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27/06/2024 | FRANCE | N°18/12909

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/1 nationalité a, 27 juin 2024, 18/12909


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/1 nationalité A

N° RG 18/12909
N° Portalis 352J-W-B7C-COERH

N° PARQUET : 19-812

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Juillet 2018

V.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :





JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024










DEMANDERESSE

Madame [Z] alias [N]
Madame [R]
Madame [D]
Madame [F]
Madame [J] alias [C]
Monsieur [K]
Demeurant : [Adresse 8]
[Localité 6]
INDE

Mons

ieur [E]
Demeurant : [Adresse 2]
[Adresse 11]
[Localité 6]
INDE

Décision du 27 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 18/12909

Monsieur [G]
Demeurant [Adresse 17]
[Adresse 14]
[Adresse 12]
[Loca...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/1 nationalité A

N° RG 18/12909
N° Portalis 352J-W-B7C-COERH

N° PARQUET : 19-812

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Juillet 2018

V.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024

DEMANDERESSE

Madame [Z] alias [N]
Madame [R]
Madame [D]
Madame [F]
Madame [J] alias [C]
Monsieur [K]
Demeurant : [Adresse 8]
[Localité 6]
INDE

Monsieur [E]
Demeurant : [Adresse 2]
[Adresse 11]
[Localité 6]
INDE

Décision du 27 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 18/12909

Monsieur [G]
Demeurant [Adresse 17]
[Adresse 14]
[Adresse 12]
[Localité 10]
INDE

Monsieur [W]
Demeurant [Adresse 3]
[Adresse 16]
[Localité 10]
INDE

Madame [I]
Demeurant : N° [Adresse 1],
[Localité 6]
INDE

en leur qualité d’héritiers et ayants droit de Madame [M] décédée le 27 juillet 2020

représentés par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0599

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 9]
[Localité 4]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Hanane JAAFAR, Greffière

DEBATS

A l’audience du 16 Mai 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Victoria Bouzon, Magistrat rapporteur et par Madame Clothilde Ballot-Desproges, qui ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte au tribunal dans leur délibéré.

Décision du 27 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 18/12909

JUGEMENT

Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Hanane JAAFAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 16 juillet 2018 par [M] au procureur de la République,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées le 17 novembre 2021,

Vu les dernières conclusions de [M] notifiées par la voie électronique le 25 avril 2024,

Vu les conclusions de reprise d'instance et au fond de Mme [Z] alias [N], Mme [R], de Mme [D], de Mme [F], M. [E], M. [G], M. [W], Mme [J] alias [C], Mme [I] et M. [K], en leur qualité d'ayants droit de [M], notifiées par la voie électronique le 25 avril 2024,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 25 avril 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2024,

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la procédure

Le ministère public sollicite du tribunal de « constater que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré ». Il sera donc rappelé qu'une demande de « constat » ne constitue pas une prétention au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civil de sorte que le tribunal ne répondra pas à cette demande, laquelle ne donnera pas lieu à mention au dispositif.

Le tribunal rappelle toutefois qu'aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

Décision du 27 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 18/12909

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 25 janvier 2019. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur la reprise d'instance

Le ministère public sollicite du tribunal de déclarer l'extinction de l'instance en raison du décès de l'intéressée. Il fait valoir, au visa de l'article 29-3 du code code civil, que l'action déclaratoire de nationalité française est une action personnelle non transmissible et qu'ainsi le décès de [M] survenu au cours de la procédure antérieurement à la clôture de l'instruction conduit à l'extinction de l'instance, les demandeurs n'ayant pas qualité à agir en tant qu'ayant droit de l'intéressée.

Or, il est constant que les héritiers du titulaire d'un droit à caractère personnel peuvent, sauf exception légale ou conventionnelle, poursuivre l'instance.

En outre, les demandeurs ayant intérêt à ce qu'il soit déterminé si l'intéressé était ou non de nationalité française, il est d'une bonne administration de la justice que ces derniers puissent reprendre l'action engagée par leur auteur.

