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27/06/2024 | FRANCE | N°22/01980

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 27 juin 2024, 22/01980


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
2ème section


N° RG 22/01980
N° Portalis 352J-W-B7G-CWCR3

N° MINUTE :


Assignation du :
07 Février 2022




JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSES

S.C.I. B52B prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]

Madame [J] [C]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentées par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCAT

S, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B1055


DÉFENDEURS

Le Syndicat des coproprietaires de l’immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic le Cabinet GESS...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
2ème section

N° RG 22/01980
N° Portalis 352J-W-B7G-CWCR3

N° MINUTE :

Assignation du :
07 Février 2022

JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSES

S.C.I. B52B prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 5]

Madame [J] [C]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentées par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #B1055

DÉFENDEURS

Le Syndicat des coproprietaires de l’immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic le Cabinet GESSIM, SARL
[Adresse 2]
[Localité 4]

défaillant

Société Cabinet GESSIM, SARL, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 4]

défaillante
Décision du 27 Juin 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 22/01980 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWCR3

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-Président
Anita ANTON, Vice-Présidente
Lucie AUVERGNON, Vice-Présidente

assistés de Léa GALLIEN, Greffière lors des débats et de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 28 Mars 2024 tenue en audience publique devant Lucie AUVERGNON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
en premier ressort

***

Exposé du litige :
L’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Le cabinet GESSIM en est le syndic.

La SCI B52B est propriétaire au sein de cet immeuble des lots n° 14, 37 et 65, respectivement constitués d’un studio, d’un parking et d’une cave. Mme [J] [C] est propriétaire du lot n°56, constitué d’un parking.

Lors de l’assemblée générale du 8 janvier 2021, les copropriétaires ont voté les résolutions n° 28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1, en mentionnant pour chacune de ces décisions la « clé PK » (ie parking) » et un « nombre de tantièmes de 56 pour 8 votants », portant sur :
- la réalisation de travaux de peinture du sous-sol des parking, les honoraires du syndic afférents, un échéancier d’appel de fonds afférents (résolutions n° 28.1 à 28.3),
la pose d’un miroir en sortie de parking et l’installation d’un répétiteur de lumière d’ouverture de la porte sur rue, les honoraires du syndic afférents, un échéancier d’appel de fonds afférant (résolutions n° 29.1 à 29.3), la réalisation de travaux permettant la recharge des véhicules électriques ou hybrides (résolution n° 30.1).
Lors de l’assemblée générale du 29 novembre 2021, les copropriétaires ont voté la résolution n° 5 aux termes de laquelle ils ont :
approuvé le principe d’une transaction, suite à l’action introduite par la société CRIP contre son assureur ALLIANZ et l’appel en garantie de ce dernier contre le syndicat des copropriétaires, autorisé le syndic en exercice à signer, avec l’ensemble des parties, un protocole d’accord, aux termes duquel le syndicat des copropriétaires acceptera de verser à titre transactionnel la somme forfaitaire de 15.000 € à la société CRIP.
Par acte d’huissier du 7 février 2022, la SCI B52B et Mme [J] [C] ont assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir annuler la résolution n° 5 votée par l’assemblée générale des copropriétaires le 29 novembre 2021 ainsi que les résolutions n° 28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1 votées par l’assemblée générale des copropriétaires le 8 janvier 2021.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2002, la SCI B52B et Mme [J] [C] demandent au tribunal de :
Vu l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965,

Déclarer la SCI B52B et Mme [J] [C] recevables en leur action en nullité de la résolution n°5 de l’assemblée générale du 29 novembre 2021,

Vu l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965 et l’article 11, I, 3° du décret du 17 mars 1967,

Prononcer la nullité de la résolution n° 5 de l’assemblée générale du 29 novembre 2021, pour violation du principe de spécialité des votes et pour information insuffisante des copropriétaires,

À titre infiniment subsidiaire :

Prononcer la nullité de la résolution n° 5 de l’assemblée générale du 29 novembre 2021, pour abus de majorité,

