La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/07/2024 | FRANCE | N°21/11670

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 1ère section, 02 juillet 2024, 21/11670


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




6ème chambre 1ère section


N° RG 21/11670 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVGAD

N° MINUTE :




Assignation du :
05 juin 2020





JUGEMENT
rendu le 02 juillet 2024











DEMANDERESSES

S.C.I. DU POURTOUR
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Fabrice LEPEU de l’AARPI KLP AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0404

SY

NDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 4] A [Localité 15] représenté par son syndic, la société CAZALIS
[Adresse 7]
[Localité 13]

représentée par Maître Marie-Christine ALIGROS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

6ème chambre 1ère section

N° RG 21/11670 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVGAD

N° MINUTE :

Assignation du :
05 juin 2020

JUGEMENT
rendu le 02 juillet 2024

DEMANDERESSES

S.C.I. DU POURTOUR
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Fabrice LEPEU de l’AARPI KLP AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0404

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 4] A [Localité 15] représenté par son syndic, la société CAZALIS
[Adresse 7]
[Localité 13]

représentée par Maître Marie-Christine ALIGROS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0140

Décision du 02 juillet 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 21/11670 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVGAD

DÉFENDEURS

S.A. SMA SA
[Adresse 12]
[Localité 10]

représentée par Maître François BILLEBEAU de la SCP BILLEBEAU - MARINACCE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0043

S.A.R.L. G.F.L.B.I.
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Maître Antoine TIREL de la SELAS LARRIEU ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0073

Compagnie d’assurance GENERALI
[Adresse 5]
[Localité 9]

représentée par Maître Kérène RUDERMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1777

Monsieur [M] [S] [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT
[Adresse 2]
[Localité 11]

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Céline MECHIN, vice-président
Marie PAPART, vice-président
Clément DELSOL, juge

assistée de Catherine DEHIER, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 02 avril 2024 tenue en audience publique devant Marie PAPART, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Réputé contradictoire
en premier ressort
Décision publique
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Céline MECHIN, président et par Catherine DEHIER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****************

EXPOSE DU LITIGE :

En 2012, la SARL G.F.L.B.I, assurée auprès de la compagnie GENERALI IARD, a entrepris en qualité de maître d’ouvrage la rénovation d’un immeuble dont elle était propriétaire, situé [Adresse 4] à [Localité 15].

Les travaux de ravalement ont été réalisés par la SARL LA GENERALE DU BATIMENT, alors assurée auprès de la SAGENA (devenue SMA SA) au titre de sa responsabilité civile décennale.

La SARL LA GENERALE DU BATIMENT a fait l’objet d’une liquidation par son gérant, Monsieur [M] [S] [T], en date du 06 juin 2014.

En mars 2017, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 15] (ci-après « le SDC ») a constaté la survenance de désordres sur la façade sur cour du bâtiment A (morceaux de ravalement tombés dans la cour).

Le syndic a fait intervenir la société TBC afin de procéder à une purge des éléments dégradés sur la façade de la courette.

Le SDC a saisi le juge des référés de la juridiction de céans aux fins de voir désigner un expert judiciaire.

Par ordonnances rendues les 15 et 26 mars 2018, Monsieur [G] [X] a été désigné puis remplacé par Monsieur [C] [Y].

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 31 août 2019.

Par actes d’huissier de justice délivrés les 5 et 11 juin, 29 juillet 2020, le SDC a assigné M. [T] ès-qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT, la SMA SA venant aux droits de la société SAGENA, la SARL GFLBI et la compagnie GENERALI IARD SA devant la présente juridiction aux fins de condamnation à lui verser la somme de 21 307 euros entre autres.

L’affaire a été enrôlée sous le n° RG 20/06822.

Par actes d’huissier de justice délivrés les 7 et 16 septembre 2021, la SCI DU POURTOUR, propriétaire de deux appartements situés dans le bâtiment A de l’immeuble, a assigné le SDC, M. [T] ès-qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT, la SMA SA venant aux droits de la société SAGENA ès-qualité d’assureur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT, la SARL GFLBI et la GENERALI IARD SA devant la présente juridiction aux fins de jonction avec l’instance n° RG 20/06822, et de condamnation de la SMA SA à lui verser des dommages et intérêts principalement.

Il s’agit de la présente instance.

Les deux instances ont été jointes le 29 novembre 2021 par mentions aux dossiers.

Par conclusions numérotées 3 notifiées par voie électronique le 01er décembre 2023, le SDC sollicite :

« Vu les articles 1103, 1217, 1224, 1231 et suivants, 1313 et suivants, 1641 et suivants, 1792 et suivants, 1134 alinéa 3 ancien du Code civil,
Vu l’article 124-3 du Code des assurances,
Vu les articles 6, 7, 9, 699 et 700 du Code de procédure civile,

Il est demandé au Tribunal de :

• CONDAMNER in solidum Monsieur [T] es qualité de liquidateur de la société LA GENERALE DU BATIMENT, la société G.F.L.B.I, la société SMA, et la société GENERALI à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 15], les sommes de, outre la T.V.A. :

- 19.370,00 € HT au titre des travaux de réfection de l’enduit de façade
- 20.160,00 € HT au titre des travaux de reconstitution des pans de bois
- 3.360,05 € HT au titre des honoraires d’architecte.

