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26/06/2024 | FRANCE | N°24/06756

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 3ème section, 26 juin 2024, 24/06756


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Annexe page 15

Le
Expédition exécutoire délivrée à :
- Maître Willemant, #J106




3ème chambre
3ème section


N° RG 24/06756 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C46OS

N° MINUTE :


Assignation du :
25 avril 2024











JUGEMENT
rendu le 26 juin 2024
selon la procédure accélérée au fond
(article 481-1 du code de procédure civile)

DEMANDERESSES

Société GROUPE CANAL+
intervenante volontaire accessoire


[Adresse 6]
[Localité 8]

S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS
[Adresse 6]
[Localité 8]

représentées par Maître Richard WILLEMANT de la SELEURL WILLEMANT LAW, avocat au barreau de PARIS, vestia...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Annexe page 15

Le
Expédition exécutoire délivrée à :
- Maître Willemant, #J106

3ème chambre
3ème section


N° RG 24/06756 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C46OS

N° MINUTE :

Assignation du :
25 avril 2024

JUGEMENT
rendu le 26 juin 2024
selon la procédure accélérée au fond
(article 481-1 du code de procédure civile)

DEMANDERESSES

Société GROUPE CANAL+
intervenante volontaire accessoire
[Adresse 6]
[Localité 8]

S.A.S. SOCIETE D’EDITION DE CANAL PLUS
[Adresse 6]
[Localité 8]

représentées par Maître Richard WILLEMANT de la SELEURL WILLEMANT LAW, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0106

DÉFENDERESSES

S.A.S. VITI
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 10]

défaillante

Décision du 26 juin 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 24/06756 - N° Portalis 352J-W-B7I-C46OS

S.A.R.L. MICROLOGIC SYSTEMS
[Adresse 4]
[Localité 11]

défaillante

S.A.S. CAN’L
[Adresse 5]
[Localité 11]

défaillante

S.A.R.L. TELENET
[Adresse 1]
[Localité 11]

défaillante

S.A.R.L. TAHITI WIFI
[Adresse 14]
[Localité 10]

défaillante

Etablissement public SERVICE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS (WALLIS-ET-FUTUNA)
[Adresse 13]
[Localité 9] (WALLIS-ET-FUTUNA)

défaillant

S.A.S. PACIFIC MOBILE TELECOM
[Adresse 15]
[Localité 10]

défaillante

S.A.S. ONATI
[Adresse 16]
[Adresse 16]
[Localité 10]

défaillante

S.A.S. OFFRATEL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 11]

défaillante

Etablissement public OFFICE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS DE NOUVELLE-CALEDONIE
[Adresse 3],
[Localité 11]

défaillant
Décision du 26 juin 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 24/06756 - N° Portalis 352J-W-B7I-C46OS

S.A.R.L. NAUTILE
[Adresse 2]
[Localité 11]

défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
assisté de Lorine MILLE, greffière,

DEBATS

A l’audience du 06 juin 2024 tenue avec l’accord des parties sans débats, avis à été donné aux avocats que la décision serait rendue le 26 juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La Société d’édition de Canal Plus (ci-après SECP) est une entreprise de communication audiovisuelle exploitant plusieurs chaînes de télévision, accessibles au public français, majoritairement par abonnement payant. Elle est notamment spécialisée dans la diffusion en direct et en différé de programmes sportifs, dont le FIA Formula One World Championship, dit « Formule 1 ». Cet évènement a lieu du 29 février au 08 décembre 2024, la prochaine course ayant lieu le 28 juin 2024.
Les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, sont des opérateurs de télécommunication qui commercialisent notamment des offres de téléphonie et d’accès à internet sur le territoire français, y compris dans les territoires d’Outre-Mer.
Les droits d’exploitation audiovisuelle du championnat de Formule 1sont détenus par la société Formula one world championship limited, organisatrice de l’évènement, laquelle les a cédés à titre exclusif à la SECP, pour la diffusion de toute la saison 2024 du championnat de Formule 1 en direct sur le territoire français métropolitain et Monaco (pièce SECP n°14).

