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27/06/2024 | FRANCE | N°22/05261

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 27 juin 2024, 22/05261


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 22/05261 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CWZV5

N° PARQUET : 22/465

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Avril 2022

CB



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [S] [X]
[Adresse 2]
ALGERIE

représentée par Me Eléonore TAVARES DE PINHO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #PB202



DEFENDERESSE

LA

PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
[Localité 1]

Madame Virginie PRIE, Substitute





Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 22/05261 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CWZV5

N° PARQUET : 22/465

N° MINUTE :

Assignation du :
29 Avril 2022

CB

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [S] [X]
[Adresse 2]
ALGERIE

représentée par Me Eléonore TAVARES DE PINHO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #PB202

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
Parvis du Tribunal de Paris
[Localité 1]

Madame Virginie PRIE, Substitute


Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 22/05261

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

Assistées de Madame Manon Allain, Greffière

DEBATS

A l’audience du 16 Mai 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile par Madame Clothilde Ballot-Desproges, magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire,
en premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Madame Manon Allain, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de Mme [S] [X] constituées par l'assignation délivrée le 29 avril 2022 au procureur de la République, et le bordereau de communication de pièces notifié par la voie électronique le 3 mai 2022,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 16 juin 2023,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 8 mars 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 4 avril 2024,

Vu la demande de Mme [S] [X] notifiées par la voie électronique le 12 mars 2024 aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats,

Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 22/05261

Vu les pièces de Mme [S] [X] notifiées par la voie électronique le 25 avril 2024,

Vu les conclusions intitulées « aux fins de rétablissement » produites par Mme [S] [X] dans son dossier de plaidoiries,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Par demande par la voie électronique le 12 mars 2024, Mme [S] [X] sollicite du tribunal la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats. Elle fait valoir qu'elle souhaite produire de nouvelles pièces en cours d'obtention qui tardent à lui parvenir.

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Or, d'une part, la demanderesse ne précise pas la nature des pièces qu'elle souhaite produire et qui justifierait une révocation de l'ordre de clôture ; d'autre part, à l'approche de la clôture, elle n'a pas sollicité du juge de la mise en état un renvoi à la mise en état ; enfin, il n'est ni allégué, ni a fortiori, justifié en l'espèce d'une cause grave ayant empêché la demanderesse de produire les pièces en question avant l'ordonnance de clôture, ni d'une cause grave qui se serait révélée postérieurement à l'ordonnance de clôture.

Dès lors, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera rejetée.

Sur les conclusions et pièces produites après la date de l'ordonnance de clôture

Dans le dossier de plaidoirie de la demanderesse déposé devant le tribunal, figurent des écritures intitulées “conclusions aux fins de rétablissement”, lesquelles n'ont fait l'objet d'aucune communication au ministère public et alors que l'affaire n'a fait l'objet d'aucune radiation.
Ces conclusions seront déclarées irrecevables en application des dispositions des articles 16 et 802 du code de procédure civile.
Par conséquent, le tribunal examinera uniquement les moyens et prétentions formulés par la demanderesse aux termes de son assignation.

En outre, Mme [S] [X] a produit de nouvelles pièces par la voie électronique le 25 avril 2024

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 22/05261

Ces pièces, qui n'ont pas été communiquées contradictoirement avant l’ordonnance de clôture, seront déclarées irrecevables.

Ces pièces notifiées par la voie électronique le 25 avril 2024, déclarées irrecevables, n'ayant pas été numérotées, conformément à l'article 768 du code de procédure civile, avec une numérotation de pièces distincte de celle du bordereau de communication de pièces produit avec l'assignation, seront numérotées « 2-... », à savoir :
-la pièce n°2-1 intitulée « copie intégrale de l'acte de naissance enregistré de la requérante »
- la pièce n°2-3 intitulée « livret de famille des parents de la requérante »,
- la pièce n°2-4 intitulée « carte nationale d'identité de la mère de la requérante »,
- pièce n°2-7 intitulée « cartes électorales de la mère de la requérante »,
- pièce n°2-8 intitulée « copie intégrale de l'acte de naissance de la mère de la requérante »,
- pièce n°2-9 intitulée « jugement d'admission à la qualité de citoyen français des grands-parents de la requérante ».
- pièce n°2-11 intitulée « copie intégrale de l'acte de naissance local de la requérante ».

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 22 septembre 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [S] [X], se disant née le 29 décembre 1960 à Oran (Algérie), revendique la nationalité française par filiation maternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle fait valoir que sa mère, Mme [M] [H], a conservé de plein droit la nationalité française à l'indépendance de l’Algérie car ses propres parents ont été admis à la qualité de citoyen français le 4 octobre 1929, par le tribunal de première instance de Mascara.

