TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 24/03990
N° Portalis 352J-W-B7I-C4OKG
N° PARQUET : 22-218
N° MINUTE :
Assignation du :
25 Mars 2024
V.B.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 26 Juin 2024
DEMANDEUR
Monsieur [Z] [X] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Soulèye macodou FALL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #F0001
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 14]
[Localité 2]
Monsieur Arnaud FENEYROU, Vice-Procureur
Décision du 26 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 24/03990
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Hanane Jaafar, Greffière
DEBATS
A l’audience du 15 Mai 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Victoria Bouzon, Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente et par Madame Hanane Jaafar, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,
Vu l'assignation délivrée le 23 février 2022 par M. [Z] [X] [B] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 7 septembre 2022,
Vu les dernières conclusions de M. [Z] [X] [B] notifiées par la voie électronique le 27 novembre 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 30 novembre 2023 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 10 janvier 2024,
Vu le jugement de radiation rendu le 10 janvier 2024,
Vu les conclusions de rétablissement au rôle de M. [Z] [X] [B] notifiées par la voie électronique le 19 mars 2024,
Vu le rétablissement de l'affaire à l'audience de plaidoiries du 15 mai 2024,
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les pièces
Le demandeur a produit dans son dossier de plaidoirie une copie intégrale d'acte de mariage n°96 délivrée le 9 janvier 2024 par la mairie de [Localité 8].
Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
En l'espèce, la copie intégrale de l'acte de mariage n°96 a été délivrée le 9 janvier 2024, postérieurement à l'ordonnance de clôture du 30 novembre 2023.
Dès lors, en application des articles 16 et 802 du code de procédure civile, cette pièce sera jugée irrecevable.
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 24 mai 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l'action en contestation de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française
Le 10 mars 2021, M. [Z] [X] [B], se disant né le 13 août 1983 à [Localité 10] (République démocratique du Congo), a souscrit une déclaration de nationalité française devant la préfecture des Hauts-de-Seine, sur le fondement de l'article 21-2 du code civil à raison de son mariage célébré le 31 juillet 2013 à [Localité 8] (France), avec Mme [Y] [S], née le 10 janvier 1984 à [Localité 5] (République démocratique du Congo) (pièce n°1 du ministère public).
Par décision du 19 octobre 2021, le ministère de l'intérieur a refusé l'enregistrement de cette déclaration au motif que l'intéressé n'avait pas produit une copie de son acte de naissance dûment légalisée (pièce n°1 du demandeur).
M. [Z] [X] [B] conteste ce refus d'enregistrement dans le cadre de la présente instance.
Il expose que rien ne s'oppose à l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite, qu'il dispose d'un état civil fiable et que la légalisation de son acte de naissance est régulière.
Le ministère public s'oppose aux demandes de M. [Z] [X] [B] et demande au tribunal de dire que celui-ci n'est pas de nationalité française. Il fait valoir que le demandeur ne justifie pas d'un état civil fiable et certain.
Sur le fond
Aux termes de l’article 21-2 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 modifiée par la loi n°2011-672 du 16 juin 2011, ici applicable, l’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité.
Le délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.
En outre, le mariage célébré à l’étranger doit avoir fait l’objet d’une transcription préalable sur les registres de l’état civil français. Le conjoint étranger doit également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
En vertu de l’article 26-3 alinéas 3 et 4 du code civil, la décision de refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité française fondée sur l’article 21-2 du même code doit intervenir un an au plus après la date à laquelle a été délivré au déclarant le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la preuve de recevabilité de la déclaration. L'article 26-4 du code civil poursuit qu'à défaut de refus d'enregistrement dans les délais légaux, copie de la déclaration est remise au déclarant revêtue de la mention de l'enregistrement.
Décision du 26 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 24/03990
En l'espèce, le récépissé de la déclaration a été remis au demandeur le 13 juillet 2021. La décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité française en date du 19 octobre 2021, lui a été notifiée le 20 octobre 2021, soit moins d'un an après la remise du récépissé (pièce n°2 du ministère public).
Dès lors, il appartient à M. [Z] [X] [B] de rapporter la preuve, d'une part, d'un état civil fiable et certain, et, d'autre part, de ce que les conditions de la déclaration de nationalité française posées par l'article 21-2 du code civil sont remplies.
Il est en effet rappelé que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.
Il est également rappelé qu'aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est rappelé que les actes établis par une autorité étrangère et destinés à être produits en France doivent, au préalable, selon la coutume internationale et sauf convention contraire, être légalisés pour y produire effet.
En l'absence de convention entre la France et la République démocratique du Congo emportant dispense de la formalité de la légalisation prévue par les dispositions internationales, tout acte ne peut faire foi au sens de ce texte que s'il est légalisé par le consul français en République démocratique du Congo ou à défaut par le consulat de la République démocratique du Congo en France.
La légalisation des actes d'origine étrangère permet d'attester de la véracité d'une signature sur un acte, de la qualité du signataire de l'acte, et de l'identité du sceau ou du timbre apposé sur l'acte.
