TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
1/1/2 resp profess du drt
N° RG 22/11785
N° Portalis 352J-W-B7G-CX45D
N° MINUTE :
Assignation du :
26 Septembre 2022
JUGEMENT
rendu le 03 Juillet 2024
DEMANDEUR
Monsieur [C] [F]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté par Maître Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1909
DÉFENDERESSE
Maître [G] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Maître Stéphane LATASTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0086
PARTIES INTERVENANTES
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Stéphane LATASTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0086
Décision du 03 Juillet 2024
[Adresse 1]
N° RG 22/11785 - N° Portalis 352J-W-B7G-CX45D
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur Benoît CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint,
Président de formation
Monsieur Éric MADRE, Juge
Madame Lucie LETOMBE, Juge
Assesseurs,
assistés de Samir NESRI, Greffier lors des débats, et de Gilles ARCAS, Greffier lors du prononcé
DÉBATS
A l’audience du 15 Mai 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Benoît CHAMOUARD et Madame Lucie LETOMBE, magistrats rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
- Signé par Monsieur Benoît CHAMOUARD, Président, et par Monsieur Samir NESRI, greffier lors du prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
_____________________________
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [C] [F] a été embauché en qualité de conducteur aéroport par l'établissement public [8], désormais société anonyme [8] (‘"[8]") par contrats de travail à durée déterminée entre le 8 mars 1999 et le 31 mai 2000, échelon 114, puis par contrat de travail à durée indéterminée le 5 juin 2000 en qualité de préposé caissier à l'échelon 108.
Le 16 novembre 2006, Monsieur [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny afin d'obtenir la reconstitution de sa carrière à l'échelon 116 à compter de son engagement et de paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Le 28 octobre 2011, le juge départiteur a débouté Monsieur [F] de ses demandes. Ce dernier a interjeté appel et s'est rapproché de Maître [G] [Z] pour l'assister dans cette procédure. Outre la reconstitution de sa carrière et le paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, Monsieur [F] sollicitait l'octroi de dommages et intérêts en réparation de la violation par son employeur de son obligation de sécurité de résultat, après qu'il eut été victime d'un infarctus du myocarde en octobre 2012, et exécution de mauvaise foi de son contrat de travail.
L'affaire a été plaidée devant la cour d'appel le 5 décembre 2017. La société [8] avait communiqué de nouvelles conclusions et des pièces peu auparavant, auxquelles Maître [Z] n'a pas répliqué.
La cour d'appel de Paris a rendu son arrêt le 24 janvier 2018. Aux termes de cet arrêt, elle a fait partiellement droit à la demande de reconstitution de carrière de Monsieur [F], a condamné la société [8] au paiement de sommes au titre de rappel de salaires et des congés payés, et débouté le demandeur de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail et manquement à son obligation de sécurité.
Parallèlement à cette instance prud'homale, Monsieur [F] avait introduit une instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu pôle social du tribunal de grande instance de Pontoise le 17 janvier 2014. Cette instance visait à contester le refus par la CPAM du Val d'Oise de reconnaître le caractère professionnel de l'infarctus du myocarde dont il a été victime, intervenu le lendemain d'une journée de travail. Cette instance avait été introduite par Maître [I], à laquelle Maître [Z] a succédé en janvier 2017.
L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 13 juillet 2017, Maître [Z] ayant sollicité un renvoi ou une radiation pour préparer la défense de Monsieur [F]. L'affaire n'a pas été rétablie.
Les relations entre les parties ont pris fin le 11 février 2018.
Estimant que Maître [Z] avait commis des fautes engageant sa responsabilité, Monsieur [F] l'a fait assigner devant ce tribunal par acte du 26 septembre 2022.
La société MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA IARD ("les MMA") sont intervenues volontairement à l'instance par conclusions du 1er décembre 2022.
Par dernières conclusions du 13 avril 2023, Monsieur [F] demande au tribunal de condamner in solidum Maître [Z] et les MMA au paiement de 195 000€ en réparation de son préjudice financier. Il sollicite le remboursement d'honoraires à hauteur de 900€ et 2 880€. Il demande que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 11 février 2022, date de la mise en demeure, avec capitalisation.
