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03/07/2024 | FRANCE | N°22/08989

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 03 juillet 2024, 22/08989


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre



N° RG 22/08989
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHB2

N° MINUTE :




Assignation du :
20 Juillet 2022






JUGEMENT
rendu le 03 Juillet 2024



DEMANDERESSE

Madame [P] [F] épouse [B]
[Adresse 7]
[Localité 6] (LIBAN)

Représentée par Maître Bertrand WEIL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0

180




DÉFENDERESSE

Madame [R] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représentée par Maître Muriel AMSELLEM de la SELARL 1804, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0123





Déc...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le:
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre


N° RG 22/08989
N° Portalis 352J-W-B7G-CXHB2

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Juillet 2022

JUGEMENT
rendu le 03 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [P] [F] épouse [B]
[Adresse 7]
[Localité 6] (LIBAN)

Représentée par Maître Bertrand WEIL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0180

DÉFENDERESSE

Madame [R] [O]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Représentée par Maître Muriel AMSELLEM de la SELARL 1804, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0123

Décision du 03 Juillet 2024
2ème chambre
N° RG 22/08989 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXHB2

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Sarah KLINOWSKI, Juge, statuant en juge unique.

assistée de Adélie LERESTIF, greffière.

DÉBATS

A l’audience du 29 Mai 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 03 Juillet 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 10 janvier 2022, Madame [P] [F] [B] a consenti au bénéfice de Madame [R] [O] une promesse unilatérale de vente portant sur un appartement, deux chambres et deux caves situés [Adresse 2] à [Localité 9] et un emplacement de parking situé [Adresse 5] à [Localité 9] moyennant un prix de 4 463 846 euros net vendeur sans condition suspensive de prêt, le délai de la promesse expirant le 1er avril 2022. Conformément aux termes de la promesse, Madame [R] [O] a versé la somme de 446 380 euros entre les mains du notaire rédacteur à titre d’indemnité d’immobilisation.

La vente n’a pas été réitérée le 1er avril 2022 et Maître [S] [T], notaire à [Localité 8], a établi un procès-verbal de difficulté.

Par courrier recommandé du 31 mai 2022, le conseil de Madame [P] [F] [B] a mis en demeure le conseil de Madame [R] [O] d’avoir à verser l’indemnité d’immobilisation au profit de sa cliente, sommation que Madame [P] [F] [B] a réitérée par courrier recommandé du 31 mai 2022 adressée cette fois directement à Madame [R] [O].

En l’absence d’issue favorable du litige, par exploit d’huissier délivré le 20 juillet 2022, Madame [P] [F] [B] a fait assigner Madame [R] [O] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de la voir condamner à lui verser ladite indemnité d'immobilisation.

Dans ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 11 octobre 2023, Madame [P] [F] [B] demande au tribunal de :
Condamner Madame [R] [O] à lui payer la somme de 446.380 € à titre d’indemnité d’immobilisation du fait de la non levée d’option d’achat de la promesse notariée du 10 avril 2022, et ce, avec intérêt légal à compter du 17 mai 2022, Autoriser Maître [S] [T], notaire associé du cabinet PERINNE NOTAIRES, [Adresse 1], séquestre de l’indemnité d’immobilisation désigné à l’acte notarié, à libérer la somme de 446.380 € qu’il détient en exécution de la promesse du 10 janvier 2022 à son profit,Condamner Madame [R] [O] à lui payer la somme de 7 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,Condamner Madame [R] [O] en tous les frais et dépens.
Dans ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique 5 octobre 2023, Madame [R] [O] demande au tribunal de :
A titre principal,
Débouter Madame [P] [F] [B] de la totalité de ses demandes, Juger que les sanctions européennes prises à l’encontre de la VTB BANK par le règlement (UE) 2022/354 du 1er mars 2022, constituent un cas de force majeure au sens de l’article 1218 du Code civil l’ayant empêchée de lever l’option de la promesse unilatérale de vente du 10 janvier 2022,En conséquence,
Juger que la promesse unilatérale de vente du 10 janvier 2022 est résolue sur le fondement de l’article 1218 du Code civil, A titre subsidiaire,
Juger que les sanctions prises à l’encontre de la VTB BANK par le règlement (UE) 2022/354 du 1er mars 2022 ont bouleversé l’économie du contrat et rendu son exécution excessivement onéreuse pour elle au sens de l’article 1195 du Code civil,En conséquence,
Juger que la promesse unilatérale de vente du 10 janvier 2022 est résolue sur le fondement de l’article 1195 du Code civil,A titre infiniment subsidiaire,
Requalifier l’indemnité prévue au contrat en clause pénale,Juger que les conditions de la clause pénale ne sont pas réunies au cas d’espèce, l’absence de levée d’option n’étant pas caractéristique d’une faute mais d’une prérogative qui lui est ouverte,Modérer la clause pénale à hauteur du préjudice réellement subi par Madame [P] [F] [B] en fixant le montant de la clause à 63.846 euros,La condamner à verser à Madame [P] [F] [B] la somme de 63.846 euros,En tout état de cause,
Débouter Madame [P] [F] [B] de l’ensemble de ses demandes,Condamner Madame [P] [F] [B] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Décision du 03 Juillet 2024
2ème chambre
N° RG 22/08989 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXHB2

