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21/06/2024 | FRANCE | N°22/00763

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 21 juin 2024, 22/00763


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me HEBER SUFFRIN
et Me RYCHTER




8ème chambre
3ème section

N° RG 22/00763
N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

N° MINUTE :

Assignation du :
2 décembre 2021









JUGEMENT

rendu le 21 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [X] [O]
S.C.I. K&M COM
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentés par Maître Virginie HEBER SUFFRIN de la SELARL HSA ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D130

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DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.S. FONCIA PARIS RIVE DROITE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Claude RYCHTER, a...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me HEBER SUFFRIN
et Me RYCHTER

8ème chambre
3ème section

N° RG 22/00763
N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

N° MINUTE :

Assignation du :
2 décembre 2021

JUGEMENT

rendu le 21 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [X] [O]
S.C.I. K&M COM
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentés par Maître Virginie HEBER SUFFRIN de la SELARL HSA ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1304

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], représenté par son syndic la S.A.S. FONCIA PARIS RIVE DROITE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Claude RYCHTER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0357

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Madame Léa GALLIEN, greffier,

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

DÉBATS

A l’audience du 30 avril 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

____________________________

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [X] [O] est notamment propriétaire d'un studio à l'entresol, d'un appartement au troisième étage et d'un débarras dans un immeuble sis [Adresse 5].), qui constituent respectivement les lots de copropriété n°202, 206 et 207. Le lot n°202 bénéficie d'un droit de jouissance exclusif sur la terrasse située à l'aplomb de la partie arrière du local commercial situé au rez-de-chaussée (lot n°201).

La SCI K&M Com, dont le gérant est M. [X] [O], est quant à elle propriétaire de ce local commercial au rez-de-chaussée et d'une cave au sous-sol du même immeuble, qui constituent les lots n°201 et 209.

A compter de l'année 2009, M. [X] [O] et la SCI K&M Com ont dénoncé la survenance d'infiltrations d'eau dans le local commercial de cette dernière, qu'ils estiment provenir d'un effondrement progressif de la toiture-terrasse de l'immeuble. Par courrier daté du 9 janvier 2010, le gestionnaire de biens de M. [X] [O] et la SCI K&M Com a mis en demeure le syndic de copropriété de prendre toutes mesures propres à faire cesser les désordres dénoncés.

Le syndic a fait intervenir une société de plomberie afin d'examiner la situation. Lors de l'assemblée générale des copropriétaires tenue le 17 mars 2010, a été reconnue l'existence d'infiltrations d'eau au plafond du local commercial appartenant à la SCI K&M Com, qui proviendrait selon le technicien d'un défaut d'étanchéité de la toiture-terrasse arrière du bâtiment.

Par courriers datés des 16 novembre 2011 et 11 janvier 2012, M. [X] [O] et la SCI K&M Com ont à nouveau mis en demeure le syndic de procéder en urgence à des travaux de remise en état. Par courriers datés des 12 mai 2012 et 15 décembre 2012, ces derniers ont indiqué avoir fait procéder à des travaux conservatoires et sollicité le remboursement des sommes avancées.

Lors des assemblées générales tenues les 16 janvier 2014 et 22 février 2017, la copropriété a adopté deux résolutions tendant à étudier les modalités possibles de réfection de la toiture-terrasse de l'immeuble.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

Lors de l'assemblée générale tenue le 10 avril 2018, les copropriétaires ont rejeté une résolution n°15 proposée par M. [X] [O] et la SCI K&M Com, et adopté des résolutions n°17 et suivantes portant sur la réfection du plancher de la toiture-terrasse.

Par exploit d'huissier signifié le 25 juin 2018, M. [X] [O] et la SCI K&M Com ont fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de Paris, afin d'obtenir l'annulation de la décision n°17.2 prise lors de cette assemblée, qui désignait l'entreprise [C] et fils pour réaliser les travaux de réfection et arrêtait un budget de 82 985,95 euros TTC. M. [X] [O] et la SCI K&M Com ont été déboutés de leur demande principale par un jugement du 4 mai 2021.

Lors de l'assemblée générale du 7 janvier 2020, les copropriétaires de l'immeuble ont voté la réalisation de travaux de désamiantage, pour un montant total de 16 571,79 euros.

