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02/07/2024 | FRANCE | N°22/10325

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 4ème chambre 1ère section, 02 juillet 2024, 22/10325


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




4ème chambre 1ère section

N° RG 22/10325
N° Portalis 352J-W-B7G-CXY4R

N° MINUTE :




Assignation du :
18 Décembre 2019




JUGEMENT
rendu le 02 Juillet 2024








DEMANDEUR

Monsieur [Y] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Céline ASTOLFE de la SELEURL SELARL CELINE ASTOLFE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E0183
avocat postulant, et par l

a SCP PORTEJOIE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat plaidant


DÉFENDERESSE

LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD’S DE LONDRES pris en la personne de leur mandataire général en Franc...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 22/10325
N° Portalis 352J-W-B7G-CXY4R

N° MINUTE :

Assignation du :
18 Décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 02 Juillet 2024

DEMANDEUR

Monsieur [Y] [J]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Céline ASTOLFE de la SELEURL SELARL CELINE ASTOLFE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #E0183
avocat postulant, et par la SCP PORTEJOIE ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD’S DE LONDRES pris en la personne de leur mandataire général en France, la S.A.S. LLOYD’S FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentés par Me David MÉHEUT du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0429

PARTIE INTERVENANTE

Société LLOYD’S INSURANCE COMPANY SA prise en la personne de son mandataire général en France, Monsieur [P] [C]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me David MÉHEUT du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0429
Décision du 02 Juillet 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/10325 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXY4R

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Nadia SHAKI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 07 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame DETIENNE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Le 12 juillet 2016, M. [Y] [J] a souscrit auprès de la société de droit anglais les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres (ci-après Les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres) un contrat d'assurance habitation tous risques n°FR6087-0 à effet au 1er juillet 2016.

Le 7 mars 2019, il a déposé plainte pour un vol commis à son domicile au cours de la nuit précédente et a déclaré le sinistre à sa compagnie d’assurance le 8 mars 2019.

En l'absence d'indemnisation malgré une mise en demeure adressée le 29 juin 2019, M. [J] a, par acte d’huissier du 18 décembre 2019, fait citer les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres devant ce tribunal.

La société de droit belge Lloyd's Insurance Company SA est intervenue volontairement à l'instance aux termes de conclusions notifiées le 6 août 2021.

Par ordonnance du 26 octobre 2021, le juge de la mise en état a débouté les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres et la société Lloyd's Insurance Company SA de leur demande tendant à voir commettre un consultant.

La médiation ordonnée le 23 novembre 2021 n'a pas pu être mise en œuvre, M. [J] ayant finalement refusé d'y participer.

Par ordonnance du 5 juillet 2022, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire. M. [J] a sollicité son rétablissement par conclusions notifiées le 29 août 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 mars 2023, M. [J] demande au tribunal de :

« Vu le Code des Assurances et en particulier les articles L 113-5 et R 112-1 de ce Code,
Vu les articles 1134 et 1241 s. du Code civil,
Vu l’article 515 du Code de procédure civile,
Vu la police d’assurance FR 6087 du 1er juillet 2016,
CONDAMNER la LLOYD’S à payer et porter à M. [Y] [J] la somme de 250 000 euros en exécution des garanties que lui reconnaît en cas de sinistre la police d’assurance souscrite le 1er juillet 2016 par l’intermédiaire de son Mandataire Général LLOYD’S FRANCE SAS et ce, sous une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
DIRE ET JUGER la LLOYD’S responsable du préjudice causé à M. [Y] [J] à raison de la faute qu’elle a commise en s’abstenant de mettre en œuvre les garanties prévues au contrat d’assurance et de l‘indemniser de son préjudice ;
CONDAMNER en conséquence la LLOYD’S à payer et porter à M. [Y] [J], à titre de dommages et intérêts, la somme de 100 000 euros ;
CONDAMNER la LLOYD’S à payer et porter à M. [Y] [J] les intérêts au taux légal de la somme de 250 000 euros à compter du 13 juillet 2019, délai ultime imparti par la L.R./AR de mise en demeure du 29 juin 2019 pour procéder au règlement de ladite somme;
ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;
CONDAMNER la LLOYD’S, en application des dispositions de l’article 700 du CPC, à payer et porter à ce titre à M. [Y] [J] la somme de 10 000 euros.
CONDAMNER la LLOYD’S aux entiers dépens de l’instance au profit de la S.C.P. Lombard-Baratelli, Avocat sur son affirmation de droit. ».