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 octobre 2023 et l'audience de plaidoiries a été fixée au 29 mai 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 3 juillet 2024, date à laquelle la décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Il est rappelé que les demandes des parties de « dire et juger » ou « constater », tendant à constater tel ou tel fait ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur la résolution de l’acte notarié du 10 janvier 2022

Sur le fondement de la force majeure

Madame [R] [O] sollicite la résolution de la promesse unilatérale de vente sur le fondement de l’article 1218 du code civil, exposant avoir été empêchée de lever l’option par un cas de force majeure, à savoir les sanctions européennes prises à l’encontre de sa banque, la VTB BANK, par le règlement 2022/354 du 1er mars 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle explique en effet que ces sanctions constituaient un événement irrésistible, imprévisible à la date de la signature de la promesse et indépendante de sa volonté, et qu’elle ne disposait d’aucun autre compte bancaire en Europe qui lui aurait permis de lever l’option malgré tout, contrairement à ce que la demanderesse avance.

Madame [P] [F] [B] réplique qu’il n’existe aucun lien entre le contrat ou ses modalités d’exécution et les sanctions visant la Russie, Madame [R] [O] n’ayant jamais fait mention de sa nationalité russe dans l’acte notarié, ayant déclaré que le financement serait assuré en totalité par ses deniers personnels sans condition suspensive, ne précisant en toute hypothèse jamais qu’elle entendait financer son acquisition par des fonds en provenance de Russie et que sa situation personnelle en dépendait de façon irrésistible. La demanderesse relève ensuite que la défenderesse n’a jamais justifié de son insolvabilité et de son incapacité de payer le prix d’acquisition, outre qu’elle avait indiqué antérieurement à la signature du contrat qu’elle financerait l’acquisition grâce à la vente d’un bien, sans donc jamais préciser que le bien devait se financer par le biais de fonds détenus dans une banque russe. En toute hypothèse, Madame [P] [F] [B] estime que les conditions de la force majeure ne sont pas réunies dès lors qu’à la date de signature de la promesse de vente, la menace d’une guerre contre l’Ukraine et la possible mise en œuvre de sanctions à l’encontre des établissements bancaires et des oligarques russes étaient déjà connues, de sorte qu’elle pouvait anticiper les sanctions contre les banques russes en prévoyant une autre source de financement, rappelant que la défenderesse dispose d’un important patrimoine en Suisse.

Décision du 03 Juillet 2024
2ème chambre
N° RG 22/08989 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXHB2

Sur ce,

L’article 1218 du code civil dispose qu’il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

En l’espèce, aux termes de l’article 5 nonies règlement (UE) 2022/354 du 1er mars 2022, modifiant le règlement (UE) 833/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de Russie déstabilisant la situation en Ukraine :
« à partir du 12 mars 2022, il est interdit de fournir des services spécialisés de messagerie financière, utilisés pour échanger des données financières, aux personnes morales, entités ou organismes énumérés à l’annexe XIV ou à toute personne morale, toute entité ou tout organisme établis en Russie et dont plus de 50% des droits de propriété sont détenus, directement ou indirectement, par une entité mentionnée à l’annexe XIV ».