Par exploit d'huissier signifié le 2 décembre 2021, M. [X] [O] et la SCI K&M Com ont fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Paris, afin d'obtenir indemnisation des préjudices qu'ils estiment avoir subis.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 7 mars 2023, et au visa des articles 9 et 14 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, et 144 du code de procédure civile, M. [X] [O] et la SCI K&M Com demandent au tribunal de :

- condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]) à payer à la SCI K&M COM la somme de 61.049,01 euros à titre d’indemnité pour la perte de jouissance du lot 201 dont elle est propriétaire entre le 23 septembre 2019 et le 28 février 2021,
- condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]) à payer à Monsieur [O] la somme de 7.091,39 euros à titre d’indemnité pour la perte de jouissance du lot 202 dont il est propriétaire entre le 13 septembre 2019 et le 17 décembre 2020 ;
- débouter le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]) de l’ensemble de ses demandes à l’égard de la SCI K&M COM et de Monsieur [O],
- condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]) à payer à la SCI K&M COM la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]) à payer à Monsieur [O] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5]) aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL HSA Associés conformément aux articles 696 et 699 du Code de procédure civile.

*

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 mai 2023 par voie électronique, et au visa des articles 8, 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, D. 137-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, D. 145-34 du code de commerce, L. 1334-12.1 et R. 1334-18 du code de la santé publique et 1242 du code civil, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

- débouter les demandeurs de leurs demandes indemnitaires relatives à leurs lots 201 et 206 ;
- condamner la SCI K & M.COM à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic la somme de 16 571,79 euros au titre de son indemnisation des travaux de retrait de l’amiante dégradée.
- condamner in solidum la SCI K & M COM et [X] [O] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représentée par son syndic, une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens.

* * *

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries (juge rapporteur à la collégialité) du 30 avril 2024, et la clôture de l'instruction a été ordonnée avant l'ouverture des débats. A leur issue, la décision a été mise en délibéré au 21 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur les demandes indemnitaires

L'article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, dans sa rédaction applicable au litige, dispose notamment que « les copropriétaires qui subissent un préjudice par suite de l'exécution des travaux, en raison soit d'une diminution définitive de la valeur de leur lot, soit d'un trouble de jouissance grave, même s'il est temporaire, soit de dégradations, ont droit à une indemnité. Cette indemnité, qui est à la charge de l'ensemble des copropriétaires, est répartie, s'agissant des travaux décidés dans les conditions prévues par les a et b du II de l'article 24, des f, g et o de l'article 25 et par l'article 30, en proportion de la participation de chacun au coût des travaux ».

L'article 14 de cette même loi, dans sa rédaction applicable au litige, dispose notamment que le syndicat des copropriétaires « est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».

Il résulte de ces dispositions un régime de responsabilité objective, propre au syndicat des copropriétaires, qui rend ce dernier responsable de tout dommage causé par un défaut d'entretien d'une partie commune, sans qu'une faute de sa part ne doive être caractérisée. S'il incombe au copropriétaire agissant à l'encontre du syndicat des copropriétaires de démontrer un lien de causalité entre le défaut d'entretien et les préjudices subis, la copropriété ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une faute de celui-ci ou d'un tiers.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

En l'espèce, M. [X] [O] et la SCI K&M Com recherchent la responsabilité de la copropriété sur le fondement des articles précités, faisant valoir qu'ils auraient chacun subi plusieurs chefs de préjudice en raison de travaux de réfection d'une partie commune de l'immeuble.

A – Sur la responsabilité

Invoquant les dispositions de l'article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 précitées, les demandeurs soutiennent avoir subi un préjudice causé par un trouble de jouissance, lequel résulterait de l'exécution de travaux d'intérêt collectif nécessitant un accès à leurs parties privatives.

Il est établi par les pièces produites aux débats et non contesté par les parties que la « toiture-terrasse » située à l'aplomb de la partie arrière du local commercial situé au rez-de-chaussée (lot n°201), sur laquelle le propriétaire du lot n°202 bénéficie d'un droit de jouissance exclusif, présente depuis 2010 a minima un défaut d'étanchéité à l'origine d'infiltrations d'eau dans le lot n°201.

Il est par ailleurs constant que lors de l'assemblée générale tenue le 10 avril 2018, les copropriétaires ont voté la réalisation de travaux de réfection de cette partie commune par l'entreprise [C] et fils pour un montant de 82 985,95 euros TTC, et que le syndic a fait procéder à l'intervention de cette société à partir de la fin de l'année 2019. Il est de même constant que cette intervention a nécessité un accès aux parties privatives de M. [X] [O] et la SCI K&M Com, une remise puis une restitution des clés par le syndic ayant notamment eu lieu devant huissier de justice.