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 26 mai 2023, les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres et la société Lloyd's Insurance Company demandent au tribunal de :

« Vu le Code des assurances,
Vu la Police d'assurance n° FR6087-0,
Vu l'article L. 310-2-3 du Code des assurances,
Vu les articles 63 et 329 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1103 du Code civil,
Vu l'article 514-1 du Code de procédure civile ;

A TITRE LIMINAIRE,
- RECEVOIR l'intervention volontaire de la société Lloyd's Insurance Company S.A., prise en la personne de son mandataire général en France, Monsieur [P] [C], en sa qualité d'assureur au titre de la Police n° FR6087-0 ;
- RECEVOIR la constitution de Maître David Méheut en qualité d'avocat de la société Lloyd's Insurance Company S.A.
- PRONONCER la mise hors de cause des Souscripteurs du Lloyd’s de Londres pris en la personne de leur mandataire général en France, la société Lloyd’s France SAS.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,
A titre principal :
- CONSTATER que les conditions d'application de la Police ne sont pas remplies ;
- CONSTATER l'absence de faute de la part de l'Assureur ;
- DEBOUTER M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;
A titre subsidiaire :
- DIRE qu'aucune condamnation ne peut être ordonnée au-delà des plafonds de garantie suivants : 200.000 euros en coffre-fort, avec une sous-limite à 50.000 euros en circulation;
En tout état de cause :
- DIRE y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER M. [J] au paiement de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER M. [J] aux entiers dépens. ».

L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 août 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir « dire et juger », « dire » et « constater » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes. Il ne sera donc pas statué sur ces « demandes » qui ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur l'intervention volontaire à l'instance de la société Lloyd's Insurance Company et la mise hors de cause des Souscripteurs du Lloyd’s de Londres

Il ressort des pièces versées aux débats que tous les droits et obligations attachés à la police d'assurance n°FR6087-0 souscrite le 12 juillet 2016 auprès des Souscripteurs du Lloyd's de Londres ont été transférés à la société de droit belge Lloyd's Insurance Company SA.

Il convient par conséquent de déclarer recevable l'intervention volontaire à l'instance de la société Lloyd's Insurance Company SA et de mettre hors de cause les Souscripteurs du Lloyd's de Londres.

Sur la garantie de la société Lloyd's Insurance Company

M. [J] prétend qu'il est en droit d'obtenir la garantie de la société Lloyd's Insurance Company pour les onze montres dont il a justifié de l'existence et de la valeur à la date du vol. Il fait valoir que, lors de la souscription du contrat, il ne lui a pas été demandé de fournir le détail des montres assurées et leurs estimations et que la police ne prévoit aucune obligation de déclaration des montres acquises ou possédées à quelque période que ce soit. Il ajoute que l'article 2 des conditions générales ne peut pas lui être opposé par la compagnie d'assurance pour refuser d'indemniser les montres acquises après la conclusion du contrat dès lors que les montres d'exception, comme celles objet du litige, constituent des bijoux et sont à ce titre exclues du champ d'application de cet article.

Il soutient également que ce sont deux montres de la marque Ulysse Nardin, et non une, qui ont été acquises avant la date de prise d'effet de la garantie, qu'il justifie de l'acquisition des autres montres et de leur valeur et qu'il est fondé à solliciter le montant maximum de l'indemnisation prévue par la police pour les montres conservées en coffre-fort (soit 200.000 euros) et pour la montre qu'il portait au poignet (soit 50.000 euros).

