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28/06/2024 | FRANCE | N°21/10028

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 28 juin 2024, 21/10028


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 21/10028
N° Portalis 352J-W-B7F-CU256

N° PARQUET : 21/783

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Juillet 2021

V.B.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024







DEMANDEUR

Monsieur [O] [S]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2] - COTE D’IVOIRE

représenté par Me Solal CLORIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, avocat p

ostulant, vestiaire #PC77 et par Me Jehanne PORNON-WEIDKNNET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 11]
[Localité 1]

Madame So...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 21/10028
N° Portalis 352J-W-B7F-CU256

N° PARQUET : 21/783

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Juillet 2021

V.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [O] [S]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2] - COTE D’IVOIRE

représenté par Me Solal CLORIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, avocat postulant, vestiaire #PC77 et par Me Jehanne PORNON-WEIDKNNET, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 11]
[Localité 1]

Madame Sophie BOURLA OHNONA, Vice-Procureure
Décision du 28 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/10028

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, greffière

DEBATS

A l’audience du 17 Mai 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort

Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, vice-présidente et par Madame Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

A titre liminaire, le tribunal constate que la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par le demandeur est adressée à M. [O] [S], laissant supposer que la déclaration a été souscrite sous ce nom (pièce n°1 du demandeur).

Or, l’ensemble des actes de naissance produits par le demandeur indiquent que son prénom est [B], tout comme son acte de mariage, transcrit sur les registres du service central de l’état civil (pièces n°60, 63 et 84 du demandeur).

Dès lors, la mention du prénom [O] au lieu de [B] dans la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française est manifestement une erreur matérielle du ministère de l’intérieur. Le demandeur sera désigné comme M. [B] [S], tel qu’il résulte de son état civil établi sur les registres de l’état civil ivoirien.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 29 juillet 2021 par M. [B] [S] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions de M. [B] [S] notifiées par la voie électronique le 20 juin 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 16 décembre 2022,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 mars 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 17 mai 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Le tribunal rappelle qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 15 octobre 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action en contestation de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française

Le 11 février 2021, le ministère de l'intérieur a refusé l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 5 février 2020 au titre de l'article 21-2 du code civil, par M. [B] [S], et dont récépissé lui avait été remis le 4 mars 2020, au motif que le certificat de nationalité française du père de son épouse ne rapportait pas la preuve de la nationalité française de celle-ci au jour du mariage (pièce n°1 du demandeur)

le 29 juillet 2021, M. [B] [S], se disant né le 23 juin 1984 à [Localité 2] (Côte d'Ivoire), a assigné le ministère public devant ce tribunal aux fins de contester ce refus d'enregistrement.

Il sollicite du tribunal de :
-constater que les conditions légales d'enregistrement de sa déclaration de nationalité française sont remplies ;
-dire et juger qu'il a la nationalité française sur le fondement de l'article 21-2 du code civil,
-faire procéder à l’enregistrement de cette nationalité par les services à l'état civil.

Il expose qu'il remplit l'ensemble des conditions prévues à l'article 21-2 du code civil.

Le ministère public s'oppose aux demandes de M. [B] [S] et demande au tribunal de dire que celui-ci n'est pas de nationalité française.

Il fait valoir que le demandeur ne justifie pas d'un état civil fiable et certain et qu'il ne démontre pas la nationalité française de son épouse.

Décision du 28 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 21/10028

Sur le fond

Aux termes de l’article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 modifiée par la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, ici applicable, l’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.

Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.

En outre, le mariage célébré à l’étranger doit avoir fait l’objet d’une transcription préalable sur les registres de l’état civil français. Le conjoint étranger doit également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

En vertu de l’article 26-3 alinéas 3 et 4 du code civil, la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française fondée sur l’article 21-2 du même code doit intervenir un an au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. L'article 26-4 du code civil poursuit qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.

En l'espèce, le récépissé de la déclaration a été remis à M. [B] [S] le 4 mars 2020. La décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française est en date du 11 février 2021, soit moins d'un an après la remise du récépissé. Aucune pièce ne permet d'établir la date à laquelle la décision de refus d'enregistrement a été notifiée à M. [B] [S]. Toutefois, celui-ci ne soutient pas que cette notification serait intervenue plus d'un an après la remise du récépissé.

