] (Madagascar), laquelle est issue de [L] [C], né le 1er mai 1856 à [Localité 8].

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 17 juillet 2019 par le directeur des services de greffe judiciaires du pôle de la nationalité française du tribunal d'instance de Paris au motif qu'au jour de l'indépendance de Madagascar, sa grand-mère maternelle, fille de [H] [U] [X] [K], était devenue malgache en application des articles 9 et 12 de l'ordonnance n°60-064 du 22 juillet 1960 portant code de la nationalite malgache (pièce n°1 du ministère public).

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

Il convient également de rappeler que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance de Madagascar sont régis par la loi numéro 60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, dont il résulte que seuls ont conservé la nationalité française :
- les personnes originaires (et leurs descendants) du territoire de la République française tel que constitué le 28 juillet 1960,
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- les personnes qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- les personnes originaires de Madagascar, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants.

Il appartient ainsi à Mme [V] [F], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et Madagascar, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 26 de la convention d'entraide judiciaire signée le 4 juin 1973 et publiée le 30 juillet 1975 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, pour justifier de son état civil, Mme [V] [F] produit une copie de son acte de naissance, transcrit le 13 août 2013 sur les registres du service central d'état civil, mentionnant qu'elle est née le 26 juillet 1999 à [Localité 9], [Localité 5] (Madagascar), de [T], [Y], [W], [Z] [F], né le 22 janvier 1969 à [Localité 4] (Madagascar), et de [A], [B] [D], née le 7 décembre 1971 à [Localité 9] (Madagascar) (pièce n°3 de la demanderesse).

L'acte de naissance de Mme [A] [D], transcrit le 16 avril 2003 sur les registres du service central d'état civil, indique qu'elle est née le 7 décembre 1971 à [Localité 9] (Madagascar), de [I] [D], née à [Localité 9] (Madagascar) le 18 février 1949 (pièce n°15 de la demanderesse).

Le ministère public fait valoir que dans l'acte de naissance malgache de la demanderesse, produit en vue de sa transcription sur les registres du service central d'état civil, sa mère se nommait [R] et qu'il n'est toutefois pas justifié du changement de nom de celle-ci.

Or, comme indiqué à juste titre par la demanderesse, le nom de famille retenu par l'officier d'état civil du consulat ayant transcrit l'acte, était déterminé avant l'entrée en vigueur de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, en fonction de la loi française et pouvait donc être différent du nom attribué par les autorités locales étrangères lors de la déclaration de naissance.

Ainsi, la divergence entre l'acte de naissance français de la demanderesse et l'acte malgache quant au nom de sa mère ne procède pas d'un changement de nom de celle-ci mais des différentes règles applicables en matière de dévolution du nom.

A cet égard, il est mentionné sur l'acte de naissance français de Mme [V] [F] que dans l'acte étranger, sa mère se nomme [R].

Au regard de la nationalité française revendiquée de Mme [A] [D], la filiation de Mme [V] [F] est régie, en vertu de l'article 311-14 du code civil, par la loi française.

Sa filiation est ainsi établie à l'égard de Mme [A] [D] par la désignation de celle-ci dans son acte de naissance conformément aux dispositions de l'article 311-25 du même code.

En ce qui concerne la preuve de sa nationalité française, Mme [V] [F] invoque les dispositions de l'article 30-2 du code civil.

L’article 30-2 du code civil dispose que lorsque la nationalité française ne peut avoir sa source que dans la filiation, elle est tenue pour établie, sauf la preuve contraire, si l'intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre ont joui d'une façon constante de la possession d'état de Français.

Ce texte édicte une règle de preuve et non une règle d'attribution de la nationalité française. Cependant, la preuve de cette double possession d'état de l'intéressé et de celui de son parent susceptible de la lui transmettre qui va permettre l'acquisition de la nationalité française par filiation, suffit à satisfaire aux exigences posées par ce texte. Contrairement à ce que prétend le ministère public, il n'y a pas lieu de réserver l'application de ce texte au cas où la preuve de la nationalité française par filiation est impossible.

