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27/06/2024 | FRANCE | N°20/06096

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 3ème section, 27 juin 2024, 20/06096


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me SCHAKOWSKOY
DGFIP




9ème chambre 3ème section


N° RG 20/06096
N° Portalis 352J-W-B7E-CSK5S

N° MINUTE :




Assignation du :
20 Novembre 2019









JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [T] [X] épouse [K]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Nicolas SCHAKOWSKOY de la SELARL CHESS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS,ves

tiaire #K0160




DÉFENDERESSE

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par son Inspecteur



Décision du 27 Juin 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 20/06096...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :

à
Me SCHAKOWSKOY
DGFIP

9ème chambre 3ème section

N° RG 20/06096
N° Portalis 352J-W-B7E-CSK5S

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Novembre 2019

JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [T] [X] épouse [K]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Maître Nicolas SCHAKOWSKOY de la SELARL CHESS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #K0160

DÉFENDERESSE

DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par son Inspecteur

Décision du 27 Juin 2024
9ème chambre 3ème section
N° RG 20/06096 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSK5S

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente
Hadrien BERTAUX, juge

assistés de Chloé DOS SANTOS, Greffière.

DÉBATS

A l’audience du 30 Mai 2024 tenue en audience publique devant Béatrice CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue le 27 Juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

À la suite d'une demande d'entraide judiciaire en matière pénale présentée par les autorités suisses, le Procureur de la République de Nice a fait procéder le 20 janvier 2009 à une perquisition au domicile de Monsieur [I] [W], ancien informaticien salarié de la filiale suisse de l'établissement britannique HSBC PRIVATE BANK SA sise à [Localité 5], au cours de laquelle a été notamment saisi un ordinateur dont le disque dur contenait des données sur les clients de la filiale suisse de la banque HSBC.

Compte tenu de la nature des informations recueillies lors de cette perquisition, de nature à laisser présumer une fraude fiscale, le Procureur de la République en a informé l'administration fiscale le 9 juillet 2009 conformément à l'article L. 101 du livre des procédures fiscales.

La transmission des données informatiques a été constatée par deux procès-verbaux des services de la gendarmerie nationale en date du 2 septembre 2009 et du 12 janvier 2010.

L'exploitation des fichiers ainsi transmis a révélé que Madame [T] [K] née [X] était présumée bénéficiaire de dix comptes ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC, regroupé sous les profils clients « ASTORN SERVICES INVESTMENTS LIMITED » et « MAXTREE LIMITED », par l'intermédiaire de deux structures interposées, ASTORN SERVICES INVESTMENTS LIMITED et MAXTREE LIMITED établies respectivement en Suisse et aux Îles Vierges Britanniques.

L'administration fiscale a déposé plainte pour présomption de fraude fiscale à l'encontre de Mme [T] [K] née [X], le 20 décembre 2012 auprès du Procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement de l'article L. 228 du LPF, compte tenu de l'existence de présomptions caractérisées de fraude fiscale consistant en la souscription de déclarations minorées en matière d'impôt sur le revenu dû au titre des années 2008 et 2011 et en matière d'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre des années 2009 à 2012.

L'administration fiscale a exercé un droit de communication auprès du tribunal de grande instance de Paris le 7 septembre 2017, afin de consulter les pièces de la procédure judiciaire.

Madame [K]était titulaire d'avoirs non déclarés en Suisse et ne les avait pas mentionnés sur ses déclarations ISF.

Ces avoirs ont été intégrés au patrimoine imposable par une proposition de rectification en date du 26 décembre 2017

Les rappels d'ISF et de CEF en résultant ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement le 15 novembre 2018.

Par exploit du 20 novembre 2019, Madame [K] a assigné l'administration fiscale devant le tribunal judicaire afin d'obtenir l'annulation de la décision de rejet précitée et la décharge de ces impositions.

Par conclusions récapitulatives n°9 signifiées le 24 octobre 2023, elle demande au tribunal de:
“- Examiner la question préjudicielle tenant au droit de propriété, préalablement aux questions fiscales de fond ;
- Déclarer non fondée la décision de rejet, émanant de la Direction Nationale des Vérifications de Situations Fiscales du 25 septembre 2019 et prononcer son annulation ;
- Prononcer la décharge de l'imposition litigieuse soit un montant total de 716.902 €uros, au titre des droits rappelés, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses ;
- Condamner la Direction Nationale des Vérifications de Situations Fiscales au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile”.

Par conclusions n°9 signifiées le 19 janvier 2024, l'administration fiscale demande au tribunal de:
“- Confirmer la décision de rejet du 25 septembre 2019 ;
- Confirmer le rappel effectué par l'administration ;
- Débouter Mme [T] [K] de l'ensemble de ses demandes ;
- Rejeter l'existence de questions préjudicielles ;
- Rejeter la demande de Mme [T] [K] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Mme [T] [K], en outre, à tous les dépens de l'instance et dire qu'en toute hypothèse, les frais entraînés par la constitution d'un avocat resteront à sa charge.”

