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02/07/2024 | FRANCE | N°21/06308

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 1ère section, 02 juillet 2024, 21/06308


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




6ème chambre 1ère section

N° RG 21/06308 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUL3E

N° MINUTE :




Assignation du :
21 avril 2021




JUGEMENT
rendu le 02 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. AXE ETANCHEITE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Linda HALIMI-BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0427




DÉFENDERESSE

Fondation INSTITUT [4]
[Adresse

2]
[Localité 3]

représentée par Maître Camille SOULEIL-BALDUCCI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0638








Décision du 02 juillet 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 21/06308 -
N° ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

6ème chambre 1ère section

N° RG 21/06308 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUL3E

N° MINUTE :

Assignation du :
21 avril 2021

JUGEMENT
rendu le 02 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. AXE ETANCHEITE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Linda HALIMI-BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0427

DÉFENDERESSE

Fondation INSTITUT [4]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Camille SOULEIL-BALDUCCI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0638

Décision du 02 juillet 2024
6ème chambre 1ère section
N° RG 21/06308 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUL3E

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Céline MECHIN, vice-président
Marie PAPART, vice-président
Clément DELSOL, juge

assisté de Catherine DEHIER, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 30 Avril 2024 tenue en audience publique devant Marie PAPART, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Décision publique
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Céline MECHIN, président et par Catherine DEHIER greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************
EXPOSE DU LITIGE :

La Fondation INSTITUT [4], afin de procéder à une rénovation des étanchéités de ses biens immobiliers, s’est rapprochée de la société AXE ETANCHEITE, spécialisée en la matière.

La société AXE ETANCHEITE a été mandatée pour réaliser des travaux de rénovation des toitures-terrasses et des étanchéités de plusieurs bâtiments.

La société AXE ETANCHEITE dénonce l’absence de règlement des 5 factures suivantes, pour un montant total de 177 095,62 euros :
-la facture n° 200-0234 du 27 mars 2020 d’un montant de 82 155, 41 euros ;
-la facture n° 200-0304 du 15 mai 2020 d’un montant de 14 919,76 euros ;
-la facture n° 200-0354 du 28 mai 2020 d’un montant de 13 630,02 euros ;
-la facture n° 200-0399 d’un montant de 2 964,31 euros ;
-la facture n° 200-0416 du 19 juin 2020 d’un montant de 63 426,12 euros.

La société AXE ETANCHEITE a déposé plainte le 12 août 2020 suite à une escroquerie grâce à laquelle les auteurs auraient obtenu règlement desdites factures par la Fondation INSTITUT [4] entre leurs mains en usurpant l’identité numérique de la société AXE ETANCHEITE.

Elle en a informé les services comptables de la Fondation INSTITUT [4] le même jour en lui transmettant une copie du récépissé de sa plainte.

Aux termes d’une ultime mise en demeure en date du 10 février 2021 adressée par son conseil, la société AXE ETANCHEITE a tenté de recouvrer les sommes dues auprès de la Fondation INSTITUT [4].

Par courrier recommandé en date du 15 mars 2021, la Fondation INSTITUT [4] a indiqué refuser d’honorer le règlement des factures litigieuses.

Par acte d'huissier de justice signifié le 21 avril 2021, la société AXE ETANCHEITE a assigné la Fondation INSTITUT [4] devant la présente juridiction aux fins de la voir condamner au paiement de la somme de 177 095,62 euros au titre des factures impayées majorée au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 10 février 2021 entre autres.

Par conclusions numérotées 4 notifiées par voie électronique le 02 décembre 2023, le société demanderesse sollicite de voir :

« Vu l’article 1342-2 du code civil ;
Vu les pièces versées aux débats ;

Il est demandé au Tribunal de :

• RECEVOIR la société AXE ETANCHEITE en ses demandes, fins et prétentions et la déclarer recevable et bien fondée ;

Et y faisant droit,

A titre principal,

• CONDAMNER l’INSTITUT [4] au paiement de la somme de 177 095,62 euros au titre des factures impayées majorées du taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2021 ;

• ORDONNER la capitalisation des intérêts à compter de la décision à venir ;

A titre subsidiaire,

• CONDAMNER l’INSTITUT [4] au paiement de la somme de 148 545,84 € euros au titre des factures F000234 du 27 mars 2020 d’un montant de 82.155,41 € ainsi que pour la facture F2000416 du 19 juin 2020 d’un montant de 66.390,43 €, majorées du taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure du 10 février 2021 ;

