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04/07/2024 | FRANCE | N°20/02524

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 04 juillet 2024, 20/02524


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 20/02524 - N° Portalis 352J-W-B7E-CR2V4

N° PARQUET : 20-82

N° MINUTE :


Assignation du :
31 Décembre 2019

AJ du TJ DE PARIS du 08 Avril 2019 N° 2019/004405

[1]A.F.P.

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024
DEMANDERESSE

Madame [K] [J]
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Me Léopoldine MAPCHE TAGNE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

, vestiaire #C0908(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/004405 du 08/04/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PONTOISE)



DEFENDERESSE

LA PROCURE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 20/02524 - N° Portalis 352J-W-B7E-CR2V4

N° PARQUET : 20-82

N° MINUTE :

Assignation du :
31 Décembre 2019

AJ du TJ DE PARIS du 08 Avril 2019 N° 2019/004405

[1]A.F.P.

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 04 Juillet 2024
DEMANDERESSE

Madame [K] [J]
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Me Léopoldine MAPCHE TAGNE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0908(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/004405 du 08/04/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PONTOISE)

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 7]
[Localité 2]
LAGUARIGUE DE SURVILLIERS Etienne, premier vice-procureur

Décision du 04/07/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 20/02524

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Hanane Jaafar, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 23 Mai 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile par Madame Antoanela Florescu-Patoz, magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Jaafar Hanane, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 31 décembre 2019 par Mme [K] [J] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de Mme [K] [J] notifiées par la voie électronique le 5 juillet 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 19 avril 2024,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 26 avril 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 6 août 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [K] [J], se disant née le 18 juin 1999 à [Localité 6] (Algérie), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle fait valoir que sa mère, Mme [Z] [R], née le 16 mars 1980 à [Localité 3] (Algérie) est française pour être la fille de [G] [R], né le 21 août 1945 à [Localité 3] (Algérie), qui a conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie pour relever du statut civil de droit commun, pour être issu de [S] [R], né le 22 mars 1899 à [Localité 5] (Algérie), admis à la qualité de citoyen français par décret du 29 novembre 1923.

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 17 novembre 2016 par le greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France au motif que l'intéressée et sa mère avaient résidé à l'étranger durant 50 ans après l'indépendance de l'Algérie et qu'elle n'avaient pas d'éléments de possession d'état de françaises avant le 8 juillet 2014, qu'elle était donc irrecevable à faire la preuve qu'elle a par filiation la nationalité française (pièce n°1 de la demanderesse).

Le ministère public soulève la désuétude, sur le fondement de l'article 30-3 du code civil.

Sur la désuétude

Aux termes de l’article 30-3 du code civil, lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français.

L’application de l’article 30-3 du code civil invoqué par le ministère public doit être examinée au regard des seuls termes de ce texte, lequel n’institue pas un délai de prescription susceptible de suspension ou d’interruption mais instaure une perte du droit à apporter la preuve devant les tribunaux de sa nationalité française, sanctionnant le non usage de celle-ci aux personnes qui résident habituellement à l’étranger et dont les ascendants n’ont pas plus été sur le sol français depuis un certain temps. Il s’ensuit qu’il ne peut donc être constaté une inégalité entre l’action négatoire du ministère public, qui peut être combattue par la possession d’état reconnue par l’article 21-13 du code civil, et l’action déclaratoire de nationalité française, dont l’exercice n’est pas davantage subordonné à un délai, dès lors que l’intéressé dispose d’éléments de possession d’état durant la période visée.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code précité, lequel impose de mentionner, dans le jugement, la date à laquelle la nationalité française a été perdue, ou, le cas échéant, la date à laquelle elle avait été perdue par les auteurs de l’intéressé, en précisant que ce dernier n’a jamais été français.

Pour l'application de l’article 30-3 précité, il convient de déterminer :
- que le requérant revendique la nationalité française par filiation,
- que le requérant réside ou a résidé habituellement a l'étranger et qu’il n’a pas eu de possession d’état de français, c’est à dire qu’il n’a pas été en possession de passeport ou carte nationale d’identité française, inscrit au Consulat ou sur les listes électorales notamment,
- que le ou les ascendants dont il tient par filiation la nationalité, sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle a l’étranger et que son parent direct, duquel il revendique la nationalité française, n’a pas davantage de possession d’état de français.

A cet égard, il ressort de la rédaction même de l'article 30-3 du code civil, que le législateur a distingué entre la condition de résidence habituelle à l'étranger, pour laquelle sont concernés « les ascendants dont il tient la nationalité », de la condition propre à la possession d'état pour laquelle sont visés les seuls « père et mère ». Ainsi, s'agissant de la fixation à l'étranger pendant plus de 50 ans des « ascendants » du demandeur, il n'y a pas de distinction quant au degré d'ascendance, et sont donc également concernés les grand-parents, à condition qu'ils appartiennent à la branche par laquelle est revendiquée la nationalité française.

Le délai cinquantenaire s’apprécie en la personne de l’ascendant du requérant à l’action déclaratoire. Le point de départ de la résidence a l’étranger de l’ascendant est :
- pour les ascendants nés avant l’accession à l’indépendance du pays où ils résident, constitué par la date de cette accession à l’indépendance puisque c’est bien depuis cette date qu’elles sont fixées a l’étranger,
- pour ceux nés postérieurement à cette accession à l’indépendance, la date depuis laquelle ces ascendants ayant été susceptibles de transmettre la nationalité française, sont fixés à l’étranger c’est à dire depuis l’accession à l’indépendance également, le texte de l’article 30-3 incluant tous les ascendants et non pas seulement la première génération de ceux-ci.

