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28/06/2024 | FRANCE | N°20/07762

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 28 juin 2024, 20/07762


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 20/07762 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSTPV

N° PARQUET : 20/740

N° MINUTE :


Assignation du :
18 Août 2020



A.F.P.
[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [O] [K] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1] (MEXIQUE)

représenté par Maître Pierre-François ROUSSEAU de l’AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

, avocats plaidant, vestiaire #P0026


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure





Décision du 28/06/2024...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 20/07762 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSTPV

N° PARQUET : 20/740

N° MINUTE :

Assignation du :
18 Août 2020

A.F.P.
[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [O] [K] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1] (MEXIQUE)

représenté par Maître Pierre-François ROUSSEAU de l’AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0026

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure

Décision du 28/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 20/07762

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 17 Mai 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l’assignation délivrée le 18 août 2020 par M. [O] [K] [C] à Monsieur le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris,

Vu le jugement rendu le 20 mai 2022 ayant dit n’y avoir lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité invoquée par M. [O] [K] [C], à la Cour de cassation ;

Vu les dernières conclusions de M. [O] [K] [C] notifiées par la voie électronique le 16 février 2024,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 30 juin 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 22 mars 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 17 mai 2024,

Décision du 28/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 20/07762

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 12 novembre 2020. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

M. [O] [K] [C], né le 13 février 1943 à [Localité 3] (Mexique), revendique la nationalité française par filiation maternelle. Il indique que sa mère, [G] [Y] [A] [C] [B], née le 20 avril 1912 à [Localité 5] (Mexique), est française pour être née d’un père, [U] [X] [M] [C], né le 16 janvier 1880 à [Localité 2], en France.

Le ministère public soulève, à titre principal, de dire que M. [O] [K] [C] n'est pas français. A titre subsidiaire, il sollicite. la désuétude tirée de l'article 30-3 du code civil et sollicite du tribunal de juger que M. [O] [K] [C] est réputée avoir perdu la nationalité française le 21 avril 1962.

Sur la désuétude

Aux termes de l’article 30-3 du code civil, lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français.

L’application de l’article 30-3 du code civil invoqué par le ministère public doit être examinée au regard des seuls termes de ce texte, lequel n’institue pas un délai de prescription susceptible de suspension ou d’interruption mais instaure une perte du droit à apporter la preuve devant les tribunaux de sa nationalité française, sanctionnant le non usage de celle-ci aux personnes qui résident habituellement à l’étranger et dont les ascendants n’ont pas plus été sur le sol français depuis un certain temps. Il s’ensuit qu’il ne peut donc être constaté une inégalité entre l’action négatoire du ministère public, qui peut être combattue par la possession d’état reconnue par l’article 21-13 du code civil, et l’action déclaratoire de nationalité française, dont l’exercice n’est pas davantage subordonné à un délai, dès lors que l’intéressé dispose d’éléments de possession d’état durant la période visée.

Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l'article 23-6 du code précité, lequel impose de mentionner, dans le jugement, la date à laquelle la nationalité française a été perdue, ou, le cas échéant, la date à laquelle elle avait été perdue par les auteurs de l’intéressé, en précisant que ce dernier n’a jamais été français.

Pour l'application de l’article 30-3 précité, il convient de déterminer :
- que le requérant revendique la nationalité française par filiation,
- que le requérant réside ou a résidé habituellement a l'étranger et qu’il n’a pas eu de possession d’état de français, c’est à dire qu’il n’a pas été en possession de passeport ou carte nationale d’identité française, inscrit au Consulat ou sur les listes électorales notamment,
- que le ou les ascendants dont il tient par filiation la nationalité, sont demeurés fixés pendant plus d'un demi-siècle a l’étranger et que son parent direct, duquel il revendique la nationalité française, n’a pas davantage de possession d’état de français.

Le délai cinquantenaire s’apprécie en la personne de l’ascendant du requérant à l’action déclaratoire. Le point de départ de la résidence a l’étranger de l’ascendant est :
- pour les ascendants nés avant l’accession à l’indépendance du pays où ils résident, constitué par la date de cette accession à l’indépendance puisque c’est bien depuis cette date qu’elles sont fixées a l’étranger,
- pour ceux nés postérieurement à cette accession à l’indépendance, la date depuis laquelle ces ascendants ayant été susceptibles de transmettre la nationalité française, sont fixés à l’étranger c’est à dire depuis l’accession à l’indépendance également, le texte de l’article 30-3 incluant tous les ascendants et non pas seulement la première génération de ceux-ci.

La fixation à l'étranger s'entend d'une absence de résidence en France.

L’article 30-3 du code civil interdit ainsi, dès lors que les conditions qu'il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.

Édictant une règle de preuve, l'obstacle qu'il met à l'administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile, de sorte qu'aucune régularisation sur le fondement de l'article 126 du même code ne peut intervenir.