• ORDONNER la capitalisation des intérêts à compter de la décision à venir ;

En tout état de cause,

• DEBOUTER l’INSTITUT [4] de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

• CONDAMNER l’INSTITUT [4] a la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Et en conséquence,

• CONDAMNER la fondation INSTITUT [4] au paiement de la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

• CONDAMNER la fondation INSTITUT [4] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Linda HALIMI-BENSOUSSAN, avocat, en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;

• RAPPELER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

A l'appui de ses prétentions, la société demanderesse expose que :

-sur la fraude dont a été victime la concluante : aucune autre société cliente de la concluante ne s’est laissé abuser par le subterfuge des fraudeurs, alors que selon la Fondation INSTITUT [4], la première vérification à accomplir est de contrôler tout changement de RIB en téléphonant directement au fournisseur concerné ; force est de constater que la Fondation INSTITUT [4] avoue ainsi sa carence ; contrairement à ce qui est allégué, Mme [U] croyait en toute sincérité que la création d’une fausse boite mail et l’usurpation de son identité constituait un piratage de sa boîte mail ; elle n’a à aucun moment eu la volonté de cacher le procédé malveillant dont elle a été victime et qu’elle a exposé lors de son dépôt de plainte ; la Fondation INSTITUT [4] tente de soutenir que la concluante aurait méconnu des dispositions contractuelles en divulguant des informations de nature confidentielle aux fraudeurs sans solliciter au préalable son agrément, alors que l’article 14.1 sur lequel elle se fonde ne figure sur aucun bon de commande et n’a jamais été communiqué à la concluante ; aucune information confidentielle n’a été transmise notamment aucun contrat ni même aucune coordonnée bancaire ou téléphonique ; le défendeur prétend que Mme [U] ne disposait pas du pouvoir de détenir et transmettre des documents contractuels confidentiels de la société alors qu’elle disposait d’une délégation de signature de son époux et était et reste salariée de la société ;

-sur le caractère non libératoire des payements réalisés :

*le paiement de la Fondation INSTITUT [4] a été effectué sans aucune vérification préalable alors qu’elle était informée par la concluante que celle-ci ne recevait aucun de ses virements, entre les mains d’un solvens fraudeur utilisant une adresse mail « axa-etancheite » et non « axe-etancheite » sur un prétendu compte CREDIT AGRICOLE domicilié en Italie alors que la concluante est une PME française d’une vingtaine de salariés, au motif de l’inactivité durant 3 mois du compte habituel en raison d’un audit de routine, alors qu’un compte bancaire n’est jamais inactif lorsqu’il fait l’objet de vérifications par un établissement bancaire ; les échanges relatifs à la facturation se faisaient uniquement entre les services de comptabilité des deux sociétés, Madame [O] [Y] de la société AXE ETANCHEITE étant la correspondante habituelle de la Fondation INSTITUT [4] sur ce sujet, et non Mme [U] ; la défenderesse, en tant qu’institution prestigieuse abritant des travaux importants et sensibles, n’aurait pas dû pouvoir être abusée aussi facilement ; il sera d’ailleurs fait observer que l’assureur de la défenderesse n’a pas été mis dans la cause ;

*pour avoir déposé plainte pour escroquerie en date du 12 août 2020, la concluante n’a jamais ratifié le paiement réalisé entre les mains du solvens fraudeur comme l’exigent les dispositions de l’article 1342-2 du code civil ;

*à tous le moins, deux factures auraient pu échapper à cette fraude si la Fondation INSTITUT [4] avait été rigoureuse, à savoir, la facture n° 200-0234 du 27 mars 2020 exigible depuis le 27 mai 2020 soit avant l’escroquerie, et la facture n° 200-0416 du 19 juin 2020 au sujet de laquelle le service comptabilité de la concluante a relancé la défenderesse à de multiples reprises et notamment le 05 août 2020, jour du règlement, en demandant à la défenderesse de prendre contact, ce qui aurait permis de lui éviter de réaliser un virement au profit du tiers fraudeur ;

-sur les dommages et intérêts sollicités : la société AXE ETANCHEITE a subi un préjudice financier important du chef de l’inexécution de la Fondation INSTITUT [4], et ce depuis le mois d’août 2020 ;