Vu l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965,

Déclarer la SCI B52B et Mme [J] [C] recevables en leur action en nullité des résolutions n° 28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1 de l’assemblée générale des copropriétaires du 8 janvier 2021, compte tenu de l’atteinte portée au règlement de copropriété par ces résolutions,

Prononcer la nullité des résolutions n° 28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1 de l’assemblée générale du 8 janvier 2021, pour violation de l’article 11 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965,

Condamner le cabinet GESSIM à verser la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts à la SCI B52B et à Mme [J] [C],

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM à verser la somme de 4.500 € à la SCI B52B et à Mme [J] [C], au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM en tous les dépens, dont le recouvrement pourra être exercé par la SELARL INGOLD et THOMAS, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Bien que régulièrement assignées à personnes morales, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM n’ont pas constitué avocat.

Les dernières conclusions des demandeurs ainsi que les pièces produites à leur soutien ont été régulièrement signifiées aux défendeurs le 27 octobre 2022.

Le jugement sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 7 mars 2023 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoiries du 28 mars 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens, il est renvoyé aux écritures précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

L’affaire, plaidée à l’audience du 28 mars 2024, a été mise en délibéré au 27 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

En application de l'article 472 du code de procédure civile si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

1. Sur la nullité de la résolution n° 5 votée par l’assemblée générale des copropriétaires le 29 novembre 2021

1.2 Sur la recevabilité

La SCI B52B et Madame [J] [C] exposent qu’elles n’étaient ni présentes ni représentées à l’assemblée générale du 29 novembre 2021 et soutiennent que l’action en nullité de la résolution n°5 de ladite assemblée générale a été exercée dans le délai prévu à l’article 42, alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.

***
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale. »

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale du 29 novembre 2021 (pièce n° 2 des demandeurs) que la SCI B52B et Mme [J] [C] étaient absentes et non représentées. Elles ont donc la qualité de copropriétaires défaillants.

Leur demande est donc recevable.

1.2 Sur le fond

La SCI B52B et Madame [J] [C] soutiennent que la résolution n° 5 votée par l’assemblée générale des copropriétaires le 29 novembre 2021 est nulle pour avoir été présentée, en violation de l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965, sous la forme d’un vote bloqué alors qu’elle comporte deux décisions : d’une part, le principe d’une transaction et, d’autre part, un protocole d’accord aux termes duquel le syndicat accepterait « pour sa part, de verser, à titre transactionnel, la somme forfaitaire de 15.000 euros à la société CRIP ». Elles estiment que les copropriétaires pouvaient tout à fait être disposés à approuver le principe d’une transaction et refuser les termes d’un protocole les obligeant à verser la somme de 15.000 euros à la société CRIP.

En second lieu, la SCI B52B et Madame [J] [C] exposent qu’aucune pièce n’accompagnait la convocation de l’assemblée générale du 29 novembre 2021, en violation de de l’article 11, I, 3° du décret du 17 mars 1967. Elles précisent que le projet de protocole, les éléments de procédure essentiels (assignation au fond, conclusions du syndicat et demandes formées à son encontre) et les conclusions du rapport d’expertise ayant conduit à l’introduction de l’instance n’ont pas été communiquées aux copropriétaires. Elles estiment que les copropriétaires ne disposaient pas d’informations suffisantes pour apprécier le principe de la transaction et les concessions réciproques des parties.

En troisième lieu, la SCI B52B et Mme [J] [C] soutiennent, « à titre subsidiaire », que la résolution n° 5 de l’assemblée générale du 29 novembre 2001 doit être annulée pour abus de majorité dès lors qu’elle valide le principe d’une transaction au profit de la société CRIP, copropriétaire majoritaire, dont le gérant, Monsieur [T] [S], a des liens juridiques avec le syndic, le cabinet GESSIM. Elle expose que M. [T] [S] est le gérant de la société SCORE, société qui fut l’associé majoritaire du cabinet GESSIM avant d’en devenir l’unique associé. Elle indique que la société SCORE et la société COGIF, gérées par M. [T] [S], est l’associé majoritaire de la société CRIP. Elle observe que l’assemblée générale, convoquée par le cabinet GESSIM, a été présidée par M. [T] [S] et que l’épouse de ce dernier a été désignée scrutateur.

