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21/06/2024 | FRANCE | N°22/01834

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 21 juin 2024, 22/01834


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me LEBATTEUX SIMON
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me DE PRITTWITZ




8ème chambre
3ème section

N° RG 22/01834
N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

N° MINUTE :

Assignation du :
07 février 2022











JUGEMENT

rendu le 21 juin 2024
DEMANDEURS

Madame [B] [O] veuve [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Monsieur [S] [H]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

Madame [R] [

H]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Monsieur [T] [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentés par Maître Agnès LEBATTEUX SIMON de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, vestiaire ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me LEBATTEUX SIMON
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me DE PRITTWITZ

8ème chambre
3ème section

N° RG 22/01834
N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

N° MINUTE :

Assignation du :
07 février 2022

JUGEMENT

rendu le 21 juin 2024
DEMANDEURS

Madame [B] [O] veuve [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Monsieur [S] [H]
[Adresse 6]
[Adresse 6]

Madame [R] [H]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Monsieur [T] [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4]

représentés par Maître Agnès LEBATTEUX SIMON de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, vestiaire #P0154

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/01834 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], représenté par son syndic bénévole Monsieur [V] [F]
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représenté par Maître Nicolas DE PRITTWITZ de l’AARPI KCP AVOCATS - KARBOWSKI - CASANOVAS VESCHEMBES de PRITTWITZ - AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0847

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Madame Léa GALLIEN, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 30 avril 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

__________________________________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] sont copropriétaires indivis de deux appartements et deux caves dans un immeuble sis [Adresse 5], qui constituent les lots de copropriété n°1, 6, 14 et 15.

Par courrier daté du 12 novembre 2021, le syndic de copropriété bénévole a convoqué les copropriétaires à une assemblée générale extraordinaire le 7 décembre 2021. Lors de cette réunion ont été adoptées 14 décisions, portant notamment sur la « récupération des frais avancés lors de la procédure engagée en 2015 contre la copropriété » (n°3, 4 et 5), et sur la « récupération des frais avancés lors de la procédure engagée en 2015 contre Mme [I] non syndic et relances abusives » (n°2, 6 et 12).

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/01834 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

Par exploit d'huissier signifié le 7 février 2022, Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble devant le tribunal judiciaire de Paris, afin d'obtenir notamment l'annulation de plusieurs décisions prises lors de cette assemblée générale.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 avril 2024, et au visa des articles 10, 10-1, 22, 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, 14 et 17 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, et 1240 et 2224 du code civil, Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] demandent au tribunal de :

- prononcer l’annulation des résolutions n°1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 de l’assemblée générale du 7 décembre 2021 ;
- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice Monsieur [V] [F] au paiement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Madame [U] [E] [O], veuve [H] (INDIVISION), Monsieur [S] [Y] [H] (INDIVISION), Madame [R] [P] [H] (INDIVISION) et Madame [T] [W] [H] (INDIVISION) à la somme de 28.000 euros au titre du préjudice financier ;
- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice Monsieur [V] [F] au paiement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Madame [U] [E] [O], veuve [H] (INDIVISION), Monsieur [S] [Y] [H] (INDIVISION), Madame [R] [P] [H] (INDIVISION) et Madame [T] [W] [H] (INDIVISION) à la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral ;
- débouter le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice Monsieur [V] [F] de ses demandes visant à : DEBOUTER l’indivision [H] de sa demande de dommages et intérêts ; ramener les dommages et intérêts à de plus justes proportions,
- débouter l’indivision [H] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner l’indivision [H] aux entiers frais et dépens de l’instance.
- condamner le syndicat des copropriétaire du [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice Monsieur [V] [F] au paiement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Madame [U] [E] [O], veuve [H] (INDIVISION), Monsieur [S] [Y] [H] (INDIVISION), Madame [R] [P] [H] (INDIVISION) et Madame [T] [W] [H] (INDIVISION) à la somme de 6.665,20 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/01834 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

- dispenser Madame [U] [E] [O], veuve [H] (INDIVISION), Monsieur [S] [Y] [H] (INDIVISION), Madame [R] [P] [H] (INDIVISION) et Madame [T] [W] [H] (INDIVISION) de toute participation aux frais et honoraires de la présente procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires, en application des dispositions de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice Monsieur [V] [F], aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Agnès LEBATTEUX-SIMON par application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 mars 2024 par voie électronique, et au visa des articles 1104 et 1367 du code civil, et des dispositions de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et du décret n°67-223 du 17 mars 1967, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

- donner acte au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice Monsieur [V] [F] de ce qu’il s’en rapporte à justice sur la demande de nullité des résolutions n°1 à n°14 de l’AGE du 7 décembre 2021 ;
- débouter l’indivision [H] de sa demande de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire :
- ramener les dommages et intérêts à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :
- débouter l’indivision [H] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l’indivision [H] aux entiers frais et dépens de l’instance.