-sur les demandes reconventionnelles :

*des factures émises par la concluante ou sa balance comptable ne constituent en aucun cas une information confidentielle ou personnelle susceptible de porter préjudice à la défenderesse, ceci d’autant plus que la concluante pensait répondre à l’administration fiscale à qui elle ne pouvait opposer de confidentialité ;

*la CNIL rappelle qu’une donnée à caractère personnel est toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable ; tel n’est pas le cas d’une facture ; il sera rappelé que lors de l’établissement des bilans annuels, les sociétés n’ont absolument aucune obligation de solliciter l’autorisation de chaque cocontractant pour transmettre leurs factures à leur expert-comptable ou à l’administration fiscale lorsqu’elle le demande ;

*la défenderesse prétend avoir constitué une équipe en interne suite aux faits mais n’en apporte nullement la preuve ; elle n’apporte pas davantage la preuve de son préjudice ;

*la concluante n’a fait qu’user de son droit d’ester en justice en raison du refus de la défenderesse de répondre à ses demandes, fermant la porte à toute médiation.

*

Par conclusions récapitulatives numérotées 4 notifiées par voie électronique le 22 septembre 2023, la défenderesse sollicite de voir :

« Vu les articles 1103, 1104, et 1342, 1342-2 et 1342-3 du Code civil,
Vu l’article 34 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978,

DIRE ET JUGER que l’ensemble des pièces produites aux débats démontre que l’INSTITUT [4] a pu légitimement croire qu’il payait valablement la société AXE -ÉTANCHÉITÉ en adressant ses règlements au tiers usurpateur ;

DIRE ET JUGER que la société AXE ÉTANCHÉITÉ a fourni au tiers usurpateur les moyens pour lui octroyer la qualité de créancier apparent ;

DIRE ET JUGER que les conditions de croyance légitime en la qualité de créancier et de bonne foi exigées par l’article 1342-3 du Code civil sont remplies ;

En conséquence,

DIRE ET JUGER que les paiements réalisés par l’INSTITUT [4] sont libératoires et que les créances invoquées par la société AXE ÉTANCHÉITÉ sont éteintes ;

DEBOUTER la société AXE ÉTANCHÉITÉ de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

À TITRE RECONVENTIONNEL,

CONDAMNER la société AXE ÉTANCHÉITÉ à verser à l’INSTITUT [4] la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice résultant de la violation de l’obligation de confidentialité des documents contractuels prévue par l’article 14 du Cahier des Clauses administratives et Particulières ;

CONDAMNER la société AXE ÉTANCHÉITÉ à verser à l’INSTITUT [4] la somme de 50 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral et celle de 50 000 euros au titre de la réparation de son préjudice financier résultant de sa mauvaise foi dans l’exécution du contrat ;

CONDAMNER la société AXE ÉTANCHÉITÉ à verser à l’INSTITUT [4] la somme de 50 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral résultant de ses manquements relatifs à la sécurisation des données par elles détenues ;

Vu l’article 32-1 du Code de procédure civile,

DIRE ET JUGER que la société AXE ÉTANCHÉITÉ a commis un abus d’ester en justice ;

La CONDAMNER en conséquence à réparer le préjudice de l’INSTITUT [4] découlant de cet abus à hauteur d’un euro symbolique ;

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER la société AXE ÉTANCHÉITÉ à verser à l’INSTITUT [4] la somme de de 5
000 euros au titre des frais de justice ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction faite à Maître Camille SOULEIL-BALDUCCI ; »

Au soutien de sa défense, la Fondation INSTITUT [4] fait valoir que :

-sur le caractère libératoire des règlements intervenus :

*sur le droit applicable : il résulte des dispositions de l’article 1342-3 du code civil que pour que le paiement effectué soit pleinement libératoire, il faut que celui-ci soit fait de bonne foi et que le solvens ait légitimement cru en la qualité de créancier de la personne qui a été payée ; la jurisprudence a tenté de définir les contours du paiement libératoire en appréciant in concreto les circonstances précises de fait ayant entouré le règlement litigieux (anomalies flagrantes, contexte des demandes de paiement, fiabilité des documents sur la base desquels les règlements ont été réalisés, indices de nature à créer un doute dans l’esprit du solvens sur la qualité d’accipiens du destinataire des fonds) ;