***
L’article 9 du décret du 17 mars 1967 prévoit que la convocation contient l’ordre du jour qui précise chacune des questions soumises à la délibération de l’assemblée.

Cet ordre du jour distinguant chacune des questions autonomes soumises au vote de l’assemblée générale doit en principe être séparé.
 
L’assemblée générale a l’obligation d’émettre un vote séparé sur chacune des questions figurant à l’ordre du jour, un seul vote bloqué sur plusieurs des questions inscrites étant nul, en vertu du principe de l’autonomie des décisions et de la spécificité des majorités.
 
Cette règle admet des tempéraments lorsqu’il existe un lien étroit entre les décisions, objets d’un même vote, à la condition qu’elles relèvent de la même majorité et dès lors que les questions sont indissociables, connexes ou interdépendantes.

L’alinéa 3 de l’article 17 du décret du 17 mars 1967 précise que « le procès-verbal comporte, sous l'intitulé de chaque question inscrite à l'ordre du jour, le résultat du vote ».

Aux termes de l’article 11, I, 3°, du décret du 17 mars 1967, « sont notifiées au plus tard en même temps que l’ordre du jour, pour la validité de la décision, les conditions essentielles du contrat (ou, en cas d’appel à la concurrence, des contrats proposés) lorsque l’assemblée est appelée à approuver un contrat (…) ».

La nullité d’une délibération n’est pas encourue lorsque les conditions essentielles du contrat proposé figuraient dans l’ordre du jour lui-même, bien qu’il n’y ait pas de document annexé à la convocation (Civ. 3ème, 23 novembre 1994, n° 92-21.367)

Aux termes de l’article 2044 du code civil, « la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit ».

Il appartient au copropriétaire qui demande la nullité d'une décision fondée sur l'abus de majorité de démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable :
- dans un but autre que la préservation de l'intérêt collectif de l'ensemble des copropriétaires (ex. : Civ. 3ème, 8 février 1989, n° 87-14322 ; 17 décembre 2014, n° 13-25.134),

- ou encore qu'elle rompt l'égalité entre les copropriétaires (ex. : Civ. 3ème, 11 décembre 2006, n° 05-10.924), en favorisant les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires (ex. : Civ. 3ème, 9 juin 2016, n° 15-17.529),
- ou qu’elle a été prise avec l'intention de nuire ou de porter préjudice à certains (ex. : Civ. 3ème, 29 novembre 2011, n° 10-28.146.).

En l’espèce, la convocation à l’assemblée générale extraordinaire du 29 novembre 2021 (pièce n° 1 des demandeurs) mentionne à l’ordre du jour de ladite assemblée la résolution n° 5 ainsi libellée :