La société Lloyd's Insurance Company oppose que seuls sont garantis les bijoux et montres déclarés à l'assureur mais qu'il existe un assouplissement pour les montres acquises en cours de contrat sous réserve du respect des conditions de l'article 2 des conventions spéciales. Elle prétend que l'assimilation faite par le demandeur entre les montres et les bijoux est contraire à l'article 1134 du code civil dès lors que la police les distingue clairement, qu'elle viderait l'article 2 de sa substance et serait, en toute hypothèse, contraire aux intérêts de l'assuré qui ne pourrait pas bénéficier de la possibilité d'ajouter ces montres sur simple déclaration, toute nouvelle acquisition devant alors faire l'objet d'un avenant. Elle soutient que sur les onze montres déclarées volées, seule l'une a été acquise avant la date d'entrée en vigueur de la police et que faute pour M. [J] d'avoir effectué une déclaration et payé une surprime pour les autres montres, il ne peut obtenir aucune indemnisation.

Elle prétend également que M. [J] ne rapporte pas la preuve de l'existence et de la valeur des montres déclarées volées ; qu'il doit, pour obtenir la mobilisation de la police, fournir la preuve d'acquisition de chacune des montres, avec sa valeur, sa date et la preuve du paiement et qu'à défaut, elle se trouve dans l'impossibilité d'exercer son recours subrogatoire.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable à la cause, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».

En application de l'article 1315 du même code, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. ». En matière d’assurance, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie et à l’assureur qui invoque une clause d’exclusion de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.

En l'espèce, le contrat conclu par les parties est constitué du certificat d'assurance, des conditions particulières et des conventions spéciales. Leur opposabilité n'est pas en débats.

Les conditions particulières prévoient :
« Ce qui est assuré : Bijoux, Montres, selon le Tableau Récapitulatif des Montants Garantis ci-joint.
Capitaux assurés : €200 000, selon le Tableau Récapitulatif des Montants Garantis ci-joint. ».

Le tableau en cause situé en page 9 se présente de la façon suivante :

OBJETS ASSURES
SOMME TOTALE ASSUREE
LIEU(X) DE SITUATION DU/DES RISQUE ET/OU ETENDUE TERRITORIALE
A.
Bijoux, Montres
€ 200 000 en premier risque
Coffre-fort

Dont maximum en circulation
€ 50 000
Monde entier
D.
Garantie, frais et coûts supplémentaires
0

A la suite de ce tableau, il est indiqué en caractères gras : « Assurance à la Valeur déclarée. En cas de sinistre, Il incombera à l'Assuré de prouver l'existence de l'objet ainsi que de justifier sa valeur ».

Les conventions spéciales prévoient par ailleurs :

« ARTICLE 1 – Garantie principale
Les biens mobiliers destinés à être garantis sont les objets de valeurs définis comme objets d'art et de collection, tableaux, bijoux, fourrure, argenterie, instruments de musique.
Les Assureurs garantissent dans la limite des montants précisés aux Conditions Particulières, et pour la/les situations et/ou étendue territoriale précisée(s) aux Conditions Particulières, toute perte ou dommage matériels aux objets assurés, provenant de quelque que cause que ce soit (sous réserve des exclusions précisées dans les Conditions Générales, les Conditions Particulières et les Conventions Spéciales).

ARTICLE 2 – Garantie complémentaire en cas de nouvelles acquisitions
Les nouvelles acquisitions de l’assuré sont automatiquement garanties, dès leur achat et pour une durée maximale de 3 mois, dans la limite de 30% du montant assuré afin de couvrir tous les objets de valeurs que l’assuré achèterait pendant la période d’assurance. Cette clause ne s’applique pas aux bijoux. Ces nouvelles acquisitions ne resteront garanties qu’à la condition expresse que l'assuré les notifie aux assureurs dans les 3 mois suivant la date d’acquisition et que l’assuré paye une surprime. Cette augmentation forfaitaire sera automatiquement reconduite après chaque acquisition.

