TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
9ème chambre 2ème section
N° RG 22/13437 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYHZF
N° MINUTE : 1
Assignation du :
09 Novembre 2022
JUGEMENT
rendu le 03 Juillet 2024
DEMANDEURS
Madame [N] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Monsieur [U] [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Guillaume PIERRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0259
DÉFENDERESSE
S.A. BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître Laurent GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0020
Décision du 03 Juillet 2024
9ème chambre - 2ème section
N° RG 22/13437 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYHZF
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur MALFRE, Vice-président
Monsieur BOUJEKA, Vice-Président
Monsieur PARASTATIDIS, Juge
assistés de Pierre-Louis MICHALAK, Greffier, lors des débats, et de Claudia CHRISTOPHE, Greffière, lors de la mise à disposition.
DÉBATS
A l’audience du 15 Mai 2024 tenue en audience publique devant Alexandre PARASTATIDIS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
FAITS ET PROCEDURE
Le 16 avril 2018, Mmes [N] et [S] [X] ont souscrit ensemble auprès de la SA BNP Paribas deux prêts immobiliers de 70.000 euros et 69.000 euros destinés à l’acquisition d’un appartement à usage locatif.
Le 16 juillet 2018, Mme [N] [X] a également souscrit avec M. [U] [Y] un prêt immobilier de 434.700 euros pour l’acquisition de la résidence principale du couple et le remboursement de prêts antérieurement souscrits auprès de l’organisme Cetelem.
Le 31 août 2018, la BNP Paribas a octroyé au couple [Y] / [X] un prêt supplémentaire n° 01730 60960073 de 5.000 euros, la valeur de rachat des crédits Cetelem s’étant révélée supérieure pour un montant de 4.237,28 euros à celle accordée à ce titre dans le cadre du prêt souscrit.
En mars 2019, la BNP Paribas a accordé à M. [Y] et Mme [X] un troisième prêt à la consommation n°01730 60978115 d’un montant de 12.000 euros.
Par ordonnance rendue le 10 mars 2022, le juge des contentieux et de la protection de Créteil saisi par les emprunteurs a ordonné la suspension du paiement du prêt immobilier de 434.700 euros et du crédit à la consommation de 5.000 euros.
C'est dans ces conditions que par exploit d’huissier de justice du 9 novembre 2022, M. [Y] et Mme [X] ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la BNP Paribas aux fins de la voir condamnée à les indemniser des préjudices qu’ils estiment découler des manquements de cette dernière lors de la conclusion des prêts.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 novembre 2023, aux visas des articles L.312-8, L.312-33, L.313-1 et L.313-2 du code de la consommation, 1147 et 1907 du code civil, et 1304 du code civil (ancien), il est demandé au tribunal de :
« DIRE Madame [X] et Monsieur [Y] recevables et bien fondés en leurs demandes.
En conséquence,
CONSTATER que la BNP PARIBAS a commis une faute en octroyant un prêt immobilier de 434.700 € le 16 juillet 2018 à Madame [X] et de Monsieur [Y] suivant offre du 22 octobre 2013 (sic),
PRONONCER la déchéance totale des intérêts du prêt immobilier du 16 juillet 2018.