Dès lors, il appartient à M. [B] [S] de rapporter la preuve, d'une part, d'un état civil fiable et certain, et, d'autre part, de ce que les conditions de la déclaration de nationalité française posées par l'article 21-2 du code civil sont remplies.

Il est en effet rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.

Il est également rappelé qu'aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est rappelé que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent, au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, être légalisés pour y produire effet.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et la Côte d'Ivoire, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 21 de l'accord de coopération en matière de justice signé le 24 avril 1961 et publié le 10 février 1982 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Par ailleurs, en l’absence de convention entre la France et le Liban emportant dispense de la formalité de la légalisation prévue par les dispositions internationales, tout acte ne peut faire foi au sens de ce texte que s’il est légalisé par le consul français au Liban ou à défaut par le consulat du Liban à [Localité 10].

La légalisation des actes d'origine étrangère permet d'attester de la véracité d'une signature sur un acte, de la qualité du signataire de l'acte, et de l'identité du sceau ou du timbre apposé sur l'acte.

En l'espèce, pour justifier de son état civil, M. [B] [S] produit:
-une copie délivrée le 11 août 2021 de son acte de naissance (pièce n°60 du demandeur),
-une copie délivrée le 16 mai 2022 de son acte de naissance (pièce n°63 du demandeur).

Le ministère public expose que ces actes ne sont pas probants, faisant valoir que ces copies ne comportent pas la mention en toutes lettres de la date à laquelle la copie de l'acte a été délivrée, ni la mention concernant la nationalité des parents ou le domicile de la mère, ni le nom de l'officier d'état civil ayant porté la mention marginale, en contrariété des dispositions des articles 31 et 34 du code civil ivoirien.

Le tribunal relève d'emblée que les actes sont produits est produit sous la forme de simples photocopies. Or, une photocopie étant exempte de toute garantie d'authenticité et d'intégrité, ces actes donc donc dénués de valeur probante.

En réponse aux contestations du ministère public, le demandeur produit une copie, délivrée le 24 janvier 2023, de son acte de naissance n°3107, indiquant qu'il est né le 23 juin 1984 à 16 heures 10 à Cocody, de [H] [S], né en 1956 à [Localité 9] (Liban) commerçant, domicilié à [Localité 2]-[Localité 3] et de [X] [D], née en 1963 à [Localité 2], sans profession, son épouse, l'acte ayant été dressé le 25 juin 1984 à 10 heures 45, sur déclaration du père par [W] [J] [GX], officier d'état civil (pièce n°84 du demandeur).

En l'espèce, comme cela est soulevé par le ministère public, cette nouvelle copie ne comprend pas la mention en toutes lettres de la date à laquelle la copie de l'acte a été délivrée, ni la mention concernant la nationalité des parents ou le domicile de la mère, ni le nom de l'officier d'état civil ayant porté la mention marginale.

Le demandeur indique en premier lieu que le ministère public a une lecture erronée de l'article 31 du code civil ivoirien, en particulier des alinéas 1er et 4, et que l’exigence de la date de délivrance en toute lettre n'est pas essentielle, s'agissant des extraits de l'état civil et précise que la nationalité des parents et du domicile de la mère ne sont pas des mentions obligatoires.

L'article 31 de la loi 2018-862 du 19 avril 2018 relative à l'état civil ivoirien dispose que « toute personne peut, sauf l’exception prévue à l’article 52, se faire délivrer par les dépositaires des registres de l’état civil, des copies des actes qui y sont inscrits.
Ces copies, délivrées conformes aux registres, portent en toutes lettres la date de leur délivrance et sont revêtues de la signature et du sceau de l’autorité qui les a délivrées.
Elles doivent, en outre, être légalisées, sauf conventions internationales contraires, lorsqu’il y a lieu de les produire devant les autorités étrangères.
Il peut aussi être délivré de simples extraits qui contiennent outre le nom de la circonscription d’état civil et/ou du bureau d’état civil dans lequel l’acte a été dressé, la copie littérale de cet acte et des mentions et transcriptions mises en marge, à l’exception de tout ce qui est relatif aux pièces produites et à la comparution des témoins ».