* * *

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries (juge rapporteur à la collégialité) du 30 avril 2024, et la clôture de l'instruction a été ordonnée avant l'ouverture des débats. A leur issue, la décision a été mise en délibéré au 21 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur la recevabilité des conclusions en défense

L'article 16 du code de procédure civile dispose notamment que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/01834 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

L'article 781 du même code dispose quant à lui que le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l'instruction de l'affaire, eu égard à la nature, à l'urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l'avis des avocats. Il peut accorder des prorogations de délai. Il peut, après avoir recueilli l'avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état.

Le calendrier comporte le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l'article 450, celle du prononcé de la décision. Les délais fixés dans le calendrier de la mise en état ne peuvent être prorogés qu'en cas de cause grave et dûment justifiée.

*

Les demandeurs sollicitent le rejet des conclusions notifiées en défense le 29 mars 2024, faisant valoir que celles-ci l'auraient été tardivement.

Il est en effet exact que le juge de la mise en état, par un bulletin du 10 mai 2023, avait imparti un calendrier de procédure et indiqué que « toutes écritures notifiées après le 1er février 2024 seront déclarées irrecevables ».

Toutefois, dans la mesure où les demandeurs ont été en mesure de répliquer à deux reprises (les 26 et 29 avril 2024), il apparaît dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'accueillir tant les dernières conclusions en défense que celles des demandeurs, bien que toutes deux aient été notifiées postérieurement au délai imparti par le juge de la mise en état.

2 – Sur la demande en annulation de décisions d'assemblée générale

L'article 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 dispose notamment que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées. Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.

Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.

De jurisprudence constante, l’abus de majorité est défini comme le fait pour la majorité d'utiliser ses voix en assemblée générale de manière à favoriser ses intérêts exclusifs, au détriment de ceux des autres copropriétaires et de l'intérêt général. La preuve d’un tel abus est à la charge de celui qui s'en prévaut.

*

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/01834 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] contestent la validité de l'ensemble des décisions prises par l'assemblée générale des copropriétaires le 7 décembre 2021 (n°1 à 14), faisant principalement valoir que leur adoption constitue un abus de majorité et contrevient en outre aux dispositions d'ordre public de l'article 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965. Ils font en outre valoir, à titre subsidiaire, que les résolutions contestées encourent l'annulation en raison d'une violation des règles applicables en matière de représentation aux assemblées, du défaut d'établissement d'une feuille de présence, et de l'absence d'une mention obligatoire au procès-verbal.

Le syndicat des copropriétaires s'en rapporte à justice quant à l'annulation desdites résolutions.

En premier lieu, il apparaît que la demande formée par Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] est recevable, pour avoir été formée dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal de l'assemblée générale contestée, et alors qu'ils bénéficient de la qualité d'opposant pour avoir voté à l'encontre de toutes les décisions adoptées par le syndicat des copropriétaires.

Sur le fond, l'examen du procès-verbal de l'assemblée générale contestée révèle que les résolutions n°1 à 14 ont pour objet le « recouvrement » de sommes auprès de deux copropriétaires, Mme [I] et Mme [B] [O] (représentant l'indivision). La dernière page de ce procès-verbal comprend à ce titre un récapitulatif des sommes dont seraient redevables ces deux copropriétaires en exécution des décisions précédemment adoptées.

Toutefois, comme le relèvent à juste titre les demandeurs, il résulte des dispositions de l'article 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 que le syndic, ès qualité de représentant du syndicat des copropriétaires, ne peut appeler en paiement que des sommes correspondant aux charges de copropriété et à la cotisation au fonds travaux prévu à l'article 14-2 du même texte, suivant les clés de répartition fixées par le règlement de copropriété et le budget arrêté en assemblée générale.

Sauf à s'arroger les pouvoirs d'une juridiction, un syndicat des copropriétaires ne peut déterminer unilatéralement le montant d'une créance ayant une origine différente, et doit nécessairement agir en justice afin de la faire constater et obtenir un titre exécutoire. En adoptant des résolutions mettant diverses sommes à la charge de plusieurs copropriétaires, le syndicat des copropriétaires a outrepassé ses pouvoirs et ainsi commis un abus de majorité.