Ces travaux sur une partie commune, qui apparaissent manifestement nécessaires à la conservation de l'immeuble, entrent dans le champ des dispositions de l'article 24 a) de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et permettent ainsi l'application des dispositions de l'article 9 du même texte.

Sur le trouble de jouissance invoqué, il est tout d'abord rappelé que celui-ci doit présenter un caractère de gravité pour faire naître droit à indemnisation.

Le syndicat des copropriétaires conteste l'existence même d'un tel droit à indemnisation, faisant valoir en premier lieu que les travaux de réfection de la toiture-terrasse auraient été rendus nécessaires par la négligence de M. [X] [O] et la SCI K&M Com, tributaires d'une obligation d'entretien de cette partie commune sur laquelle ils bénéficient d'un droit de jouissance privative.

L'article 16-22 du règlement de copropriété prévoit en effet une obligation pour les titulaires de ce droit de maintenir la toiture-terrasse « en parfait état d'entretien. Ils seront personnellement responsables de tous dommages, fissures, fuites etc. provenant de leurs faits directs ou indirects et des aménagements, plantations et installations quelconques qu'ils auraient effectués. Ils supporteront en conséquence tous les frais de remise en état qui s'avéreraient nécessaires ».

Alors que le syndicat des copropriétaires évoque le rôle causal qu'aurait joué l'exercice de l'activité de la locataire de la SCI K&M Com, au regard de la présence d'une cabine de sauna et de douches, aucune pièce versée aux débats ne tend à démontrer que cette activité aurait participé à la dégradation de la toiture-terrasse – le simple constat d'un défaut de ventilation adéquate ne suffisant à rapporter une telle preuve.
Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
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Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires soutient que l'encombrement de la terrasse par divers objets aurait également porté atteinte à la solidité de cette partie commune.

Il est établi que des « meubles et effets divers » ont été entreposés sur la toiture-terrasse par la locataire de la SCI K&M Com. Son gestionnaire de bien a en effet reconnu cette situation lors de l'assemblée générale du 17 mars 2010, et le technicien intervenu sur les lieux le 6 octobre 2011 a indiqué que la toiture était « très encombrée ». Il ne peut cependant être établi, sur la base de ces seules constatations imprécises, de lien de causalité entre l'entreposage de matériel sur la toiture-terrasse et la dégradation du plancher commun.

La copropriété soutient ensuite que cette dégradation aurait été causée par une canalisation privative servant à la vidange d'une douche installée dans les locaux des demandeurs, se fondant sur un compte-rendu de chantier du 14 mai 2020 et un devis du 16 juin 2020 portant sur le « remplacement d'une vidange de douche » après « dépose d'un réseau d'écoulement PVC hors service ».

L'entreprise désignée par la copropriété pour effectuer les travaux de réfection dit en effet avoir « découvert des ouvrages de plomberie communs et privatifs fuyards qui ont été réparés provisoirement et par mesures de précautions par l'entreprise ».

Toutefois, ce simple constat ne suffit aucunement à démontrer que la canalisation fuyarde a affecté le plancher commun et le gros œuvre de la toiture-terrasse, étant au contraire établi par les photographies produites que le raccord n'était pas en contact direct avec les parties dégradées – outre que le technicien a relevé la présence d'ouvrages fuyards communs, dont notamment l'ancienne entrée d'eau pluviale de la toiture-terrasse, qui pourraient eux aussi être à l'origine d'infiltrations de même nature.

Au surplus, les procès-verbaux des assemblées générales des 17 mars 2010 et 30 novembre 2010 révèlent au contraire que l'unanimité des copropriétaires s'était accordée sur le fait, à partir du rapport d'un plombier mandaté par le syndic, que la toiture-terrasse présentait un défaut d'étanchéité et nécessitait réparation.

Il ne peut ainsi être fait grief aux demandeurs d'être à l'origine de la dégradation des parties communes ayant dû être réparées avec accès dans leurs parties privatives.

Enfin, le syndicat des copropriétaires fait également valoir qu'il n'aurait pas été demandé à M. [X] [O] et la SCI K&M Com de mettre leurs lots à la disposition de la copropriété, mais uniquement d'en laisser libre accès à l'architecte et à l'entreprise mandatés aux fins de travaux, conformément aux stipulations du règlement de copropriété.