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l'exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2024 avec fixation à l'audience du 30 mai 2024.

L'affaire a été mise en délibéré au 27 juin 2024.

SUR CE,

I. Sur l'existence de questions préjudicielles relatives au droit de propriété

Madame [K] estime que le détournement des fonds ainsi que la dépossession qui en découlerait, constitueraient des éléments permettant l'existence de questions préjudicielles qui doivent être tranchées.

Elle expose que les détournements commis par Monsieur [V] [Y] ont, en effet, entraîné la dépossession, des sociétés MAXTREE LTD et ASTORN SERVICES INVESTMENTS LTD, de leurs avoirs bancaires.
Or, la propriété s'entend du « droit de disposer des choses de la manière la plus absolue » aux termes de l'article 544 du code civil.

En conséquence, les détournements feraient ainsi obstacle à la libre disposition des avoirs.

Cependant, pour qu'une question préjudicielle existe, il est nécessaire que trois conditions soient réunies, à savoir :
- l'incompétence du juge saisi ;
- la difficulté sérieuse de la question posée ;
- la nécessité de résoudre la question préalablement à la solution du litige.

Au cas présent, lesdites conditions ne sont pas réunies, aucune incompétence du juge saisi n'étant soulevée, il n'existe par ailleurs aucune difficulté sérieuse dans la question posée et enfin il n'y a pas de nécessité de résoudre de question au préalable.

En outre, l'instance pénale et l'instance civile ne sont pas liées en ce sens que l'une concerne un détournement perpétré par Monsieur [Y] et l'autre ne peut pas être considéréedirectement comme le préjudice de ce détournement mais doit être considérée comme le non-respect d'une obligation déclarative.

Ainsi, et nonobstant la condamnation de Monsieur [Y] pour abus de confiance commis courant janvier 2009 et jusqu'au 31 décembre 2009 et blanchiment d'abus de confiance commis courant janvier 2008 et jusqu'au 31 décembre 2012, il n'en demeure pas moins que Madame [K] n'avait pas rempli ses obligations déclaratives notamment au titre de l'année 2007, alors même que les détournements n'avaient pas eu lieu et qu'il n'avait pas été justifié de l'origine et des modalités d'acquisition des avoirs en litige.

En conséquence, ce moyen sera rejeté.

II. Sur le non-respect des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales

Madame [K] considère que la procédure d'imposition serait irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, faute pour l'administration fiscale de lui avoir adressé, malgré plusieurs demandes de sa part, les documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire.

L'article L. 76 B du livre des procédures fiscales institue l'obligation pour l'administration de communiquer au contribuable qui en fait la demande, avant la mise en recouvrement, une copie des documents obtenus de tiers et sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition.

Au cas présent, il apparait que cette information a été délivrée à la partie demanderesse dès la proposition de rectification en date du 26 décembre 2017.

L'administration fiscale a mentionné le fait que « l'ensemble des éléments retenus pour établir l'imposition faisant l'objet de la présente proposition de rectification ont fait l'objet d'une consultation auprès de l'autorité judiciaire, mais sans autorisation de prise de photocopies par Mme [U], juge d'instruction. Dès lors, les éléments utiles vous concernant sont retranscrits par la soussignée ».

Le compte-rendu de recours hiérarchique rappelle d'ailleurs à la partie demanderesse que le service vérificateur n'avait pas été autorisé par le juge d'instruction à prendre des copies des documents consultés.

Madame [K] invoque alors le principe "d'égalité des armes" régi par l'article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne.

Selon l'article 51 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, "Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union." Le présent litige ne relève pas de la mise en oeuvre du droit de l'Union.

S'agissant d'un litige portant sur l'ISF, les dispositions de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne ne s'appliquent pas.

En conséquence, ce moyen sera rejeté.

III. Sur l'authenticité du « document de synthèse « BUP »

Madame [K] soutient que le « document de synthèse BUP » « a été confectionné par l'administrationelle-même, à partir des données informatiques dérobées par Monsieur [W], ancien informaticien à la banque HSBC [Localité 5] ».Elle ajoute que l'exactitude des informations dudit document n'est pas établi en raison de l'absence de justificatif. Elle en conclut que le document de synthèse est un document interne à l'administration qui « ne saurait servir de fondement juridique aux rectifications opérées ».

S'agissant de la fiabilité des fichiers transmis, le rapport de la Commission des finances de l'Assemblée nationale du 10 juillet 2013 a conclu à l'absence de manipulation de la liste HSBC par l'administration fiscale française.