CONDAMNER la BNP PARIBAS à établir un nouveau tableau d'amortissement du capital restant dû après qu'ait été substitué au taux conventionnel, le taux légal, et ce sous astreinte de 90 euros par jour de retard dans les quinze jours de la signification de la décision à intervenir
DIRE ET JUGER que Madame [X] et de Monsieur [Y] ne seront tenus au remboursement des intérêts à échoir afférents à l'emprunt litigieux que sur la base du tableau d'amortissement rectifié après substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel,
RAPPELER en tant que de besoin, que le montant du taux légal applicable ne pourra jamais excéder le taux nominal initial du prêt ;
CONSTATER que la BNP PARIBAS a commis une faute en accordant :
- un prêt n° 01730 60960073 de 5000 €
- prêt n° 01730 60978115 de 12000 €
Sans vérifier les capacités financières des emprunteurs,
DIRE ET JUGER que la BNP PARIBAS a manqué à son obligation de mise en garde,
En conséquence,
CONDAMNER la BNP PARIBAS au paiement de la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts
Subsidiairement,
PRONONCER la déchéance totale des intérêts des prêt n° 01730 60960073 de 5000€ et prêt n° 01730 60978115 de 12000€
En tout état de cause,
CONDAMNER la BNP PARIBAS à payer à Madame [X] et de Monsieur [Y] une somme de 4.000 € sauf à parfaire sur le fondement de l’article 700 du CPC,
CONDAMNER la BNP PARIBAS aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Guillaume PIERRE, Avocat, dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. »
A l’appui de leurs prétentions, M. [Y] et Mme [X] font valoir que la BNP Paribas a manqué à ses obligations en se trompant dans le calcul du financement du prêt immobilier octroyé le 16 juillet 2018, erreur que l’établissement bancaire ne peut reporter sur eux en prétextant qu’ils auraient fournis trop tardivement les documents nécessaires à l’évaluation du montant exact du prêt à accorder, et ce alors qu’il est un professionnel qui se devait d’effectuer les calculs pertinents prenant en compte notamment le rachat des précédents prêts, ajoutant que ceux-ci avaient été accordés par sa propre filiale, la société Cetelem, et qu’il était donc en capacité d’obtenir en interne les décomptes de remboursement anticipé nécessaires à ces calculs.
Ils soutiennent dès lors que la BNP Paribas a joué un rôle actif d’incitation à l’endettement en leur accordant par la suite de manière abusive, pour pallier son erreur, deux prêts successifs les conduisant à s’acquitter d’une mensualité totalement disproportionnée au regard de leurs capacités financières, leur taux d’endettement étant alors de 39,48%, sans les mettre en garde sur cette disproportion et les alerter sur le risque d’endettement né de l’octroi de ces deux derniers crédits, et ce alors qu’ils devaient être considérés comme des emprunteurs non avertis, qualité qui n’est pas contestée s’agissant de M. [Y], vendeur dans le commerce, et qui doit être reconnue à Mme [X] qui ne présentait aucune expertise en matière de financement immobilier, sa fonction d’alors d’agent commercial pour le compte d’une agence immobilière se limitant à la commercialisation d’appartements et non au financement de leur acquisition.
M. [Y] et Mme [X] sollicitent en conséquence, à titre principal, le prononcé de la déchéance des intérêts du prêt immobilier souscrit le 16 juillet 2018 ainsi que la condamnation de la BNP Paribas à leur payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts et, à titre subsidiaire, le prononcé de la déchéance des intérêts des prêts de 5.000 et 12.000 euros.
En tout état de cause, ils demandent la condamnation de la banque à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 9 juin 2023, la BNP Paribas, aux visas des articles 695 et suivants du code de procédure civile, demande au tribunal de :
« ACCUEILLIR BNP PARIBAS en ses conclusions et les DECLARER recevables et bien fondées.
EN CONSEQUENCE
DEBOUTER Madame [N] [X] et Monsieur [U] [Y] de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de BNP PARIBAS.
LES CONDAMNER solidairement à payer à BNP PARIBAS la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC et aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de la SELARL GUIZARD et associés représentée par Maître Laurent GUIZARD, avocat aux offres de droit. »
A l’appui de ses prétentions, la BNP Paribas entend préciser à titre liminaire que les deux premiers prêts en date du 16 avril 2018 des montants respectifs de 69.000 et 70.000 euros ont été accordés à Mme [N] [X], codemanderesse à la présente instance, mais également à Mme [S] [X] qui ne s’est pas jointe à cette action. Elle ajoute que ces prêts avaient un but locatif dont il se déduit, d’une part, que les emprunteuses retirent un bénéfice financier de l’opération ainsi financée qui n’est pourtant pas évoqué par Mme [N] [X] et que, d’autre part, Mme [N] [X] n’était pas une emprunteuse non avertie comme le laisse supposer par ailleurs sa profession d’agent commercial immobilier qui implique nécessairement une connaissance des investissements immobiliers et des financements nécessaires à leur réalisation. Elle ajoute que l’évolution de la situation des emprunteurs depuis l’octroi du prêt, à savoir la perte de son emploi par M. [Y] et l’agrandissement de leur famille, n’a pas à être prise en considération et explique la suspension partielle du remboursement des crédits prononcée par le juge des contentieux de la protection de Villejuif dont elle relève qu’elle concerne également un autre organisme prêteur.
