TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/09400
N° Portalis 352J-W-B7G-CXO4M
N° MINUTE :
Assignations des :
27 et 28 Juillet 2022
JUGEMENT
rendu le 02 Juillet 2024
DEMANDEUR
Monsieur [N] [S]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me France HENRY, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #416
DÉFENDERESSES
S.A. BPCE ASSURANCES
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Sophie DUGUEY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0229
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES
[Adresse 4]
[Localité 1]
défaillante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge
assistés de Nadia SHAKI, Greffier,
Décision du 02 Juillet 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/09400 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXO4M
DÉBATS
A l’audience du 15 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame MASMONTEIL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition
Réputé contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 16 août 2018, M. [N] [S], souscripteur d’une assureur « Garantie des accidents de la vie » auprès de la SA BPCE Assurances (ci-après la BPCE) a été victime d’un accident alors qu’il conduisait un jet-ski lors d’un séjour en Corse.
Selon le certificat médical initial du même jour établi après transport de M. [S] au centre hospitalier de [Localité 7], ce dernier présentait une « fracture de tassement de L1 », laquelle a nécessité une intervention chirurgicale pour cimentoplastie et ostéosynthèse, réalisée le 18 août 2018.
L’accident ayant été déclaré auprès de la BPCE, cette dernière a organisé une expertise médicale amiable de l’état de santé de M. [S], confiée au Dr [I] [W] qui s’est en outre fait assister d’un sapiteur en urologie.
Aux termes de son rapport transmis le 6 janvier 2022, l’expert conclut de la manière suivante :
- assistance par tierce personne non spécialisée avant consolidation :
* 2 heures 30 par jour du 22 août 2018 au 22 septembre 2018,
* 1 heure par jour du 23 septembre 2018 au 23 octobre 2018,
* 3 heures par semaine du 24 octobre 2018 au 11 février 2019,
* 1 heure par jour du 22 août 2019 au 7 septembre 2019,
- souffrances : 4/7,
- consolidation des blessures : 14 janvier 2021,
- déficit fonctionnel permanent : 12 %,
- retentissement professionnel : oui,
- préjudice esthétique permanent : 1,5/7,
- préjudice d'agrément : oui,
- préjudice sexuel : oui.
Les échanges menés au vu de ce rapport n’ayant pas permis aux parties de trouver un accord, par actes d’huissier de justice en date des 27 et 28 juillet 2022, M. [S] a fait citer devant le tribunal judiciaire de Paris la BPCE ainsi que son organisme de sécurité sociale, la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes (ci-après la CPAM).
Décision du 02 Juillet 2024
4ème chambre 1ère section
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Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 27 février 2023, M. [S] demande au tribunal de :
« Vu les articles 1103, 1194 et 1231-7 du Code civil,
Vu l’article L313-3 Du Code monétaire et financier
Vu les conditions générales et particulières du contrat d’assurance de la BPCE,
Vu le rapport d’expertise du Dr [W] du 18.11.2021,
(...)
A TITRE PRINCIPAL :
- DECLARER recevable et bien fondée la demande de Monsieur [N] [S] ;
- DEBOUTER la SA BPCE ASSURANCES de l’ensemble de ses conclusions, fins et moyens,
- CONDAMNER la SA BPCE ASSURANCES à payer à Monsieur [N] [S] au titre d’indemnisation de son préjudice corporel les sommes suivantes :
• PERTE DE GAINS PROFESSIONNELS ACTUELS 2.893,80 €
• TIERCE PERSONNE TEMPORAIRE 2.890,28 €
• PERTE DE GAINS PROFESSIONNELS FUTURSMémoire
• INCIDENCE PROFESSIONNELLE50.000 €
• SOUFFRANCES ENDUREES25.000 €
• DEFICIT FONCTIONNEL PERMANENT30.000 €
• PREJUDICE D’AGREMENT10.000 €
• PREJUDICE ESTHETIQUE PERMANENT 3.000 €
• PREJUDICE SEXUEL10.000 €
SUBSIDIAIREMENT :
- FIXER comme base de calcul de la perte de gains professionnels actuels, le revenu net imposable figurant sur le bulletin de salaire de juillet 2018 de Monsieur [S]
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- CONDAMNER la SA BPCE ASSURANCES à payer à Monsieur [S], les intérêts au double du taux légal et ce à partir du 20 avril 2022 ;
- DECLARER le jugement commun et opposable à la CPAM des ALPES-MARITIMES ;
- CONDAMNER la SA BPCE ASSURANCES à payer à Monsieur [N] [S] la somme 3.600 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
- CONDAMNER la SA BPCE ASSURANCES aux entiers dépens de la présente procédure qui seront distraits au profit de Maître Henry qui comprendront les frais d’assignation, les droits de plaidoirie et les frais de signification et d’exécution, dont le droit de recouvrement ou d’encaissement prévu par l’art. R444-55 du C. de Com. issu du décret du 26 février 2016 ».
