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04/07/2024 | FRANCE | N°21/06557

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 04 juillet 2024, 21/06557


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 21/06557
N° Portalis 352J-W-B7F-CUM5J

N° PARQUET : 17/1234

N° MINUTE :

Assignation du :
26 Octobre 2017

V.B.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :





JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024







DEMANDEUR

Monsieur [E] [B]
Commune de [Localité 5]
[Adresse 7]
[Localité 2] - GUINEE

représenté par Me Sylvain SALIGARI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

, vestiaire #C2455


DEFENDERESSE

MADAME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 1]

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du cont...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 21/06557
N° Portalis 352J-W-B7F-CUM5J

N° PARQUET : 17/1234

N° MINUTE :

Assignation du :
26 Octobre 2017

V.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024

DEMANDEUR

Monsieur [E] [B]
Commune de [Localité 5]
[Adresse 7]
[Localité 2] - GUINEE

représenté par Me Sylvain SALIGARI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2455

DEFENDERESSE

MADAME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Localité 1]

Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/06557

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière

DEBATS

A l’audience du 23 Mai 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 26 octobre 2017 par M. [E] [B] au procureur de la République,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 9 mai 2019,

Vu la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 5 juin 2019,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 24 octobre 2019,

Vu l’ordonnance de radiation rendue le 27 novembre 2019,

Vu les conclusions de remise au rôle de M. [E] [B] en date du 10 mai 2021,

Vu le rétablissement de l'affaire le 18 mai 2021 et le renvoi à l'audience de mise en état du 16 septembre 2021,

Vu les dernières conclusions de M. [E] [B] notifiées par la voie électronique le 20 octobre 2021, et le dernier bordereau de communication de pièces du 11 janvier 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 7 juin 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 25 avril 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 28 décembre 2017. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

M. [E] [B], se disant né le 2 avril 1998 à [Localité 4] (Guinée), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Il fait valoir que son père, [S] [B], né le 5 mars 1946 à [Localité 3] (Guinée), est français par déclaration souscrite le 30 avril 1976 devant le juge du tribunal d'instance de Bordeaux.

Le ministère public demande au tribunal de dire que M. [E] [B] n'est pas français.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d'invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu'à leurs titulaires, et ce même s'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par le demandeur, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

Il doit être également rappelé que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance des anciens territoires d’outre-mer d’Afrique (hors Algérie, Comores et Djibouti) sont régis par la loi n°60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, qui s’est lui-même substitué aux articles 13 et 152 à 156 du même code dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945 et modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Il résulte de l’application combinée de ces textes que seuls ont conservé la nationalité française :
- les originaires du territoire de la République française (et leur conjoint, veuf ou descendant) tel que constitué le 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un Etat qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française,
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- celles qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- enfin, celles, originaires de ces territoires, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants,
- les enfants mineurs de 18 ans suivant la condition parentale selon les modalités prévues à l’article 153 du code de la nationalité française de 1945 dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 telle que modifiée par la loi du 28 juillet 1960.

Le domicile au sens du droit de la nationalité s’entend d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ; il ne se réduit pas au lieu de travail.

Il appartient ainsi à M. [E] [B], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est rappelé que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent, au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, être légalisés pour y produire effet.

En l'absence de convention entre la France et la Guinée emportant dispense de la formalité de la légalisation prévue par les dispositions internationales, tout acte ne peut faire foi au sens de ce texte que s'il est légalisé par le consul français en Guinée ou à défaut par le consulat de Guinée en France.

La légalisation des actes d'origine étrangère permet d'attester de la véracité d'une signature sur un acte, de la qualité du signataire de l'acte, et de l'identité du sceau ou du timbre apposé sur l'acte.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, pour justifier de son état civil, M. [E] [B] produit, en pièces n°1, l'original ainsi qu'une copie certifiée conforme, du volet n°1 de son acte de naissance n°406, dressé sur les registres de l'année 1998, mentionnant qu'il est né le 2 avril 1998 à [Localité 4], de [S] [B], né en 1956, et de [R] [Z], née en 1970.

Comme le relève à juste titre le ministère public, ces actes ne sont pas légalisés, de sorte qu'ils ne sont pas opposables en France.

Par ailleurs, en réponse aux incohérences soulevées par le ministère public concernant l'année de naissance de son père dans son acte de naissance, 1956, et l'état civil de [S] [B], né le 5 mars 1946, qui a souscrit une déclaration de reconnaissance de nationalité française, M. [E] [B] fait valoir qu'il a obtenu la rectification des mentions erronées sur son acte de naissance et qu'il dispose d'une copie rectifiée de l'acte.

Il verse ainsi aux débats en pièces n°8 :
-la copie intégrale, délivrée le 9 novembre 2020 et valablement légalisée, de l'extrait du registre des transcriptions, indiquant qu'il est né le 2 avril 1998 à [Localité 4], de [S] [L], né le 5 mars 1946, et de [R] [Z], née le 16 avril 1970, l'acte ayant été dressé le 7 septembre 2020 sous le numéro 32 sur transcription du jugement rectificatif de date de naissance n°526 en date du 24 août 2020,
-la copie conforme, valablement légalisée, du jugement n°526 rendu le 24 août 2020 rectifiant l’extrait de naissance n°406, feuillet 06, registre 05 de l'année 1998 le concernant.

Le ministère public soutient notamment que le demandeur ne démontre pas que son acte de naissance a été rectifié, faute de produire un nouvel acte comportant les modifications, ce qui laisse supposer une fraude ; que l'extrait des registres nouvellement produit établit un nouvel acte de naissance pour le demandeur, avec un nouveau numéro et une date d'établissement différente. Le ministère public indique ainsi que le demandeur est titulaire de deux actes de naissance, l'un dressé en 1998 et portant le numéro 406, l'autre dressé en 2020 et portant le numéro 32.
Décision du 4 juillet 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/06557

A cet égard, M. [E] [B] soutient que l'extrait des registres de transcription n°32, dressé le 7 septembre 2020, constitue la copie rectifiée de son acte de naissance.

Or, le jugement du 24 août 2020 susvisé ordonne la rectification de l'extrait d'acte de naissance de M. [E] [B], visant spécifiquement dans ses motifs l'acte n°406, registre 05 de l'année 1998.

Comme le souligne à juste titre le ministère public, le demandeur ne produit pas une nouvelle copie de son acte de naissance n°406, mentionnant les rectifications ainsi ordonnées, mais un nouvel acte dressée sous le numéro 32.

Il en résulte que le demandeur est titulaire de deux actes de naissance, un acte n°406, dressé sur les registres de l'année 1998, et un acte n°32, établi le 7 septembre 2020.

Il est donc rappelé qu'en principe l'acte de naissance est un acte unique, conservé dans le registre des actes de naissance. Le fait de disposer de plusieurs actes de naissance remet ainsi en cause de caractère probant desdits actes, sans qu'aucun ne puisse dès lors faire foi au sens de l'article 47 du code civil.

Dès lors, faute de justifier d'un état civil fiable et certain, M. [E] [B] ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit.

En conséquence, M. [E] [B] sera débouté de sa demande tendant à voir juger qu'il est de nationalité française par filiation paternelle. Par ailleurs, dès lors qu'il ne peut revendiquer la nationalité française à aucun titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'il n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [E] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Déboute M. [E] [B] de sa demande tendant à voir juger qu'il est de nationalité française ;

Juge que M. [E] [B], se disant né le 2 avril 1998 à [Localité 4] (Guinée), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne M. [E] [B] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 04 Juillet 2024

La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 21/06557
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;21.06557 ?
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