Comme précédemment rappelé, un acte d'état civil est un acte par lequel un officier d'état civil constate personnellement un fait. Les mentions qui y sont apposées permettent ainsi d'attester de ce fait, soit, en l'espèce, de la naissance du demandeur.

Or, l'article 31 de la loi relative à l'état civil, applicable en l'espèce, dispose que les copies délivrées certifiées conformes aux registres doivent porter en toute lettre la date de délivrance, le seul fait que la date de délivrance soit écrite en chiffres arabes et non en toutes lettres n'apparaît pas suffisant pour remettre en cause les énonciations contenues dans l'acte et le caractère probant dudit acte, qui par ailleurs comprend le nom, la qualité de l'officier d'état civil, autorité compétente pour délivrer l'acte, ainsi que la signature et le sceau de celui-ci. Ce moyen sera donc rejeté.

S'agissant de l'absence de la mention de l'officier d'état civil ayant porté la mention marginale du mariage sur l'acte de naissance, l'article 34 issue de la loi de la loi 99-691 du 14 décembre 1999 relative à l'état civil ivoirien dispose que « dans tous les cas où la mention d’un acte relatif à l’état civil doit avoir lieu en marge d’un acte déjà inscrit, elle est faite d’office.
L’officier de l’état civil qui a dressé ou transcrit l’acte donnant lieu à mention, effectue cette mention dans les huit (8) jours, sur les registres qu’il détient, et, si le double du registre ou la mention doit être effectuée se trouve au greffe, il adresse un avis au procureur de la République compétent.
Si l’acte en marge duquel doit être effectuée la mention a été dressé ou transcrit dans une autre circonscription, l’avis est adressé dans le délai de huit (8) jours à l’officier de l’état civil de cette circonscription, lequel effectue ou fait effectuer la mention par l’agent de l’état civil intéressé et en avise, aussitôt, si le double du registre est au greffe, le procureur de la République compétent.
Si l’acte en marge duquel une mention doit être effectuée a été dressé ou transcrit à l’étranger, l’officier de l’état civil qui a dressé ou transcrit l’acte donnant lieu à mention, en avise, dans les huit (8) jours, le ministère des Affaires étrangères ».

Il résulte de ces dispositions que la mention du nom de l'officier d'état civil qui a apposé la mention marginale n'est pas une mention prévue par la loi ivoirienne. Ce moyen sera donc rejeté.

S'agissant de l’omission des autres mentions, M. [B] [S] précise que la nationalité des parents et du domicile de la mère ne sont pas des mentions obligatoires.

L'article 42 de la loi 11083-799 du 2 août 1983 relative à l'état civil ivoirien précise que « l’acte de naissance énonce :
• l’année, le mois, le jour, l’heure et le lieu de la naissance, le sexe
de l’enfant, les prénoms et nom qui lui sont donnés ;
• le numéro de référence de l’acte ;
• les prénoms, nom, dates et lieu de naissance, nationalités,
professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du
déclarant.
Si les père et mère de l’enfant ne sont pas désignés à l’officier ou à
l’agent de l’état civil, il n’est fait sur le registre aucune mention à ce sujet ».

Comme précédemment rappelé, un acte d'état civil est un acte par lequel un officier d'état civil constate personnellement un fait. Les mentions qui y sont apposées permettent ainsi d'attester de ce fait, soit, en l'espèce, de la naissance de l'intéressé.

Or, la nationalité des parents et le domicile de la mère n'apportent pas d'indication quant à la dite naissance. En ce sens, si ces mentions sont obligatoires en vertu des dispositions de l'article 42 2018-862 du 19 avril 2018 relative à l'état civil ivoirien, applicable en l'espèce, elles ne sont pas des mentions substantielles affectant le caractère probant de l'acte. Ce moyen sera donc rejeté.