Il soutient en substance rechercher la garantie de la BPCE uniquement pour les postes de préjudice limitativement définis dans le contrat d’assurance et solliciter une indemnisation conforme aux conclusions de l’expert médical mandaté par l’assureur.
Décision du 02 Juillet 2024
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Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 26 avril 2023, la BPCE demande au tribunal de :
« Vu le rapport définitif d’expertise déposé par le Docteur [W] le 6 janvier 2022,
Vu le contrat d’assurance « Garantie des accidents de la vie » souscrit par Monsieur [S] le 17 mars 2018,
Vu l’article 9 du Code de Procédure Civile,
- FIXER les indemnités revenant à Monsieur [N] [S] en suite de l’accident survenu le 16 août 2018 ainsi qu’il suit :
o Perte de gains professionnels actuels : Rejet
o Aide humaine actuelle : 2.560 €
o Perte de gains professionnels futurs : Rejet
o Incidence professionnelle : 13.000 €
o Souffrances endurées : 15.000 euros
o Déficit fonctionnel permanent : 30.000 euros
o Préjudice d’agrément : 3.000 euros
o Préjudice esthétique permanent : 2.200 €
o Préjudice sexuel : 3.000 €
- DEBOUTER Monsieur [N] [S] de sa demande de condamnation au titre du doublement des intérêts ;
- REDUIRE à de plus juste proportions le montant de l’indemnité allouée à Monsieur [N] [S] au titre des frais non répétibles au visa de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
- STATUER ce que de droit sur les dépens ;
- PRONONCER les condamnations en derniers ou quittances ».
Sans opposer aux demandes de M. [S] les termes du contrat d’assurance, elle souligne que l’article 3 des conditions générales énumère de façon limitative les postes de préjudices indemnisés en cas d’accident de la vie.
Elle sollicite alors le rejet ou la limitation, poste par poste, des indemnités sollicitées par M. [S] au regard des conclusions de l’expert et des pièces mises aux débats.
Par lettre du 16 septembre 2022, la CPAM du Var, déclarant être intervenue dans les intérêts de M. [S] en lien avec l’accident, informe le tribunal qu'elle n'entend pas comparaître dans la présente instance et précise que l'état définitif de ses débours s'élève à la somme de 27.974,02 euros, comprenant la somme de 12.503,50 euros au titre des dépenses de santé prises en charge dans l’intérêt de M. [S] et de 15.470,52 euros au titre des indemnités journalières de travail jusqu’à la date du 13 février 2020.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2023.
La CPAM des Alpes-Maritimes, régulièrement assignée, n'ayant pas constitué avocat, le présent jugement susceptible d'appel, sera réputé contradictoire à l'égard de toutes les parties.
Décision du 02 Juillet 2024
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MOTIFS
Sur la garantie de la BPCE
Aux termes de l'article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
L’article 1104 du même code dispose : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».
En application de l’article 1353 de ce code, « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». En matière d’assurance, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie et à l’assureur qui invoque une clause d’exclusion de démontrer la réunion des conditions de fait de cette exclusion.
En l’espèce, la BPCE ne conteste ni les circonstances du sinistre dont M. [S] a été victime, ni en conséquence être redevable du principe de sa garantie au titre de l’assurance « Garantie des accidents de la vie » n° 010145223 souscrite par M. [S] le 17 mars 2018.