Il résulte également d’un échange de courriel entre Madame [R] [O] et une conseillère de la VTB BANK, banque russe visée par les sanctions susvisées, que la défenderesse verse aux débats, que le virement relatif à l’indemnité d’immobilisation a été exécuté par cette banque le 10 janvier 2022, date de la promesse unilatérale de vente, mais que le 12 mars 2022, « la banque VTB a été déconnectée du réseau SWIFT. Je sais que vous avez besoin d’acquérir un appartement à [Localité 8] et faire un virement avant le 1er avril, je vous prie de m’appeler au plus vite pour que nous puissions en discuter ».

Si les sanctions européennes ordonnées à l’encontre d’établissements bancaires russes à la suite du conflit en Ukraine constituent bien un évènement qui n’est pas imputable à Madame [R] [O], qui était irrésistible et imprévisible à la date de la promesse unilatérale de vente, la défenderesse ne démontre pas que cet évènement l’a empêchée d’exécuter son obligation, à savoir de réitérer la vente.

En effet, il convient de relever que l’acte notarié du 10 janvier 2022 mentionne seulement la nationalité britannique de Madame [R] [O], son domicile à [Localité 8] et l’intention de cette dernière de financer son acquisition « en totalité par ses deniers personnels », sans précision de l’origine russe des fonds.
Décision du 03 Juillet 2024
2ème chambre
N° RG 22/08989 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXHB2

En outre, Madame [R] [O], qui ne conteste pas disposer de comptes bancaires ailleurs qu’en Russie, ne fournit pas d’attestation d’insolvabilité de nature à démontrer que seuls ses comptes en Russie lui auraient permis d’honorer son engagement. Si elle fournit des extraits de son compte bancaire Emirates NBD de nature à démontrer que les dividendes qui lui ont été versés par la société LAFONTE, de l’ordre de 8 000 000 de dollars tel qu’indiqué dans le courrier de la société LAFONTE du 15 mars 2022 produit en demande, dont elle est actionnaire unique, l’ont été postérieurement à la réitération de la vente, elle ne justifie pas du solde de ce même compte au 1er avril 2022.

Dans le même temps, Madame [P] [F] [B] verse aux débats un courriel du conseil de Madame [R] [O], transféré au notaire en charge de la rédaction de l’acte le 8 décembre 2021, lequel précise : « nous ne serons pas en mesure de signer la promesse de vente d’ici au 15 décembre comme initialement prévu. Nous devons faire face à la vente d’un autre actif immobilier qui prend beaucoup plus de temps que prévu à cause du Covid et cela décale de fait la promesse de l’appartement [Adresse 2] ».

Or la défenderesse ne produit aucune pièce en rapport avec cette opération, soit pour justifier de la non-réalisation de cette vente, soit pour justifier du transfert des fonds issus de cette vente sur son compte russe, gelé suite aux sanctions européennes du 1er mars 2022.

Enfin, de manière surabondante, la défenderesse ne démontre pas qu’au 1er avril 2022, elle disposait bien des fonds sur son compte bancaire russe lui permettant de réitérer la vente, de sorte qu’en toute hypothèse, elle n’établit pas que ce sont les sanctions européennes qui l’ont empêchée d’acquérir le bien pour lequel une promesse unilatérale de vente sans condition suspensive lui avait été consentie.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de prononcer la résolution de l’acte du 10 janvier 2022 sur le fondement de la force majeure.

Sur le fondement de l’imprévision

Madame [R] [O] sollicite ensuite la résolution de la promesse unilatérale de vente sur le fondement de l’imprévision des sanctions européennes à l’encontre de sa banque, rappelant que la promesse de vente ne comprend aucune clause par laquelle elle aurait renoncé à se prévaloir de l’imprévision au sens de l’article 1195 du code civil, que les sanctions européennes à l’encontre de sa banque constituent un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat, lequel rend excessivement onéreuse l’exécution du contrat. La défenderesse ajoute qu’elle n’a pas essayé de renégocier le contrat dès lors que l’article 1195 du code civil précise qu’il s’agit d’une faculté des parties et qu’elle ne pouvait de toute façon pas connaître la date de la fin de la guerre en Ukraine.