La SECP expose que de nombreux sites internet accessibles depuis la France diffusent de manière quasi-systématique, gratuitement, en streaming et en direct, entre autres les courses de multiples compétitions.

Les sites concernés sont accessibles par les noms de domaine suivants:
futbolenvivo.ru centralareana.live crvsport.ru livetv.lol streameast.buffstream.io sporttuna.sx freestreams-live1se.nu streamonsport.ru 26216.stunserver.net viwlivehdplay.ru bestmlb.buffstream.io 1.dlhd.sx claplivehdplay.ru sporttuna.com sporttuna.site
Dûment autorisées par une ordonnance du 25 avril 2024, la SECP a, par actes d’huissier délivrés les 03, 06 et 07 mai 2024, fait assigner, selon la procédure accélérée au fond, les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, devant le Président du tribunal judiciaire de Paris, siégeant à l’audience du 06 juin 2024 à 09 heures 15, en vue d’obtenir la mise en oeuvre, par ces derniers, en leur qualité de fournisseurs d’accès à internet, des mesures propres à empêcher l’accès par leurs abonnés à ces sites à partir du territoire français d’outre-mer et à faire cesser les atteintes aux droits de leurs membres.

Aux termes de leur assignation signifiée les 03, 06 et 07 mai 2024, la SECP demande au tribunal, au visa des articles L. 216-1, L. 331-27 et L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle et 481-1 du code de procédure civile, de :
- JUGER recevables et bien fondées les demandes de la SECP en vue de prévenir une nouvelle atteinte grave et irrémédiable aux droits voisins dont elle est titulaire sur le championnat du monde de course automobile dénommé « FIA Formula one world championship » ou « Formule 1 » organisé dans le cadre de la Fédération internationale de l’automobile et promu par le Formula one group ;
En conséquence,
- ORDONNER aux sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, de mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès à partir de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna, par tout moyen efficace et notamment par le blocage de noms de domaine et de sous-domaines, aux sites internet identifiés accessibles à partir des noms de domaine ou sous-domaines suivants, et ce pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition « Formule 1 », jusqu’à la date de fin de la saison 2024, actuellement fixée au 08 décembre 2024 :
futbolenvivo.rucentralareana.livecrvsport.rulivetv.lolstreameast.buffstream.iosporttuna.sxfreestreams-live1se.nustreamonsport.ru 26216.stunserver.net viwlivehdplay.rubestmlb.buffstream.io1.dlhd.sxclaplivehdplay.rusporttuna.com sporttuna.site- ORDONNER aux sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti de mettre en oeuvre les mesures précitées au plus tard dans un délai de cinq jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- ORDONNER aux sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti de mettre en œuvre, toutes mesures propres à empêcher l’accès, à partir de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna, par tout moyen efficace et notamment par le blocage de noms de domaine et de sous-domaines, aux sites internet dits « miroirs » à la date du jugement à intervenir, sur la base des données d’identification de ces sites qui leur seront, le cas échéant, notifiées par l’ARCOM, conformément à l’article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle, et ce selon les modalités déterminées par cette autorité ;

- DIRE que les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, devront informer, sans délai, la SECP de la réalisation des mesures ordonnées à l'égard des sites identifiées précités et, le cas échéant, des difficultés qu'elles rencontreraient ;
- DIRE que la SECP devra informer les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti de toute modification de la date de fin de la saison 2024 de la compétition « Formule 1 », à laquelle les mesures ordonnées prendront fin ;
- RAPPELER que, pendant toute la durée des mesures ordonnées, la SECP pourra communiquer à l’ARCOM les données d’identification de tout service de communication au public en ligne qui n’était pas été identifié à la date du jugement à intervenir, diffusant illicitement « Formule 1 », aux fins de mise en œuvre des pouvoirs conférés à l’ARCOM par les articles L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle ;
- DIRE qu’aux fins d’actualisation des mesures ordonnées ou en cas de difficulté dans la mise en œuvre des mesures ordonnées à l’encontre des sites identifiés ou des sites dits « miroirs », la SECP pourra en tout état de cause saisir le Président du Tribunal judiciaire de Paris, sur requête ou en référé ;
- RAPPELER que le jugement à intervenir est de droit exécutoire à titre provisoire ;
- DIRE n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- DIRE que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens.