Il demande enfin la condamnation in solidum de Maître [Z] et des MMA aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Catherine Schleef et au paiement de 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [F] reproche à Maître [Z], concernant la procédure devant la cour d'appel de Paris, de ne pas avoir repris en appel l'intégralité des arguments développés par son prédécesseur, notamment en n'invoquant pas la discrimination syndicale, ainsi que d'avoir retiré de nombreuses pièces importantes. Il précise que la cour d'appel a retenu l'existence d'une discrimination à son égard mais que Maître [Z] n'avait proposé aucun chiffrage. Il explique en effet qu'il n'a pas été traité avec égalité en matière d'avancement, alors qu'il était titulaire d'un mandat syndical et disposait d'un nombre d'heures de délégation dépassant 30% sur l'année. Il conteste que la demande d'indemnisation pour discrimination faisait double emploi avec celle formulée pour harcèlement moral. Il estime que le retrait de pièces et les conclusions produites ôtent toute la substance vitale contribuant à la manifestation de la vérité sur sa souffrance au travail. Il fait valoir que Maître [Z] aurait également dû utiliser les procès-verbaux du CHSCT et des délégués du personnel.
Monsieur [F] ajoute que Maître [Z] a reçu des pièces supplémentaires, qu'elle ne lui a jamais soumises et qui ont été utilisées par la cour d'appel pour le débouter de ses demandes. Il souligne qu'elle aurait dû relever que l'attestation constituant la pièce n°107 était irrégulière.
Il en déduit que la cour d'appel aurait alors disposé des éléments nécessaires pour condamner la société [8] pour harcèlement moral et qu'il a perdu une chance d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.
Monsieur [F] reproche également à Maître [Z] des fautes dans l'instance devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Il souligne que l'affaire a été radiée à la demande de Maître [Z], qui a refusé de demander le rétablissement alors qu'il lui avait réglé les honoraires et qu'elle était mandatée pour cela. Il conteste l'avoir dessaisie et souligne qu'elle ne pouvait mettre un terme à ses obligations tant qu'un autre avocat ne s'était pas constitué pour la défendre. En refusant dans ces circonstances de solliciter la réintroduction de l'affaire, il estime que Maître [Z] a engagé sa responsabilité.
Monsieur [F] ajoute que dans la mesure où la défenderesse n'a pas exécuté sa mission, les honoraires étaient indus.
Concernant le préjudice résultant de l'affaire portée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, Monsieur [F] expose ne pas avoir pu faire valoir sa position concernant la reconnaissance de son accident du travail, qui aurait pu par la suite lui permettre de démontrer la faute inexcusable de son employeur. Il sollicite donc l'indemnisation de sa perte de chance de voir son procès aboutir, ainsi que le paiement des honoraires indus.
Au titre de l'instance prud'homale, il rappelle que la cour d'appel a reconnu la discrimination syndicale, sans pouvoir la sanctionner financièrement. Le préjudice s'élève à hauteur des demandes indemnitaires sollicitées auprès de la cour d'appel et non obtenues.
Il soutient que les fautes et le préjudice sont en lien de causalité, puisqu'il aurait pu obtenir gain de cause devant ces juridictions.
Par dernières conclusions du 1er juin 2023, Maître [Z] et les MMA demandent au tribunal de se déclarer incompétent pour statuer sur la demande de remboursement des honoraires perçus pour la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, de débouter Monsieur [F] de ses demandes et d'écarter l'exécution provisoire en cas de condamnation.
Maître [Z] et les MMA exposent, concernant la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, que Monsieur [F] avait validé la stratégie consistant à solliciter un renvoi pouvant déboucher sur une radiation. Ils soulignent que Maître [Z] n'a jamais été mandatée pour solliciter la réintroduction de l'affaire, puisqu'elle a avait indiqué à son client qu'elle souhaitait être réglée des honoraires dus et conclure une nouvelle convention d'honoraires pour poursuivre cette procédure. En l'absence de réponse de Monsieur [F] sur ce point, elle a pu légitimement en déduire qu'il n'entendait pas réintroduire l'instance avec son concours. Elles précisent que Maître [Z] a remis son dossier au demandeur le 11 février 2018, à une date à laquelle la péremption n'était pas acquise pour encore 16 mois.
