TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/2 nationalité B
N° RG 20/09160 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CS2K2
N° PARQUET : 20/806
N° MINUTE :
Assignation du :
14 Septembre 2020
CB
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024
DEMANDERESSE
Madame [T] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 2]
MADAGASCAR
représentée par Maître Nathalie VITEL de la SELARL AEQUAE AVOCATS, avocats au barreau de VAL-DE-MARNE, avocats plaidant, vestiaire #PC423
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Localité 1]
Madame Sophie BOURLA-OHNONA, Vice-Procureure
Décision du 28/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 20/09160
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs
Assistées de Madame Manon Allain, Greffière
DEBATS
A l’audience du 17 Mai 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Madame Manon Allain, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,
Vu l'assignation délivrée le 14 septembre 2020 par Mme [T] [Y] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions de Mme [T] [Y] notifiées par la voie électronique le 23 juin 2022,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 3 février 2023,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 mars 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 3 mai 2024,
Vu le renvoi de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 17 mai 2024 ;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 5 mai 2021. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l'action déclaratoire de nationalité française
Mme [T] [Y], se disant née le 15 avril 1975 à [Localité 2] (Madagascar), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité. Elle fait valoir que sa mère, Mme [G] [N], est française pour être née à Madagascar d'un père français, M. [B] [O], et qu'elle a conservé la nationalité française à l'indépendance de Madagascar sur le fondement de l'article 152 du code de la nationalité pour descendre d'un originaire du territoire de la République française.
Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 13 août 2020 par le directeur des services de greffe judiciaire du service de la nationalité française du tribunal judiciaire de Paris, aux motifs qu'elle ne justifiait d'aucun élément de possession d'état de français et qu'elle était irrecevable à faire la preuve qu'elle était française par filiation en application de l'article 30-3 du code civil (pièce n°2 de la demanderesse).
Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la demanderesse, l'action relève des dispositions de l’article 18 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 93-933 du 22 juillet 1993, aux termes duquel est Français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français.
Il convient également de rappeler que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance de Madagascar sont régis par la loi numéro 60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, dont il résulte que seuls ont conservé la nationalité française :
- les personnes originaires (et leurs descendants) du territoire de la République française tel que constitué le 28 juillet 1960, c'est-à-dire en ce notamment inclus La Réunion, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé de souche européenne et d’origine française, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l’Afrique Occidentale Française) ou du décret du 15 septembre 1936 (pour l’Afrique équatoriale française),
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- les personnes qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- les personnes originaires de Madagascar, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants.
Il appartient ainsi à Mme [T] [Y], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Mme [T] [Y] soutient que sa mère, Mme [G] [N], est française pour être née à Madagascar d'un père français, [B] [O]. Elle fait valoir qu'elle a été reconnue par son père le 28 décembre 1962, puis légitimée par le mariage de ses parents célébré le 6 octobre 1979, et qu'elle n'a donc pas à justifier d'un acte de reconnaissance.
Or, comme le fait valoir à juste titre le titre le ministère public et comme il s'excipe des écritures de la demanderesse, c'est l'acte de reconnaissance qui établit la filiation. Celle-ci est ensuite légitimée par le mariage postérieur des parents.
Si l'acte de naissance transcrit sur les registres du service de l'état civil de Mme [G] [N] porte mention qu'elle a été reconnue le 28 décembre 1962 par [B] [O] (pièce n°5 de la demanderesse), le tribunal rappelle qu'un acte d'état civil est un acte par lequel un officier d'état civil constate personnellement un fait. Les mentions qui y sont apposées permettent ainsi d'attester de ce fait. Ainsi, une reconnaissance se prouve par un acte de reconnaissance, la seule mention sur un acte de naissance ne permettant pas de rapporter cette preuve.
Faute de produire l'acte de reconnaissance paternelle, Mme [T] [Y] ne justifie pas d'un lien de filiation établi entre Mme [G] [N] et [B] [O]. Dès lors, elle ne prouve pas que sa mère revendiquée est française par filiation paternelle et partant, qu'elle est elle-même française par filiation maternelle pour être née d'une mère française.
En conséquence, Mme [T] [Y] sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation maternelle. En outre, dès lors qu'elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [T] [Y], qui succombe, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;
Juge que Mme [T] [Y], née le 15 avril 1975 à [Localité 2] (Madagascar), n'est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne Mme [T] [Y] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 28 Juin 2024
La GreffièreLa Présidente
Manon AllainAntoanela Florescu-Patoz