ARTICLE 6 – Montants Assurés
Les montants assurés précisés dans les Conditions Particulières représentent la somme maximale que les assureurs seront amenés à verser à l'assuré en cas de sinistre, sous déduction d'une franchise le cas échéant.

ARTICLE 9 – Base d'Indemnisation
A. La base d'indemnisation sera la suivante :
(i) pour les articles spécifiés individuellement, la valeur agréée par les Assureurs telle qu'elle figure dans les Conditions Particulières. Les Assureurs ne sont pas responsables d'un montant supérieur à la valeur agréée de l'article ;
(ii) pour les articles qui ne sont pas spécifiés individuellement, la valeur marchande de l'article en question immédiatement avant le sinistre.
Néanmoins, en aucun cas les Assureurs ne seront responsables d'un montant supérieur à la limite de garantie applicable indiquée dans les Conditions Particulières. ».

A titre liminaire, il sera relevé que si la société Lloyd's Insurance Company prétend que seuls les montres et bijoux déclarés à l'assureur sont garantis, elle n'oppose à M. [J] une absence de déclaration que pour les montres acquises après la date de prise d'effet du contrat et ne conteste pas que lors de sa conclusion, aucune déclaration des objets à assurer et de leur valeur ne lui a été demandée.

L'article 2 des conventions spéciales précité distingue les nouvelles acquisitions portant sur des bijoux de celles portant sur les autres objets de valeur et le régime qu'il prévoit permettant une garantie automatique temporaire ne s'applique pas aux bijoux acquis en cours de contrat. C'est cependant à tort que M. [J] en déduit que ceux-ci sont alors automatiquement couverts par la police sans que l'assuré n'ait à effectuer une quelconque démarche auprès de l'assureur. En effet, une telle interprétation est en contradiction avec les termes et l'esprit de l'article 2 et des dispositions des conditions particulières précitées mais aussi avec celles de l'article L.113-2 du code des assurances qui imposent à l'assuré de déclarer à l'assureur, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquence soit d'aggraver les risques, soit d'en créer de nouveaux. Les nouvelles acquisitions de bijoux doivent par conséquent être déclarées à l'assureur afin que celui-ci informe l'assuré des conditions auxquelles il accepte le cas échéant de les garantir.

Par suite, l'argumentation de M. [J] tendant à voir qualifier de bijoux les montres acquises en cours de contrat pour obtenir leur garantie en l'absence de toute déclaration à l'assureur est inopérante.

Il ressort des explications de M. [J] que, sur les onze montres objet de sa demande d'indemnisation, neuf ont été acquises en cours de contrat. Pour ces neuf montres, aucune déclaration, ni notification n'a été faite à l'assureur. Cependant, l'une d'elles – montre Spirit of Bing Bang 42 mm objet de la facture n°2300001369 du 12 janvier 2019 – ayant été acquise dans les trois mois qui ont précédé le sinistre, elle se trouvait encore dans la période de garantie automatique.

La facture précitée mentionne un prix de 30.710,90 dollars. La défenderesse ne formule dans ses écritures aucune critique à l'égard de cette facture. Dans sa plainte du 7 mars 2019, M. [J] a déclaré le vol de la montre et alors fait état d'une valeur de 28.000 euros qu'il convient de retenir en l'absence de plus ample élément mis en débat.

Les deux montres acquises avant la date de prise d'effet du contrat pour lesquelles une demande d'indemnisation est formée sont deux montres de la marque Ulysse Nardin :
- la montre Ulysse Nardin Skeleton Tourbillon Manufacture en Or Rose n°88/99

M. [J] produit une estimation en valeur à neuf datée du 15 octobre 2015 et une expertise datée du 20 octobre 2015 réalisées à sa demande par la société Ulysse Nardin qui comportent des photographies et les références de la montre et concluent à une estimation en valeur à neuf ou valeur de remplacement de 69.000 euros.