Elles soulignent que la perte de chance d'obtenir gain de cause devant cette juridiction était nulle, l'infarctus étant intervenu le lendemain d'un jour de travail, alors qu'un expert et la commission de recours amiable de la CPAM avaient écarté le caractère professionnel de la maladie. Elles estiment que le demandeur ne justifie donc d'aucun préjudice sur ce point.
Concernant la procédure menée devant la cour d'appel de Paris, les défenderesses contestent toute faute.
Elles précisent tout d'abord que Maître [Z] a produit en appel l'intégralité des pièces versées aux débats en première instance. Elles soulignent que Monsieur [F] n'énumère pas les arguments que Maître [Z] aurait omis de reprendre, indiquent que toutes les demandes précédentes ont bien été reprises en appel et précisent qu'une demande supplémentaire, relative à l'obligation de sécurité, a été ajoutée.
Concernant l'absence de demande d'indemnisation au titre de la discrimination syndicales, elles relèvent qu'il avait été convenu avec le demandeur et son autre conseil, Monsieur [D], qu'une telle demande ferait double emploi avec la demande au titre du harcèlement moral, qui résultait toutes deux du retard dans l'évolution de carrière de Monsieur [F]. Elles ajoutent qu'il n'est pas établi que Monsieur [D] a obtenu une indemnisation à ce titre le concernant et dans des circonstances similaires. Maître [Z] ne disposait pas des éléments pour établir le harcèlement, comme elle l'avait fait savoir par mail à son client. Le seul fait établi caractérisant la discrimination syndicale était prescrit en application de l'article L1134-5 du code du travail. Enfin, elles soulignent qu'aucune attestation rédigée par Monsieur [D] ne lui a été remise, pas plus que des procès-verbaux d'institutions représentatives du personnel. Elles en déduisent qu'une demande de dommages et intérêts n'aurait pas abouti.
Sur l'absence de réaction à la réception de la pièce adverse n°107, elles font valoir que Monsieur [F] n'a pas souhaité obtenir un renvoi d'audience, que cette pièce n'a pas la portée que le demandeur lui donne et qu'il n'a pas engagé de procédure pénale pour dénoncer sa fausseté. Il s'agit selon elles d'un élément supplémentaire mais non déterminant, la décision de ne pas remettre en cause une partie de la progression de carrière du demandeur résultant de ses mauvaises évaluations. A titre subsidiaire, le montant de l'indemnisation perdue n'est pas supérieur à 3 000€ bruts et s'analyse en une faible perte de chance.
Les défenderesses soulignent que la demande de remboursement d'honoraires indûment perçus s'apparente à une contestation d'honoraires, relevant de la seule compétence du bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris.
Concernant la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, elles précisent que Maître [Z] a sollicité une nouvelle convention d'honoraires. Si Monsieur [F] a effectué des virements bancaire, un solde de 300€ restait dû concernant la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, solde qui n'a jamais été honoré.
Les défenderesses précisent enfin qu'aucune justification n'est apportée à la demande d'anatocisme.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 29 juin 2023. A l'audience du 15 mai 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 12 juin 2024. Le délibéré a ensuite été prorogé au 03 Juillet 2024, date de ce jugement.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur l'exception d'incompétence
Les demandes de condamnation des défenderesses au remboursement des honoraires "indument perçus" s'inscrit dans le cadre de la présente action en responsabilité contre l'avocat. Elles s'interprètent comme une demande tendant à allouer une indemnité équivalente au montant des honoraires dont il est allégué qu'ils ont été indûment perçus.
Cette indemnité ne relève pas, par sa nature, de la compétence exclusive du bâtonnier, ni ne traduit une taxation indirecte des honoraires de l'avocat, s'agissant de réparer le préjudice constitué par le versement inutile d'honoraires en raison d'une faute de l'avocat et non de vérifier le montant facturé par rapport aux prestations réalisées.