Par ailleurs, les parties s’accordent sur les limites de cette garantie telles que prévues à l’article 3 des conditions générales, lequel stipule : « en cas de dommages corporels entraînant une Atteinte à l’Intégrité Physique et Psychique (AIPP) ou une hospitalisation dans un service de chirurgie au moins égale au seuil d’intervention indiqué dans vos Conditions Particulières, les préjudices indemnisés après consolidation sont :
- Les frais de logement adapté
- Les frais de véhicule adapté
- L’assistance permanente et temporaire par tierce personne
- Les pertes de gains professionnels actuels et futurs
- L’incidence professionnelle
- Le déficit fonctionnel permanent
- Les souffrances endurées
- Le préjudice sexuel
- Le préjudice esthétique permanent
- Le préjudice d’agrément.
Ces postes s’entendent selon la définition du droit commun (...) ».
En l’absence ainsi de plus amples débats entre les parties, il y a donc lieu de retenir la garantie de la BPCE, conformément aux termes de la police, au titre des préjudices subis par M. [S] et découlant de l’accident du 16 août 2018.
Sur le préjudice
Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par M. [S], âgé de 26 ans au jour de l’accident et exerçant la profession d’aide conducteur d’engin lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.
Décision du 02 Juillet 2024
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I- Sur les préjudices patrimoniaux :
– Les préjudices patrimoniaux temporaires :
- Tierce personne avant consolidation
Avant d'examiner les demandes au titre de ce poste de préjudice, il sera d'abord rappelé que l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce-personne ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime, ni être subordonnée à la production de justificatifs et qu'elle doit être fixée en considération des besoins de la victime.
M. [S] sollicite une somme de 2.890,28 euros, en prenant en compte un taux horaire de 18 euros.
La BPCE offre une somme de 2.560 euros et sollicite qu’il soit pris en compte un taux horaire de 16 euros.
Compte tenu des conclusions ci-avant rappelées de l’expert et d’un taux horaire de 18 euros s’agissant d’une aide non spécialisée, il y a lieu d’évaluer ce poste de préjudice comme suit :
* 2 heures 30 par jour du 22 août 2018 au 22 septembre 2018 (32 jours) : 32 x 2,5 x 18 = 1.440,
* 1 heure par jour du 23 septembre 2018 au 23 octobre 2018 (31 jours) : 31 x 1 x 18 = 558,
* 3 heures par semaine du 24 octobre 2018 au 11 février 2019 (16 semaines) : 16 x 3 x 18 = 864,
* 1 heure par jour du 22 août 2019 au 7 septembre 2019 (17 jours) :
17 x 1 x 18 = 306,
Soit un total de 1.440 + 558 + 864 + 306 = 3.168 euros.
Au regard de la demande formulée par M. [S], il lui sera en conséquence alloué la somme sollicitée de 2.890,28 euros.
- Perte de gains professionnels actuels (avant consolidation)
M. [S] sollicite une somme de 2.893,80 euros, invoquant une perte de revenus jusqu’en décembre 2019.
La BPCE conclut au débouté de cette demande, estimant qu’après imputation des prestations servies à M. [S], celui-ci a été déjà entièrement indemnisé de son préjudice.
Il n’est en revanche pas en débats entre les parties que M. [S] a été en arrêt de travail du 16 août 2018 au 10 février 2019 (arrêt total), du 11 février 2019 au 20 août 2019 (reprise à mi-temps thérapeutique), du 21 août 2019 au 14 octobre 2019 (nouvel arrêt total) et du 15 octobre 2019 au 13 février 2020 (nouvelle reprise à mi-temps thérapeutique). Depuis le 14 février 2020, il occupe de nouveau son emploi à temps plein.
Afin de calculer son salaire net de référence, M. [S] produit ses bulletins de salaire pour les six mois ayant précédé son accident (janvier - juillet 2018).
Ainsi que le souligne la BPCE, il y a lieu de déduire les indemnités suivantes, lesquelles constituent un remboursement de frais et non un complément de salaire indemnisable au titre de la perte de gains professionnels :
- la prime de panier, dont l'objet est de compenser le surcoût du repas consécutif à un travail posté ou en déplacement,
- l'indemnité de transport, ayant pour objet d'indemniser les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail.
Les calculs opérés dans ses écritures par le demandeur, qui ne procède à aucune de ces déductions, ne peuvent dès lors pas être suivis.