M. [B] [S] justifie ainsi d'un état civil fiable et certain.

Le mariage de M. [B] [S] et Mme [N] [K] a été célébré le 23 août 2015 à [Localité 12] (Liban) (pièce n°3 du demandeur).

Le délai de communauté de vie exigé au titre de l'article 21-2 du code civil est en l'espèce de quatre années, son épouse étant inscrite sur les registres Français de l’étranger entre 2012 et 2016 à [Localité 6] (Liban) et entre 2016 et 2021 à [Localité 2] (Côte d'Ivoire) (pièce n°61 du demandeur).

La déclaration de nationalité française souscrite le 5 février 2020 a fait suite à plus de quatre ans de mariage.

Le mariage a en outre été transcrit sur les registres du service central d'état civil le 7 janvier 2016 (pièce n°3 du demandeur).

S'agissant de la nationalité française de son épouse, M. [B] [S] produit :
-la carte nationale d'identité française délivrée à celle-ci le 8 juin 2017 (pièce n°4 du demandeur),
-livret de famille français des époux (pièce n°5 du demandeur),
-l'attestation de recensement en date du 9 avril 2010 en vue de l'appel de préparation à la défense (pièce n°6 du demandeur).

Ces éléments, qui constituent des éléments de possession d'état de français, sont insuffisants à faire la preuve de la nationalité française de Mme [N] [K] au jour du mariage.

En outre, l'attestation d'affiliation à la caisse des Français de l'étranger n'est pas de nature à démontrer la nationalité française de Mme [N] [K] (pièces n°7, 8, 9 du demandeur)

Comme le ministère public fait valoir à juste titre, le demandeur ne peut se prévaloir du certificat de nationalité française délivré au père de son épouse pour rapporter la preuve de la nationalité française de celle-ci, ni du certificat de nationalité française délivré à [WM] [V] (pièces n°11 et 14 du demandeur).

La situation de Mme [N] [K] au regard de la nationalité française, en application de l'article 17-1 du code civil, est régie par les dispositions de l'article 18 du code civil, aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.

M. [B] [S] doit démontrer la nationalité française de l'ascendant revendiqué par Mme [N] [K] dont elle la tiendrait et, d’autre part, une chaîne de filiation légalement établie a l’égard de cet ascendant, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Le demandeur justifie de l'état civil de son épouse par la production de l'acte de naissance de celle-ci, transcrit sur les registres du service central de l'état civil, indiquant qu'elle est née le 5 mars 1994 à [Localité 9], district de [Localité 12] (Liban), de [M] [K], né le 18 août 1961 à [Localité 8] (Sénégal) et de [L] [K], née le 5 mai 1959 à [Localité 9] (Liban), son épouse (pièces n°2 et 64 du demandeur).

L'acte de mariage de M. [M] [K] et de Mme [L] [K], transcrit sur les registres du service central de l'état civil, dont il ressort qu'il a été célébré le 14 février 1991, établit le lien de filiation de Mme [N] [K] à l'égard de M. [M] [K] (pièce n°66 du demandeur).

Il est également justifié de l'état civil de M. [M] [K] et de son lien de filiation à l'égard de [WM] [V] par la production de :
-l'acte de naissance de M. [M] [K], transcrit sur les registres du service central de l 'état civil, indiquant qu'il est né le 18 août 1961 à [Localité 8], de [A] [K], 29 ans, photographe et de [HL] [V], 26 ans, sans profession, son épouse, domiciliés à [Localité 8] (pièce n°70 du demandeur)
-l'acte de mariage de [A] [K] et de [WM] [V], établi par le service central de l'état civil, dont il ressort que ces derniers se sont mariés le 1er septembre 1953 à [Localité 8] (Sénégal), avant la naissance de M. [M] [K] (pièce n°71 du demandeur).

L'acte de naissance de [WM] [V], dressé sur les registres du service central de l'état civil, indique que celle-ci est née le 9 octobre 1934 de [U] [V], 40 ans, commerçant, demeurant à [Localité 5] (Liban) et de [E] [Y], 17 ans, sans profession, son épouse née à [Localité 12], domiciliés à [Localité 8], l'acte ayant été dressé sur déclaration du père (pièce n°73 du demandeur).