Soit un total de 42 890, 05 euros H.T. outre la TVA.

• CONDAMNER in solidum Monsieur [T] es qualité de liquidateur de la société LA GENERALE DU BATIMENT, la société G.F.L.B.I, la société SMA et la société GENERALI à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 15] la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du C.P.C.

• CONDAMNER in solidum Monsieur [T] es qualité de liquidateur de la société LA GENERALE DU BATIMENT, la société G.F.L.B.I, la société SMA et la société GENERALI en tous les dépens, en ce compris les frais d’expertise, qui seront recouvrés directement par Maître ALIGROS, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du C.P.C.

• DEBOUTER la SCI DU POURTOUR de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l’encontre du syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 4] à [Localité 15].

A TITRE SUBSIDIAIRE :

• CONDAMNER in solidum Monsieur [T] es qualité de liquidateur de la société LA GENERALE DU BATIMENT, la société G.F.L.B.I, la société SMA, et la société GENERALI à garantir le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 4] à [Localité 15] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre lui.

EN TOUT ETAT DE CAUSE ET EN TANT QUE DE BESOIN,

• ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir. »

A l'appui de ses prétentions, le SDC expose que :

- sur la nature des travaux et des désordres :

* les travaux sont de nature à relever de la garantie décennale, en ce que :
- ils ont, entre autres choses, porté sur la consistance des façades ; ils participaient à la restauration de la fonction constitutionnelle de la façade et constituaient un ouvrage ;
- les travaux de rénovation de la façade cour initiés par la société GFLBI n’ont pas été précédés des diagnostics préparatoires nécessaires et n’ont pas bénéficié de la technicité adéquate ;
- leur exécution a rendu l’immeuble impropre à sa destination en exposant sa structure à pans de bois et plâtre aux actions de délitement causées par l’air et l’eau, et portent atteinte à la solidité de l’immeuble (Civ 3e, 4 avril 2013, 11-25.198 ; Civ 3e, 3 mai 1990, 88-19.642) ;

* les désordres sont de nature décennale en ce qu’ils ont pour conséquence, dans un premier temps, de rendre la structure à pans de bois du bâtiment vulnérable puis, de provoquer sa destruction ;

- sur la réception tacite : les travaux ont été exécutés par la SARL GENERALE DU BATIMENT et réglés par la société GFLBI qui en a pris possession ; les conditions de la réception tacite sont donc réunies (Civ 3e, 18 avril 2019, 18-13.734) ;

- sur la qualité et les obligations des parties :

* la société GFLBI :
- concernant la façade cour de l’immeuble, les travaux commandés par la société GFLBI, marchand de biens vendeur de l’immeuble, devaient remédier à la dégradation des plâtres et enduits de remplissage qui sont des éléments constitutifs de l’immeuble ; l’importance des travaux de rénovation réalisés sur l’immeuble les assimile à des travaux de construction d’un ouvrage (Civ 3e, 3 mars 2010, 09-11.282) ;
- la société GFLBI est un constructeur non réalisateur et elle est responsable de plein droit des dommages au sens de l’article 1646-1 du code civil, peu importe qu’elle soit profane ou non en la matière, dans la mesure où elle aurait dû s’adjoindre des professionnels qualifiés pour conduire les opérations si tel était le cas ; les fautes de la société GFLBI qui ont contribué à la production des dommages, sont caractérisées, ainsi, en tant que de besoin, que sa connaissance au moment de la vente de l’existence des vices inhérents à l’impropriété des travaux résultant de l’absence de diagnostic ;
-la police d’assurance souscrite par la société GFLBI auprès de GENERALI IARD a pour objet la garantie des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle du fait des activités de promoteur de construction ou marchand de biens, ce qui correspond bien à l’activité de la société GFLBI en l’espèce, celle-ci n’étant pas un intervenant aux travaux ; l’analyse de la compagnie GENERALI selon laquelle sa garantie serait strictement limitée à l’hypothèse où des travaux réalisés à la demande de son assurée dans ses locaux auraient causé des dommages aux tiers, ne se concilie pas avec les clauses visant les travaux exécutés pour le compte de l’assurée ou par elle ;

* la SARL GENERALE DU BATIMENT :
- elle a réalisé les travaux à l’origine des dommages et est responsable de plein droit à ce titre ;
-son assureur la SMA SA doit sa garantie, dans la mesure où si celle-ci met en doute la réalité des prestations effectuées par son assurée et la validité du devis-facture produit, elle ne justifie pas avoir intenté une action pour contester la validité des justificatifs produits et pour remettre en cause leur valeur probatoire ;

- à titre subsidiaire, sur les responsabilités des sociétés LA GENERALE DU BATIMENT et GFLBI au titre des désordres intermédiaires :

* les désordres affectant la façade cour de l’immeuble sont dus à un cumul de manquements et ainsi, de fautes constitutives de violations des règles de l’art, liées à l’absence d’analyse de l’ouvrage et à l’insuffisance de purge préparatoire de la façade de la part de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT ;

* la société GFLBI en sa qualité de marchand de biens et vendeur professionnel est tenue des défauts cachés qui rendent la chose impropre à son usage ainsi que des vices cachés sans pouvoir opposer une clause de non-garantie (Civ 3e, 16 juin 2016, 15-19.432) ;

- sur la nouvelle demande subsidiaire de condamnation du concluant formulée par la SCI DU POURTOUR : la SCI n’est pas intervenue aux opérations d’expertise et aucun constat contradictoire n’a été effectué dans ses appartements ; au surplus la demande subsidiaire qu’elle forme à l’encontre du concluant n’est pas fondée, ni en droit ni en fait.