*sur la bonne foi de la concluante :
-en l’espèce, aucun élément de fait ne permettait à la Fondation INSTITUT [4] de douter de la qualité de créancier du tiers fraudeur ; celui-ci disposait en effet d’éléments comptables relatifs aux travaux contractuellement conclus dont seuls la société AXE ÉTANCHÉITÉ et la Fondation INSTITUT [4] avaient connaissance (l’échéancier détaillé client avec règlement et reste dû, édité et mis à jour par le maître d’œuvre avec la date d’échéance des factures et leur numéro, les factures authentiques éditées par la société demanderesse comprenant des références précises, l’objet des prestations réalisées et le montant des travaux de base) ; le tiers fraudeur a procédé à une relance par courriel adressé par Mme [U], épouse du représentant légal de la société AXE ETANCHEITE et interlocutrice avec laquelle la concluante avait beaucoup échangé, aux habituels contacts référents de la concluante dans le cadre des relations contractuelles entre les parties ; en outre, le changement de coordonnées bancaires ayant permis la fraude a été communiqué par courriel du 2 juillet 2020 depuis la véritable adresse électronique de Madame [U] (et non depuis une adresse « axa-etancheite.fr » comme allégué par la société demanderesse) et le document joint était signé par le représentant légal de la société, Monsieur [X] [U] (pièce adverse n°15, page 2) ;
-dès qu’elle a été informée de l’escroquerie, la concluante s’est immédiatement rapprochée des banques dans lesquelles étaient ouverts les deux comptes à partir desquels les virements ont été émis ;
-sur la somme totale de plus de 1,5 millions d’euros versée, seule la somme de 177 095,62 euros n’a pas été recouvrée par la société demanderesse et ce, en raison de la faute dont elle a été à l’origine ;
-la communication de nouvelles coordonnées bancaires d’un établissement se trouvant en Europe n’était pas de nature à créer un doute puisque la Fondation INSTITUT [4] procède quotidiennement à des virements bancaires auprès de fournisseurs qui sont répartis sur l’ensemble du territoire mondial et que le nouveau RIB était signé par le président de la société demanderesse et accompagné des factures authentiques émises par la société demanderesse concernant les travaux réalisés ;

*sur le comportement de la société demanderesse :
-celle-ci a fourni au tiers usurpateur les moyens de se présenter comme le créancier apparent dès lors qu’elle a transmis les factures qu’il a réutilisées en réponse à un courriel frauduleux émanant soi-disant de la Direction Générale des Finances Publiques, sans précaution, alors que celle-ci ne dispose d’aucun droit pour se faire communiquer des éléments comptables hormis à l’occasion de contrôles strictement encadrés par la loi, et sans prévenir la concluante ;
-le document du tiers fraudeur sur la base duquel la société demanderesse a transmis les éléments ayant permis la fraude (pièce adverse n°13) comporte de nombreuses anomalies flagrantes (typographie et mise en page, contenu de la demande de vérification, vérification portant sur un exercice non clos à la date du courriel, nature des éléments sollicités s’éloignant de ceux prévus par les articles L.81 et suivants du livre des procédures fiscales, adresse électronique –« .gouv.cloud » en lieu et place de « .gouv.fr »)

*sur le refus de la société demanderesse de communiquer sa plainte à la concluante : celle-ci s’y est toujours opposée, ce qui caractérise sa mauvaise foi et son souci de dissimuler à la concluante les circonstances exactes de l’escroquerie ; ce n’est qu’à l’occasion de la présente instance que la concluante a pu prendre connaissance du contenu de la plainte, sans les annexes transmises aux enquêteurs que la concluante lui a fait sommation de communiquer à deux reprises les 31 janvier et 17 mai 2022, à quoi la société demanderesse oppose le secret de l’instruction alors que ces annexes comportent entre autres un extrait K-bis, le pouvoir de représentation de Mme [U], l’échange de courriels avec le tiers fraudeur et les virements émis par la concluante, et que la société demanderesse ne concourant pas à la procédure, n’est pas concernée par le secret attaché à l’enquête (Crim, 9 octobre 1978, 76-92.075) ;

