TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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Pôle famille
Etat des personnes
N° RG 23/33127
N° Portalis 352J-W-B7H-CZDUM
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N° MINUTE :
[1]
[1]
JUGEMENT
rendu le 02 juillet 2024
DEMANDERESSE
MADAME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
PARQUET 02 ETAT DES PERSONNES
[Adresse 12]
[Localité 9]
en personne
DÉFENDEURS
Monsieur [A] [T] [V]
en son nom personnel et en qualité de représentant légal de l’enfant [Y] [T] [V] [X] né le [Date naissance 1] 2014 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 8]
non représenté
Madame [Z] [B]
en son nom personnel et en qualité de représentante légale de l’enfant [Y] [T] [V] [X] né le [Date naissance 1] 2014 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Anne-Charlotte ENTFELLNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0135
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/010470 du 13/04/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
Décision du 02 juillet 2024
Pôle famille - Etat des personnes
N° RG 23/33127 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZDUM
MINISTÈRE PUBLIC
Isabelle MULLER-HEYM, Substitut du Procureur de la République
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nastasia DRAGIC, Vice-Présidente
Sabine CARRE, Vice-Présidente
Anne FREREJOUAN du SAINT, Juge
assistées de Founé GASSAMA, lors des débats, et Emeline LEJUSTE, lors de la mise à disposition, Greffières
DÉBATS
A l’audience du 18 juin 2024, tenue en chambre du conseil,
Après clôture des débats, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 juillet 2024.
JUGEMENT
Réputé contradictoire
En premier ressort
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Nastasia DRAGIC, Présidente, et par Emeline LEJUSTE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 10 novembre 2014, l’enfant [Y] [T] [V] [X] a été inscrit sur les registres de l’état civil de la mairie de [Localité 11], comme étant né le [Date naissance 7] 2014 de Mme [Z] [B], née le [Date naissance 6] 1987 à [Localité 13] (Russie), et de M. [A] [T] [V], né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 10] (Cameroun), qui l’ont reconnu le 30 septembre 2014 à la mairie de [Localité 8].
Par actes de commissaire de justice délivrés les 28 février et 22 mars 2023, le procureur de la République a fait assigner devant le tribunal, Mme [B], de nationalité russe, et M. [T] [V], de nationalité française, aux fins de contestation de la paternité de ce dernier et a demandé à la présente juridiction de :
- constater que les formalités de l’article 1040 du code de procédure civile ont été satisfaites ;
- annuler la reconnaissance souscrite par M. [T] [V] en faveur de l’enfant ;
- dire que M. [T] [V] n’est pas le père de l’enfant ;
- dire que l’enfant se nommera [Y] [B] ;
- ordonner la transcription du jugement en marge de l’acte de reconnaissance et de l’acte de naissance de l’enfant ;
- dire et juger que [Y] n’est pas français par filiation paternelle ;
- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
A l’appui de ses demandes, le procureur de la République expose que par courrier du 12 mai 2021, la préfecture de la Haute-Garonne lui a signalé le dépôt par Mme [B] d’une demande de carte de séjour pour elle, puis d’une carte d’identité pour son fils [Y] ; que cet enfant a été reconnu préalablement à sa naissance par M. [T] [V], alors que Mme [B] avait contracté mariage en 2012 avec M. [U] [X] et n’a divorcé de ce dernier qu’en 2019 ; que la préfecture de la Haute-Garonne a, par ailleurs, relevé qu’une différence d’âge importante existait entre Mme [B] et M. [T] [V], que Mme [B] était entrée en France accompagnée de son époux M. [X] alors qu’elle était enceinte de cinq mois, et que le nom de M. [X] avait été accolé au patronyme de l’enfant, ces éléments lui faisant suspecter une reconnaissance frauduleuse de paternité ; qu’entendue par les services de la préfecture le 5 mai 2021 dans le cadre d’un entretien administratif, Mme [B] a déclaré être arrivée en France au cours de l’été 2014 avec son époux ; que M. [T] [V] n’était pas le père biologique de l’enfant ; qu’elle était sous l’emprise de sa belle-famille, qui l’avait convaincue d’accepter que M. [T] [V] reconnaisse [Y] ; que ce dernier ainsi que sa famille avaient commis des faits de violence et de séquestration à son encontre ; qu’il était aujourd’hui important pour elle de dénoncer cette reconnaissance de paternité ; que M. [X], père biologique de [Y] et d’un second enfant commun, ne s’occupait pas de ces derniers. Le ministère public ajoute que le 6 mai 2021, Mme [B] a déposé plainte auprès du commissariat de [Localité 14] pour des faits de violence commis par son époux à son encontre ; qu’elle a précisé que M. [T] [V] était le frère de M. [X] et avait reconnu [Y] pour des raisons « de papiers » ; qu’une enquête pénale a été diligentée ; qu’entendue le 22 juillet 2021 par les services de police, Mme [B] a confirmé que M. [X] était le père biologique de [Y], et précisé qu’elle disposait d’un titre de séjour valable jusqu’au 29 juin 2022 ; que ni M. [X] ni M. [T] [V] n’avaient pu être entendus dans le cadre de cette procédure ; que néanmoins, les déclarations de Mme [B], entendue à trois reprises et qui avait toujours confirmé que M. [T] [V] n’était pas le père de [Y], et le contexte de pressions conjugales, suffisaient à établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité.