Sur sa responsabilité, la BNP Paribas soutient tout d’abord que les objectifs du prêt de 434.700 euros, à savoir acquérir la résidence familiale, rembourser des prêts précédents y compris les indemnités de remboursements anticipés, ainsi que les frais de notaire, ont été atteints. S’agissant de l’erreur affectant son montant, la banque estime qu’elle ne peut lui être imputée dès lors que les emprunteurs ne lui ont pas fourni des documents précis en temps utile et qu’elle a dû procéder par estimation, ce qui explique le différentiel litigieux qui a été financé par le seul prêt ultérieur de 5.000 euros et non celui de 12.000 euros dont la finalité était le remboursement de l’organisme Cetelem.
Elle affirme avoir vérifié les moyens financiers de ses clients, ce qui est justifié selon elle au regard des offres de prêts produites par les demandeurs et soutient que les demandeurs, sur lesquels pèse la charge de la preuve, ne démontrent pas la réalité du risque de surendettement au moment de la souscription des prêts, l’évolution ultérieure de leur situation étant indifférente, faute de produire des documents sur leur situation précise de l’époque, étant relevé par ailleurs le caractère imprécis et incomplet, voire inexact des renseignements qu’ils produisent. En tout état de cause, la banque réfute toute obligation de mise en garde à sa charge au regard de la qualité d’emprunteur averti de Mme [X].
Enfin, elle pose également la question du préjudice et du lien de causalité dès lors que ce sont les choix du couple [Y] / [X] qui sont à l’origine du litige qui concerne d’autres organismes prêteurs, à savoir les sociétés Cetelem et Floa Bank, qui ne sont pas dans la cause. Elle estime que la déchéance du droit aux intérêts du prêt de 434.700 euros, qui ne repose sur aucun fondement juridique explicité, serait injustifiée et disproportionnée, le prêt accordé ayant pleinement rempli son objet et son coût étant actuellement supporté de fait par elle-même en raison de la décision du juge des contentieux de la protection. Elle relève enfin l’absence de justification à la somme de 25.000 euros demandée à titre de dommages et intérêts qui n’a, selon elle, que pour seul objet de lui faire supporter les difficultés financières rencontrées par les demandeurs.
Elle conclut en conséquence au rejet de l’ensemble des demandes.
Par ordonnance du 14 février 2024, le juge de la mise en état a débouté M. [Y] et Mme [X] de leur demande de communication par la BNP Paribas de la copie du crédit n° 01730 60978115 et de la fiche de dialogue afférent à ce crédit, réservé les dépens de l’incident et renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 3 avril 2024 à laquelle la clôture de l’instruction a été prononcée.
L’affaire a été évoquée à l’audience de plaidoirie tenue en juge rapporteur le 15 mai 2024 et mise en délibéré au 3 juillet 2024.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 – Sur la responsabilité de la BNP Paribas
1Le banquier est tenu à l’égard de ses clients non avertis d’un devoir de mise en garde en cas de risque d’endettement excessif de l’emprunteur. La charge de la preuve de la qualité d’emprunteur non averti ainsi que celle qu’il a satisfait à son devoir de mise en garde repose sur le prêteur.
Ce devoir de mise en garde oblige le banquier, avant d’apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client et à l’alerter des risques encourus.
Pour déterminer un éventuel manquement au devoir de mise en garde d'un établissement bancaire, lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs.
L'appréciation des capacités financières et du risque d'endettement d'un emprunteur non averti prend en compte ses biens et revenus, y compris la valeur de l'immeuble financé par l'emprunt, sous déduction du montant de la dette au jour de la conclusion du contrat.