L'exception sera écartée.
2. Sur la responsabilité de Maître [Z]
Engage sa responsabilité civile à l'égard de son client sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, l'avocat qui commet une faute dans l'exécution du mandat de représentation en justice qui lui est confié en application des articles 411 et suivants du code de procédure civile, tant à raison de l'accomplissement des actes de la procédure, qu'au titre de l'obligation d'assistance - incluse sauf disposition ou convention contraire dans le mandat de représentation - qui emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense.
Lorsqu'il est chargé d'une mission de représentation en justice, l'avocat est tenu d'accomplir tous les actes et formalités nécessaires à la régularité de la procédure. Il doit plus généralement prendre toutes les initiatives utiles pour assurer avec diligence la défense des intérêts de son client.
Il appartient à l'avocat de justifier l'accomplissement de ses diligences.
2.1 Concernant la procédure prud'homale
Les différentes fautes alléguées seront examinées successivement.
• Sur l'absence de reprise de l'intégralité des arguments développés en première instance et le retrait de pièces
Il convient de relever que Monsieur [F] ne produit ni le jugement de première instance, ni le bordereau des pièces communiquées devant le conseil de prud'hommes et en appel. Le tribunal n'est donc pas en mesure de déterminer si Maître [Z] a omis de communiquer une partie des pièces produites en première instance, comme Monsieur [F] le soutient.
Sont en revanche versées aux débats les conclusions de Maître [Z] devant la cour d'appel et des conclusions rédigées par Monsieur [E] [D] devant cette cour, en sa qualité de représentant du demandeur.
Il convient tout d'abord de rappeler qu'en sa qualité de conseil de Monsieur [F], Maître [Z] n'était pas tenue de reprendre in extenso les développements de Monsieur [D].
L'analyse comparée des deux jeux de conclusions laisse toutefois apparaître que Maître [Z] a repris l'essentiel de l'argumentation précédente. Tel est notamment le cas concernant les quotas d'avancement, pour lesquels elle a synthétisé et clarifié l'argumentation, tout en intégrant les points de droit nécessaires.
Maître [Z] n'a pas repris en revanche la description détaillée de la situation de plusieurs salariés, autres que le demandeur, dans la partie consacrée au harcèlement moral. Cette absence de reprise ne peut toutefois être qualifiée de fautive, seule la description de la situation individuelle de Monsieur [F] étant susceptible d'influer sur la décision de la cour d'appel.
La faute n'est pas établie sur ce point.
• Sur l'absence de demande de dommages et intérêts au titre de la discrimination syndicale
Il ressort des conclusions d'appelant que Maître [Z] n'a pas explicitement formé de demande de dommages et intérêts pour des faits de discrimination syndicale, implicitement soulevés dans ses écritures.
Elle a toutefois présenté une demande de réparation du préjudice résultant de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Dans son arrêt, la cour d'appel valide une partie des refus d'avancement au choix du demandeur par la société [8], compte tenu de ses évaluations négatives. Elle indique toutefois (p.4) que « En revanche, il est constant que Monsieur [F] s'est vu attribuer un mandat syndical à compter du 1er janvier 2008, or l'entretien de M.[F] en date du 25 septembre 2009 se réfère au fait que le salarié ‘a préféré faire intervenir directement un syndicat que d'exprimer ses difficultés à sa hiérarchie directe' et mentionne que ‘ses priorités ne sont pas toujours celles du services ou de ses collègues (déplacement au local syndical sur son temps de travail)' on lui reproche d'être trop en retrait et d'avoir besoin de l'intervention d'un délégué pour s'exprimer. Ce qui relève de la discrimination syndicale sans que M.[F] ne forme de demande en paiement de dommages intérêts à ce titre.
Dès lors au vu de ce seul élément il convient d'ordonner à la SA [8] de régulariser l'avancement de M.[F] au coefficient 118 à compter du 01 novembre 2012, après 36 mois. »
S'il est ainsi acquis que la cour d'appel aurait retenu l'existence d'une discrimination syndicale, la cour indique toutefois également dans son arrêt :
"De plus le préjudice qu'il a subi en raison d'un traitement inégalitaire lors de son évaluation en novembre 2009 est réparé par la reconstitution de carrière ordonnée et par le rappel de salaire subséquent qui lui est accordé ».