Le demandeur soutient que celle-ci a acquis la nationalité française le 9 octobre 1955 en application des dispositions de l'article 44 du code de la nationalité française, déclaré applicable en Afrique occidentale française par le décret du 24 février 1933, promulgué le 16 avril 1953.

Aux termes de cet article, tout individu né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité, si à cette date, il a sa résidence en France et s'il a eu, depuis l'âge de seize ans, sa résidence habituelle en France ou dans les territoires ou pays pour laquelle l'attribution de la nationalité française est, ou était, lors de sa résidence, régie par des dispositions spéciales.

M.[B] [S] doit ainsi démontrer que :
-[WM] [V] est née en France,
-ses parents sont étrangers,
-elle a résidé en France depuis ses seize ans, soit depuis 1950,
-elle résidait en France au moment de sa majorité en 1955.

[WM] [V], née à [Localité 8], sur les territoires de l'Afrique occidentale française, remplit ainsi la condition liée à la naissance en France.

Pour démontrer que celle-ci est née de parents étrangers, M. [B] [S] produit l'acte de naissance de [U] [V], celui de de [E] [Y] et l'extrait des registres des résidents de 1932 (pièce n°75 à 77 du demandeur).

Comme indiqué par le ministère public, ces actes sont revêtus d'un cachet de légalisation par le ministère des affaires étrangères libanais, de sorte que ces actes, dépourvus de légalisation réalisée par le consul de France au Liban ou le consul du Liban à [Localité 10], sont inopposables en France.

Il produit désormais :
-une « attestation sur modalité de transcription de naissance », valablement légalisée, indiquant que vu le registre de [Localité 4] n°125, [U] [F] est né en 1892 à [Localité 4], de [Z] et de [G] [I] et qu'il était marié avec [E] [Y] selon le recensement de 1932 (pièce n°94 du demandeur),
-une « attestation sur modalité de transcription de naissance », valablement légalisée, indiquant qu'au vu du registre de [Localité 4] n°125, [E] [Y] est née en 1920, de [P] et de [C] et qu'elle est veuve de [U] [V] (pièce n°95 du demandeur).

Le ministère public soutient que le lien de filiation entre [WM] [V] d'une part, et [U] [V] et [E] [Y] d'autre part, n'est pas établi, faute de produire l'acte de mariage de ces derniers.

Le demandeur soutient qu'il n'y a pas d'actes antérieurs au recensement de 1932 ; que l'acte de mariage n'était pas répertorié, comme cela est attesté sur l'acte de naissance de [E] [Y] ; que l'acte de naissance de [U] [V] indique qu'il était marié en 1932 ; que de surcroît il est produit la fiche familiale d’état civil indiquant que le couple était marié et a eu dix enfants, dont [WM] [V], de sorte que la preuve du mariage est suffisamment rapportée.

Aux termes de l'article 46 du code civil, lorsqu'il n'aura pas existé de registres, ou qu'ils seront perdus, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins ; et, dans ces cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des pères et mères décédés, que par témoins.

En l'espèce, tant l'acte de naissance de [U] [V], que celui de [E] [Y], mentionnent qu'il n'est pas possible de joindre une expédition de l'acte de mariage de ces derniers, démontrant ainsi que l'acte ne figure pas dans les registres (pièces n°94 et 95 du demandeur).

Cependant, il ressort de ces pièces que [U] [V] était marié à [E] [Y] lors du recensement de 1932 et que cette dernière est veuve de [U] [F]. Il ressort également de l'acte de naissance de [WM] [V], dressé sur les registres du service central de l'état civil, que la naissance de celle-ci a été déclarée par le père et que [E] [Y], sa mère, est désignée comme l'épouse de ce dernier (pièce n°73 du demandeur).

Le mariage des parents de [WM] [V] avant sa naissance est donc établi.

Il est ainsi justifié que celle-ci est née de parents étrangers.