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée les 2 octobre 2008 par le greffier en chef du service de la nationalité française des français nés et établis hors de France, au motif que la copie intégrale de son acte de naissance n'avait aucune force probante au sens de l'article 47 du code civil, car il n'avait pas été établi conformément à l'article 17 de la loi du 23 mars 1882 établissant les conditions d'établissement en Algérie des actes d'état civil (pièce n°1 de la demanderesse).

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Aux termes de l'article 32-1 du code civil, les Français de statut civil de droit commun domiciliés en Algérie à la date de l’annonce officielle des résultats du scrutin d’autodétermination conservent la nationalité française quelle que soit leur situation au regard de la nationalité algérienne.

Il est donc rappelé que les effets sur la nationalité française de l’accession à l’indépendance des départements d’Algérie, fixés au 1er janvier 1963, sont régis par l’ordonnance n°62-825 du 21 juillet 1962 et par la loi n°66-945 du 20 décembre 1966 ; ils font actuellement l’objet des dispositions des articles 32-1 et 32-2 du code civil ; il résulte en substance de ces textes que les Français originaires d’Algérie ont seuls conservé la nationalité française :

- de plein droit, s’il étaient de statut civil de droit commun ce qui ne pouvait résulter que de leur admission ou de celle de l’un de leur ascendant, ce statut étant transmissible à la descendance, à la citoyenneté française en vertu exclusivement, soit d’un décret pris en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, soit d’un jugement rendu sur le fondement de la loi du 4 février 1919 ou, pour les femmes, de la loi du 18 août 1929, ou encore de leur renonciation à leur statut personnel suite à une procédure judiciaire sur requête,
- s’ils étaient de statut civil de droit local, par l’effet de la souscription d’une déclaration de reconnaissance au plus tard le 21 mars 1967 (les mineurs de 18 ans suivant la condition parentale dans les conditions prévues à l’article 153 du code de la nationalité française), ce, sauf si la nationalité algérienne ne leur a pas été conférée postérieurement au 3 juillet 1962, faute de quoi ils perdaient la nationalité française au 1er janvier 1963.

Il appartient donc à Mme [S] [X], non titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la qualité de français de statut civil de droit commun de ses ascendants revendiqués et, d'autre part, une chaîne de filiation ininterrompue légalement établie à l'égard de ceux-ci, par la production d'actes d’état civil fiables et probants au sens de l’article 47 du code civil étant rappelé qu'aux termes de l’article 20-1 du code civil, la filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité.

Décision du 27/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N°RG 22/05261

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.

En l'espèce, comme le fait valoir à juste titre le ministère public, Mme [S] [X] ne produit pas le jugement d'admission à la qualité de citoyen français de ses grands-parents revendiqués.

Or il est rappelé que la preuve de l'admission à la citoyenneté française ne peut être rapportée que par la production d'un titre, décret ou jugement d'admission au statut civil de droit commun, ou de renonciation expresse au statut civil de droit local.

Il est en outre rappelé, comme l'indique le ministère public, qu'en vertu des dispositions de l’article 30 du code civil, un certificat de nationalité française ne vaut présomption de nationalité française que pour son titulaire, et en l’espèce pour Mme [M] [H], dans les instances la concernant, et qu’il ne peut dispenser les tiers, fussent-ils sa propre enfant, de rapporter la preuve de sa nationalité française dans l'instance la concernant.

La carte nationale d'identité de Mme [M] [H], qui constitue un simple élément de possession d'état de français, ne rapportent pas plus la preuve de la nationalité française de cette dernière ni de la demanderesse.

Dès lors, la demanderesse ne justifie pas qu'elle a conservé la nationalité française à l'indépendance de l’Algérie pour relever du statut civil de droit commun.

En conséquence, il y a lieu de débouter Mme [S] [X] de sa demande tendant à voir dire qu'elle est de nationalité française sur le fondement des articles 32-1 et suivants du code civil. En outre, dès lors qu'elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [S] [X], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [S] [X] ayant été condamnée aux dépens, sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Déboute Mme [S] [X] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Juge irrecevables les pièces suivantes de Mme [S] [X], notifiées par la voie électronique le 25 avril 2024,:
- la pièce n°2-1 intitulée « copie intégrale de l'acte de naissance enregistré de la requérante »
- la pièce n°2-3 intitulée « livret de famille des parents de la requérante »,
- la pièce n°2-4 intitulée « carte nationale d'identité de la mère de la requérante »,
- pièce n°2-7 intitulée « cartes électorales de la mère de la requérante »,
- pièce n°2-8 intitulée « copie intégrale de l'acte de naissance de la mère de la requérante »,
- pièce n°2-9 intitulée « jugement d'admission à la qualité de citoyen français des grands-parents de la requérante ».
- pièce n°2-11 intitulée « copie intégrale de l'acte de naissance local de la requérante ».

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [S] [X], née le 29 décembre 1960 à Oran (Algérie), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Rejette la demande de Mme [S] [X] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [S] [X] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 27 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
Manon AllainAntoanela Florescu-Patoz


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 22/05261
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;22.05261 ?
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