Les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, régulièrement citées par remise à une personne ayant déclaré être habilitée à le recevoir et par actes d’huissier des 03, 06 et 07 mai 2024, n’ont pas constitué avocat et ne se sont pas présentées à l’audience du 06 juin 2024.

Par des conclusions d’intervention volontaire accessaire signifiées par voie électronique le 04 juin 2024, la société Groupe Canal + demande au tribunal de :
- DECLARER recevable son intervention volontaire accessoire ;
- FAIRE DROIT aux demandes de la SECP ;

A l'issue de l'audience, l’affaire a été mise en délibéré au 26 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

I- Sur la qualité à agir

Aux termes de l’article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, “Le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.”

L’article L. 122-2 du même code précise que “La représentation consiste dans la communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque, et notamment :2° Par télédiffusion.
La télédiffusion s'entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d'images, de documents, de données et de messages de toute nature.” et l’article L.122-3 que “La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte.”

Selon l’article L. 122-4, “Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.”

De la même manière, en application de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, l'autorisation de l’entreprise de communication audiovisuelle est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, le louage ou l'échange, la radiodiffusion ou la télédiffusion, la mise à la disposition du public en ligne ou la communication au public dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée, de ses programmes.

Enfin, il résulte de l’article L. 336-2 du même code qu’”En présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l'image animée.”

Il est ici rappelé qu’aux termes de l’article D. 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire, ce tribunal est compétent pour connaître des demandes en la matière dirigées contre des défendeurs ayant leur siège dans le ressort des cours d’appel de Nouméa, Papeete, Saint-Denis et du tribunal supérieur de Saint-Pierre.
La société Formula one world championship limited détient les droits exclusifs de diffusion audiovisuelle et de retransmission de la Formule 1.
La société Formula one world championship limited atteste avoir cédé à la SECP à titre exclusif les droits de transmission en direct le championnat de Formule 1 saison 2024 (pièce SECP n°14).
En outre, la SECP et la société Groupe Canal +, intervenant volontaire, sont titulaires du droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle prévu à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle sur les programmes diffusés sur les chaînes : Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Canal+ Family, Canal+ Séries et Canal+ Décalé.
En conséquence, la société Groupe Canal + est recevable en son intervention volontaire et la SECP en ses demandes.

II- Sur les atteintes aux droits

La mesure de blocage, que seule l’autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée, préalablement, une atteinte à des droits d’auteur ou à des droits voisins.

Les procès-verbaux des agents assermentés versés aux débats établissent que ces sites permettent l’accès aux programmes de certaines des chaînes du groupe Canal + sans autorisation des titulaires des droits.

LaSECP a fait dresser par huissier de justice plusieurs procès-verbaux de constat qui permettent d’établir que les sites accessibles depuis les adresses litigieuses, diffusent des compétitions ou manifestations sportives, notamment des courses automobiles, sur certaines desquelles la SECP atteste disposer d’un droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle.