Le manquement d'un banquier à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt prive cet emprunteur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt.
En l’espèce, il ressort de la pièce n°18 produite par les demandeurs que Mme [X] exerce la profession d’agent commercial en matière immobilière depuis au moins le 18 juillet 2013. S’il ressort de la demande d’habilitation qu’elle verse aux débats que dans le cadre de ses fonctions, la demanderesse n’était pas habilitée à engager les parties et à recevoir des fonds, il ne peut être raisonnablement soutenu qu’elle ignorait les mécanismes de financement des biens qu’elle commercialisait et n’en maîtrisait pas les mécanismes. Par ailleurs, comme le relève la défenderesse qui produit deux offres de prêts en date du 16 avril 2018, Mme [X] avait elle-même, à titre personnel avec la dénommée [S] [X], souscrit déjà auparavant des prêts aux fins de financement d’un appartement à usage locatif. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme [X] doit être considérée comme une emprunteuse avertie au regard des prêts litigieux.
En revanche, la banque ne rapporte pas la preuve que M. [Y] qui exerçait la profession de vendeur dans le commerce présentait au moment de la souscription des prêts litigieux des compétences particulières en matière de crédit et que ce dernier doit être regardé comme un emprunteur averti, qualité qui l’aurait dispensé d’être mis en garde à l’occasion de la souscription desdits prêts.
En conséquence, la banque était tenue à l’égard de M. [Y] d’un devoir de mise en garde sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi des prêts litigieux.
Or, la banque ne produit aucun document rapportant la preuve des éléments recueillis sur la situation des demandeurs au moment de la souscription de prêts.
Cependant, les demandeurs indiquent en page 5 de leurs écritures que « avec les mensualités du prêt immobilier du 16 juillet de 1.307,91 €, leur taux d’endettement était de 33% (et sans prendre les charges courantes du ménage) »,
L’analyse des éléments financiers produits par les demandeurs, à savoir, pour M. [Y], son avis d’imposition pour les revenus de l’année 2018 et, pour Mme [X], une attestation de son comptable pour les revenus des années 2015 à 2017, confirment que le taux d’endettement du couple était de 33%, à savoir le seuil au-delà duquel il peut être considéré qu’un prêt constitue un risque d’endettement excessif pour l’emprunteur.
Ledit seuil n’étant pas dépassé, la BNP Paribas n’était en conséquence pas tenue de mettre en garde les demandeurs contre un risque d’endettement excessif né de l’octroi du crédit accordé le 16 juillet 2018.
De plus, concernant le montant emprunté, il revient à l’emprunteur de communiquer au prêteur les informations nécessaires à l’appréciation de ses besoins et notamment les pièces contractuelles données par tout créancier pour chacun des crédits dont le regroupement est envisagé.
Au cas particulier, il ressort d’un courriel du 22 septembre 2018 de M. [W] [J], préposé de la BNP Paribas, que le calcul effectué par la banque sur la base des tableaux d’amortissement des deux crédits Cetelem dont le rachat a été financé par une partie du prêt souscrit le 16 juillet 2018, était erroné en raison d’évènements survenus pendant la vie des prêts qui n’avaient pas été signalés par les demandeurs, ce que ces derniers ne contestent pas, arguant du fait que la société Cetelem étant une de ses filiales, la défenderesse pouvait se faire communiquer en interne tout document utile pour le calcul du prêt. Or, comme indiqué précédemment, il revenait aux emprunteurs de communiquer les éléments concernant leur situation, la banque n’ayant pas à rechercher et, a fortiori, solliciter des documents auprès d’autres organismes tels que la société Cetelem et ce nonobstant le fait que la BNP Paribas appartient au même groupe de sociétés, les deux entités étant distinctes et indépendantes.