La fixation à l'étranger s'entend d'une absence de résidence en France.

L’article 30-3 du code civil interdit ainsi, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.

Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

Ainsi, le requérant qui agit en action déclaratoire de nationalité française alors qu’il réside ou a résidé habituellement à l’étranger et que ses ascendants y ont été fixés depuis plus de 50 ans sans avoir eu d’élément de possession d’état pour venir faire exception, sur cette période, à la désuétude encourue du fait de leur fixation à l’étranger, a déjà perdu la nationalité française, comme il résulte de l’application de l’article 23-6 du code civil, sans qu’aucune régularisation postérieure ne puisse intervenir.

L' Algérie ayant accédé a l’indépendance le 3 juillet 1962, les personnes et leurs ascendants dont ils tiendraient la nationalité française, qui y ont résidé depuis plus de 50 années à compter de cette date, résident à l’étranger depuis plus de 50 ans, ne sont plus admis à faire la preuve qu’ils ont la nationalité française à compter du 4 juillet 2012, s’ils n’ont pas eu de possession d’état de français.

En l’espèce, Mme [K] [J] revendique la nationalité française par filiation maternelle.

La saisine datant du 31 décembre 2019 pour un délai de 50 ans acquis le 4 juillet 2012, seule la démonstration d’une résidence habituelle en France de Mme [K] [J] ou d’un de ses ascendants maternels, ou la démonstration d’une possession d’état de française d'elle-même ou de sa mère avant le 4 juillet 2012 permet d’écarter la désuétude.

Dans ses écritures, le ministère public fait valoir que la demanderesse et sa mère n'ont pas leur résidence fixée en France en ce qu'elles sont nées à l’étranger en Algérie, et la demanderesse ne réside en France que pour ses études depuis l'année 2018, et ne verse aucun élément en faveur d'une possession d'état français pour elle ni pour sa mère antérieurement au 4 juillet 2012.

Pour s'opposer à la désuétude soulevée par le ministère public la demanderesse indique qu'elle réside en France avec sa mère dans le cadre de son cursus universitaire. Elle produit à cet égard des certificats de scolarité de l'université de [Localité 4] pour les années 2018 à 2020 (pièces n°12 de la demanderesse). Elle produit également une quittance de loyer d'un logement situé à [Localité 8] au nom de sa mère, Mme [Z] [J], pour le mois d'avril 2019 (pièce n°13 de la demanderesse).

Or, comme l'indique le ministère public, la résidence en France est postérieure au délai cinquantenaire précité.

Par ailleurs, la demanderesse produit une copie de son passeport français délivré le 23 juin 2014, une carte nationale d'identité délivrée le 7 septembre 2015 ; une copie de l'acte de mariage et une copie de l'acte de naissance, transcrits sur les registres du service central de l'état civil le 17 avril 2014 et un certificat de nationalité française en date du 17 avril 2013 (pièces n°4, 6, 7, 9 et 10 de la demanderesse).

Or, ces éléments sont tous postérieurs au 4 juillet 2012.

En outre, comme précédemment rappelé, la condition relative à la possession d'état s'apprécie en la personne de la demanderesse et de son ascendant direct duquel elle revendique tenir la nationalité française, dès lors, le certificat de nationalité française délivré à [G] [R] le 21 juin 2012 est inopérant (pièce n°8 de la demanderesse).

Il apparaît ainsi que Mme [K] [J] a agi après le 4 juillet 2012 alors qu'elle, ni sa mère, n'ont d’élément de possession d’état de la nationalité française avant cette date, et aucun d'elle ou de ses ascendants maternels n’ont eu une résidence habituelle sur le territoire français au cours du délai cinquantenaire fixé par l'article 30-3 du code civil.

Par suite, il convient de faire droit à la demande du ministère public en ce qui concerne la désuétude soulevée.

Il sera donc jugé que Mme [K] [J] n'est pas admise à faire la preuve qu’elle a, par filiation, la nationalité française.

En application du dernier alinéa de l’article 23-6 du code civil, le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

En l'espèce, au regard des éléments précédemment relevés, il y a lieu de juger que Mme [K] [J] est réputée avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [K] [J], qui succombe, sera condamné aux dépens lesquels seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle.

Sur l'article 700 2° du code de procédure civile

Mme [K] [J] ayant été condamnée aux dépens, sa demande au titre des dispositions de l'article 37 de la la loi du 10 juillet 1991, au profit de Maître Léopoldine Mapche Tagne, ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [K] [J] n'est pas admise à faire la preuve qu'elle a, par filiation, la nationalité française ;

Juge que Mme [K] [J], née le 18 juin 1999 à [Localité 6] (Algérie), est réputée avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012 ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Rejette la demande de Mme [K] [J] au titre des dispositions de l'article 700 2° du code de procédure civile ;

Condamne Mme [K] [J] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément à la législation en matière d'aide juridictionnelle ;

Fait et jugé à Paris le 04 Juillet 2024

La Greffière La Présidente
Hanane Jaafar Antoanela Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 20/02524
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;20.02524 ?
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