*

Par conclusions numérotées 2 notifiées par voie électronique le 29 septembre 2023, la SCI DU POURTOUR sollicite :

« Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu les articles 14 alinéa 5 et 15 alinéa 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,
Vu les articles 325 et 329 du Code de procédure civile,
Vu l’article L. 124-3 du Code des assurances,

IL EST DEMANDE AU TRIBUNAL DE :

A titre principal :

- CONDAMNER la compagnie SMA SA, en sa qualité d’assureur de la société LA GENERALE DU BATIMENT, à régler à la SCI DU POURTOUR :

• la somme de 3.760,80 euros au titre de son préjudice matériel, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre la date du devis (21 janvier 2021) et celle du jugement à intervenir,
• la somme de 19.815,20 euros au titre de son préjudice de jouissance;

A titre subsidiaire :

- CONDAMNER le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 14] à régler à la SCI DU POURTOUR :

• la somme de 3.760,80 euros au titre de son préjudice matériel, avec indexation sur l’évolution de l’indice BT01 entre la date du devis (21 janvier 2021) et celle du jugement à intervenir,
• la somme de 19.815,20 euros au titre de son préjudice de jouissance;

En tout état de cause :

- DEBOUTER la société GFLBI, la compagnie SMA SA et le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] [Localité 15] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de la SCI DU POURTOUR ;

- CONDAMNER tout succombant à régler la somme de 4.000 euros à la SCI DU POURTOUR, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER tout succombant aux dépens ;

- PRONONCER l’exécution provisoire. »

A l’appui de ses prétentions, la SCI POURTOUR expose que :

- les désordres sont avérés au regard du rapport d’expertise judiciaire ;

- au regard des investigations menées à l’initiative de l’expert judiciaire, les désordres sont entièrement imputables aux travaux de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT ;

- sur les préjudices subis par la concluante :

* l’appartement du 4e étage a été particulièrement impacté par les infiltrations d’eau en provenance de la façade de l’immeuble, ce dont fait état l’expert judiciaire qui a visité cet appartement et constaté les infiltrations ; des mesures de confortement ont dû être prises en urgence afin de pallier le risque d’effondrement du plancher haut ; des réparations à l’intérieur de l’appartement sont nécessaires et ont été évaluées à un montant de 3 760,80 euros TTC sur devis daté du 21 janvier 2021 ;

*l’appartement, d’une surface de 27,2m2 est devenu :
-partiellement inhabitable du fait des désordres liés aux infiltrations et de la pose d’étais, le préjudice de jouissance occasionné s’élevant à la moitié de la valeur locative du bien soit au montant de 18 128,80 euros entre la mi-juin 2019 (pose d’étais) et le 15 janvier 2023 (début des travaux réparatoires définitifs des parties communes, à savoir, du plancher haut de l’appartement) ;
-totalement inhabitable durant les travaux réparatoires, le préjudice de jouissance occasionné s’élevant à la totalité de la valeur locative du bien soit au montant de 1 686,40 euros entre les 16 janvier et 24 mars 2023 (fin des travaux réparatoires) ;

-sur les responsabilités :

* il ressort clairement des conclusions du rapport d’expertise judiciaire que les désordres affectant l’immeuble et plus précisément les parties privatives de la SCI DU POURTOUR sont imputables aux travaux de la société LA GENERALE DU BATIMENT, dissoute et radiée mais assurée auprès de la SMA SA, dont la garantie reste donc acquise pour ce sinistre ;

* à titre subsidiaire, la concluante entend exercer ses recours contre le SDC :
- en vertu de l’article 14 alinéa 5 de la loi du 10 juillet 1965 dont les dispositions prévoient que le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires, ce qui est le cas en l’espèce, les dommages matériels et immatériels subis par la concluante étant liés à la dégradation du plancher et de la façade de l’immeuble lesquels constituent des parties communes ;
- contrairement à ce qu’allègue le SDC, la condition de déclaration du sinistre à son propre assureur par la concluante ne relève d’aucune obligation légale ou jurisprudentielle ;
- de plus, la police d’assurance privative d’un copropriétaire ne garantit que les dommages causés aux biens mobiliers et aux embellissements, elle ne couvre en aucun cas les dommages en provenance d’une partie commune, et à plus forte raison lorsqu’ils sont dus à un défaut de la structure même de l’immeuble.

*

Par conclusions notifiées par voie électronique le 02 juin 2023, la société GFLBI sollicite :

« VU les termes du rapport d'expertise judiciaire déposé par Monsieur [Y],
VU les articles 9 et 122 du Code de procédure civile,
VU les dispositions des articles 1792 et suivants du Code civil,
VU les articles 1231-1, 1240, 1310 et 1353 du Code civil,
VU les articles 1641 et suivants du Code civil,
VU l'article L. 124-3 du Code des Assurances.