De plus, le tribunal relève que les deux décomptes adressés par la société Cetelem aux demandeurs les informant du montant de rachat des deux crédits, qui n’ont manifestement pas été communiqués à la BNP Paribas lors de la phase précontractuelle pour le calcul des montants à rembourser, ce qui résulte implicitement du grief fait à la BNP Paribas de ne pas s’être procurés ces documents directement auprès de la société Cetelem, sont datés tous deux du 12 juin 2018 et étaient donc détenus par les emprunteurs avant la signature de l’offre intervenue le 16 juillet 2018, sans que ces derniers n’en fassent état ou ne relèvent l’erreur des montants affectés au remboursement des prêts et l’insuffisance pour un montant 4.237,28 euros des fonds octroyés à cet effet.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la responsabilité de la BNP Paribas ne saurait être engagée au titre de l’erreur de calcul du montant du prêt souscrit le 16 juillet 2018 et par voie de conséquence de la nécessité qui s’en est suivie de compléter le financement par un crédit supplémentaire d’un montant de 5.000 euros avec les conséquences matérielles et financières qui en ont découlé consistant en des doubles prélèvements et des frais bancaires.
En revanche, comme développé précédemment, le seuil de 33% du taux d’endettement étant déjà atteint lors de la souscription du prêt du 16 juillet 2018, la BNP Paribas aurait dû mettre en garde M. [Y] du risque d’endettement excessif résultant de la souscription d’un nouveau crédit, ce qu’elle ne démontre pas avoir fait.
En effet, si le tribunal relève que les emprunts souscrits par Mme [X] le 16 avril 2018 avaient pour finalité l’achat d’un bien à usage locatif source de potentiels revenus pour la demanderesse, il constate également que la BNP Paribas, qui ne pouvait ignorer cette situation, le prêt litigieux ayant été souscrit seulement quelques mois plus tard, ne démontre pas avoir interrogé la demanderesse sur ce point. Dès lors, faute de rapporter la preuve d’avoir eu connaissance d’un changement de situation du couple depuis la souscription du prêt le 16 juillet 2018, la banque devait nécessairement considérer que le nouveau prêt accordé entraînait une hausse du taux d’endettement du couple et donc un dépassement du seuil précité qui aurait dû la conduire à mettre en garde les demandeurs sur le risque d’un endettement excessif, ce qu’elle ne démontre pas avoir fait.
S’agissant du crédit n°0173060978115 de 12.000 euros, qui n’est justifié par la production d’aucun document contractuel mais dont il n’est pas contesté qu’il a bien été souscrit par les demandeurs auprès de la BNP Paribas en mars 2019 selon l’ordonnance de référé rendue le 10 mars 2022 par le juge des contentieux et de la protection de [Localité 5] statuant en référé, il convient de considérer qu’à l’époque de sa souscription, soit moins d’un an après les deux premiers prêts litigieux, la banque était également tenue à un devoir de mise en garde pour les mêmes raisons qu’exposées précédemment et que sa responsabilité doit également être engagée pour un manquement à celui-ci s’agissant de ce crédit.
Le préjudice né du manquement par une banque à son obligation de mise en garde s’analyse en la perte de chance pour l’emprunteur de ne pas contracter un emprunt disproportionné.
Néanmoins, au cas particulier, l’indemnisation réclamée à hauteur de 25.000 euros n’est pas justifiée et sera limitée à la somme de 2.000 euros.
En conséquence, la BNP Paribas est condamnée à payer aux demandeurs la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à son devoir de mise en garde lors de la souscription des prêts n°01730 60960073 (5.000 euros) et 01730 60978115 (12.000 euros).
2 - Sur les demandes accessoires
2.1 - Sur les frais du procès
La BNP Paribas qui succombe est condamnée aux dépens.
Elle est également condamnée au paiement au couple [Y] / [X] d’une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
2.2 - Sur l’exécution provisoire
La présente décision est revêtue de droit de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version applicable en l’espèce, l’instance ayant été introduite postérieurement au 31 décembre 2019.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
CONDAMNE la SA BNP Paribas à payer à M. [U] [Y] et Mme [N] [X] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la SA BNP Paribas aux dépens dont distraction au profit de Maître Guillaume Pierre, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SA BNP Paribas à payer à M. [U] [Y] et Mme [N] [X] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 03 Juillet 2024
La GreffièreLe Président