Toutefois, il résulte des termes mêmes d'un courrier adressé à la SCI K&M Com par le syndic le 16 juillet 2019 que la copropriété a bien demandé à cette dernière de « laisser le total accès de vos locaux à l'entreprise [C] et à l'architecte, Madame [G], pour une durée de trois mois (temps d'exécution des travaux) », à compter du 23 septembre 2019.

Si un accès ponctuel et limité à quelques heures ou jours serait susceptible de ne causer qu'un trouble de jouissance de très faible gravité, il s'infère de la demande formée par le syndic, et notamment de la durée pour laquelle un accès « total » est sollicité, que les locaux par lesquels les travaux devaient être réalisés ne pouvaient plus être occupés selon leur destination (habitation pour le studio à l'entresol ; commerce pour les locaux au rez-de-chaussée).

Les travaux engagés sur les parties communes ayant empêché l'occupation des locaux appartenant à M. [X] [O] et la SCI K&M Com pendant a minima plusieurs mois – la durée réelle des travaux faisant l'objet d'un débat entre les parties -, il apparaît que ceux-ci ont subi un trouble de jouissance d'une gravité suffisante pour engager la responsabilité de la copropriété.

B – Sur les préjudices

Les demandeurs sollicitent chacun l'indemnisation de deux chefs de préjudice : la perte de revenus locatifs qu'ils disent avoir subi en raison de l'exécution des travaux d'intérêt collectif ; ainsi que des frais de travaux (dépose d'équipements et remise en état) que ces travaux auraient rendus nécessaires.

- Sur les préjudices subis par la SCI K&M Com

* Sur la perte de revenus locatifs

La SCI K&M Com, propriétaire du lot n°201 par lequel les travaux d'intérêt collectif ont en partie été réalisés, soutient que ceux-ci ont empêché l'exploitation de son local commercial du 23 septembre 2019 au 1er mars 2021, et donc une perte de revenus locatifs.

Sur la date du début du trouble de jouissance, la demanderesse se réfère au courrier daté du 16 juillet 2019 qui lui a été adressé par le syndic, dans lequel celui-ci lui demande de laisser un « total accès » de ses locaux à l'entreprise chargée des travaux pour le lundi 23 septembre 2019 à 8h30. Les clés du local commercial ont par ailleurs été remises ce jour à un huissier de justice.

S'il apparaît qu'une incompréhension est survenue entre les parties quant à la nature de l'occupation des locaux (simple « accès » quotidien, ou installation permanente sur les lieux de l'entreprise de travaux), il ne peut être fait grief à la SCI K&M Com, au regard de la teneur du courrier qui lui a été adressé, d'avoir considéré qu'il était attendu d'elle qu'elle libère ses locaux pour permettre la réalisation des travaux.

Quant à la date où le trouble de jouissance a pris fin, il est établi par la production d'un procès-verbal de constat d'huissier que les clés du local ont été restituées par le syndic le 26 janvier 2021, à l'achèvement des travaux de réfection de la toiture-terrasse.

La SCI K&M Com soutient que le trouble de jouissance a perduré après l'achèvement des travaux sur les parties communes, au regard de la nécessité de faire réaliser des travaux d'aménagement et d'embellissement dans son bien avant de le restituer à sa locataire.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

L'examen des procès-verbaux de constat établis les 22 et 26 janvier 2021 révèle en effet que les locaux ont été restitués à la SCI K&M Com « à l'état brut », selon l'huissier, et que des aménagements devaient impérativement être réalisés avant la réinstallation de la société locataire. La demanderesse justifie avoir fait réaliser ces travaux par la production d'un procès-verbal daté du 1er mars 2021, les locaux apparaissant avoir été remis à l'état neuf. Son trouble de jouissance a ainsi pris fin à cette date.

En défense, le syndicat des copropriétaires soutient tout d'abord que la SCI K&M Com n'apporte pas la preuve de ne pas avoir perçu de crédits d'impôts équivalents au montant des loyers exigibles durant les périodes dites de « confinement » en 2020 et 2021. Outre que cette preuve négative est impossible à rapporter en l'espèce, il est relevé qu'en toute hypothèse, il n'appartient pas à la victime d'un préjudice de justifier ne pas avoir perçu indemnisation.

