TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Alexandre VARAUT
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Modeste Nji MFENJOU
Pôle civil de proximité
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PCP JCP ACR référé
N° RG 23/04069 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ2PM
N° MINUTE : 1
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 02 juillet 2024
DEMANDERESSE
Madame [J] [X],
[Adresse 3] - [Localité 5]
comparante en personne assistée de Me Modeste Nji MFENJOU, avocat au barreau de REIMS,
DÉFENDERESSE
Madame [H] [M],
[Adresse 2] - [Localité 4]
représentée par Me Alexandre VARAUT, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Domitille RENARD, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 01 février 2024
ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 02 juillet 2024 par Domitille RENARD, Vice-présidente, assistée de Aurélia DENIS, Greffier
Décision du 02 juillet 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/04069 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ2PM
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 7 février 2019, Mme [J] [X] a consenti un bail d'habitation à Mme [H] [M] sur des locaux situés au [Adresse 1] [Localité 4] (2ème étage), moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 1 850 euros.
Par acte de commissaire de justice du 6 octobre 2022, la bailleresse a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 36 378,24 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.
La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Mme [H] [M] le 12 octobre 2022.
Par assignation du 21 mars 2023, Mme [J] [X] a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l'expulsion de Mme [H] [M] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
-une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération des lieux, majorée de 10%,
-40 748,75 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 21 mars 2023,
-3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'assignation a été notifiée au représentant de l'État dans le département le 24 mars 2023, et un diagnostic social et financier a été réalisé. Ses conclusions ont été reçues au greffe avant l'audience, à laquelle il en a été donné lecture.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Appelée à l'audience du 5 juin 2023, l'affaire a fait l'objet de trois renvois.
À l'audience du 1er février 2024, Mme [J] [X], représentée par son conseil, sollicite le bénéfice de son acte introductif d'instance. Elle considère par ailleurs qu'il n'y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.
Elle expose que l'échéancier amiable n'a pas été respecté par Mme [H] [M], laquelle n'a pas voulu quitter les lieux malgré une demande en ce sens. Le commandement de payer a bien été signé par l'huissier, contrairement à ce qu'affirme les conclusions de la partie adverse. Mme [J] [X] a également des charges de sorte qu'elle a besoin de son loyer. Elle peut laisser à Mme [H] [M] jusqu'au mois de juin 2024 pour quitter les lieux.
Mme [H] [M], représentée par son conseil, demande à ce que soit prononcée la nullité du commandement de payer, et de manière subsidiaire, elle demande des délais de paiement et d'expulsion.
Elle expose que le commandement de payer n'a pas été signé par l'huissier de justice. Mme [H] [M] souffre d'une grande précarité et fait l'objet de nombreuses hospitalisations en hôpital psychiatrique. Elle expose avoir subi des violences et indique qu'on lui a volé des affaires personnelles. Elle a, à ce titre, déposé plainte. Elle ne souhaite quitter les lieux qu'à condition qu'on lui rende ses affaires.
Mme [J] [X] ne forme aucune demande de suspension des effets de la clause résolutoire, pas plus que la locataire.
En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l'existence d'une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
Mme [H] [M] a indiqué ne pas faire l'objet d'une telle procédure.
À l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu'à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIVATION
1. Sur la nullité du commandement de payer
Aux termes de l'article 648 du code civil, tout acte d'huissier de justice indique, indépendam-ment des mentions prescrites par ailleurs et ce, à peine de nullité : "3. Les nom, prénoms, de-meure et signature de l'huissier de justice ;".
Il est constant que l'omission de la signature de l'huissier de justice constitue un vice de forme dont la sanction est subordonnée aux conditions de l'article 114 alinéa 2 du code de procédure civile lequel subordonne le prononcé de la nullité à la preuve par celui qui l'invoque du grief que lui cause l'irrégularité.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'huissier de justice a signé la quatrième page du commandement de payer. Cette dernière page est relative aux modalités de remise de l'acte et fait référence au quatre pages du commandement de payer.
Il convient donc de rejeter l'exception tirée de la nullité du commandement de payer.