En revanche, la société BPCE propose un calcul pour chaque mois du salaire net de M. [S], se référant au salaire brut perçu mentionné sur ses bulletins, pour en soustraire d’une part, les primes de panier et indemnités de trajet perçues et d’autre part, les charges salariales imputées au demandeur, tout en réintégrant les indemnités intempérie par ailleurs versées.
La défenderesse sera suivie en son analyse, permettant d’aboutir à un juste calcul du salaire net mensuel de M. [S], et il sera donc retenu un salaire net de référence de 1.348,60 euros par mois, soit un revenu net journalier de 44,95 euros.
Sur l’entière période de ses arrêts de travail jusqu’au 13 février 2020 inclus, M. [S] ne fait alors état d’une perte de gains que jusqu’au 31 décembre 2019, ne produisant d’ailleurs pas ses bulletins de salaires pour l’année 2020.
Il sera ainsi considéré que le demandeur estime satisfactoires, pour cette période, les revenus perçus de son employeur, dont le montant demeure inconnu, ainsi que les indemnités brutes journalières versées par la CPAM à hauteur de 1.376,60 euros.
Sur la seule période pour laquelle M. [S] réclame donc une indemnisation, il aurait pu percevoir la somme de 44,95 euros x 503 jours = 22.609,85 euros.
M. [S] a alors perçu de son organisme de sécurité sociale, selon la créance définitive transmise, une somme totale de 14.094,02 euros bruts. Cette somme inclut la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) que M. [S] n'a pas perçues et qu’il y a donc lieu de déduire.
Le montant des indemnités journalières nettes, déduction faite de la CSG au taux de 6,2 % et de la CRDS au taux de 0,5 %, s'élève alors à la somme de 14.094,02 - 6,7 % = 13.149,72 euros.
En outre, il a également perçu de son organisme de prévoyance, Pro BTP Prévoyance, la somme de 2.698 euros sur l’année 2019 et a bénéficié d’un maintien de salaire à hauteur de la somme de 8.099,46 euros, selon les bulletins de salaire produits.
Au total, M. [S] a ainsi obtenu la somme de 13.149,72 + 2.698 + 8.099,46 = 23.947,18 euros.
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En conséquence, M. [S] a déjà été entièrement indemnisé de son préjudice pour la période considérée.
Sa demande sera en conséquence rejetée.
- Les préjudices patrimoniaux permanents :
- Perte de gains professionnels futurs
M. [S] sollicite que ce poste de préjudice soit réservé.
La BPCE s’oppose à cette demande.
Si M. [S] indique être dans l’attente de la créance de la CPAM, il ne justifie d’aucune démarche auprès de cet organisme pour obtenir communication de plus amples documents que ceux déjà mis aux débats. Il n’établit pas non plus avoir perçu une quelconque indemnité de la CPAM postérieurement à la reprise à temps complet de son activité professionnelle le 14 février 2020, ou depuis la consolidation de son état fixée à la date du 14 janvier 2021 par l’expert amiable.
Dans ces circonstances, M. [S] ne justifie pas la nécessité que ce poste soit réservé. Sa demande sera rejetée.
- Incidence professionnelle
Ce poste a pour objet d'indemniser non la perte de revenus mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de la perte d'une chance professionnelle ou l'augmentation de la pénibilité, de la nécessité de devoir abandonner sa profession au profit d'une autre. Ce poste doit également inclure les frais de reclassement professionnel, de formation, de changement de poste, d'incidence sur la retraite.
M. [S] sollicite une somme de 50.000 euros.
La BPCE offre une somme de 13.000 euros.
L’expert amiable, prenant en compte l’avis du sapiteur en urologie, retient au titre de l’état séquellaire de M. [S] les éléments suivants :
« - Raideur segmentaire du rachis dorsolombaire post-fracture ostéosynthésée
- Retentissement psychique avec manifestations anxio phobique persistantes et certains éléments dépressifs persistants
- Syndrome dysurique avec altération de la débitmétrie médicalement constatée post sténose urétrale ».
Il évoque plus particulièrement, s’agissant du retentissement professionnel : « monsieur a pu reprendre son métier habituel de conducteur d’engins. Ce métier est particulièrement physique et monsieur est soumis à des vibrations ce qui peut être particulièrement gênant au niveau de son dos. Le médecin du travail a d’ailleurs retenu des restrictions concernant la manutention répétée, port de charges. On retient que tout cela est imputable à l’accident et rend l’activité professionnelle plus pénible ». Les conclusions de l’expert se trouvent confirmées par celles du médecin du travail, lequel souligne dans son avis d’aptitude au poste occupé par M. [S] la nécessité de limiter la manutention lourde et de restreindre le port de charges lourdes (15 kg maximum).