C'est ainsi que :
- Les 29 février et 02 mars 2024, le site accessible à l'adresse futbolenvivo.ru$gt;, après redirection automatique vers le nom de domaine streamonsport.ru$gt;, diffusait les essais libres 2 et une course du Grand prix de Bahraïn du championnat Formule 1. Les procès-verbaux de constat dressés par l'ALPA (pièces SECP n°20-1 et 20-2) attestent que les images et le son sont identiques à ceux diffusés au même moment sur les chaînes Canal + Sport et Canal +. Les flux vidéo proviennent de l'adresse 26216.stunserver.net$gt;.
- Les 29 février et 02 mars 2024, le site accessible à l'adresse centralareana.live$gt; diffusait les essais libres 1 et une course du Grand prix de Bahraïn du championnat Formule 1. Les procès-verbaux de constat dressés par l'ALPA (pièces SECP n°22-1 et 22-2) attestent que les images et le son sont identiques à ceux diffusés au même moment sur les chaînes Canal + Sport et Canal +. Les flux videos proviennent de l'adresse viwlivehdplay.ru$gt;.
- Les 29 février et 02 mars 2024, le site accessible à l'adresse crvsport.ru$gt; diffusait les essais libres 1 et une course du Grand prix de Bahraïn du championnat Formule 1. Les procès-verbaux de constat dressés par l'ALPA (pièces SECP n°23-1 et 23-2) attestent que les images et le son sont identiques à ceux diffusés au même moment sur les chaînes Canal + Sport et Canal +. Les flux videos proviennent de l'adresse viwlivehdplay.ru$gt;.
- Les 29 février et 02 mars 2024, le site accessible à l'adresse livetv.lol$gt; diffusait les essais libres 2 et une course du Grand prix de Bahraïn du championnat Formule 1. Les procès-verbaux de constat dressés par l'ALPA (pièces SECP n°24-1 et 24-2) attestent que les images et le son sont identiques à ceux diffusés au même moment sur les chaînes Canal + Sport et Canal +. Les flux videos proviennent de l'adresse viwlivehdplay.ru$gt;.
- Les 29 février et 02 mars 2024, le site accessible à l'adresse streameast.buffstream.io$gt;, après redirection automatique vers le sous nom de domaine bestmlb.buffstream.io$gt;, diffusait les essais libres 1 et une course du Grand prix de Bahraïn du championnat Formule 1. Les procès-verbaux de constat dressés par l'ALPA (pièces SECP n°24-1 et 24-2) attestent que les images et le son sont identiques à ceux diffusés au même moment sur les chaînes Canal + Sport et Canal +. Les flux videos proviennent des adresses 1.dlhd.sx$gt; et claplivehdplay.ru$gt;.
- Les 29 février et 02 mars 2024, le site accessible à l'adresse sporttuna.sx$gt;, après redirection automatique vers sporttuna.com$gt; et sporttuna.site$gt;, diffusait les essais libres 2 et une course du Grand prix de Bahraïn du championnat Formule 1. Les procès-verbaux de constat dressés par l'ALPA (pièces SECP n°24-1 et 24-2) attestent que les images et le son sont identiques à ceux diffusés au même moment sur les chaînes Canal + Sport et Canal +. Les flux videos proviennent de l'adresse claplivehdplay.ru$gt;.
- Les 29 février et 02 mars 2024, le site accessible à l'adresse freestreams-live1se.nu$gt; diffusait les essais libres 1 et une course du Grand prix de Bahraïn du championnat Formule 1. Les procès-verbaux de constat dressés par l'ALPA (pièces SECP n°24-1 et 24-2) attestent que les images et le son sont identiques à ceux diffusés au même moment sur les chaînes Canal + Sport et Canal +. Les flux videos proviennent de l'adresse claplivehdplay.ru$gt;.

Les sites litigieux ont pour objectif principal la diffusion de compétitions sportives, notamment de courses automobiles, sur une partie au moins desquelles la SECP jouit d’un droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle.

Il est, par ailleurs, observé que, bien que les sites énumérés soient majoritairement accessibles en langue anglaise, leur usage est néanmoins aisé pour des utilisateurs francophones.

***
Il est ainsi démontré de manière suffisamment probante que les sites litigieux, permettent aux internautes d’accéder, sans autorisation, à des manifestations et compétitions sportives sur lesquelles la SECP détient un droit voisin des entreprises de communication audiovisuelle, ce qui constitue une atteinte à ses droits.

La SECP est donc fondée à solliciter la prescription de mesures propres à prévenir ou faire cesser la violation de ses droits sur le championnat Formule 1.

III- Sur les mesures sollicitées

L’article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l’article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, aux termes duquel : “Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin”. Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu’elle édicte doivent s’articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite “directive sur le commerce électronique”).