M. [B] [S] produit également pour justifier de la présence de [WM] [V] en France, depuis 1950 à sa majorité, en 1955 :
-son acte de mariage dont il ressort que le 1er septembre 1953, elle résidait à [Localité 8] (pièce n°71 du demandeur)
-l'acte de naissance de Mme [R] [K], dont il ressort qu'elle est née le 14 janvier 1955 à [Localité 8] (Sénégal) de [WM] [V] et de [A] [K], au cours du mariage de ces derniers (pièce n°78 du demandeur),
-l'acte de naissance de Mme [IK] [K] dont il ressort qu'elle est née le 23 décembre 1955 à [Localité 8] (Sénégal)
-l'acte de naissance de [H] [K], né le 30 septembre 1958 à [Localité 8] (Sénégal) (pièce n°80 du demandeur),
-une copie de la carte nationale d'identité de Français pour [WM] [V] délivrée par le haut commissariat de l'AOF (pièce n°74 du demandeur).

Il résulte de ces éléments que [WM] [V] avait établi sa résidence à Dakar, dans les territoires de l'AOF, où elle s'est mariée en 1953 et a eu ses enfants de 1955 à 1958. D'autre part, la délivrance d'une carte d'identité de Français en 1957 permet de démontrer que les autorités françaises ont considéré qu'elle remplissait les conditions de résidence en France entre 1950 et 1955.

M. [B] [S] justifie ainsi que [WM] [V] a acquis la nationalité française le 9 octobre 1955 avant l'indépendance du Sénégal, en application de l'article 44 du code de la nationalité française, précité.

Par ailleurs, il soutient que celle-ci n'a pas été saisie par la loi sénégalaise de la nationalité en vertu de l'article 1er de la loi 61-10 du 17 mars 1961. Il précise qu'une action en contestation de la nationalité sénégalaise de [WM] [V] engagée au Sénégal est en cours et que le ministère public sénégalais s'est prononcé en faveur de la contestation de la nationalite sénégalaise (pièce n°81 et 82 du demandeur).

Le ministère public s'en remet à l'appréciation du tribunal sur ce point.

Il résulte des dispositions des articles 1er, 3 et 5 de la loi 61-10 du 7 mars 1961 déterminant la nationalité sénégalaise qu'est sénégalais :
-tout individu né au Sénégal d'un ascendant au premier degré qui y est lui-même né,
-l'enfant nouveau né trouvé au Sénégal dont les parents sont inconnus
-l'enfant légitime né d'un père sénégalais,
-l'enfant légitime né d'une mère sénégalaise et d'un père sans nationalité ou d'une nationalité inconnue
-l'enfant naturel lorsque celui-ci de ses parents à l'égard duquel la filiation a d’abord été établie est sénégalais,
-l'enfant naturel lorsque celui de ses parents à l'égard duquel la filiation a été établie en second lieu est sénégalais et lorsque l'autre parent est sans nationalité ou de nationalité inconnue.

En l'espèce, [WM] [V] est l'enfant légitime, née à [Localité 8], de parents étrangers, nés à l'étranger, de sorte que sa situation n'entre pas dans les cas prévus par la loi sénégalaise de nationalité.

M. [B] [S] justifie donc que [WM] [V] ne s'est pas vu conférer la nationalité sénégalaise de plein droit lors de l'accession à l'indépendance du pays, de sorte qu'elle a conservé la nationalité française sur le fondement de l'article 32-3 du code civil.

Partant, M. [M] [K], est né d'une mère française en application de l'article de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, aux termes duquel est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.

En conséquence, M. [B] [S] justifiant d'un lien de filiation légalement établi entre son épouse et M. [M] [K] et rapportant la preuve de la nationalité française de ce dernier, il est démontré que Mme [N] [K] est française en application de l'article 18 du code civil précité.

La preuve est donc rapportée de la nationalité française de son épouse au moment du mariage.

S'agissant de la connaissance suffisante de la langue française par le conjoint étranger, l'article 14 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993, tel que modifié par décret n°2015-108 du 2 février 2015, prévoit que « pour l'application de l'article 21-2 du code civil, tout déclarant doit justifier d'une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d'intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques " écouter ", " prendre part à une conversation " et " s'exprimer oralement en continu " du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu'adopté par le comité des ministres du Conseil de l'Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) 7 du 2 juillet 2008 ».