Ainsi, si M. [S] a pu reprendre son activité professionnelle à temps plein en qualité de conducteur d’engins de chantier, il est certain que les séquelles laissées par l’accident induisent une pénibilité accrue dans l’exercice des missions qui lui sont confiées et le restreignent en outre dans ces dernières. Il s’en déduit également, pour le futur, une dévalorisation sur le marché du travail par rapport à d’autres personnes disposant de qualifications similaires et ne nécessitant aucun aménagement dans la manutention lourde et le port de charges importantes.
Compte tenu de ces circonstances, du taux de déficit fonctionnel permanent retenu (12 %) et de l’âge de M. [S] au jour de la consolidation de son état (29 ans), il lui sera alloué à la somme de 25.000 euros.
II - Sur les préjudices extra-patrimoniaux
– Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
- Souffrances endurées
M. [S] sollicite une somme de 25.000 euros.
La BPCE offre une somme de 15.000 euros.
Elles sont caractérisées par le traumatisme initial (fracture de la première lombaire), les traitements subis (dont notamment, les interventions chirurgicales pour pose et dépose du matériel d’ostéosynthèse, outre la rééducation en découlant), la souffrance morale (l’expert soulignant une « évolution particulièrement complexe et longue ») ; cotées à 4/7, elles seront réparées par l’allocation de la somme de 20.000 euros.
– Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents :
- Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d’existence.
M. [S] sollicite une somme de 30.000 euros.
La BPCE offre une somme identique.
L’expert a retenu un déficit fonctionnel permanent de 12 %, en considération de l’état séquellaire précédemment rappelé.
Compte tenu alors de l’accord des parties pour l’évaluation de ce poste de préjudice, il sera alloué à M. [S] une indemnité de 30.000 euros.
- Préjudice esthétique permanent
Ce poste indemnise l’altération définitive de l’apparence ou de l’expression de la victime.
M. [S] sollicite une somme de 3.000 euros.
La BPCE offre une somme de 2.200 euros.
L’expert a fixé ce poste de préjudice à 1,5/7, au regard de la présence de cicatrices dans le dos de M. [S].
Ces éléments justifient l’octroi de la somme proposée en défense de 2.500 euros.
- Préjudice d’agrément
Ce poste de préjudice indemnise l’impossibilité ou les difficultés pour la victime de pratiquer ou de poursuivre régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
M. [S] sollicite une somme de 10.000 euros.
La BPCE offre une somme de 3.000 euros.
M. [S] justifie par les attestations qu’il produit la pratique de la randonnée pédestre et du ski préalablement à l’accident, sans que la fréquence de ces activités sportives ne soit précisée dans ces attestations.
Selon le rapport d’expertise, « concernant les activités de sports et de loisirs il existe un retentissement, monsieur se trouve limité pour l’activité de randonnée pédestre en raison de ses douleurs ». L’expert ne conclut donc pas à une impossibilité de pratiquer ces activités, mais à une simple limitation.
Dans ces conditions et au regard des séquelles de M. [S] ainsi que de son âge au jour de la consolidation (29 ans), il lui sera alloué la somme de 10.000 euros.
- Préjudice sexuel
Ce poste de préjudice tend à réparer les effets permanents des séquelles touchant à la sphère sexuelle. Il faut distinguer :
- le préjudice morphologique, lié à l’atteinte des organes sexuels primaires et secondaires,
- le préjudice lié à la vie sexuelle elle-même, qui repose essentiellement sur la perte de plaisir ou de confort lors de l’accomplissement de l’acte sexuel.
- le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.
M. [S] sollicite une somme de 10.000 euros.
La BPCE offre une somme de 3.000 euros.
L’expert évoque dans son rapport que le retentissement sexuel n’est pas constitué par « une atteinte neurologique comme suspecté initialement », mais par une « diminution de la qualité des rapports et de la libido en lien avec la souffrance psychique chronicisée et les traitements psychotropes ». Ce préjudice est ainsi caractérisé par une atteinte limitée à la vie sexuelle de M. [S].