La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans l'arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu' "ainsi qu'il découle des points 62 à 68 de l'arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d'autres droits fondamentaux.
45 Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu'il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d'auteur, d'assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures.
46 Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d'auteur, et celle de la liberté d'entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l'article 16 de la charte.(...)
52 D'autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d'information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d'entraîner le blocage de communications à contenu licite. En effet, il n'est pas contesté que la réponse à la question de la licéité d'une transmission dépende également de l'application d'exceptions légales au droit d'auteur qui varient d'un État membre à l'autre. En outre, certaines œuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l'objet d'une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés."

Dans l’arrêt UPC Telekable Wien du 27 mars 2014 (C-314/12), la Cour de justice a dit pour droit que :
« 48 Pour ce qui est de la liberté d’entreprise, il doit être constaté que l’adoption d’une injonction, telle que celle en cause au principal, restreint cette liberté.
49 En effet, le droit à la liberté d’entreprise comprend notamment le droit, pour toute entreprise, de pouvoir librement disposer, dans les limites de la responsabilité qu’elle encourt pour ses propres actes, des ressources économiques, techniques et financières dont elle dispose.
50 Or, une injonction telle que celle en cause au principal, fait peser sur son destinataire une contrainte qui restreint la libre utilisation des ressources à sa disposition, puisqu’elle l’oblige à prendre des mesures qui sont susceptibles de représenter pour celui-ci un coût important, d’avoir un impact considérable sur l’organisation de ses activités ou de requérir des solutions techniques difficiles et complexes.
51 Cependant, une telle injonction n’apparaît pas porter atteinte à la substance même du droit à la liberté d’entreprise d’un fournisseur d’accès à Internet, tel que celui en cause au principal. »

Il s’en déduit qu’un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d’une part, et la liberté d’entreprise des fournisseurs d’accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d’accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d’autre part.

La recherche de cet équilibre implique d’écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la "substance même du droit à la liberté d'entreprendre" des fournisseurs d’accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en œuvre.

Aussi, conformément aux dispositions de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, il sera enjoint aux sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre, toutes mesures propres à empêcher l'accès aux sites internet litigieux à partir du territoire français par tout moyen efficace de leur choix.

Les mesures de blocage concerneront les noms de domaine mentionnés dans la liste annexée au présent jugement, et permettant l'accès aux sites litigieux, dont le caractère entièrement ou essentiellement illicite a été établi. Compte tenu de leur nécessaire subordination à un nom de domaine, les mesures s'étendront à tous les sous domaines associés à un nom de domaine mentionné dans cette liste.

Par ailleurs, il ressort de l'article L.331-37 du code de la propriété intellectuelle que, "I.-Lorsqu'une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l'accès à un service de communication au public en ligne en application de l'article L. 336-2, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, saisie par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire, peut demander à toute personne visée par cette décision, pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par le juge, d'empêcher l'accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par ladite décision. Pour l'application du présent I, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique communique précisément les données d'identification du service en cause, selon les modalités qu'elle définit.
Dans les mêmes conditions, l'autorité peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne.
Pour faciliter l'exécution des décisions judiciaires mentionnées à l'article L. 336-2, l'autorité adopte des modèles d'accord, qu'elle invite les ayants droit et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d'auteur et droits voisins en ligne à conclure. L'accord détermine notamment les conditions d'information réciproque des parties sur l'existence de tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service visé par la décision. Il engage toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d'auteur et droits voisins en ligne, partie à l'accord, à prendre les mesures prévues par la décision judiciaire.
II.-En cas de difficulté relative à l'application des premier ou deuxième alinéas du I, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux services de se justifier. Sans préjudice d'une telle demande, l'autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l'accès à ces services. Cette saisine s'effectue sans préjudice de la saisine prévue à l'article L. 336-2."