« Autorisation à donner au syndic à l’effet de signer un protocole d’accord, suite à l’action introduite par la société CRIP contre son assureur ALLIANZ et l’appel en garantie de cette dernière contre le syndicat des copropriétaires – article 24
Présence de Maître Bibille en séance.
Rappel :
L’appartement de la société COMAPGNIE DE REALISATION ET INTERVENTION PATRIMONIALE (ci-après dénommée CRIP) a subi, à compter de février 2015, des dégâts des eaux à répétition, en provenance de la terrasse de l’immeuble et de la chaufferie, ayant endommagé la cuisine, l’entrée, les chambres, les salles de bains, le WC et le dressing.
Plusieurs expertises ont été réalisées et ont conclu notamment à un défaut d’étanchéité de la terrasse partie commune à jouissance privative, un sous-dimensionnement de la chaudière livrée et un manque d’entretien de la chaufferie par le prestataire de service, la société SPIE.
Sur la base des rapports de M. [H], expert, en date du 13 juillet 2017 et de celui de M. [R], en date du 28 février 2019, rappelant que son appartement ne pouvait plus être reloué depuis juillet 2015, la société CRIP a assigné son assureur, la société ALLIANZ IARD, devant le tribunal judiciaire de Paris, sollicitant l’application des dispositions de son contrat d’assurance, et a sollicité sa condamnation à lui verser notamment la somme de 166.500 € au titre de sa perte d’exploitation.
La société ALLIANZ IARD a alors assigné en intervention forcée, aux fins de les voir condamner à la garantir de l’intégralité des condamnations, la société SPIE et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] qui a assigné à son tour en intervention forcée, son assureur la société AWA France IARD et la société GRL GESTION, ancien syndic de l’immeuble, aux fins d’être lui-même garanti de l’intégralité des condamnations.
La procédure opposant ainsi le syndicat des copropriétaires aux sociétés ALLIANZ, Axa France IARD, SPIE FACILITIES, GRL GESTION et CRIP est actuellement pendante devant la 4ème chambre, 2ème section du tribunal judiciaire de Paris.
Parallèlement, en raison des dysfonctionnements à répétition de la chaudière ayant abouti à un premier rapport, en date du 28 mars 2017, de M. [H], expert, une procédure, opposant le syndicat des copropriétaires à la société SPIE, est actuellement pendante devant la cour d’appel de Paris, suite à l’appel interjeté par la société SPIE du jugement rendu le 20 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris qui l’a condamnée à régler la somme de 71.082,78 € (en principal, article 700 et dépens) au syndicat des copropriétaires.
C’est dans ce contexte que les parties ont engagé des pourparlers dans le but de mettre fin à leurs différends et aux procédures en cours, moyennant concessions réciproques.
En conséquence, sans aucune reconnaissance de responsabilité et du bien-fondé des demandes formulées par les autres parties indiquées ci-dessus, mais dans le but d’en terminer avec les procédures engagées et d’en limiter les frais afférents, l’assemblée générale approuve le principe d’une transaction et autorise son syndic en exercice à l’effet de signer, avec l’ensemble des parties, un protocole d’accord, aux termes duquel le syndicat des copropriétaires acceptera, pour sa part, de verser à titre transactionnel la somme forfaitaire de 15.000 € à la société CRIP ».

Aucun document n’a été joint à la convocation.

Il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale du 29 novembre 2021 qu’un rappel de la situation, correspondant mot pour mot au texte de l’ordre du jour de la convocation ci-dessus exposé, a été effectué, en présence de l’avocat du syndicat des copropriétaires, avant que le vote soit soumis aux copropriétaires présents ou représentés. Le procès-verbal retranscrit le détail des votes :
« Pour : 10 copropriétaires totalisant 304/340,
Contre : 1 copropriétaire totalisant 36/340,
Abstention : 2 copropriétaires totalisant 402/742
Copropriétaires ayant voté contre : M. [U] [I] (36),
Se sont abstenus : Sté CRIP (373), Ind. MATSUMOTO (29).
La résolution est acceptée à la majorité simple de l’article 24 ».

Si le seul fait qu’aucun document n’ait été annexé à la convocation n’est pas un motif de nullité de la résolution litigieuse, force est de constater que l’ordre du jour ne mentionne pas les caractéristiques essentielles des concessions réciproques faites par les parties afin de permettre aux copropriétaires d’être informés en temps utile.

Il se contente de rappeler l’historique des deux procédures pendantes et d’exposer que la transaction implique le paiement par le syndicat des copropriétaires à la société CRIP d’une somme de 15.000 €, sans expliciter le contenu de la transaction. En particulier, l’ordre du jour n’expose pas les concessions faites par la société SPIE, assignée par le syndicat des copropriétaires.

Au surplus, et à titre surabondant, le tribunal relève que ce défaut d’information est d’autant plus préjudiciable qu’il ressort de la première page de la convocation à l’assemblée générale que le syndic demandait aux copropriétaires « de privilégier l’envoi des pouvoirs ou des votes par correspondance » et ce « afin de réduire le nombre de présent dans la salle et pour pouvoir respecter scrupuleusement les recommandations d’hygiène et de prévention ». Le syndic invitait ainsi les copropriétaires à ne pas participer au débat de l’assemblée générale lors de laquelle des précisions auraient pu être sollicitées.

Dans ces conditions, il convient de prononcer l’annulation de la résolution n° 5 adoptée le 29 novembre 2021 par l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5], sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens de nullité soulevés au soutien de la demande d’annulation de ladite résolution. 