*sur le défaut d’habilitation de Mme [U] à communiquer des documents confidentiels : aucun élément ne permet de démontrer que Madame [U] disposait du pouvoir au sein de la société de détenir et de transmettre des documents contractuels confidentiels de la société AXE ÉTANCHÉITÉ, dont elle n’est manifestement ni salariée ni dirigeante ; aussi y a-t-il lieu de retenir la faute de la société demanderesse consistant à avoir donné accès à des documents comptables confidentiels à une personne non autorisée qui les a remis in fine à un tiers usurpateur ;

-sur le paiement tardif allégué à titre subsidiaire par la société demanderesse : il sera rappelé que le délai de règlement conventionnellement prévu par les parties s’élève à 60 jours ainsi que cela résulte de l’article 11.6 et des factures établies ; s’agissant du paiement de la facture 200-0234, il conviendra de relever que le retard pris dans son règlement s’explique par la période particulière au cours de laquelle elle est devenue exigible, soit à la fin du mois de mai 2020, les services de la Fondation INSTITUT [4] ayant été affectés par le confinement national décidé par le gouvernement et particulièrement sollicités en tant qu’acteur majeur pour tenter d’apporter une réponse à la situation sanitaire ;

-sur les demandes reconventionnelles :

*sur la violation de l’obligation de confidentialité : la société demanderesse a transmis à un tiers au contrat, sans prévenir ni obtenir l’autorisation de la concluante, par courriel du 30 juin 2020, une balance agréée et des factures en attente de règlement ainsi que les coordonnées des interlocuteurs à contacter, dans le cadre des relations contractuelles entre les parties ; elle a ainsi manqué à son obligation de confidentialité prévue à l’article 14 du CCAP (pièce n°3) parfaitement connue d’elle-même contrairement à ce qu’elle allègue, puisqu’elle a attesté, le 18 décembre 2018, accepter sans réserve et sans modification, les termes du CCAP et de ses annexes (pièce n°6) ; or le site de l’INSTITUT [4] abrite de nombreux laboratoires justifiant une protection accrue et un accès extrêmement restreint et sécurisé ; il résulte de cette faute un sérieux préjudice, d’ordre moral mais également financier, puisque la concluante a dû mettre en place un système d’investigations pour comprendre les raisons ayant pu conduire à ce paiement au tiers usurpateur ;

*sur l’exécution de mauvaise foi du contrat par la société demanderesse : il est établi que la société demanderesse a estimé devoir mentir à sa co-contractante s’agissant de la nature de la fraude dont elle a été victime, ce qui a nécessairement eu de sérieuses conséquences pour la Fondation INSTITUT [4], en évoquant dans un premier temps un piratage de la boîte mail de Mme [U], laissant entendre que les fraudeurs auraient eu accès par eux-mêmes aux documents comptables édités dans le cadre des relations contractuelles entre les parties ; suite à cette fausse information, la concluante a mobilisé une équipe interne pour faire face à ce piratage en pleine mobilisation contre l’épidémie de Covid-19 ;

*sur les manquements aux obligations RGPD édictées par la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés : le responsable du traitement des données et documents détenus par la société AXE ÉTANCHÉITÉ a commis une négligence fautive dans la mise en place de la sécurité informatique de la société en n’édictant pas de mesures strictes de sécurisation des données détenues conformément aux dispositions de l’article 34 de la loi ; la divulgation de données relatives au siège de la Fondation INSTITUT [4] qui abrite de nombreux laboratoires et fait l’objet d’une sécurité renforcée lui a nécessairement causé un préjudice qu’il appartient à la société AXE ÉTANCHÉITÉ de réparer ;

*sur l’abus d’ester en justice : le paiement par la Fondation INSTITUT [4] à un tiers usurpateur a été rendu possible uniquement en raison du comportement de la société demanderesse qui a permis de manière déterminante la fraude ; la société demanderesse a saisi la juridiction de céans tout en choisissant de ne pas produire des éléments essentiels détenus par elle seule permettant de connaître les circonstances ayant permis les paiements objets du litige, empêchant ainsi volontairement le tribunal d’être pleinement éclairé sur l’ensemble des faits et des prétentions ; la procédure initiée par la société demanderesse en dépit des explications précises et circonstanciées de la Fondation INSTITUT [4] en amont de l’assignation constitue un abus d’ester en justice.

*

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 février 2024, l'audience de plaidoirie a été fixée au 30 avril 2024, et l'affaire mise en délibéré au 02 juillet 2024, date du présent jugement.