2. Sur la demande de constat de la résiliation du
2.1. Sur la recevabilité de la demande
Mme [J] [X] justifie avoir notifié l'assignation au représentant de l'État dans le département plus de deux mois avant l'audience.
Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l'assignation.
Son action est donc recevable au regard des dispositions de l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
2.2. Sur la résiliation du bail
Aux termes de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En l'espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié à la locataire le 6 octobre 2022. Or, d'après l'historique des versements, la somme de 36 378,24 euros n'a pas été réglée par cette dernière dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d'apurement n'a été conclu dans ce délai entre les parties.
La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 7 décembre 2022.
Selon l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l'audience et du diagnostic social et financier réalisé dans les conditions de l'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, que les revenus de Mme [H] [M] ne lui permettent pas d'assumer régulièrement le paiement du loyer actuel ni, à plus forte raison, d'envisager un plan d'apurement de la dette.
Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de délais de paiement et d'ordonner à la locataire ainsi qu'à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d'autoriser Mme [J] [X] à faire procéder à l'expulsion de toute personne y subsistant.
3. Sur la dette locative
Aux termes de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.
L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
En l'espèce, Mme [J] [X] verse aux débats un décompte démontrant qu'à la date du 1er octobre 2023, Mme [H] [M] lui devait la somme de 61 371,73 euros, terme d'octobre 2023 inclus.
Mme [H] [M] n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elle sera condamnée à payer cette somme à la bailleresse.
4. Sur l'indemnité d'occupation
En cas de maintien dans les lieux de la locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d'occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera fixé à la somme mensuelle de 1850 euros, en ce qu'aucun élément ne justifie de dépasser la valeur locative du bien loué.
L'indemnité d'occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l'étaient le loyer et les charges, à partir du 7 décembre 2022, et ne cessera d'être due qu'à la libération effective des locaux avec remise des clés à Mme [J] [X] ou à son mandataire.
5. Sur les délais pour quitter les lieux
Les articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d'exécution prévoient que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.
La durée des délais ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans et il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L.441-2-3 et L441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et notamment du diagnostic social et financier que Mme [H] [M] est en capacité de libérer le logement de sorte que son relogement pourra avoir lieu dans des conditions normales. Mme [J] [X] a par ailleurs accepté à l'audience que Mme [H] [M] se maintienne dans les lieux jusqu'au mois de juin de sorte qu'il n'y a pas lieu de lui octroyer davantage de délais pour quitter les lieux.
6. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée.
Mme [H] [M], qui succombe à la cause, sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 500 euros à la demande de Mme [J] [X] concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.
PAR CES MOTIFS,
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Mme [H] [M] de sa demande de nullité du commandement de payer,
CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 6 octobre 2022 n'a pas été réglée dans le délai de deux mois,
CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 7 février 2019 entre Mme [J] [X], d'une part, et Mme [H] [M], d'autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1] [Localité 4] (2ème étage) est résilié depuis le 7 décembre 2022,
DIT n'y avoir lieu d'octroyer des délais de paiement à Mme [H] [M], sans préjudice des délais qui pourraient lui être accordés dans le cadre d'une procédure de surendettement,
ORDONNE à Mme [H] [M] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au [Adresse 1] [Localité 4] (2ème étage) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,
DIT qu'à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique,
DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
DEBOUTE Mme [J] [X] de sa demande de délais supplémentaires pour quitter les lieux,
RAPPELLE que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'hors période hivernale et à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux,
CONDAMNE Mme [H] [M] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 1 850 euros (mille huit cent cinquante euros) par mois,
DIT que cette indemnité d'occupation, qui se substitue au loyer dès le 7 décembre 2022, est payable dans les mêmes conditions que l'étaient le loyer et les charges, jusqu'à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire,
CONDAMNE Mme [H] [M] à payer à Mme [J] [X] la somme de 61 371,73 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er octobre 2023, terme d'octobre 2023 inclus,
CONDAMNE Mme [H] [M] à payer à Mme [J] [X] la somme de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme [H] [M] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 6 octobre 2022 et celui de l'assignation du 21 mars 2023.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.
La Greffière La Juge