2. Sur la recevabilité des demandes en nullité des résolutions n°28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1 votée par l’assemblée générale du 8 janvier 2021

La SCI B52B et Mme [J] [C] soutiennent que leur demande d’annulation des résolutions n° 28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1 votées par l’assemblée générale du 8 janvier 2021 est recevable dès lors que ces résolutions ont adopté ou modifié irrégulièrement une répartition des charges.

Elles exposent que la jurisprudence de la Cour de cassation retient que le délai de deux mois pour contester une résolution d’assemblée générale ne s’applique pas à l’égard d’une résolution adoptant ou modifiant irrégulièrement une répartition des charges, s’agissant d’une action relative aux clauses réputées non écrites visée à l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 (Civ. 3ème, 27 septembre 2000, n° 98-22.792).

Décision du 27 Juin 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 22/01980 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWCR3

Elles font valoir que les résolutions litigieuses, ayant pour objet des travaux relatifs aux parking de l’immeuble, ont été irrégulièrement soumises au seul vote des propriétaires de parking selon une clé « PK », alors qu’il n’existe pas, aux termes du règlement de copropriété de l’immeuble du [Adresse 3], de charges spéciales aux parkings ni de clé de répartition « PK ».

***
Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale ».

Le moyen tiré de l’absence d’exercice de l’action en nullité par un copropriétaire dans le délai de deux mois peut être soulevé d’office par le juge (Civ. 3ème, 13 avril 2005, n° 03-20.760, quatrième moyen).

Le juge n’est pas tenu d’inviter les parties à formuler leurs observations dès lors qu’il se borne à vérifier les conditions d’application de la règle de droit invoquée (Civ. 3ème, 9 février 2017, n° 15-26.908).

L’action tendant à voir réputée non écrite une clause de répartition des charges contraire aux principes posés par l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 n’est soumise à aucun délai (Civ. 3ème, 7 mai 2008, n° 07-13.409) et peut être exercée par tout copropriétaire intéressé « à tout moment » (Civ. 3ème, 12 juin 1991, n° 89-18.331, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 7 septembre 2017, n° RG 14/06561), même lorsqu’une telle clause a été introduite dans le règlement par une délibération de l’assemblée générale devenue définitive (Civ. 3ème, 27 septembre 2000, n° 98-22.792).

Par ailleurs, le copropriétaire qui n'a pas contesté l'assemblée qui a voté cette approbation n'est plus en droit de refuser de régler sa quote-part de charges mais il peut toutefois invoquer le fait que la répartition des charges n'a pas été calculée conformément au règlement de copropriété (Civ. 3ème, 1er décembre 2010, n° 09-72.402).

Il est néanmoins fait exception à cette règle lorsque les copropriétaires réunis en assemblée générale se sont expressément prononcés sur la répartition à appliquer à certains appels de charges. Dans ce cas, dès lors qu'elle n'a pas été contestée, la décision par laquelle l'assemblée générale arrête le mode de répartition de charges de travaux, fût-ce de manière non conforme au règlement de copropriété, s'impose à tous les copropriétaires (ex. : Civ. 3ème, 13 novembre 2013, n° 11-20.956).

Si un copropriétaire peut invoquer le fait que la répartition des charges n’a pas été calculée conformément au règlement de copropriété, il en va différemment lorsque des charges pour travaux sont réclamées en vertu d’une décision d’assemblée générale. Dans ce dernier cas, il appartient au copropriétaire de contester la modification de la répartition des charges opérée dans le délai de forclusion de deux mois de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 5 octobre 2016, n° RG 14/15787).
En l'espèce, il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale du 8 janvier 2021 (pièce n° 3 des demandeurs) que Mme [J] [C] était absente et non représentée. Celle-ci a donc la qualité de copropriétaire défaillant.

Il ressort de ce même procès-verbal que la SCI B52B était présente et a voté contre les résolutions contestées, à l’exception de la résolution n° 30.1. La SCI B52B n’a donc pas la qualité de copropriétaire opposant, s’agissant de la résolution 30.1 et est irrecevable à contester ladite résolution.

Par ailleurs, le tribunal relève que la SCI B52B et Mme [J] [C] ne justifient pas de la date à laquelle le procès-verbal de l’assemblée générale du 8 janvier 2021 leur a été notifié, alors que l’assignation a été délivrée le 7 février 2022.