Dés lors, les demandeurs seront jugés recevables en leur reprise d'instance.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Les demandeurs font valoir que [M], dite née le 10 janvier 1937 à [Localité 15], Tamil Nadu (Inde anglaise), a acquis la nationalité française en vertu de l'article 18 du décret n°53-161 du 24 février 1953 par l'effet de son mariage, célébré le 12 juin 1956 à [Localité 5], Pondichéry (Inde française) avec un citoyen français, [T], originaire des Établissements français d'Inde et qu'elle a conservé la nationalité française à l'indépendance des Établissements français de l'Inde le 15 août 1962, n'ayant pas été saisie par les dispositions du traité de cessions franco-indien du 28 mai 1956, pour être née en dehors de l'Inde française.

Dans un courrier du 9 novembre 1993, le consulat général de France à [Localité 10] a informé [M] que sa demande de certificat de nationalité française auprès du juge du tribunal d’instance de Paris I était rejetée au motif que son acte de mariage avait été transcrit plus de 37 années après l'événement qu'il constate (pièce n°1 du ministère public).

Le recours gracieux contre cette décision a été rejeté les 11 mai 1994 et 3 février 1995 au motif que l'acte de mariage produit comportait des incohérences avec les autres actes d'état civil produits (pièce n°9 du ministère public).

Le ministère public sollicite du tribunal de dire que [M] n'est pas de nationalité française.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d'invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu'à leurs titulaires, et ce même s'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation.

Conformément à l'article 17-2 du code civil, compte tenu de la date de mariage revendiquée par les demandeurs, l'action relève des dispositions de l'article 37 du code de la nationalité française, dans sa version issue de l'ordonnance 45-2441 du 19 octobre 1945, dans sa version issue de la loi 51-658 du 24 mai 1951, aux termes duquel la femme étrangère qui épouse un Français acquiert la nationalité française au moment de la célébration du mariage.

Il est en outre rappelé que la cession des Établissements français de [Localité 10], [Localité 6], [Localité 7] et [Localité 18] a été réalisée par le Traité du 28 mai 1956 qui est entré en vigueur le 16 août 1962. En vertu de ce Traité, les Français nés hors de ces Établissements et qui s’y trouvaient domiciliés le 16 août 1962 ont conservé de plein droit la nationalité française. Les Français nés sur le territoire des Établissements cédés qui y étaient domiciliés ou qui étaient domiciliés sur le territoire de l’Union Indienne ont perdu la nationalité française, même s’ils avaient renoncé à leur statut personnel, sauf option exercée au plus tard le 16 février 1963. Les Français nés sur le territoire des Établissements et qui le 16 août 1962 étaient domiciliés hors de ces Établissements et de l’Union Indienne sont restés de plein droit français sauf option pour la nationalité indienne. Les options pouvaient être souscrites à partir de 18 ans.

Il appartient ainsi aux demandeurs, [M] n'ayant pas été titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer qu'elle a acquis la nationalité française à raison de son mariage avec un Français originaire de [Localité 10] et de démontrer qu'elle n'a pas été saisie par le traité de cession des Établissements français d'Inde, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Décision du 27 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 18/12909

En adhérant à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers, adhésion entrée en vigueur pour l'Inde le 14 juillet 2005, l’Inde a facilité la délivrance d’actes de l’état civil à l’étranger soumis à la seule exigence d’apostille et non plus à celle de la légalisation. En application de l’article 6 de cette convention, l’Inde a désigné son ministère des affaires étrangères pour délivrer l’apostille sur les documents de l’état civil. En l’espèce, les pièces de l’état civil produites sont valablement revêtues de l’apostille.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, pour justifier de l'acquisition par [M] de la nationalité française à raison de son mariage avec un Français originaire de [Localité 10], les demandeurs produisent une copie, délivrée le 20 décembre 2017, valablement apostillée, de son acte de mariage n°83 de l'année 1956, indiquant que l'intéressée s'est mariée avec [H] alias [T] le 12 juin 1956 à [Localité 13]-[Localité 5] (pièce n°3-1 des demandeurs).