Elle n'aurait donc pas accordé de dommages et intérêts pour ces faits de discrimination au-delà de ceux résultant de la reconstitution de carrière.
Le demandeur ne rapporte donc pas la preuve d'une perte de chance d'avoir obtenu une indemnisation supplémentaire à ce titre, étant relevé qu'il n'évoque pas dans ses conclusions de préjudice moral sur ce point. Cette demande sera rejetée.
• Sur l'absence de production de pièces importantes et des développements insuffisants concernant le harcèlement moral
Monsieur [F] ne produit aucune pièce justifiant qu'il a remis des pièces à Maître [Z], que celle-ci n'aurait pas produites. Il n'est ainsi pas établi qu'elle aurait été en possession des procès-verbaux issus du dialogue social dans l'entreprise et qu'il produit dans la présente instance. Par ailleurs, le tribunal n'est pas en mesure d'identifier les pièces produites en appel, à défaut de production du bordereau de communication de pièces, tout en relevant néanmoins que Maître [Z] a produit des pièces sur ce point, puisqu'elle vise les pièces 89 à 101 à l'appui de son raisonnement dans ses conclusions d'appelant.
Maître [Z] produit un courriel adressé le 12 mai 2017 à son client, dans lequel elle indique ne pas avoir « été en mesure développer de manière précise le comportement de Madame [B] à [son] égard ». Elle précise en effet : « je dispose uniquement d'attestations concernant le comportement de Madame [B] à l'égard de vos collègues. / Idéalement, il conviendrait de pouvoir produire des éléments qui permettent de justifier que Madame [B] a adopté un comportement particulièrement agressif à votre encontre directement. / C'est la raison pour laquelle je n'ai pas encore développé cette partie ».
Seule la situation individuelle du demandeur important, il ne peut être reproché à Maître [Z] de ne pas avoir développé plus qu'elle ne l'a fait dans ses conclusions le harcèlement moral allégué. Il n'est pas établi en effet qu'elle pouvait utilement faire valoir d'autres éléments que « le contexte professionnel, les pressions exercées par les managers peu formés, notamment Madame [B], chef de pôle II des Parcs et Madame [J], chef de service Parcs", qui "ont gravement détérioré l'esprit d'équipe, la qualité des conditions de travail, comme en témoignent les nombreux arrêts de travail des salariés appartenant à ce service. (Pièces 89 à 101) » (page 24 des conclusions).
Il convient enfin de souligner que Maître [Z] ne pouvait utilement reprendre à son compte les arguments et moyens soulevés par Monsieur [D] devant la Cour de cassation, l'arrêt rendu au profit de ce dernier s'appuyant sur des faits entièrement différents, au coeur desquels se trouve une scène de violence entre salariés dont l'entreprise n'aurait pas tiré toutes les conséquences.
Aucune faute n'est établie sur ce point.
• Sur l'absence de communication des conclusions en réplique et des nouvelles pièces d'[8]
Monsieur [F] reproche à Maître [Z] de lui avoir dissimulé les dernières pièces et conclusions de la société [8].
Si Maître [Z] soutient avoir recueilli l'accord de son client pour plaider l'affaire malgré ces éléments nouveaux, Monsieur [F] produit une attestation de Monsieur [D], qui conteste explicitement ce point. Au regard de cet élément et à défaut de toute pièce corroborant son assertion, Maître [Z] ne rapporte pas la preuve de ce fait, alors qu'elle lui incombe en application de l'article 9 du code de procédure civile.