Il est demandé au Tribunal de :

DECLARER recevable et bien fondée en ses conclusions la SARL G.B.L.F.I,

A TITRE PRINCIPAL :

DECLARER que le Syndicat des copropriétaires l’immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic la société CAZALIS SAS échoue à rapporter la preuve de l'existence d'une faute ou manquement imputable à la SARL GFLBI,

JUGER que la responsabilité de la SARL GFLBI ne peut pas être recherchée,

Par conséquent :

PRONONCER la mise hors de cause pure et simple de la SARL GFLBI;

DEBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic la société CAZALIS SAS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont formulées à l’encontre de la SARL GFLBI ;

DEBOUTER la SCI DU POURTOUR de ses demandes ;

DEBOUTER l’ensemble des parties de leurs demandes et appels en garantie formés à l’encontre de la SARL GFLBI

A TITRE SUBSIDIAIRE :

DEBOUTER le l’immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic la société CAZALIS SAS ou toutes autres parties de leurs demandes de condamnation in solidum et/ou solidaire présentées à l'encontre de la SARL GFLBI

DECLARER la Société LA GENERALE DU BATIMENT et son assureur la SMA SA, responsables des désordres.

CONDAMNER in solidum :

− Monsieur [T], es qualité de liquidateur de la Société LA GENERALE DU BATIMENT et son assureur la SMA SA,
− La Société GENERALI, es qualité d’assureur de la SARL GFLBI sa responsabilité civile professionnelle à relever et garantir indemnes la SARL GFLBI, des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit du demandeur, sur le fondement des articles 1240 du Code Civil et L. 124-3 du Code des Assurances.

DEBOUTER l’ensemble des parties de leurs demandes et appels en garantie formés à l’encontre de la SARL GFLBI

REJETER l’exécution provisoire sur l’ensemble des condamnations prononcées à titre principal et si par extraordinaire la juridiction saisie n’écarte pas l’exécution provisoire, condamner le Syndicat des copropriétaires l’immeuble sis [Adresse 4] représenté par son syndic la société CAZALIS SAS à constituer une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations conformément à l’article 514-5 du Code de procédure civile.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DEBOUTER les parties de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont formulées à l’encontre de la SARL GFLBI

CONDAMNER in solidum toutes parties succombantes à payer à la SARL GFLBI, la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et aux entiers dépens de la présente instance. »

Au soutien de sa défense, la société GFLBI expose que :

- le demandeur ne démontre la responsabilité de la concluante dans l’apparition des dommages sur aucun des fondements qu’il invoque (décennal, contractuel ou en vertu de l’article 1641 du code civil) ; en l’espèce :

* l’expert judiciaire ne met pas la concluante en cause et attribue l’origine des désordres exclusivement à un défaut d’exécution de l’entreprise de ravalement ;

* la concluante n’est intervenue qu’en tant que maître de l’ouvrage dans le cadre de l’opération et reste profane en matière de travaux ;

* le SDC ne démontre pas davantage l’existence de vices cachés affectant l’immeuble, qui le rendraient impropre à sa destination d’habitation ou diminueraient tellement cet usage qu’il ne l’aurait pas acquis ou n’en aurait donné qu’un moindre prix :
- les désordres liés au ravalement ne sont survenus que plus de 5 ans après les travaux et le demandeur ne démontre pas que le vice existait au moment de la vente ;
- la concluante n’est pas un professionnel du bâtiment et ne pouvait avoir connaissance des désordres liés aux travaux de ravalement ;
- l’article 1646-1 du code civil ne peut s’appliquer en l’espèce, dès lors que l’immeuble n’a pas été construit par la SARL GFLBI puisqu’il a été construit dans les années 1920-1950 et acquis par la SARL GFLBI en 2010 ;
-à titre subsidiaire :

* sur l’absence de solidarité :
- la loi n'a institué aucune solidarité entre les constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage ou des acquéreurs successifs ;
- la jurisprudence a consacré le principe d’une responsabilité in solidum des constructeurs, sous réserve de la réunion de trois conditions (une pluralité de responsables, un lien de causalité direct entre le fait générateur de responsabilité et le dommage, les fautes de chaque responsable doivent avoir contribué à la survenance de l’entier dommage) ; or en l’espèce, il est établi que les désordres sont imputables exclusivement à la société LA GENERALE DU BATIMENT ;

* sur les appels en garantie à l’encontre de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT et son assureur SMA SA :
- il est établi que les désordres sont imputables exclusivement à la société LA GENERALE DU BATIMENT, donc son assureur la SMA SA venant aux droits de SAGENA lui doit sa garantie dans l’hypothèse où les désordres revêtiraient un caractère décennal ;
- contrairement à ce qu’affirme la SMA SA, la preuve de l’intervention de son assurée est établie par la production de la facture de son assurée et l’attestation du gérant dont il ressort que la concluante lui a entièrement réglé cette prestation ;
- les travaux ont été réceptionnés sans réserve en rapport avec les désordres allégués, lesquels ont un caractère décennal ;

* sur les appels en garantie à l’encontre de GENERALI IARD SA ès-qualité d’assureur de la concluante : contrairement à ce qu’allègue l’assureur de la concluante, celui-ci a bien vocation à la garantir au regard des conditions générales du contrat souscrit (pages 7 et 9 – pièce 2 GENERALI).