Elle avait produit également lors d'une précédente demande de certificat de nationalité française auprès du consulat de France de [Localité 10] une copie délivrée le 28 septembre 1993, de l'acte de mariage 157/93, dressé suivant jugement supplétif du 30 juin 1993 rendu par le tribunal de Principal District Munsif à [Localité 6], indiquant que le mariage avait été célébré le 11 juin 1956 à [Localité 6] (pièce n°2 du ministère public).

Le ministère public soutient que la preuve du mariage de [M] n'est pas rapportée. Il fait valoir qu'elle a été titulaire de deux actes de mariage, qui ne comportent pas les mêmes mentions, notamment quant à la date et le lieu de célébration, de sorte qu’aucun des actes de mariage ne peut se voir reconnaître de force probante.

Les demandeurs exposent que [M] ignorait que son mariage célébré en 1956 avait fait l'objet d'une transcription sur les registres de [Localité 6] en 1956 et que celle-ci avait alors sollicité un jugement supplétif en 1993 ; que lors de l'action déclaratoire du fils de l'intéressée, M. [E], lequel a été déclaré français par jugement du tribunal de grande instance de Paris le 10 mars 2016, une levée d'acte avait été ordonnée par le tribunal et l'acte de mariage transcrit en 1956 avait pu être authentifié ; que l'acte initial dressé en 1956 comportait des erreurs matérielles qui ont été rectifiées ultérieurement (pièce n°11 des demandeurs).

Les demandeurs versent ainsi aux débats l'ordonnance, rendue par le Principal District Muncif à [Localité 6] le 6 août 2009, rectifiant les noms et âge des époux (pièce n°7-5 des demandeurs).

Or, le jugement rendu le 10 mars 2016, concernant M. [E], ne mentionne aucunement dans ses motifs le jugement supplétif de l'acte de mariage de [M] et [T] rendu le 30 juin 1993, mais se prononce seulement sur l’authenticité de l'acte dressé en 1956, de sorte que les demandeurs ne peuvent utilement invoquer ce jugement pour rapporter la preuve du mariage de [M].

Par ailleurs, comme relevé par le ministère public, [M] était ainsi titulaire de deux actes de mariage pour le même événement, portant des mentions divergentes concernant la date de célébration du mariage, le 11 juin 1956 et le 12 juin 1956, et le lieu de célébration, [Localité 6] et [Localité 13]-[Localité 5].

Les demandeurs n'ont pas formulé d'observation sur les mentions divergentes des actes de mariage de [M].

Or, comme indiqué à juste titre par le ministère public, le seul fait de disposer de plusieurs actes de mariage simultanément pour le même événement constaté, comportant de surcroît des mentions divergentes, ôte tout caractère probant à ces actes. Le mariage de [M] n'est donc pas établi.

Dès lors, les demandeurs échouent à démontrer que [M] a acquis la nationalité française par mariage.

Partant, ils seront déboutés de leur demande tendant à voir dire qu'elle est de nationalite française et dès lors qu'ils ne revendiquent la nationalité française pour cette dernière à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, que celle-ci n'est pas de nationalite française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, les demandeurs, qui succombent, seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ;

Reçoit Mme [Z] alias [N], Mme [R], Mme [D], Mme [F], M. [E], M. [G], M. [W], Mme [J] alias [C], Mme [I] et M. [K], en leur qualité d'ayants droit de [M], en leur reprise d'instance ;

Déboute Mme [Z] alias [N], Mme [R], Mme [D], Mme [F], M. [E], M. [G], M. [W], Mme [J] alias [C], Mme [I] et M. [K], en leur qualité d'ayants droit de [M], de leur demande tendant à voir juger que cette dernière est française ;

Juge que [M], née le 10 janvier 1937 à [Localité 15], Tamil Nadu (Inde anglaise), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne aux dépens Mme [Z] alias [N], Mme [R], de Mme [D], Mme [F], M. [E], M. [G], M. [W], Mme [J] alias [C], Mme [I] et M. [K], en leur qualité d'ayants droit de [M].

Fait et jugé à Paris le 27 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
Hanane JaafarMaryam Mehrabi


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/1 nationalité a
Numéro d'arrêt : 18/12909
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;18.12909 ?
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