Par ailleurs, alors que les dispositions de l'article 22 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 interdisent à peine de nullité aux « ascendants et descendants du syndic » de recevoir mandat pour représenter un copropriétaire ou présider l'assemblée générale, il apparaît cependant que le fils du syndic bénévole a reçu pouvoir pour représenter un copropriétaire et a en outre été élu président de séance.

Pour ces motifs, il conviendra de prononcer l'annulation des décisions n°1 à 14 de l'assemblée générale du 7 décembre 2021.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
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3 – Sur les demandes indemnitaires

L'article 1240 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. La mise en œuvre de la responsabilité civile délictuelle suppose de rapporter la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Il est constant que la responsabilité de la copropriété est engagée de plein droit à raison de l'adoption de décisions irrégulières, le caractère professionnel ou bénévole du syndic étant sans incidence.

*

Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] sollicitent en outre l'indemnisation du préjudice financier et moral qu'ils disent avoir subi en raison d'un refus du syndic de leur communiquer divers documents nécessaires à la vente d'un bien et de l'adoption de décisions entachées de nullité lors de l'assemblée générale du 7 décembre 2021. Ils font principalement valoir que la dette créée à tort envers la copropriété les a privés de la possibilité de vendre leur bien dès 2021, à des conditions plus avantageuses qu'aujourd'hui.

- Sur la responsabilité

Sur la communication de documents nécessaires à la vente, les demandeurs produisent la copie de courriels adressés par leur mandataire au syndic bénévole de l'immeuble les 13 et 18 octobre 2021, afin d'obtenir divers documents relatifs à la copropriété. Le syndicat des copropriétaires reconnaît qu'il n'a pas été satisfait à cette demande, soutenant dans ses conclusions que le syndic n'avait aucune obligation de lui transmettre les documents réclamés.

C'est cependant à tort que le syndicat des copropriétaires se prévaut des dispositions de l'article L. 721-2 du code de la construction et de l'habitation, qui concernent la remise de documents à l'acquéreur en cas de conclusion d'une promesse de vente et ne sont donc pas applicables en l'espèce. Contrairement à ce qu'il soutient, il n'existe aucune obligation légale ou réglementaire pour un copropriétaire vendeur d'informer le syndic que son ou ses lots ont été mis en vente.

Par ailleurs, alors que le syndicat des copropriétaires soulève diverses contestations tenant à la régularité du mandat de vente conclu entre l'indivision [H] et la société CEI, il doit être relevé qu'il n'appartient pas au syndic de se faire juge de la régularité d'un mandat liant un copropriétaire à un tiers. L'existence éventuelle d'irrégularités de forme ne concerne aucunement le syndicat des copropriétaires, mais uniquement le mandataire et le mandant.

Enfin, le syndicat des copropriétaires ne peut valablement invoquer le fait que le mandataire qui s'est présenté au syndic lui était « inconnu ». Il apparaît en effet que Mme [B] [O] figurait en copie des deux courriels adressés par la société CEI les 13 et 18 octobre 2021, ce qui démontre l'existence du lien entre mandant et mandataire. Par conséquent, devant cet état de fait, le syndic aurait dû communiquer les documents sollicités, ou a minima communiquer les documents sollicités à la copropriétaire concernée s'il ne souhaitait pas traiter directement avec son mandataire.
Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
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Le syndicat des copropriétaires engage ainsi sa responsabilité à raison du manquement commis par le syndic à son obligation de transmettre des documents nécessaires à la vente d'un bien immobilier, ainsi qu'à raison de l'adoption de décisions irrégulières lors de l'assemblée générale du 7 décembre 2021.

- Sur les préjudices

Les demandeurs soutiennent avoir subi deux chefs de préjudice distincts : un préjudice financier qui résulterait de l'impossibilité de mettre leur bien en vente depuis 2021, qu'ils évaluent à la somme de 28 000,00 euros ; un préjudice moral qu'ils évaluent à la somme de 20 000,00 euros.

* Sur le préjudice financier, il est établi par les pièces produites aux débats que l'indivision [H] cherchait à vendre son bien depuis le mois de février 2021, date à laquelle un mandat de vente a été conclu avec la société CEI.