Décision du 03 Juillet 2024
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Madame [P] [F] [B] soutient que les conditions de l’imprévision pouvant permettre à la défenderesse de solliciter la résolution de la vente ne sont pas réunies. Elle précise en effet que l’invasion de l’Ukraine par la Russie était dès 2021 l’une des préoccupations majeures de tous les dirigeants du monde, que la défenderesse ne prouve pas en quoi l’exécution du contrat serait devenue excessivement onéreuse, outre qu’elle n’a même pas essayé de renégocier le contrat, se privant ainsi du droit de revendiquer l’imprévision.

Sur ce,

L’article 1195 du code civil dispose que si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin à la date et aux conditions qu’il fixe.

En l’espèce, il résulte des développements précédents que Madame [R] [O] ne justifie pas de sa situation financière au 1er avril 2022, de sorte qu’elle ne démontre pas que les sanctions européennes ayant affecté sa banque en Russie ont rendu l’exécution de la promesse de vente du 10 janvier 2022 excessivement onéreuse.

Elle ne justifie pas par ailleurs avoir demandé une renégociation du contrat à Madame [P] [F] [B], que ce soit à l’occasion du procès-verbal de difficulté dressé le 1er avril 2022, ou ultérieurement, dans le cadre des échanges entre son conseil et celui de la demanderesse.

Dans ces conditions, il convient également de rejeter la demande de résolution de l’acte du 10 janvier 2022 sur le fondement de l’imprévision.

Sur l’indemnité d’immobilisation

Madame [P] [F] [B] soutient que l’indemnité d’immobilisation lui est acquise dès lors que Madame [R] [O] a décidé de ne pas lever l’option d’achat, les conditions suspensives étant par ailleurs remplies.

Madame [R] [O] ne conteste pas l’absence de conditions suspensives dans la promesse unilatérale de vente du 10 janvier 2022.

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2ème chambre
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Sur ce,

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En l’espèce, la promesse unilatérale de vente du 10 janvier 2022 a été consentie sans conditions suspensives et les parties ont convenu de fixer le montant de l’indemnité d’immobilisation à la somme forfaitaire de 446 380 euros, qui sera « versée au promettant et lui restera acquise à titre d’indemnité forfaitaire et non réductible faute par le bénéficiaire ou ses substitués d’avoir réalisé l’acquisition dans les délais et conditions ci-dessus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées ».

La promesse de vente stipule en page 8 que la réalisation de la promesse aura lieu « soit par la signature de l’acte authentique constatant le caractère définitif de la vente, accompagnée du versement par virement sur le compte du notaire chargé de recevoir l’acte authentique de vente d’une somme correspondant au prix stipulé payable comptant déduction faite de l’indemnité d’immobilisation éventuellement versée (…) soit par la levée d’option faite par le bénéficiaire à l’intérieur de ce délai, suivie de la signature de l’acte authentique vente dans le délai visé ci-dessus », la promesse étant consentie pour une durée expirant le 1er avril 2022 à seize heures.

Par conséquent, conformément à la promesse de vente, l’indemnité d’immobilisation sera versée au promettant et lui restera acquise à titre d’indemnité faute par le bénéficiaire d’avoir réalisé l’acquisition ou levé l’option dans le délai rappelé ci-dessus.

Madame [R] [O] sera donc condamnée à payer à Madame [R] [F] [B] la somme de 446 380 euros, avec intérêts au taux légal, à compter de l’assignation.

Elle sera autorisée à se libérer de son obligation par le versement de la somme séquestrée auprès de Maître [S] [T], notaire à [Localité 8].