Le tribunal observe que le procès-verbal de l’assemblée générale du 8 janvier 2021 rappelle les dispositions de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965. Le fait d’avoir contesté les résolutions litigieuses au-delà du délai de deux mois prescrit par l’alinéa 2 de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 n’est au demeurant pas contesté par les demanderesses.

Or, les demandes de la SCI B52B et Mme [J] [C], rappelées au sein de l’exposé des motifs du présent jugement, ne tendent pas à voir annuler des résolutions aux termes desquelles une modification de la répartition des charges a été décidée, mais à voir annuler des résolutions au motif qu’elles n’auraient précisément pas respecté la répartition des charges prévue par le règlement de copropriété, en appliquant aux travaux litigieux votés une clé de répartition qui n’existe pas dans le règlement de copropriété.

Les résolutions querellées n’ayant pas pour objet une modification de la répartition des charges, mais uniquement le vote de travaux selon une clé de répartition contestée par les copropriétaires requérants, il convient de déclarer la SCI B52B et de Mme [J] [C] irrecevables en leurs d’annulation des résolutions n° 28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1 adoptées le 8 janvier 2021 par l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5].

3. Sur la demande de dommages intérêts

La SCI B52B et de Mme [J] [C] sollicitent la réparation du préjudice moral causé par les manquements du syndic, le cabinet GESSIM. Elles soutiennent, sur le fondement des dispositions de l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, que le syndic a commis un manquement grave à l’une de ses obligations essentielles en appliquant, lors de la convocation de l’assemblée générale du 8 janvier 2021, une clé de répartition qui n’existe pas dans le règlement de copropriété.

Elles font également valoir que le syndic s’est dispensé de fournir des éléments d’information nécessaires aux copropriétaires, en annexe de la convocation à l’assemblée générale du 29 novembre 2021.

Elles estiment que le cabinet GESSIM a imposé un vote bloqué aux copropriétaires, en leur présentant comme seule condition possible d’une transaction, l’octroi d’une somme forfaitaire de 15.000 euros au profit de la société CRIP, copropriétaire majoritaire de l’immeuble.
Décision du 27 Juin 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 22/01980 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWCR3

Elles font également valoir que l’étroite dépendance du cabinet GESSIM à la société CRIP explique ses manquements à l’égard des copropriétaires minoritaires, en leur imprimant une gravité particulière.

***
Les alinéas 1 à 3 de l’article 18 I. de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 prévoient que « indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d'autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l'assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l'article 47 ci-dessous :
- d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l'assemblée générale ».

Le syndic commet une faute lorsqu’il n’applique pas les clauses de répartition des charges prévues au règlement de copropriété (ex. Civ. 3ème, 3 juillet 1996, n° 94-17.001, publié au bulletin).

Compte tenu de l'ampleur des tâches qui lui incombent et des difficultés pratiques auxquelles il est fréquemment confronté, le syndic est tenu d'une obligation de diligence et de vigilance, donc de moyen et non pas de résultat (ex. : Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2014, n° RG 12/00684).

La faute engageant la responsabilité du syndic s'apprécie in abstracto au regard des diligences que doit normalement accomplir un professionnel averti.

Il peut ainsi s'exonérer de sa responsabilité en établissant qu'il n'a fait qu'exécuter une décision régulière de l'assemblée générale ou en prouvant qu'il a agi avec diligence et compétence (ex. : Cour d'appel de Versailles, 7 mars 2016, n° RG 14/07239 ; Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 15 janvier 2020, n° RG 19/03285).

Le syndic, investi du pouvoir d'administrer et conserver l'immeuble en copropriété, est responsable, à l'égard de chaque copropriétaire, sur le fondement quasi délictuel, des fautes commises dans l'exercice de sa mission (Civ. 3ème, 6 mars 1991, no 89-18.758)

Un copropriétaire ne peut engager la responsabilité délictuelle du syndic de l'immeuble, sur un fondement délictuel ou quasi-délictuel (article 1240 du code civil) et sur le fondement des dispositions de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, que s'il rapporte la preuve d'un préjudice direct et personnel découlant des fautes qu'il reproche au syndic (ex. : Civ. 3ème, 7 mai 1997, n° 95-14.777).