*

Par conclusions numérotées 3 notifiées par voie électronique le 23 juin 2023, la SMA SA sollicite :

« Vu les articles 1231-1 (anc. art. 1147), 1353 (anc. art. 1315) du Code civil,

Vu les conditions générales et particulières de la SMA SA,

Vu les dires de la SMA SA formulés en expertise judiciaire,

Juger que le ravalement en question notamment en ses parties soumises à l’expertise judiciaire ne saurait être attribué avec certitude à la GENERALE DU BATIMENT sans un quelconque lien contractuel établi avec la SARL GFLBI, de sorte que les garanties de la SMA SA vis-à-vis de son ancien assuré la GENERALE DU BATIMENT ne sauraient être discutées,

Juger qu’une réception formelle et contradictoire entre la SARL GFLBI et la GENERALE DU BATIMENT n’est pas davantage rapportée en l’absence de tout devis validé, facture acquittée ou décompte et/ou procès-verbal établis entre ces deux sociétés, aucune preuve n’est aussi fournie sur un quelconque paiement de ce ravalement par la SARL GFLBI,

Juger que les conditions générales et particulières de la SMA SA excluent en tout état de cause les non-conformités de mises en œuvre alléguées en demande, et la police d’assurance évoquée avait été résiliée au 19 mars 2012 avant le « devis-facture du 29 juin 2012 », impliquant l’absence d’application de quelconques garanties de la SMA SA qui n’était pas l’assureur de la GENERALE DU BATIMENT,

Rejeter l’ensemble des demandes formulées à l’encontre de la SMA SA, notamment celles formulées tardivement par la SCI DU POURTOUR sans aucun débat contradictoire et justification technique,

Si par extraordinaire les garanties de la SMA SA étaient discutées à l’égard d’un ancien assuré dont les travaux ne sont pas rapportés par le Syndicat des copropriétaires ni les conditions et la réalité de leur réception, la SARL GFLBI, la Cie GENERALI et Monsieur [M] [S] [T] en qualité de liquidateur judiciaire de LA GENERALE DU BATIMENT, seront condamnés à garantir la SMA SA de toutes condamnations, ses garanties d’assurance ne pouvant être mobilisées que dans les limites de sa police (franchises et plafond),

Condamner in solidum le Syndicat des copropriétaires et la SCI DU POURTOUR, comme tout succombant, aux entiers dépens et à payer à la SMA SA, une somme de 4.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, »

Au soutien de sa défense, la SMA SA expose que :

- aucun justificatif ne démontre la réalisation d’un ravalement par la SARL LA GENERALE DU BATIMENT sur la façade côté cour du bâtiment A de l’immeuble litigieux : seul un devis-facture non signé datant du 29 juin 2012 a été produit, lequel ne permet pas d’établir la réalité d’une intervention de la société LA GENERALE DU BATIMENT ou du règlement d’une prestation par la société GFLBI ;

- aucun justificatif ne permet d’établir l’existence d’une réception y compris tacite, ne serait-ce que la preuve du paiement du prix ; or en l’absence de réception, la garantie de la concluante n’est pas mobilisable, ceci d’autant plus que le contrat souscrit exclut les non-conformités, malfaçons et désordres n’ayant pas de nature décennale (cf article 41 des conditions générales) ;

- au surplus, la police d’assurance a été résiliée au 19 mars 2012 pour non-paiement de la prime d’assurance ; partant, le devis-facture daté du 29 juin 2012 serait dans tous les cas postérieur à la résiliation précitée ;

- sur les demandes de la SCI DU POURTOUR : celle-ci n’a pas participé à l’expertise judiciaire et invoque tardivement sans aucune analyse technique des préjudices matériels et immatériels, hors de tout débat contradictoire ; par ailleurs, aucun constat n’a été réalisé dans les appartements évoqués et elle ne saurait profiter des constats d’expertise judiciaire qui ne lui sont pas opposables.

*

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 décembre 2020, la société GENERALI IARD sollicite :

« VU l’assignation en ouverture de rapport délivrée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] le 11 juin 2020,

VU les articles 1103, 1641-1,1792 et suivants du Code Civil,

Il est demandé au Tribunal Judiciaire de PARIS de :

A titre principal,

? DÉBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre de la compagnie GENERALI.

A titre subsidiaire,

- CONDAMNER in solidum Monsieur [T], en qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT et son assureur SMA SA à garantir et relever indemne la compagnie GENERALI de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

- DIRE ET JUGER les limites contractuelles de la police souscrite par la société GFLBI auprès de la compagnie GENERALI applicables et opposables erga omnes.