A défaut toutefois de production des dernières conclusions de la société [8] et des pièces, le tribunal n'est pas en mesure d'évaluer l'impact que celles-ci ont pu avoir sur la décision de la cour d'appel, à l'exception d'une attestation établie par Madame [H] alors produite. Cette pièce est en effet versée aux présents débats, sans être lisible, et surtout est mentionnée par la cour d'appel dans son arrêt. La cour indique en effet, concernant le demandeur, les éléments suivants :
« Ses évaluations des 03 octobre 2012 et de 2015 établies par un nouveau supérieur, relèvent sa maîtrise des outils, des procédures et un bon sens commercial, mais également son manque d'implication, d'initiative, des manquements dans le rangement du matériel le suivi du balisage, éléments objectifs d'appréciation confortés par l'attestation de Mme [H], dès lors au regard de ces éléments la décision de l'employeur de le faire progresser après 45 mois apparaît fondée sur des éléments objectifs. En conséquence la reconstitution d'avancement devra retenir un passage à l'échelon 120 le 01 août 2016, au lieu du 01 mai 2017 ».
Il ressort explicitement du terme "confortés" utilisé par la cour que l'attestation ne fait que corroborer un fait par ailleurs établi. L'attestation produite est donc restée sans incidence sur la solution du litige. Le préjudice résultant de la faute alléguée n'est donc pas établi et le grief sera écarté.
Les demandes de Monsieur [F] au titre de l'instance jugée par la cour d'appel de Paris seront rejetées.
2.2 Concernant l'instance introduite devant le tribunal des affaires de sécurité sociale
Monsieur [F] reproche en substance à Maître [Z] d'être à l'origine de la prescription de ses demandes concernant la reconnaissance de l'infarctus du myocarde qu'il a subi en tant comme maladie professionnelle.
Il est constant que Maître [Z] s'est désengagée de cette procédure, après sa radiation le 13 juillet 2017, en l'absence de paiement selon elle d'honoraires qu'elle sollicitait pour poursuivre cette procédure.
L'article 11 du décret n°2005-790 du 12 juillet 2005, applicable au litige, prévoit qu'à défaut de paiement d'une provision demandée, l'avocat peut renoncer à s'occuper de l'affaire ou s'en retirer dans les conditions prévues à l'article 13, qui impose à l'avocat d'informer son client en temps utile de la fin de mandat pour que ses intérêts soient sauvegardés.
L'article 419 du code de procédure civile précise toutefois également que le représentant qui entend mettre fin à son mandat n'en est déchargé qu'après avoir informé de son intention son mandant, le juge et la partie adverse.
La fin du mandat n'est enfin conditionnée à un remplacement que dans les procédures à représentation obligatoire, ce qui n'est pas le cas devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
En l'espèce, Maître [Z] ne justifie pas avoir informé la partie adverse et le tribunal de la fin de son mandat. En n'effectuant pas les démarches pour permettre le rétablissement de l'affaire dans les délais impartis, alors que son mandat courait donc toujours, elle a commis une faute contractuelle.
Il ressort toutefois des courriels produits que Maître [Z] a informé le demandeur qu'il disposait d'un délai de deux ans avant la péremption de l'instance pour solliciter son rétablissement, soit le 13 juillet 2019, et l'a relancé à plusieurs reprises concernant le paiement des honoraires afin de permettre ce rétablissement en novembre 2017.
Monsieur [F] disposait ainsi de plusieurs mois après le retrait de Maître [Z] pour solliciter le rétablissement de son affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, ce qu'il pouvait faire lui-même ou assisté d'un représentant, et ainsi éviter la prescription de son affaire. Il ne rapporte donc pas la preuve d'un lien de causalité entre la faute de Maître [Z] et le préjudice qu'il allègue, y compris les honoraires qui ont permis de rédiger des conclusions dont il aurait pu se servir.
La responsabilité de Maître [Z] n'est donc pas engagée pour cette procédure.
3. Sur les autres demandes
Monsieur [F], partie perdante, sera condamné aux dépens.
L'exécution provisoire de ce jugement est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et par jugement susceptible d'appel,
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par Maître [G] [Z], la société MMA Iard Assurances Mutuelles et la société MMA Iard,
Déboute Monsieur [C] [F] de ses demandes,
Condamne Monsieur [C] [F] aux dépens,
Rappelle que l'exécution provisoire de ce jugement est de droit.
Fait et jugé à Paris le 03 Juillet 2024
Le GreffierLe Président
G. ARCASB. CHAMOUARD