Ainsi, le requérant qui agit en action déclaratoire de nationalité française alors qu’il réside ou a résidé habituellement à l’étranger et que ses ascendants y ont été fixés depuis plus de 50 ans sans avoir eu d’élément de possession d’état pour venir faire exception, sur cette période, à la désuétude encourue du fait de leur fixation à l’étranger, a déjà perdu la nationalité française, comme il résulte de l’application de l’article 23-6 du code civil, sans qu’aucune régularisation postérieure ne puisse intervenir.

Il convient de rappeler que s'agissant de la condition de résidence habituelle à l'étranger permettant l'application de l'article 30-3 du code civil, il ressort de la rédaction même dudit article, que le législateur a distingué entre la condition de résidence habituelle à l'étranger, pour laquelle sont concernés « les ascendants dont il tient la nationalité », de la condition propre à la possession d'état pour laquelle sont visés les seuls « père et mère ». Ainsi, s'agissant de la fixation à l'étranger pendant plus de cinquante ans des « ascendants » du demandeur, il n'y a pas de distinction quant au degré d'ascendance, et sont donc également concernés les grand-parents, à condition qu'ils appartiennent à la branche par laquelle est revendiquée la nationalité française.

En l'espèce, M. [O] [K] [C], revendique la nationalité par filiation maternelle sur le fondement de l'article 32-2 du code civil, sa mère, Mme [G] [Y] [A] [C] [B], née le 20 avril 1912 à [Localité 5] (Mexique), est française pour être née d’un père, [U] [X] [M] [C], né le 16 janvier 1880 à [Localité 2] en France.

Dès lors, revendiquant la nationalité française par filiation, la désuétude peut être opposée à M. [O] [K] [C].

Il résulte de l'acte de mariage entre [U] [X] [M] [C] et [I] [E] [B] qu'ils se sont mariés à [Localité 3] le 21 juillet 1905(pièce n°6 du demandeur).

Il apparaît ainsi qu'à tout le moins, à compter du 21 juillet 1905, le grand-père maternel du demandeur s'est établie en Mexique, soit à l'étranger.

Le point de départ du délai cinquantenaire doit être fixé à partir de cette date de sorte que M. [O] [K] [C] est réputé avoir perdu la nationalité française le 22 juillet 1955.

La saisine datant du 18 août 2020 pour un délai de 50 ans acquis le 22 juillet 1955, seule la démonstration d’une résidence habituelle en France de M. [O] [K] [C] ou d’un de ses ascendants maternels, ou la démonstration d’une possession d’état de français de lui-même ou de sa mère avant le 22 juillet 1955 permet d’écarter la désuétude.

Aucune pièce n’est produite, ni aucun élément même invoqué, pour rapporter la preuve ni d’une résidence en France de M. [O] [K] [C] ou de ses ascendants maternels ni d'une possession d’état de français de lui-même ou de sa mère pendant la période visée par l’article 30-3 du code civil.

Il apparaît ainsi que M. [O] [K] [C] a agi après le 22 juillet 1955 alors que ni lui, ni sa mère, n'ont d’élément de possession d’état de la nationalité française avant cette date, et aucun de lui ou de ses ascendants maternels n’ont eu une résidence habituelle sur le territoire français au cours du délai cinquantenaire fixé par l'article 30-3 du code civil.

En tout état de cause, même à retenir, comme l'indique le ministère public, le point de départ du délai cinquantenaire le 20 juillet 1912, date d'anniversaire de la mère du demandeur, Mme [A] [G] [Y] [C], née le 20 avril 1912 à [Localité 5] (Mexique), M. [O] [K] [C] ne produit des pièces justifiant ni d'une résidence en France de lui ou de l'un de ses ascendants maternels, ni d’une possession d’état de Français, de lui ou de sa mère, avant le 21 juillet 1962, permettant d'écarter le désuétude.

Par suite, il convient de faire droit à la demande du ministère public en ce qui concerne la désuétude soulevée.

Il sera donc jugé que M. [O] [K] [C] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française.

En application du dernier alinéa de l’article 23-6 du code civil, le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue.

En l'espèce, au regard des éléments précédemment relevés, il y a lieu de juger que M. [O] [K] [C] est réputé avoir perdu la nationalité française le 22 juillet 1955.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur l'exécution provisoire

L’exécution provisoire ne pouvant être ordonnée en matière de nationalité, M. [O] [K] [C] sera débouté de sa demande formulée à ce titre.

Sur les dépens et la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [O] [K] [C] qui succombe, sera condamné aux dépens et en conséquence, débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Déboute M. [O] [K] [C] de ses demandes ;

Juge que M. [O] [K] [C] n'est pas admis à faire la preuve qu'il a, par filiation, la nationalité française ;

Juge que M. [O] [K] [C], né le 13 février 1943 à [Localité 3] (Mexique), est réputé avoir perdu la nationalité française le 22 juillet 1955 ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Déboute M. [O] [K] [C] de sa demande d'exécution provisoire ;

Déboute M. [O] [K] [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] [K] [C] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 28 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 20/07762
Date de la décision : 28/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-28;20.07762 ?
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