En tout état de cause

- CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et toute succombante à verser à la compagnie GENERALI, son assureur, la somme de 2 000€ chacune, au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens. »

Au soutien de sa défense, la société GENERALI IARD expose que :

- au titre des garanties souscrites par son assurée la société GFLBI, la concluante ne couvre que sa responsabilité civile d’exploitation à l’exclusion de toute autre garantie, les activités déclarées par l’assurée étant celles de promoteur et marchand de biens, cette dernière activité s’entendant comme l’achat de biens immobiliers revendus en l’état ou après rénovation sans intervention dans la réalisation des travaux ;

- le SDC agit contre l’assurée de la concluante sur le fondement de l’article 1646-1 du code civil alors que l’immeuble litigieux n’entre pas dans le cadre d’une vente d’un immeuble à construire ;

- les demandes formées par le SDC sont relatives à des malfaçons survenues dans le cadre de travaux de ravalement réalisés à la demande de la société GFLBI ; or les assurances relatives à un constructeur non réalisateur sont des polices spéciales accordées par chantier et dont les primes dépendent du coût du chantier et de la nature des travaux, ce qui n’est pas le cas de la police souscrite par l’assurée auprès de la concluante (cf pages 18-19 des conditions générales) ;

- le seul cas où la police de la compagnie GENERALI peut s’appliquer est le cas de la garantie de responsabilité civile maître d’ouvrage, qui s’applique au cas spécifique dans lequel son assurée fait réaliser des travaux de construction dans ses locaux, à l’occasion desquels des dommages matériels sont causés à autrui, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

- en l’absence de responsabilité de la société GFLBI dans les désordres survenus, la garantie de la concluante ne saurait être recherchée.

*

Les assignations n’ont pas pu être remises à M. [T] et des procès-verbaux de recherches infructueuses ont été dressés.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 janvier 2024, l'audience de plaidoirie fixée au 02 avril 2024, l'affaire mise en délibéré au 11 juin 2024, prorogé au 02 juillet 2024, date du présent jugement, un message ayant été envoyé aux parties par voie électronique le 29 mai 2024 afin de leur permettre de s’exprimer sur la recevabilité des demandes formées contre M. [T] es-qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT.

MOTIVATION :

Préalables :

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions des articles 4 et 30 du code de procédure civile dès lors qu'elles ne confèrent pas de droit spécifique à la partie qui en fait la demande. Elles ne feront alors pas l'objet d'une mention au dispositif.

I – Sur la défaillance de M. [T] es-qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT et sur la recevabilité des demandes formées à son encontre :

I.A – Sur la défaillance de M. [T] es-qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT :

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile : « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. »

En l'espèce, il ressort des procès-verbaux de recherches infructueuses établis à l’occasion des significations d’assignation que M. [T] n’a pu être cité, qu’il était inconnu à l’adresse indiquée et ne figurait sur aucun annuaire.

Il convient dès lors d'examiner le bien-fondé des demandes formées à son encontre.

I.B – Sur la recevabilité des demandes formées à l’encontre de M. [T] es-qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT :

Aux termes de l’article 1844-7 avant l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 en vigueur au 01er juillet 2014 : « La société prend fin:
1° Par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée conformément à l'article 1844-6 ;
2° Par la réalisation ou l'extinction de son objet ;
3° Par l'annulation du contrat de société ;
4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l'article 1844-5 ;
7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la liquidation judiciaire ;
8° Pour toute autre cause prévue par les statuts. »

Aux termes de l’article 1844-8 du même code : « La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication.
Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.
La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.
Si la clôture de la liquidation n'est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement. »

Le mandat du liquidateur d’une société prend fin à la clôture de la liquidation ; dès lors, celle-ci ne peut plus être représentée que par un mandataire ad hoc désigné en justice.

En l’espèce, la SARL LA GENERALE DU BATIMENT a été liquidée par son gérant M. [T] et radiée du RCS de Bobigny en date du 06 juin 2014, soit antérieurement à l’assignation délivrée à son encontre à la demande du SDC.

Il en découle qu’à la date de l’assignation, M. [T] n’avait plus qualité pour représenter la SARL LA GENERALE DU BATIMENT en tant que liquidateur ; partant, les demandes formulées à son encontre en cette qualité sont irrecevables.

II – Sur la demande d’indemnisation du SDC :

Aux termes de l'article 1792 du code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

Aux termes de l'article 1792-4-1 du même code : « Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des article 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article. »

Aux termes de l’article 1792-6 alinéa 1 du même code : « La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. »

La garantie décennale ne s'applique qu'à des désordres cachés à la réception de l'ouvrage, apparus dans le délai de dix ans à compter de cette réception, et affectant l'ouvrage dans sa solidité ou le rendant impropre à sa destination.

La réception peut être expresse, tacite ou judiciaire. La réception tacite impose de caractériser une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les travaux avec ou sans réserves, laquelle volonté peut être présumée par la prise de possession de l'ouvrage et le paiement des travaux.

II.A – Sur la réception des travaux :

Il ressort du devis-facture n°2012/001 versé aux débats émanant de la société LA GENERALE DU BATIMENT, daté du 29 juin 2012, adressé à la SARL GFLBI pour un chantier sis [Adresse 4] à [Localité 15] soit à l’adresse des travaux litigieux, que le règlement d’une somme totale de 35 131,60 euros TTC a été effectué au titre de travaux de ravalement de façade côtés cours et rue réalisés à cette adresse. Contrairement à ce qu’allègue la SMA SA, il ressort de ce devis-facture que des travaux de ravalement de façade pour le bâtiment litigieux notamment (bâtiment A situé sur cour) ont bien été réalisés, et que ces travaux ont bien été réglés dans leur intégralité, le restant dû étant de 0 euros sur la facture.

Il sera néanmoins fait observer que l’attestation du gérant de l’entreprise quant à l’exécution de ces travaux, mentionnée par la SARL GFLBI, ne figure pas à la pièce annoncée (pièce n°3).