Il est constant que les juges ont l'obligation d'évaluer le préjudice dont ils constatent l'existence (ex. : Civ. 3ème, 10 juillet 2012, n° 11-19.374).

En l’espèce, les travaux mis aux votes des seuls copropriétaires des parking lors de l’assemblée générale du 8 janvier 2021, qui reposent uniquement sur ces derniers en application « d’une clé PK », portent sur la réalisation de travaux de peinture du sous-sol des parkings (résolutions n° 28.1 à 28.3), la pose d’un miroir en sortie de parking et l’installation d’un répétiteur de lumière d’ouverture de la porte sur rue (résolutions n° 29.1 à 29.3), la réalisation de travaux permettant la recharge des véhicules électriques ou hybrides. Par la suite, le syndic a procédé à des appels de fonds auprès de Mme [J] [C], au titre de « charges parkings » selon une « clé A quote-part 4/104 » (pièce n° 16,17-1 et 17-2 des demandeurs).

Or, il ressort du règlement de copropriété (pièce n° 14 des demandeurs) que si les parkings sont des lots privatifs, « les entrées, rampes d’accès et de sorties des garages et, s’il y a lieu, leurs systèmes de fermetures, appareillages et accessoires ; les aires de circulations des garages » sont des parties communes (paragraphe 15° de la section II « Définition des parties communes » du chapitre II de la première partie du règlement de copropriété établi le 27 mai 1977, p. 7). A cet égard, le règlement de copropriété ne mentionne pas l’existence de parties communes spéciales. En outre, le règlement de copropriété prévoit la répartition des charges suivantes : charges générales, charges de chauffages, charges d’ascenseur (p. 45 et s.).
En proposant au vote de l’assemblée générales du 8 janvier 2021 la réalisation de travaux afférents à des parties communes selon une clé de répartition inexistante, le syndic a failli à son obligation d'assurer l'exécution des dispositions du règlement de copropriété. Il en résulte une charge financière importante pour les demanderesses, propriétaires de parking, puisque ces travaux sont appelés suivant une quote-part de 4/104ème et non de 4/1008ème.

Si les demanderesses sollicitent l’indemnisation d’un préjudice moral et non pas financier, force est de constater que cette situation leur a causé un préjudice moral important, en raison de l’inquiétude liée à la nécessité de faire face à un accroissement de charges imprévisible, sans jamais recevoir aucune justification du syndic en dépit d’une mise en demeure adressée par Mme [C] le 5 juillet 2021 (pièce n° 18 des demandeurs).

En revanche, les demanderesses ne justifient pas avoir subi un préjudice moral née de l’irrégularité affectant la résolution n° 5 de l’assemblée générale du 21 novembre 2020.

Dans ces conditions, il convient de condamner le cabinet GESSIM à payer à la SCI B52B et à Mme [J] [C] la somme globale de 1.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des manquements du syndic.

4. Sur les demandes accessoires

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM, parties succombantes, seront condamnés in solidum au paiement des entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL INGOLD et THOMAS, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM seront condamnés in solidum à payer à la SCI B52B et à Mme [J] [C] la somme globale de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Décision du 27 Juin 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 22/01980 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWCR3

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

Prononce l’annulation de la résolution n° 5 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] en date du 29 novembre 2021,

Déclare la SCI B52B et de Mme [J] [C] irrecevables en leurs demandes d’annulation des résolutions n° 28.1, 28.2 et 28.3, 29.1, 29.2, 29.3 et 30.1 de l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 5] en date du 8 janvier 2021,

Condamne le cabinet GESSIM à payer à la SCI B52B et à Mme [J] [C] la somme globale de 1.500 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM à payer les entiers dépens, avec distraction au profit de la SELARL INGOLD et THOMAS, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne in solidum le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 3] à [Localité 5] et le cabinet GESSIM à payer à la SCI B52B et à Mme [J] [C] la somme globale de 3.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 27 Juin 2024

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/01980
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;22.01980 ?
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