En l’espèce, c’est bien par filiation - en l'occurrence maternelle - que Mme [V] [F] revendique la source de sa nationalité française.

La possession d’état de Français est le fait pour l’intéressé de s’être considéré comme tel et d’avoir été traité et regardé comme tel par les autorités publiques. Elle est établie par un ensemble d'éléments, dont l'appréciation est purement objective, et qui traduisent l'apparence du lien de nationalité unissant une personne à l'Etat français. En ce sens, pour être efficace, la possession d'état doit être constante, continue, non équivoque, et ne pas avoir été constituée ou maintenue par fraude ou mauvaise foi.

A cet égard, comme précédemment relevé, l'acte de naissance de Mme [V] [F] a été transcrit sur les registres du service central d'état civil le 13 août 2013. Celle-ci produit en outre :
- le passeport qui lui a été délivré le 16 juillet 2019, valable jusqu'au 15 juillet 2029 (pièce n°4 de la demanderesse),
- la carte nationale d'identité qui lui a été délivrée le 16 juillet 2019, valable jusqu'au 15 juillet 2034 (pièce n°5 de la demanderesse),
- son inscription consulaire sur la liste des français de l'étranger entre le 16 septembre 2013 et le 12 octobre 2021 (pièce n°6 de la demanderesse).

En ce qui concerne Mme [A] [D], outre son acte de naissance transcrit sur les registres du service central d'état civil le 16 avril 2003, il est versé aux débats :
- le certificat de nationalité française qui lui a été délivré le 20 octobre 1997 (pièce n°13 de la demanderesse),
- son inscription consulaire sur la liste des français de l'étranger depuis le 12 août 2003 et valable jusqu'au 10 septembre 2026 (pièce n°17 de la demanderesse).

Le ministère public soutient qu'il n'est pas justifié d'une possession d'état constante en ce qui concerne Mme [A] [D], le premier élément dont dispose celle-ci étant le certificat de nationalité française délivré en 1997 alors qu'elle était déjà âgé de 26 ans.

Toutefois, force est de relever que Mme [A] [D] dispose ainsi, depuis plus de 27 ans de la possession d'état de française.

Ainsi, contrairement à ce qu'indique le ministère public, il est justifié d'une possession d'état constante de française tant en ce qui concerne la demanderesse que sa mère.

La nationalité française de Mme [V] [F] est ainsi tenue pour établie sauf au ministère public de rapporter la preuve contraire.

A cet égard, celui-ci fait valoir qu'il ne saurait être tenu pour établi que [H] [U] [X] [K] n'a pas été saisi par la loi de nationalite malgache sur la base des seules déclarations de la demanderesse non corroborées par des pièces justificatives.

Or, comme l'indique à juste titre la demanderesse, et comme il a été précédemment rappelé, il appartient au ministère public de démontrer que [H] [U] [X] [K] a été saisi par la loi de nationalite malgache, ce qu'il ne fait pas.

Ainsi, en l'absence de preuve contraire rapportée par le ministère public, la nationalité française de Mme [V] [F] est tenue pour établie conformément aux dispositions de l'article 30-2 du code civil, précité.

Il sera donc jugé que Mme [V] [F] est de nationalité française en vertu des dispositions de l'article 18 du code civil.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, le ministère public sera condamné aux dépens.

Sur l'article 700 2° du code de procédure civile

Le Trésor public sera condamné à verser à Maître [M] [O] la somme de 2 080 € au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [V] [F], née le 26 juillet 1999 à [Localité 9], [Localité 5] (Madagascar), est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne le Trésor public à payer à Maître [M] [O] la somme de 2 080 € au titre des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Condamne le ministère public aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 04 Juillet 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 21/14990
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;21.14990 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award