Le paiement intégral des travaux, leur réalisation, et la prise de possession de l’ouvrage par la SARL GFLBI laquelle a ensuite revendu l’immeuble, suffisent à caractériser l’existence d’une volonté non équivoque de sa part d'accepter les travaux avec ou sans réserves, et donc l’existence d’une réception tacite.

II.B – Sur la nature, l’origine et la qualification des désordres :

Il ressort du courrier de l’ancien syndic de l’immeuble adressé à la SARL GFLBI en date du 30 mars 2017 et versé aux débats que des morceaux de plâtre de la façade se détachent du bâtiment A de l’immeuble.

Des clichés non datés non localisés ont été versés aux débats, dont il résulte que des morceaux de façade d’un bâtiment d’habitation sont manquants.

Il ressort de la facture de la société TBC datée du 09 mars 2017 versée aux débats que celle-ci est intervenue à l’adresse du chantier litigieux afin de procéder à une purge des éléments dégradés sur la façade de l’immeuble côté cour avec reprise des trous au plâtre, rebouchage des fissures au silicone.

La matérialité des dommages, ainsi caractérisée, n’est pas contestée.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire les constats suivants relatifs aux travaux de ravalement des façades du bâtiment A sur cour :
- aucun pourcentage de piochage des façades n’a été indiqué,
- le sondage effectué au rez-de-chaussée a mis en évidence une fissuration non traitée, un simple nettoyage du support avec peinture pliolite,
- aucune intervention n’a été effectuée sur les bandeaux en zinc,
Décision du 02 juillet 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 21/11670 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CVGAD

- les désordres de ravalement sont situés aux 4e et 5e étages et consistent en un manque de préparation du mur en pans de bois (purge par piochage insuffisant) et en l’absence d’analyse des pièces de bois.

Cependant, il ne ressort d’aucune des prestations figurant au devis-facture versé aux débats relatif aux travaux de ravalement effectués que ces travaux aient eu pour objet de maintenir l’étanchéité de l’immeuble ni d’en assurer le clos ou le couvert ; dès lors, il ne saurait être considéré, contrairement à ce qu’affirme le SDC, que les travaux réalisés sont assimilables à un ouvrage.

Par ailleurs, aucun élément relatif au potentiel danger qu’aurait pu représenter la chute de morceaux de plâtres de la façade n’ayant été versé aux débats, le risque pour les personnes engendré par ces dommages n’est pas caractérisé.

Par conséquent, et en l’absence de mention de quelques réserves que ce soit à la réception, les éventuelles responsabilités ne pourront être retenues que sur un fondement contractuel.

II.C – Sur les responsabilités et les garanties des assureurs :

Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur le 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle, l’entrepreneur est tenu d’une obligation de résultat à l’égard du maître de l’ouvrage.

Aux termes de l’article 1641 du même code : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »

Aux termes de l’article 1643 du même code : « Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. »

Le vice caché se définit comme un défaut de la chose qui la rend impropre à l'usage auquel on la destine, ou diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il en avait eu connaissance ; il faut que le vice présente une gravité suffisante, soit caché, antérieur au transfert de propriété ; la garantie est alors mise en jeu dès que la défectuosité de la chose est établie.

La jurisprudence écarte l’application de la clause de non garantie lorsque le vendeur est un professionnel ou assimilé et est réputé avoir connaissance des vices. Le marchand de biens, vendeur professionnel, ne peut se prévaloir d'une clause de non-garantie.

II.C.1 – Sur les responsabilités :

II.C.1.a – Sur la responsabilité de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT :

L’expert judiciaire conclut que la SARL LA GENERALE DU BATIMENT n’a pas conduit les travaux de ravalement de la façade côté cour du bâtiment A selon les règles de l’art ; elle les a réalisés a minima, les désordres constatés sur la façade provenant uniquement d’après l’expert d’une mauvaise exécution et d’une mauvaise mise en œuvre des produits, d’un manque de préparation du mur en pans de bois et de l’absence d’analyse des pièces de bois.

Dès lors, il y a lieu de retenir la responsabilité contractuelle de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT.

II.C.1.b – Sur la responsabilité de la SARL GFLBI :

Il résulte du rapport d’expertise judiciaire que les désordres affectant le ravalement de l’immeuble réalisé sous la maîtrise d’ouvrage de la SARL GFLBI ont pour cause une mauvaise exécution du dit ravalement.

Il n’y a pas lieu de déterminer si la SARL GFLBI en avait connaissance ou non au moment de la vente de l’immeuble, dans la mesure où celle-ci, en tant que marchand de biens immobiliers, et partant, en tant que professionnel, est réputée avoir connaissance des vices.

En revanche, le demandeur ne démontre pas que les désordres affectant le ravalement du bâtiment A de l’immeuble côté cour rendent celui-ci impropre à l’usage d’habitation auquel il est destiné ou diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquis, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix ; partant, la SARL GFLBI ne doit pas sa garantie au titre des vices cachés.

II.C.2 – Sur les garanties des assureurs :

II.C.2.a – Sur la garantie de la SMA SA :

Il résulte de l’article 8.2.1 des conditions générales de la police souscrite par la SARL LA GENERALE DU BATIMENT au titre de sa responsabilité civile professionnelle en cas de dommage à des tiers, versées aux débats, lesquelles ne comportent aucun article 41 comme allégué par la concluante, que sont exclus de cette garantie les dommages matériels (ou les indemnités compensant ces dommages) subis par les travaux, les ouvrages ou parties d’ouvrage exécutés par l’assuré, ou par les matériaux fournis et mis en œuvre par l’assuré, ainsi que les frais et dépenses engagés pour la réparation de ces dommages survenus après réception.