Si ce dernier invoque les examens médicaux et interventions chirurgicales subies, outre sa prise en charge pour dysurie, ces circonstances ne relèvent pas du poste de préjudice sexuel tel que précédemment défini et ont déjà été indemnisées notamment au titre des souffrances endurées.
Dès lors, au vu des conclusions de l’expert et compte tenu de l’âge de M. [S] au jour de la consolidation de son état, ce préjudice sera justement réparé par la somme de 5.000 euros.
Sur la demande de doublement des intérêts au taux légal
M. [S] fonde sa demande :
- d’une part, sur les conditions générales du contrat conclu avec la BPCE, en vertu desquelles une offre définitive d’indemnisation doit être faite par l’assureur dans les cinq mois suivant la date à laquelle il a été informé de la consolidation de l’état de santé de son adhérent ; en cas de reconnaissance d’une atteinte à l’intégrité physique et psychique dépassant un seuil d’intervention fixé dans les conditions particulières, l’assureur doit en outre formuler une offre provisionnelle dans le mois suivant la communication du rapport de l’expertise médicale,
- d’autre part, au visa de l’article 1231-7 du code civil et de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, les dispositions de ce dernier article prévoyant que : « En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé ».
Néanmoins, outre que les dispositions citées par le demandeur n’autorisent aucunement le tribunal à prononcer le doublement des intérêts au taux légal, sanction uniquement prévue par les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances en matière d’assurance obligatoire des véhicules terrestres à moteur, il ressort des pièces mises aux débats que non seulement la BPCE a formulé une offre provisionnelle de 10.000 euros dans le mois suivant la première évaluation du déficit fonctionnel permanent de M. [S] et qu’elle a en outre adressé, au regard du rapport définitif de l’expert transmis le 6 janvier 2022, une offre définitive d’indemnisation le 9 mars 2022. Aucun manquement de la BPCE aux délais prévus aux conditions générales n’est ainsi établi par M. [S].
Sa demande sera en conséquence rejetée.
Sur les autres demandes
Si la BPCE sollicite que les condamnations soient prononcées en deniers ou quittances, elle ne justifie pas du montant définitif effectivement versé à son assuré au jour du jugement, de sorte que cette demande sera écartée. Il sera en revanche rappelé que les condamnations sont prononcées hors déduction de toute provision déjà perçue par M. [S].
La CPAM des Alpes-Maritimes étant déjà en la cause, la demande que le jugement lui soit déclaré commun ou opposable est sans objet.
La BPCE, succombant, sera condamnée aux dépens avec droit de recouvrement conformément à l’article 699 du code de procédure civile, sans qu’il y ait lieu d’y inclure les frais d’exécution du jugement, lesquels sont seulement éventuels à ce stade en l’absence de volonté démontrée de la défenderesse de se soustraire à ses obligations.
Décision du 02 Juillet 2024
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Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par M. [S] à l’occasion de la présente instance. Elle sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 euros.
L'exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l'espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l'écarter.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Condamne la SA BPCE Assurances à payer à M. [N] [S] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :
- 2.890,28 euros au titre de la tierce personne temporaire,
- 25.000 euros au titre de l’incidence professionnelle,
- 20.000 euros au titre des souffrances endurées,
- 30.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 2.500 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- 10.000 euros au titre du préjudice d’agrément,
- 5.000 euros au titre du préjudice sexuel,
Déboute M. [N] [S] de ses demandes au titre des pertes de gains avant et après consolidation,
Déboute M. [N] [S] de sa demande en paiement du double des intérêts au taux légal,
Dit n’y avoir lieu à déclarer le présent jugement commun ou opposable à la caisse primaire d’assurance maladie des Alpes-Maritimes,
Condamne la SA BPCE Assurances à payer à M. [N] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA BPCE Assurances aux entiers dépens, sans que ces derniers ne comprennent les éventuels frais d’exécution de la présente décision,
Dit que les dépens pourront être recouvrés par Me France Henry, avocate, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
Rappelle que la présente décision est, de droit, exécutoire par provision.
Fait et jugé à Paris le 02 Juillet 2024.
Le GreffierLa Présidente
Nadia SHAKIGéraldine DETIENNE