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27/06/2024 | FRANCE | N°23/07084

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 27 juin 2024, 23/07084


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 23/07084 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZ6RV

N° PARQUET :

N° MINUTE :

Assignation du :
22 Mai 2023

CB



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]

Madame Virginie PRIE, Substitute



DEFENDEUR

Monsieur [B] [Y]
[Adresse 1]
[Local

ité 3]








Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 23/07084

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 23/07084 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZ6RV

N° PARQUET :

N° MINUTE :

Assignation du :
22 Mai 2023

CB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 5]
[Localité 2]

Madame Virginie PRIE, Substitute

DEFENDEUR

Monsieur [B] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 23/07084

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

Assistées de Madame Manon Allain, Greffière

DEBATS

A l’audience du 16 Mai 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Clothilde Ballot-Desproges , Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Madame Manon Allain, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions du procureur de la République constituées par l'assignation délivrée le 22 mai 2023 à M. [B] [Y],

Vu l'absence de constitution d'avocat par M. [B] [Y] assigné selon les modalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 mars 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 4 avril 2024,

Vu le renvoi de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Par application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 5 avril 2024. La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action en contestation d'enregistrement d'une déclaration de nationalité française

Le 21 octobre 2021, M. [B] [Y], se disant né le 2 novembre 2003 à [Localité 4] (Côte d'Ivoire), a souscrit une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, sous le numéro N° DnhM 348/2021, devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes.

Cette déclaration a été enregistrée le 4 mai 2022 sous le numéro 138/2022 (pièce n°1 du ministère public).

Le ministère public sollicite du tribunal de dire qu'il est recevable en son action, d'annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [B] [Y] et de juger que celui-ci n'est pas de nationalité française. Il fait valoir que M. [B] [Y] ne justifie pas d'un état civil fiable et certain et par conséquent de sa minorité au moment de la souscription de la déclaration de nationalité française.

Sur la recevabilité

Le ministère public sollicite du tribunal de déclarer son action recevable, en visant les dispositions de l'article 26-4 du code civil.

En l'espèce, M. [B] [Y], n'ayant pas constitué avocat lors de la présente procédure, la recevabilité de l'action du ministère public n'est pas soulevée.

Cette demande est donc sans objet.

Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 23/07084

Sur le fond

L'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil dispose que l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance, peut, jusqu'à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

Aux termes de l’article 26-4 du code civil, dans son deuxième alinéa, dans le délai de deux ans suivant la date à laquelle il a été effectué, l’enregistrement d’une déclaration acquisitive de nationalité française peut être contesté par le ministère public si les conditions légales ne sont pas satisfaites.

En l'espèce, l'assignation du procureur de la République a été délivrée le 22 mai 2023, soit avant l'expiration du délai de 2 ans à compter de l'enregistrement de la déclaration de nationalité française le 4 mai 2022.

Il appartient donc au ministère public, qui conteste l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [B] [Y], de démontrer que les conditions légales prévues à l'article 21-12, 3e alinéa 1° du code civil ne sont pas satisfaites et qu’ainsi celle-ci a été enregistrée à tort.

En l'espèce, le ministère public conteste notamment le caractère fiable et certain de l'état civil de M. [B] [Y], faisant valoir que lors de la souscription de la déclaration, ce dernier avait produit des actes d'état civil dépourvus de force probante au sens de l'article 47 du code civil.

Il est donc rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil.

Il est également rappelé qu'aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et la Côte d'Ivoire, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 21 de l'accord de coopération en matière de justice signé le 24 avril 1961 et publié le 10 février 1982 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer et, s'il s'agit d'expéditions, certifiés conformes à l'original par ladite autorité.

Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 23/07084

Le ministère public indique qu'après vérification in situ, il ressort de la souche du registre des actes d’état civil de l'année 2018 de l'acte de naissance n°15675 de M. [B] [Y] que le registre n'a pas été signé par l'officier d'état civil, et ce en contrariété avec l'article 44 de la loi ivoirienne n°64-374 du 7 octobre 1964 relative à l'état civil (pièce n°6 du ministère public).

Le défendeur, qui n'a pas constitué avocat, n'a formulé aucune observation quant à ce grief soulevé par le ministère public.

Aux termes de l'article 44 de la loi n°64-374 du 7 octobre 1964, modifiée par la loi 99-691 du 14 décembre 1999 relative à l'état civil, « l'acte de naissance, rédigé immédiatement, est signé du déclarant et de l'officier ou de l'agent d'état civil ».

Il ressort de la souche de l'acte de naissance n°15675 de M. [B] [Y], qu'il est la transcription du jugement supplétif d'acte de naissance rendu par le tribunal de première instance d'Abidjan, du 5 janvier 2018, effectuée le 3 juillet 2018, par Mme [C] [Z], conseiller municipal, officier de l'état civil délégué (pièce n°6 du ministère public).

Le tribunal relève que la souche comporte deux feuillets, dont l'un deux est barré sur lequel n'est apposé aucune signature. Sur le second feuillet, apparaît sur la marge de la souche, une signature de M. [A], sous directeur de l'état civil et population à la mairie d'[Localité 4], accompagnée de la mention « vu le 20 juillet 2022 », sans qu'il soit possible de déterminer l'objet de cette signature. En outre, cette signature n'est pas celle de Mme [C] [Z], officier d'état civil ayant dressé l'acte.

Il s'ensuit que la souche de l'acte de naissance de M. [B] [Y] qui ne porte pas signature de l'officier de l'état civil l'ayant dressé, n'est pas conforme aux prescriptions de la loi ivoirienne.

Par ailleurs, il est rappelé qu'un acte d'état civil est un acte par lequel un officier d'état civil constate personnellement un fait. Les mentions qui y sont apposées permettent ainsi d'attester de ce fait, soit, en l'espèce, de la naissance de l'intéressé.

Dès lors, en l'absence de la signature de l'officier d'état civil ayant dressé l'acte, celui-ci ne saurait même répondre à la qualification d'acte d'état civil.

Il s'ensuit que l'acte de naissance de M. [B] [Y] est dépourvu de toute force probante au sens des dispositions de l'article 47 du code civil, précité.

Ne justifiant pas d'un état civil fiable et certain, M. [B] [Y] ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit.

Par conséquent, il y a lieu d'annuler l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [B] [Y], et de juger que celui-ci, qui ne revendique la nationalité française à aucun titre, n'est pas français.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [B] [Y], qui succombe, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile ;

Juge sans objet la demande du ministère public relative à la recevabilité de son assignation ;

Annule l’enregistrement intervenu 4 mai 2022, sous le numéro 138/2022, de la déclaration de nationalité française souscrite le 21 octobre 2021 (dossier n° DnhM 348/2021), sur le fondement de l’article 21-12 du code civil, par M. [B] [Y], se disant né le 2 novembre 2003 à [Localité 4] (Côte d'Ivoire), devant le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire d'Evry-Courcouronnes ;

Juge que M. [B] [Y], se disant né le 2 novembre 2003 à [Localité 4] (Côte d'Ivoire), n'est pas français ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne M. [B] [Y] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 27 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
Manon AllainAntoanela Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 23/07084
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;23.07084 ?
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