En l'espèce, pour justifier de son état civil le demandeur produit une copie intégrale de son acte de naissance, délivrée le 6 décembre 2021, mentionnant qu'il est né le 13 août 1983 à [Localité 10], de [Z] [X] [R], de nationalité congolaise, né le 25 mars 1953 à [Localité 9], de profession agent lac, résidant sur l'[Adresse 4] dans le quartier [Adresse 11] de la commune de [Localité 6], ville de [Localité 10] et de [L] [T], de nationalité congolaise, née le 22 janvier 1960 à [Localité 12], de profession S.P, résidant sur l'[Adresse 4] dans le quartier [Adresse 11] de la commune de [Localité 7], Ville de [Localité 10]. L'acte a été dressé suivant jugement supplétif d'acte de naissance sous n° RC 8066/G rendu par le tribunal de paix de Kinshasa/Assossa en date du 23 octobre 2021 (pièce n°2 du demandeur).
Le ministère public conteste l'opposabilité de l'acte de naissance du demandeur en faisant valoir qu'il n'est pas valablement légalisé. Il indique que la légalisation de l'ambassade de la République démocratique du Congo ne porte pas sur la signature de l'officier de l'état civil ayant délivré la copie mais sur la signature du notaire qui a lui-même légalisé la signature de l'officier d'état civil précité.
En réplique, le demandeur indique que la légalisation apposée par le notaire est valable, le décret du 10 novembre 2020 offrant uniquement la possibilité au personnel consulaire de procéder à la légalisation des actes d'état civil ; que ledit décret permet à « l'autorité compétente de cet Etat » de légaliser les actes, qu'en République démocratique du Congo cette autorité est le notaire de sorte que son acte de naissance est valablement légalisé.
La copie de l'acte de naissance du demandeur porte mention d'une légalisation en date du 12 janvier 2022 de l'ambassade de la République démocratique du Congo à [Localité 13] de la signature de [K] [E] [O]. Ce dernier, notaire, a légalisé la signature de [M] [N], officier de l'état civil ayant délivré la copie de l'acte de naissance.
Comme le relève M. [Z] [X] [B], au regard des dates des cachets de légalisation apposés sur l'acte, les dispositions décret n°2020-1370 du 10 novembre 2020, en matière de légalisation des actes publics, entré en vigueur le 1er janvier 2021, sont applicables à l'instance dont la clôture est postérieure, le Conseil d'Etat ayant reporté l'annulation de ce décret au 31 décembre 2022.
En application dudit décret, s'agissant des actes émanant de la République démocratique du Congo, et contrairement à ce qu'indique le demandeur, seule les autorités consulaires françaises en résidence en République démocratique du Congo étaient compétentes pour procéder à une légalisation laquelle doit porter sur la signature de l'officier d'état civil ayant délivré la copie de l'acte. Il en résulte, comme le soutient le ministère public, que la légalisation de la signature de l'officier d'état civil par le notaire puis la légalisation de la signature du notaire par les autorités consulaires est irrégulière.
A défaut de légalisation régulière, cet acte ne fait pas foi au sens de l'article 47 du code civil.
M. [Z] [X] [B], ne justifiant pas d'un état civil fiable et certain, il ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit, de sorte que le débouté de sa demande s'impose de ce seul chef.
A titre surabondant, le tribunal relève avec le ministère public que M. [Z] [X] [B] ne produit pas le jugement supplétif d'acte de naissance n° RC 8066/G rendu par le tribunal de paix de Kinshasa/Assossa en date du 23 octobre 2021 en vertu duquel son acte de naissance a été établi.
Le demandeur n'a pas formulé la moindre explication sur ce point.
Or, il est rappelé qu'un acte de naissance dressé en exécution d'une décision de justice est indissociable de celle-ci. En effet, l'efficacité de ladite décision de justice, même si elle existe de plein droit, reste toujours subordonnée à sa propre régularité internationale. La valeur probante de l'acte de naissance du demandeur est ainsi subordonnée à la régularité internationale du jugement en exécution duquel il a été dressé.
En l'espèce, l'absence de production de la décision mentionnée sur l'acte de naissance de M. [Z] [X] [B] prive le tribunal de la possibilité d'examiner la régularité internationale de cette décision au regard de l'ordre juridique français et d'apprécier si l'acte de naissance de l'intéressé a bien été dressé en respectant le dispositif de ladite décision.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. [Z] [X] [B] sera donc débouté de ses demandes et, dès lors que, comme précédemment relevé, il ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'il n'est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, la mention de la présente décision sera ordonnée en application de cet article.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [Z] [X] [B], qui succombe, sera condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement en premier ressort et contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;
Juge irrecevable la copie de l'acte de mariage n°96 délivrée le 9 janvier 2024 ;
Déboute M. [Z] [X] [B] de la demande d’enregistrement de sa déclaration de nationalité française souscrite le 10 mars 2021, devant la préfecture des Hauts-de-Seine, sous la référence 2021DX011725 ;
Juge que M. [Z] [X] [B], se disant né le 13 août 1983 à [Localité 10] (République démocratique du Congo), n’est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue à l’article 28 du code civil en marge des actes concernés ;
Condamne M. [Z] [X] [B] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 26 Juin 2024
La GreffièreLa Présidente
Hanane JaafarMaryam Mehrabi