Par des écritures notifiées par la voie électronique le 31 août 2023 et signifiées au défendeur non constitué le 29 avril 2024, la défenderesse demande au tribunal judiciaire de :
- annuler la reconnaissance de paternité souscrite le 30 septembre 2014 par M. [T] [V],
- dire que M. [T] [V] n’est pas le père de l’enfant,
- dire que l’enfant se nommera [Y] [B],
- ordonner la transcription du jugement en marge de l’acte de naissance de l’enfant ainsi que de l’acte de reconnaissance.
Au soutien de ses demandes, Mme [B] expose qu’elle a porté plainte le 6 mai 2021 à l’encontre de M. [X] pour des faits de violences, menaces et séquestration ; que M. [X] est le véritable père de l’enfant [Y] ; que sous l’emprise de sa belle-famille, elle a cédé à la demande de celle-ci visant à faire reconnaître son fils [Y] par M. [T] [V] ; qu’elle ne conteste pas le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité dont elle est également victime ; qu’elle aurait également souhaité initier la présente action, mais ne l’a pas fait car n’étant pas au fait des procédures françaises ; qu’elle est favorable à l’annulation de la reconnaissance de paternité de [Y] par M. [T] [V], et au fait que l’enfant porte à l’avenir son nom.
M. [T] [V], bien que régulièrement cité à étude, n’a pas constitué avocat.
La clôture a été prononcée le 23 avril 2024 et l’affaire a été examinée à l’audience du 14 mai 2024, en chambre du conseil conformément aux dispositions de l’article 435 du code de procédure civile, puis renvoyée au 18 juin 2024 afin de permettre au ministère public de produire le récépissé délivré par le ministère de la justice conformément à l’article 1040 du code de procédure civile.
A l’audience du 18 juin 2024, l’affaire a été examinée en chambre du conseil conformément aux dispositions de l’article 435 du code de procédure civile puis mise en délibéré au 2 juillet 2024.
[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile ;
Dit que [A] [T] [V], né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 10] (Cameroun), n'est pas le père de l’enfant [Y] [T] [V] [X], né le [Date naissance 7] 2014 à [Localité 11], de Mme [Z] [B], née le [Date naissance 6] 1987 à [Localité 13] (Russie) ;
Annule en conséquence la reconnaissance souscrite par [A] [T] [V] le 30 septembre 2014 devant l’officier d’état civil de la mairie de [Localité 8] sous le numéro 2664 à l’égard de l’enfant [Y] [T] [V] [X], né le [Date naissance 7] 2014 à [Localité 11] ;
Ordonne la mention de ces dispositions en marge de l'acte de naissance de l’enfant [Y] [T] [V] [X] dressé le 10 novembre 2014 sous le numéro 9909 sur les registres d’état civil de la mairie de [Localité 11], et de l’acte de reconnaissance de l’enfant dressé le 30 septembre 2014 par l’officier d’état civil de la mairie de [Localité 8] sous le numéro 2664;
Dit que l’enfant s’appellera désormais [B] ;
Ordonne la mention de ces dispositions en marge de l'acte de naissance de l’enfant [Y] [T] [V] [X] dressé le 10 novembre 2014 sous le numéro 9909 sur les registres d’état civil de la mairie de [Localité 11] ;
Dit que l’enfant n’est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil ;
Condamne M. [T] [V] aux dépens.
Fait à Paris, le 2 juillet 2024.
La GreffièreLa Présidente
Emeline LEJUSTENastasia DRAGIC