Comme le font justement valoir les demandeurs, l'adoption des 14 décisions irrégulières par l'assemblée générale le 7 décembre 2021 a créé à tort une dette au détriment de l'indivision, ce qui la privait de la possibilité de vendre son bien, sauf à s'exposer à une opposition de la part du syndic sur le versement du prix de vente. Les décisions prises en assemblée générale étant exécutoires jusqu'à leur annulation, l'indivision [H] est par conséquent privée de la possibilité de procéder à la vente de son bien jusqu'au prononcé de la présente décision.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir en défense que l'appartement des consorts [H] n'était pas libre de tout occupant avant septembre 2021, et que le mandat de vente a expiré en février 2022. Outre que le mandat a pris fin en février 2023 et non 2022, ce moyen est inopérant dans la mesure où la mise en vente d'un bien immobilier n'est pas conditionnée à la conclusion d'un mandat de vente. De même, la présence d'un locataire est sans incidence, un bien pouvant être vendu libre ou occupé.

Par ailleurs, les demandeurs démontrent par la production d'un extrait de la base de données des notaires de [Localité 7] que les biens situés dans le [Localité 2] ont subi une baisse de valeur moyenne de 6,3% entre le premier trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2023. Ils produisent également une évaluation réalisée le 26 avril 2024 par la société CAB, qui estime la valeur du bien à une somme comprise entre 380 000 et 390 000 euros, et justifient avoir mis leur bien sur le marché en 2021 à un prix de 420 000 euros.

Il est ainsi établi que le marché a connu une tendance baissière et que le bien appartenant aux consorts [H] a subi une diminution de sa valeur vénale – étant rappelé que les montants susmentionnés ne sont que des prix de mise sur le marché et non des prix de vente.

Dans la mesure où le syndicat des copropriétaires a privé les consorts [H] de la possibilité de vendre leur bien jusqu'à l'annulation des décisions irrégulières, il leur a fait perdre une chance réelle et sérieuse de vendre leur bien à des conditions plus avantageuses, qu'il convient d'évaluer à la somme de 10 000,00 euros.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/01834 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDBN

* Sur le préjudice moral, il est constant que les consorts [H] se sont vus réclamer à tort la somme de 50 356,00 euros par la copropriété, à compter du 7 décembre 2021 et jusqu'au prononcé de la présente décision. Il résulte en outre des développements qui précèdent que ceux-ci ont été privés de la possibilité de vendre leur bien immobilier alors qu'ils avaient donné mandat pour ce faire, et qu'ils ont été contraints d'engager une procédure judiciaire afin d'obtenir l'annulation de décisions irrégulières.

La représentante de l'indivision, Mme [B] [O], a nécessairement enduré divers tracas, inquiétudes, contrariétés et pertes de temps liés à cette situation et à la procédure judiciaire. Elle a ainsi subi un préjudice moral que le syndicat des copropriétaires sera condamné à indemniser, à hauteur de la somme de 3 000,00 euros.

En revanche, ses co-indivisaires M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] ne justifient pas avoir subi un préjudice moral, dès lors qu'il apparaît qu'ils ne sont pas en charge de l'administration courante du bien. Ils seront ainsi déboutés de leur demande indemnitaire.

4 - Sur les demandes accessoires

- Sur les frais communs de procédure

L'article 10-1 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose notamment que « le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires. Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige ».

Au regard de l'issue du litige, Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] seront dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure.

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En outre, en vertu de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

Le syndicat des copropriétaires, partie perdant le procès, sera condamné au paiement des entiers dépens de l'instance, avec autorisation donnée aux avocats en ayant fait la demande de recouvrer directement ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Tenu aux dépens, le syndicat des copropriétaires sera condamné à payer à Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] (ensemble) la somme de 3 500,00 euros au titre des frais irrépétibles.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, au regard de la nature des condamnations prononcées et de la particulière ancienneté du litige, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

DIT n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions notifiées le 29 mars 2024 par le syndicat des copropriétaires ;

PRONONCE l'annulation des décisions n°1 à 14 prises par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] le 7 décembre 2021 ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] (ensemble) la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [B] [O] la somme de 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;

RAPPELLE que Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] seront dispensés de toute participation à la dépense commune des frais de procédure ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires au paiement des entiers dépens de l'instance, avec autorisation donnée à Me Agnès Lebatteux-Simon de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires à payer à Mme [B] [O], M. [S] [H], Mme [R] [H] et Mme [T] [H] (ensemble) la somme de 3 500,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Fait et jugé à Paris, le 21 juin 2024.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 22/01834
Date de la décision : 21/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-21;22.01834 ?
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