Le texte précise également « qu'à défaut d'un tel diplôme, le déclarant peut justifier de la possession du niveau requis par la production d'une attestation délivrée soit par un organisme reconnu par l'Etat comme apte à assurer une formation "français langue d'intégration", soit à l'issue d'un test linguistique certifié ou reconnu au niveau international, comportant des épreuves distinctes permettant une évaluation du niveau de compréhension du déclarant et, par un entretien, celle de son niveau d'expression orale, et figurant sur une liste fixée par un arrêté du ministre chargé des naturalisations ».

En l'espèce, M. [B] [S] verse aux débats l'attestation de test de connaissance du français pour l'accès à la nationalité française, en date du 25 novembre 2019, dont il résulte qu'il atteint le niveau global C1, au delà du niveau B1 requis par les textes (pièce n°53 du demandeur).

En ce qui concerne la communauté de vie exigée par les dispositions précitées, il est rappelé qu'elle n’est pas définie par la loi ou le règlement. Elle comporte nécessairement une double dimension, matérielle et affective, laquelle peut toutefois se décliner différemment selon les couples ; notamment, la communauté matérielle n’impose pas la cohabitation, ni ne se réduit à elle. La preuve peut, en outre, être rapportée par tous moyens.

À ce titre, le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, dans sa rédaction issue du décret n°2019-1507 du 30 décembre 2019 indique simplement que le déclarant doit fournir tous documents corroborant que la communauté de vie tant affective que matérielle n'a pas cessé entre les deux époux depuis leur mariage (article 14-1, 4°), et que le préfet du département de résidence du déclarant procède, dès la souscription, à une enquête pouvant donner lieu à un entretien individuel avec le déclarant, destinée à vérifier la continuité de la communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux depuis le mariage (article 15).

En effet, la communauté de vie, prévue par l'article 215 du code civil au titre des devoirs et des droits respectifs des époux, ne se résume pas à la seule cohabitation, élément matériel, mais suppose également un élément intentionnel, à savoir la volonté de vivre durablement en union, concrétisée par un ensemble de circonstances matérielles et psychologiques. D'ailleurs, l'article 21-2 du code civil exige cette double dimension, à savoir une communauté de vie matérielle et affective.

En l'espèce, M. [B] [S] justifie tant de la communauté de vie matérielle par la production de l’attestation de compte commun du couple (pièce n°54 ), que de la communauté de vie affective par la production de la copie du livret de famille mentionnant la naissance de [T] [S], né le 25 janvier 2018 et l'acte de naissance de leur enfant [VY], née le 3 août 2022 (pièce n°92 et 93 du demandeur).

Ainsi, l'ensemble des conditions légales posées par l'article 21-2 du code civil sont réunies.

Partant, il y a lieu d’ordonner l’enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française au titre de l’article 21-2 du code civil, souscrite par M. [B] [S] le 5 février 2020 au Consulat général de France à [Localité 2] (Côte d'Ivoire).

En conséquence, par application de l’article 26-5 du code civil, il sera jugé que M. [B] [S], né le 23 juin 1984 à [Localité 2] (Côte d'Ivoire), a acquis la nationalité française le 5 février 2020.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, le ministère public, qui succombe, sera condamné aux dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Le ministère public ayant été condamné aux dépens, sera condamné à payer à Me Pornon Weidknnet la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par décision mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Ordonne l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 5 février 2020 par M. [B] [S], né le 23 juin 1984 à [Localité 2] (Côte d'Ivoire), devant Consulat général de France à [Localité 2] (Côte d'Ivoire), sous la référence 2020DX006500 ;

Juge que M. [B] [S], né le 23 juin 1984 à [Localité 2] (Côte d'Ivoire), a acquis la nationalité française le 5 février 2020 ;

Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés ;

Condamne le ministère public à payer la somme de 3000 euros à Me Pornon-Weidknnet au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le ministère public aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 28 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
M. AllainA. Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 21/10028
Date de la décision : 28/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-28;21.10028 ?
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