MOTIVATION :

Préalables :

A titre liminaire, il convient de préciser que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas nécessairement des prétentions au sens des dispositions des articles 4 et 30 du code de procédure civile dès lors qu'elles ne confèrent pas de droit spécifique à la partie qui en fait la demande. Elles ne feront alors pas l'objet d'une mention au dispositif.

I – Sur les prétentions de la société demanderesse :

I.A – Sur la demande en paiement :

Aux termes de l’article 1103 du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Aux termes de l’article 1342 du même code : « Le paiement est l'exécution volontaire de la prestation due.
Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible.
Il libère le débiteur à l'égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier. »

Aux termes de l’article 1342-2 du même code : « Le paiement doit être fait au créancier ou à la personne désignée pour le recevoir.
Le paiement fait à une personne qui n'avait pas qualité pour le recevoir est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s'il en a profité.
Le paiement fait à un créancier dans l'incapacité de contracter n'est pas valable, s'il n'en a tiré profit. »

Aux termes de l’article 1342-3 du même code : « Le paiement fait de bonne foi à un créancier apparent est valable. »

En vertu de la théorie de l’apparence, celui qui a laissé créer à l’égard des tiers une apparence de mandat est tenu, comme le mandant, d’exécuter les engagements contractés par le mandataire. Le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs. Elle est souverainement appréciée par le juge du fond, qui peut s’appuyer sur des éléments de présomption.

En l’espèce, si les faits se sont déroulés pendant le premier confinement lié à l’épidémie de covid-19 et s’il ressort des pièces versées aux débats que les fraudeurs ont reproduit à l’identique le papier à en-tête de la société demanderesse dans le courrier en date du 02 juillet 2020 adressé à la défenderesse, par lequel celle-ci a été informée de l’inactivité du compte bancaire habituel de la société demanderesse et du changement de compte sur lequel les payements devaient être effectués, et bien que les éléments comptables transmis aient été exacts ; il n’en demeure pas moins qu’il revenait à la défenderesse, en tant que professionnelle avertie disposant d’un service de comptabilité, de vérifier l’exactitude des renseignements ainsi transmis par courrier, ceci d’autant plus que le nouveau compte bancaire était domicilié en Italie contrairement au compte bancaire habituel, et que la relance aux fins de règlement des factures transmises par courriel à la défenderesse l’a été depuis une adresse courriel ne correspondant pas aux adresses courriel habituelles de la société défenderesse (« axa-etancheite.fr » et non « axe-etancheite.fr ») ainsi que la défenderesse l’a d’ailleurs elle-même indiqué aux services de police lors de son propre dépôt de plainte le 19 août 2020.

Partant, il n’est pas démontré que les circonstances autorisaient la défenderesse à ne pas vérifier les pouvoirs des interlocuteurs réclamant le règlement des factures, et il ne saurait être considéré que les règlements effectués par la défenderesse la libèrent entièrement de ses obligations vis-à-vis de la société demanderesse.

Cependant, il ressort également de la procédure que cette escroquerie a été permise par l’imprudence et la négligence de la société demanderesse, laquelle n’a pas cru bon de vérifier le cadre dans lequel lui étaient demandés des renseignements sur ses clients les plus importants par les fraudeurs se faisant passer pour des membres de la Direction Générale des Finances Publiques, qui ont exigé au surplus qu’elle utilise une adresse électronique libellée « gouv.cloud » en lieu et place de « gouv.fr » pour la transmission des documents sollicités, sans que cela ne l’alerte sur une tentative de fraude.

Cette imprudence et cette négligence caractérisent un comportement fautif Auteur in -1480152035Proposition d'ajout juste pour que le lecteur comprenne qu'on retient sa faute contractuelle.
dans l'exécution du contrat de la part de la société demanderesse, lequel a eu pour conséquence de permettre aux fraudeurs de s’adresser aux interlocuteurs compétents auprès de la défenderesse et de fournir des données et coordonnées exactes crédibilisant leurs demandes de payement ; dès lors, il y a lieu de tenir compte de cette faute commise par la société demanderesse qui a contribué par moitié à son préjudice afin de réduire de moitié le montant de la somme qui devra être versée par la défenderesse.