Ainsi, les informations issues du « fichier HSBC » régulièrement obtenues par l'administration fiscale dans le cadre de son droit de communication constituent des preuves dont la licéité et l'authenticité ont été reconnues.

Au cas présent, il n'est donc pas établi que l'administration fiscale ait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique.

En conséquence, ce moyen sera rejeté.

IV. Sur le défaut de saisine de la commission départementale de conciliation

Madame [K] rappelle que l'administration fiscale lui a refusé la saisine de la commission départementale de conciliation.

En vertu de l'article L.59 B du livre des procédures fiscales, la commission départementale de conciliation formule un avis en cas d'insuffisance des prix ou d'évaluation ayant servi de base à la perception de l'ISF.

Ainsi la commission départementale de conciliation n'est pas compétente concernant des biens autres que ceux mentionés à l'article 667 du code général des impôts et au cas particuilier la méthode de détermination du montant des avoirs à l'étranger est définie par les dispositions de l'article 151 du code général des impôts et n'entre donc pas dans le champ de compétence de la commission.

En conséquence, ce moyen sera écarté.

V. Sur le bien fondé des impositions

Madame [K] indique qu'elle n'était pas détentrice direct d'un droit réel sur les avoirs bancaires litigieux et que l'ISF n'est assis que sur les biens dont les redevables ont la propriété.

Cependant il résulte des nombreuses pièces du dossier, des dires et déclarations de Madame [K] que la preuve de la titularité des avoirs à l'étranger a été rapportée.

En vertu de l'article 885 E du code général des impots, l'ISF est exigible sur l'intégralité des biens, droits ou valeurs composant le patrimoine du redevable.

L'article 885 E du code général des impots soumet les personnes physiques domiciliées en France à une obligation fiscale illimitée sur tous les biens leur appartenant entrant dans le champ d'application de l'ISF, qu'il soient situés en France ou hors de France. L'interposition d'une société écran ne fait pas obstacle à la qualité d'ayant droit ou de bénéficiaire économique des avoirs.

L'administration fiscale a dû reconstituer le montant des avoirs détenus; le solde apparaissant sur les comptes bancaires au 31 décembre 2006 a servi de référence pour le calcul des revenus générés en 2007. Leur capitalisation a permis de déterminer au 1er janvier 2008 le montant des avoirs étrangers à inscrire à l'actif de leur ISF, les montants des avoirs au 1er janvier 2009 ayant été extrapolé.

Madame [K] invoque le fait que le juge de l'impôt serait lié par l'appréciation qu'ont portée les juges répressifs sur sa qualité de bénéficiaire économique de comptes ouverts à l'étranger.

Cependant il appartient au juge de l'impôt de rechercher lui-même une appréciation sur la qualification des faits au regard de la loi fiscale.

Dans le présent dossier, l'administration fiscale a fondé ses rectifications sur notamment les fiches de synthèses BUP qui n'ont jamais été écartées dans les décisions rendues en matière pénale et ainsi les qualifications ont été faites par l'administration fiscale sur des éléments, certes qui ont été également communiqués dans les dossiers concernant le volet pénal mais qui n'ont pas été écartés par le juge pénal et qui ont permis d'asseoir les redressements en matière fiscale.

En conséquence, ce moyen sera écarté.

VI. Sur la régularité des titres de recouvrement de l'ISF

L'article R 256-1 du livre des procédures fiscales dispose que lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article 57 ou à la notification prévue à l'article 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant des droits, taxes et pénalités ésultant des rectifications.

Au cas présent, les avis de mise en recouvrement précisent la date de la proposition de rectification, la date de réponse aux observations ainsi que la nature et l'année des impositions, soit de l'ISF.

En conséquence, les avis de mise en recouvrement sont réguliers.

VII. Sur la majoration de 80% pour manoeuvres frauduleuses

L'aricle 1729 C du code général de simpôts prévoit que les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impot entrainent l'application d'une majoration de 80% en cas de manoeuvres frauduleuses.

Au cas présent, il apparait que les éléments constitutifs de manoeuvres sont réunis dès lors que l'exploitation des pièces du dossier a établi que Madame [K] a eu la disposition des dix comptes ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC PRIVATE BANK SA et que le procédé mis en place pour les "cacher"démontre l'opacité du système dans le but de restreindre le pouvoir de l'administration fiscale.

En conséquence, l'application des majorations est justifiée.

VIII. Sur les autres demandes

Madame [T] [K] née [X] qui succombe, sera tenue aux dépens. Il suit de cela que sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

DÉBOUTE Madame [T] [K] née [X] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE Madame [T] [K] née [X] aux dépens ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 27 Juin 2024.

LA GREFFIERELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 20/06096
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;20.06096 ?
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