Dès lors, la garantie de la SMA SA n’est pas mobilisable.

II.C.2.b – Sur la garantie de la compagnie GENERALI IARD :

La responsabilité de son assurée, la SARL GFLBI, n’ayant pas été retenue, sa garantie n’est pas mobilisable.

*

Compte tenu de ce que seule la responsabilité de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT a été retenue, et de ce que les demandes formées par le SDC à l’encontre de son ancien liquidateur sont irrecevables, le SDC sera donc débouté de l’intégralité de ses demandes.

III – Sur la demande d’indemnisation de la SCI DU POURTOUR :

Aux termes de l'article 1382 du code civil en vigueur avant l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au 1er octobre 2016 : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la responsabilité délictuelle supposant la réunion d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité.

Sur la matérialité du dommage et son origine :

Il résulte du procès-verbal de constat d’huissier réalisé dans l’appartement occupé par M. [H] [B] sis au 4e étage de l’immeuble litigieux, daté du 18 janvier 2022, accompagné de clichés et versé aux débats, que :
- des traces d’infiltrations avec décollements de peinture sont visibles au niveau du faux-plafond ;
- plusieurs types d’étais-chandelles positionnés sur des madriers au plafond et au sol ont été mis en place (sept parallèles à la façade, trois perpendiculaires à la façade) ; ils apparaissent corrodés par endroits, sales et anciens.

Il résulte du courrier du syndic de l’immeuble litigieux daté du 17 janvier 2020 et versé aux débats que les étais ont été posés le 16 juin 2019 suite aux sondages réalisés dans le plafond de l’appartement, que cette pose d’étais a été décidée suite à l’affaissement des poutres du plafond, lequel affaissement aurait été provoqué par le pourrissement des éléments structurels en bois de la façade.

Il ressort de la note aux parties n°2 datée du 14 juin 2018 et des clichés qui l’accompagnent, ainsi que de la note de synthèse de l’expert judiciaire datée du 01er juillet 2019 (en page 3), qu’un désordre important au niveau du plancher bas de l’appartement du 5e étage localisé dans la zone du séjour a été découvert et qu’il en résulte l’écoulement des eaux de ruissellement de pluie dans une fissuration du ravalement, laquelle a peut-être altéré partiellement le pan de bois, le taux d’humidité relevé sur la fissure étant de 100% alors qu’à l’intérieur n’est relevé aucun taux d’humidité.

Il sera fait observer que l’expert judiciaire, qui a visité l’appartement du 4e étage occupé par M. [H] lors de la réunion d’expertise le 29 mai 2018, ne mentionne pourtant aucun désordre dans le plancher haut de cet appartement à cette date ; si le courrier du syndic en date du 17 janvier 2020 fait le lien entre le dommage survenu dans l’appartement et le pourrissement d’éléments de bois de la façade, aucun élément de constat de ce pourrissement des pans de bois de la façade ni des conséquences qu’il a pu provoquer n’a été communiqué, un tel phénomène n’ayant par ailleurs pu être constaté par l’expert judiciaire ; aucun élément n’a non plus été communiqué, ni sur le sondage effectué dans l’appartement le 16 juin 2019, ni sur les interventions aux fins de pose d’étais, tandis que le constat d’huissier dont il ressort la présence de traces d’infiltrations au plafond de l’appartement a été réalisé plus de 2 ans après les opérations d’expertise judiciaire, sans permettre de faire le lien avec un éventuel pourrissement des pans de bois de façades.

Dès lors, si la matérialité du dommage est démontrée, le lien avec les opérations de ravalement de façade ne l’est pas.

Par conséquent, la SCI DU POURTOUR sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.

IV – sur les demandes accessoires :

Aux termes de l'article 696 alinéa 1 du code de procédure civile: « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. »

Aux termes de l'article 700 alinéas 1 et 2 du même code : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer:
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. »

Les demandeurs succombant en leurs prétentions, ils seront condamnés in solidum aux dépens, dont ils partageront la charge à hauteur de 70% pour le SDC et de 30% pour la SCI DU POURTOUR.

En équité, eu égard à la situation économique des parties, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort ;

Constate l’irrecevabilité des demandes formées contre Monsieur [M] [S] [T] en qualité de liquidateur de la SARL LA GENERALE DU BATIMENT ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 15] représenté par son syndic la société CAZALIS de l’intégralité de ses demandes ;

Déboute la SCI DU POURTOUR de l’intégralité de ses demandes ;

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à Paris 14e représenté par son syndic la société CAZALIS et la SCI DU POURTOUR aux dépens de l'instance ;

Partage les dépens de l’instance à hauteur de 70% à la charge du syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] à Paris 14e représenté par son syndic la société CAZALIS, et de 30% à la charge de la SCI DU POURTOUR ;

Dit n’y avoir lieu à indemnisation au titre des frais irrépétibles ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

Fait et jugé à Paris le 02 juillet 2024

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/11670
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;21.11670 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award