Par conséquent, celle-ci sera condamnée au règlement de la moitié du montant total des factures n°200-0234 datée du 27 mars 2020 d’un montant de 82 155,41 euros TTC, n°200-0304 datée du 19 mai 2020 d’un montant de 14 919,76 euros TTC, n°200-0354 datée du 28 mai 2020 d’un montant de 13 630,02 euros TTC, n°200-0399 datée du 27 avril 2020 d’un montant de 2 964,31 euros TTC et n°200-0416 datée du 19 juin 2020 d’un montant de 63 426,12 euros TTC, dont le règlement a été effectué au profit des fraudeurs, soit 88 547,81 euros TTC [(82 155,41 +14 919,76 +13 630,02 +2 964,31 +63 426,12)/2].

Sur les intérêts :

Aux termes de l'article 1231-7 du code civil : « En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. »

Aux termes de l'article 1343-1 du même code : « Lorsque l'obligation de somme d'argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. Le paiement partiel s'impute d'abord sur les intérêts.
L'intérêt est accordé par la loi ou stipulé dans le contrat. Le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit. Il est réputé annuel par défaut. »

Aux termes de l'article 1343-2 du même code : « Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. »

En l'espèce, la somme allouée à la société demanderesse sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement, lequel détermine le montant des indemnités à verser.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du code civil sur le montant des condamnations ci-dessus prononcées au profit de la société demanderesse.

I.B – Sur la demande de dommages et intérêts :

Aux termes de l'article 1217 du code civil : « La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

En l’espèce, la société demanderesse allègue un préjudice financier important dont elle ne justifie nullement ; dès lors, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

II – Sur les demandes reconventionnelles :

II.A – Au titre du préjudice résultant de la violation de l’obligation de confidentialité :

Aux termes de l’article 1353 du code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

En l’espèce il ressort des pièces versées aux débats que la société demanderesse, contrairement à ce qu’elle allègue, a bien été destinataire du CCAP du marché de travaux dans sa version datée du 26 février 2018, comme en atteste le document signé par son gérant le 18 décembre 2018 et versé aux débats (pièce n°6 de la défenderesse).

Aux termes de l’article 14.1 alinéa 1 à 5 du CCAP : « En vue de la réalisation des Travaux, le Maître d’Ouvrage sera amené à remettre à l’Entrepreneur un certain nombre de documents incluant des informations confidentielles sur le Projet.
Dès lors et à titre de condition préalable à la remise de ces documents et informations, l’Entrepreneur reconnaît expressément par le présent Contrat que les informations qui lui seront fournies par le Maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre de conception, contiennent des informations de nature strictement confidentielle (ci-après, « les Informations »).
L’Entrepreneur s’engage en conséquence à préserver et faire préserver l’entière confidentialité (i) de l’existence et du contenu des Travaux et du Projet (ii) de l’existence et du contenu du présent Contrat, (iii) de toutes Informations dont il aura eu connaissance et (iv) de toutes analyses, rapports, études, recherches, recommandations ou autres documents établis par lui-même à partir ou incluant des Informations et plus généralement tout document établi par lui dans le cadre de ses obligations contractuelles. L’Entrepreneur sera responsable de toute violation des dispositions du présent article par l’un quelconque de ses représentants ou sous-traitants.

Le terme Informations ne comprend pas (i) des informations qui sont ou viendraient à être connues du public, sans que cela soit el résultat d’une violation du présent Article, (ii) des informations qui sont ou seraient communiquées de manière licite et sur une base non confidentielle, par un tiers non tenu par un engagement de confidentialité, et/ou (iii) des informations qui étaient déjà en la possession de l’Entrepreneur de manière licite et sur une base non confidentielle, à la date des présentes.
Le cas échéant, l’Entrepreneur s’engage à ne communiquer les Informations qu’à ceux dont le nom aura été au préalable communiqué et aura été agréé par écrit par le Maître d’Ouvrage et sous réserve d’avoir au préalable informé ces destinataires de la nature strictement confidentielles des Informations et des Travaux et que ce derniers soient convenus d’assurer la confidentialité des Informations et des Travaux comme s’ils étaient eux-mêmes parties au présent Contrat, en limitant pour chacun d’entre eux les Informations communiquées à ce qui leur est strictement nécessaires pour fournir le travail qui leur sera respectivement demandé par l’Entrepreneur dans le cadre de ses obligations contractuelles. »

La défenderesse dénonce la communication aux fraudeurs, par la société demanderesse, de documents (balance de comptabilité, contacts et factures) couverts par la clause de confidentialité rappelée ci-dessus.