Il sera fait droit aux demandes, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, étant précisé qu’il apparaît proportionné, compte-tenu de l’urgence, et alors que le calendrier de la compétition est connu de longue date, de laisser un délai aux fournisseurs d’accès internet de cinq jours maximum suivant la signification de la présente décision, ce délai prenant en compte leur éloignement géographique, pour mettre en oeuvre la mesure de blocage ordonnée, le délai de cinq jours étant décompté ici conformément aux dispositions des articles 641 et 642 du code de procédure civile.

Le coût des mesures de blocage sera laissé à la charge des fournisseurs d'accès internet.

De tout ce qui précède il résulte que les mesures concernant les sites non encore identifiés dits "miroirs" doivent être demandées à l’ARCOM selon les modalités rappelées ci-dessus et au dispositif de la présente décision, laquelle est exécutoire par provision, tandis que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déclare recevable l’intervention volontaire accessoire de la société Groupe Canal+ ;

Constate l’existence d’atteintes aux droits entreprises de communication audiovisuelle de la Société d'édition de Canal plus ;

Ordonne aux sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, de mettre en oeuvre, au plus tard dans un délai de cinq jours suivants la signification de la présente décision, toutes mesures propres à empêcher, jusqu’à la date de fin de la saison 2024 du FIA Formula One World Championship actuellement fixée au au 08 décembre2024, l’accès aux sites identifiés ci-dessus ainsi qu’aux sites non encore identifiés à la date de la présente décision, à partir de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles Wallis-et-Futuna, et/ou par leurs abonnés à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le blocage de noms de domaine et des sous-domaines associés dont la liste figure dans le tableau annexé à la présente ordonnance au format CSV exploitable et faisant partie de la minute ;

Précise que le délai de cinq jours maximum prévus ci-dessus sera décompté conformément aux dispositions des articles 641 et 642 du code de procédure civile ;

Ordonne à la Société d’édition de canal plus d’informer dans les plus brefs délais les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti de toute modification de la date de la dernière course du FIA Formula One World Championship 2024, à laquelle les mesures ordonnées prendront fin ;

Dit que les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, devront informer la Société d'édition de Canal plus de la réalisation de ces mesures et, le cas échéant, des difficultés qu’elles rencontreraient ;

Dit qu’en cas de difficultés d’exécution dans la mise en place des mesures de blocage ou pour les besoins de l’actualisation des sites visés, la partie la plus diligente pourra saisir la juridiction, en référé ou sur requête ;

Dit que les sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti, pourront, en cas de difficultés notamment liées à des surblocages, en référer au président du tribunal judiciaire statuant en référé, le cas échéant à heure indiquée, afin d’être autorisées à lever la mesure de blocage ;

Dit que la Société d'édition de Canal plus devra indiquer aux fournisseurs d’accès à internet les noms de domaine dont elle aurait appris qu’ils ne sont plus actifs ou dont l’objet a changé afin d’éviter les coûts de blocage inutiles ;

Rappelle que pendant toute la durée des présentes mesures, la Société d'édition de Canal plus pourra communiquer à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique les données d’identification de tout service de communication au public en ligne qui n’a pas encore été identifié à la date de la présente décision, diffusant illicitement les courses du FIA Formula One World Championship 2024, ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de courses du FIA Formula One World Championship 2024, aux fins de mise en œuvre des pouvoirs conférés à cette autorité par l’article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle ;

Rappelle qu'en application de l'article L. 331-27 II du code de la propriété intellectuelle, le Président du tribunal judiciaire statuant en référé ou sur requête peut être saisi pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l'accès à un service de communication en ligne au sens de l'article L. 336-2 du même code ;

Dit que le coût de la mise en œuvre des mesures ordonnées restera à la charge des sociétés Can’l, Micrologic systems, Nautile, Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, Offratel, Onati, Pacific mobile télécom, Service des postes et télécommunications (Wallis-et-Futuna), Tahiti Wifi, Télénet et Viti ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire par provision.

Fait et jugé à Paris le 26 Juin 2024

La greffièreLe président
Lorine Mille Jean-Christophe Gayet

Annexe

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Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 24/06756
Date de la décision : 26/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-26;24.06756 ?
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