Sur la requalification de l’indemnité d’immobilisation en clause pénale

Subsidiairement, Madame [R] [O] considère que l’indemnité d’immobilisation doit s’analyser en une clause pénale dès lors que malgré l’intitulé de cette clause dans l’acte notarié du 10 janvier 2022, les parties n’ont pas convenu que cette indemnité était le prix de l’exclusivité mais qu’elle resterait acquise au promettant faute par elle de réaliser l’acquisition dans les délais et conditions de la promesse, cette somme venant donc bien sanctionner une faute. Or l’absence de levée d’option ne constitue pas une faute mais une faculté qui lui était contractuellement offerte, de sorte qu’aucune somme n’est acquise selon elle à Madame [P] [F] [B]. A tout le moins, la défenderesse estime que le montant de l’indemnité d’immobilisation doit être ramené à de plus justes proportions, la demanderesse ayant finalement vendu son bien le 19 octobre 2022 pour la somme de 4 400 000 euros, de sorte que son préjudice ne saurait être supérieur à la somme de 63 846 euros.

Madame [P] [F] [B] rappelle que l’indemnité d’immobilisation intervenant dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente, correspondant au prix de l’exclusivité accordée par le vendeur au bénéficiaire pendant le temps de la promesse, n’est pas révisable, contrairement à celle intervenant dans le cadre d’une promesse synallagmatique de vente valant vente, l’indemnité d’immobilisation ayant dans ce cas pour objectif de sanctionner l’exécution fautive de l’une des parties. Au cas d’espèce, Madame [R] [O], bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente, n’a fait qu’exercer son droit d’option et n’a pas manqué à une obligation contractuelle en s’abstenant de lever l’option d’achat, de sorte que l’indemnité d’immobilisation est acquise à titre d’indemnité forfaitaire et non réductible. En toute hypothèse, Madame [P] [F] [B] estime qu’il est d’usage en matière de ventes immobilières de stipuler une clause pénale s’élevant à 10% du prix de vente, de sorte que le montant de l’indemnité d’immobilisation, si elle devait être requalifiée en une clause pénale par le tribunal, n’a pas à être révisé.

Sur ce,

L’article 1235-1 du code civil dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce, les sommes versées par le bénéficiaire au titre de l'indemnité d'immobilisation restent acquises au promettant en cas d'extinction de la promesse par échéance du terme lorsque le bénéficiaire ne lève pas l'option. L’indemnité d’immobilisation est due au promettant du seul fait de la non-réalisation de la vente indépendamment de l'existence de tout préjudice.

L’acte du 10 janvier 2022 intitule d’ailleurs « indemnité d’immobilisation » l’indemnité forfaitaire et non réductible « faute par le bénéficiaire ou ses substitués d’avoir réalisé l’acquisition dans les délais et conditions ci-dessus ». Elle constitue le prix de l’exclusivité consentie par le promettant au bénéficiaire de la promesse, n’a aucun caractère indemnitaire et doit être distinguée en ce sens de la clause pénale, sanctionnant l’inexécution par l’une des parties de son obligation, qui n’a pas été prévue par ailleurs dans l’acte notarié du 10 janvier 2022.

En conséquence, la demande de requalification de l’indemnité d’immobilisation en clause pénale de Madame [R] [O] sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Madame [R] [O], parties succombante, seront condamnée aux dépens.

Elle sera également condamnée à payer à Madame [P] [F] [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il y a lieu de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande de résolution de la promesse unilatérale de vente du 10 janvier 2022 de Madame [R] [O] sur le fondement de l’article 1218 du code civil,

REJETTE la demande de résolution de la promesse unilatérale de vente du 10 janvier 2022 de Madame [R] [O] sur le fondement de l’article 1195 du code civil,

CONDAMNE Madame [R] [O] à payer à Madame [P] [F] [B] la somme de 446 380 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

AUTORISE Madame [R] [O] à se libérer de son obligation par la libération de la somme de 446 380 euros séquestrée entre les mains de Maître [S] [T], notaire à [Localité 9],

REJETTE la demande de Madame [R] [O] de requalification de l’indemnité d’immobilisation en clause pénale,

CONDAMNE Madame [R] [O] aux dépens,

CONDAMNE Madame [R] [O] à payer à Madame [P] [F] [B] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 03 Juillet 2024

La GreffièreLa Présidente
Adélie LERESTIF Sarah KLINOWSKI


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/08989
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-03;22.08989 ?
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