Lors de son dépôt de main courante, M. [J] a déclaré que la montre en cause avait une valeur de 48.000 euros. Bien que cette contradiction soit relevée par la défenderesse et que son attention ait été attirée par l'ordonnance de mise en état du 26 octobre 2021 sur le fait qu'il supportait la charge et partant le risque de la preuve de l’existence et de la valeur des biens pour lesquels il sollicite une indemnisation, M. [J] ne développe aucune argumentation et ne produit aucune pièce complémentaire pour justifier de la valeur de la montre dont s'agit immédiatement avant le sinistre. La valeur de 48.000 euros sera par conséquent retenue. 

- la montre Ulysse Nardin en Or Rose cadran émail grand feu, référence 266-69/BQ, n° de boite 28/30

M. [J] produit une expertise de la société Ulysse Nardin datée du 19 mai 2015 concluant à une valeur estimative de remplacement de 28.000 euros TTC.

Cependant, la société Lloyd's Insurance Company affirme sans être contestée que cette montre n'a jamais été mentionnée dans les documents qui lui ont été transmis. Elle relève en outre à juste titre qu'elle ne fait pas partie de la liste des montres qui ont été déclarées volées à la société Ulysse Nardin aux fins d'enregistrement dans sa base de données. Dans ces conditions, l'expertise produite datée du 19 mai 2015 n'est pas suffisante à elle seule pour justifier de l'existence de la montre exigée par la police. La demande d'indemnisation formée au titre de cette montre sera par conséquent rejetée.

Par suite, la société Lloyd's Insurance Company sera condamnée à payer à M. [J] la somme de 76.000 euros (48.000 euros + 28.000 euros).

Cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2019, la défenderesse ne contestant pas la réception de la lettre du 29 juin 2019 la mettant en demeure de procéder au paiement de la somme de 250.000 euros avant cette date.

En l’absence de circonstances de nature à compromettre la bonne exécution de la présente décision, il n’y a pas lieu d’assortir le prononcé de cette condamnation d’une astreinte.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. [J] ne développe, dans la partie discussion de ses conclusions, aucun moyen en fait ou en droit au soutien de sa demande de dommages et intérêts. Il ressort de la lecture du dispositif de ses écritures qu'il considère que l'assureur a commis une faute en refusant de donner une suite favorable à sa demande de prise en charge du sinistre.

Cependant, en l'absence de plus ample moyen mis en débat, M. [J] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que le refus de la société Lloyd's Insurance Company ait dégénéré en abus ouvrant droit à indemnisation et qu'il subit un préjudice distinct de celui résultant du retard dans le versement de l'indemnité et compensé par les intérêts moratoires. Il sera par conséquent débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Succombant à l'instance, la société Lloyd's Insurance Company sera condamnée aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par M. [J] à l’occasion de la présente instance. Elle sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros à ce titre.

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire. Son prononcé apparaît de plus justifié au regard de l'ancienneté du sinistre. Le risque invoqué par la défenderesse tenant à l'impossibilité d'obtenir la restitution des sommes versées en cas d'infirmation de la décision, risque qui n'est au demeurant étayé par aucune pièce, ne justifie pas que l'exécution provisoire soit écartée, étant rappelé que cette exécution se fait aux risques et périls des parties. L'exécution provisoire sera par conséquent ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Déclare recevable l'intervention volontaire à l'instance de la société de droit belge Lloyd's Insurance Company SA ;

Met hors de cause la société de droit anglais les Souscripteurs du Lloyd’s de Londres ;

Condamne la société de droit belge Lloyd's Insurance Company SA à payer à M. [Y] [J] la somme de 76.000 euros au titre de l'indemnisation du sinistre survenu dans la nuit du 6 au 7 mars 2019 ;

Dit que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2019 ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Déboute M. [Y] [J] de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la société de droit belge Lloyd's Insurance Company SA à payer à M. [Y] [J] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société de droit belge Lloyd's Insurance Company SA aux dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile par la SCP Lombard Baratelli ;

Ordonne l’exécution provisoire ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires qui ont été reprises dans l’exposé du litige ;

Fait et jugé à Paris le 02 Juillet 2024.

Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 4ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/10325
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;22.10325 ?
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