Il sera également fait observer qu’il ressort de la plainte déposée par la société demanderesse le 12 août 2020 et versée aux débats que celle-ci reconnaît avoir transmis aux fraudeurs des relevés de comptes de clients et les factures correspondantes.

Il sera fait observer néanmoins que les documents communiqués n’ont pas été versés aux débats par la société demanderesse malgré deux sommations de communiquer en ce sens de la part de la défenderesse.

Or il ressort de la lecture de l’article 14.1 du CCAP que les documents couverts par l’obligation de confidentialité concernent les documents contenant ou établis à partir d’informations confidentielles sur le projet objet du contrat, et les documents établis par la société demanderesse dans le cadre de ses obligations.

Dans la mesure où la balance des comptes tout comme les factures émises par la société demanderesse constituent des documents propres à la comptabilité de la société, dont il n’est pas établi qu’ils soient susceptibles de contenir des informations confidentielles sur le projet objet du contrat et qui sont établis pour les besoins de la société demanderesse et non dans le cadre de ses obligations, la violation de la clause en question n’est pas démontrée, et il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts de la défenderesse à ce titre.

II.B – Au titre du préjudice moral et du préjudice financier subis suite à l’exécution de mauvaise foi du contrat :

Aux termes de l’article 1104 du code civil : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public. »

En l’espèce, la défenderesse allègue un préjudice moral et un préjudice financier au motif qu’elle a dû mobiliser une équipe interne pour faire face à ce qu’elle pensait être un piratage et ce, alors qu’elle était extrêmement mobilisée dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19.

Cependant, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que la société demanderesse ait volontairement induit en erreur la défenderesse quant à la nature de la fraude en laissant entendre que les fraudeurs auraient eu accès par eux-mêmes aux documents comptables édités dans le cadre des relations contractuelles entre les parties ; en effet, il résulte du courriel envoyé par Mme [U] à la défenderesse le 12 août 2020, jour de son dépôt de plainte, que celle-ci indique uniquement être allée porter plainte le jour-même au commissariat de [Localité 5] suite au piratage de sa boîte mail et aux conséquences financières induites.

Au surplus, la défenderesse ne justifie nullement de la mobilisation d’une équipe dédiée pour traiter le problème, ni de son préjudice moral; dès lors, sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

II.C – Au titre du préjudice résultant des manquements relatifs à la sécurisation des données :

La défenderesse reproche au responsable du traitement des données détenues par la société demanderesse, en violation de l’article 34 de la loi du 06 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, d’avoir commis une négligence fautive dans la mise en place de la sécurité informatique de la société en n’édictant pas de mesures strictes de sécurisation des données détenues, sans démontrer l’existence de cette négligence ni justifier de son caractère fautif.

Par conséquent, sa demande à ce titre sera rejetée.

II.D – Au titre de l’abus du droit d’ester en justice :

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

Toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, mais celui qui triomphe, même partiellement, en son action, ne peut être condamné à des dommages et intérêts pour abus du droit d'agir en justice ou pour résistance abusive.

En l’espèce, il est fait droit partiellement aux prétentions de la société demanderesse, aussi n’y a-t-il pas lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la défenderesse au titre de l’abus du droit d’ester en justice.

III – Sur les demandes accessoires :

Aux termes de l'article 696 alinéa 1 du code de procédure civile: « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. »

Aux termes de l'article 699 du même code : « Les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. »

Aux termes de l'article 700 alinéas 1 et 2 du même code : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer:
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. »

En l'espèce, la défenderesse succombe partiellement en ses prétentions, aussi, elle sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En équité, il n’y a pas lieu de faire droits aux demandes formulées au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort ;

Condamne la Fondation INSTITUT [4] à payer à la société SAS AXE ETANCHEITE la somme de 88 547,81 euros TTC au titre des factures n°200-0234, n°200-0304, n°200-0354, n°200-0399 et n°200-0416 émises par cette dernière ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions fixées à l'article 1343-2 du code civil sur le montant des condamnations ci-dessus prononcées au profit de la société SAS AXE ETANCHEITE ;

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la société SAS AXE ETANCHEITE ;

Déboute la Fondation INSTITUT [4] de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la Fondation INSTITUT [4] aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à indemnisation au titre des frais irrépétibles ;

Rappelle que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes.

Fait et jugé à Paris le 02 juillet 2024

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/06308
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;21.06308 ?
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