Il soutient ensuite que la durée du trouble de jouissance subi a été accrue par la faute des demandeurs, dont la négligence aurait selon lui fait augmenter la durée des travaux. Il fait en premier lieu valoir que la présence de matériaux amiantés dans les parties privatives de la SCI K&M Com aurait contraint la copropriété à engager des travaux de désamiantage.

Il est établi par la production d'un diagnostic du 28 octobre 2019 qu'un « coffrage perdu au plafond » comprenant de l'amiante chrysotile a été identifié, celui-ci étant situé dans un « dégagement » des locaux commerciaux du rez-de-chaussée. Il est de même constant qu'en exécution d'une décision de l'assemblée générale du 7 janvier 2020, il a été procédé au retrait de ces matériaux par une entreprise spécialisée, laquelle a achevé sa mission le 6 mars 2020, et ce aux frais avancés de la copropriété pour un montant total de 16 671,79 euros.

Les parties s'opposent quant à la nature commune ou privative de ces éléments comprenant de l'amiante.

Le règlement de copropriété de l'immeuble, en son article 11, définit comme une partie commune « le gros œuvre des planchers et hourdis de ces planchers, à l'exclusion du revêtement des sols et du lattis et de tout autre matériau sur l'hourdis pour recevoir l'enduit formant plafond »

A l'examen du rapport de détection d'amiante réalisé le 28 octobre 2019 – et notamment de la photographie de ce que le technicien qualifie de « coffrage perdu au plafond » -, ainsi que du compte-rendu de chantier du 9 mars 2020, il apparaît que les matériaux amiantés retirés aux frais du syndicat des copropriétaires sont une « plaque dure » de fibres synthétiques, située dans un interstice du plafond de forme rectangulaire.

Ces éléments, non incorporés au gros œuvre des planchers et hourdis bien qu'intégrés dans le béton, apparaissent avoir été fixés dans un but de comblement de cet interstice, comme le révèle la présence d'un agrégat de matériaux et objets divers mis au jour après la dépose des matériaux amiantés. Contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, ces éléments ne peuvent, malgré leur situation dans le plafond de la partie arrière du local commercial, être considérés comme faisant partie de la « couverture » du bâtiment au sens du règlement de copropriété.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

Les matériaux amiantés dont il a été procédé au retrait constituaient donc des parties privatives de l'immeuble appartenant à la SCI K&M Com, étant rappelé à cet égard qu'elle vient aux droits des précédents propriétaires du lot et qu'il est ainsi indifférent qu'elle soit elle-même à l'origine de ces aménagements ou même qu'elle en connaisse l'existence.

Cependant, il n'est pas rapporté la preuve que la réalisation de ces travaux complémentaires aurait engendré un allongement de la réfection de la toiture-terrasse. L'examen des échanges tenus par courriel en novembre 2019 entre le syndic, le gestionnaire de bien de la SCI K&M Com, l'architecte de la copropriété et l'entreprise chargée des travaux révèle qu'il a uniquement été question de prendre des mesures pour concilier le désamiantage et la reprise des travaux sur la structure, et que les opérations ont été menées de concert.

Au regard des développements qui précèdent, il conviendra de considérer que la SCI K&M Com a subi une perte de revenus locatifs du 23 septembre 2019 au 1er mars 2021.

Sur le quantum de l'indemnisation, la SCI K&M Com produit aux débats les appels de loyer adressés à sa locataire entre le 1er octobre 2019 et le 28 février 2021, en exécution du bail commercial du 19 décembre 2014 fixant un loyer annuel de 17 450,00 euros (indexé sur l'ILC – base 2ème trimestre 2014), et une provision pour charges trimestrielle de 978 euros.

N'ayant pu percevoir les loyers exigibles durant la période comprise entre le 1er octobre 2019 et le 28 février 2021, la SCI K&M Com a ainsi subi une perte de revenus locatifs certaine et équivalent à la somme de 31 616,98 euros.

* Sur les frais de travaux (avant et après les travaux en parties communes)

- Sur les frais de dépose de divers équipements du local commercial avant le début des travaux, la SCI K&M Com produit deux factures établies les 18 octobre 2019 et 20 février 2020, portant respectivement sur la « démolition d'un sauna et la mise en décharge publique du matériel et des aménagements présents dans la boutique », ainsi que sur la « fourniture et pose d'une cloison », pour un montant total de 1 760,00 euros.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut de clauses du bail liant la SCI K&M Com à la société Yong Li, l'une d'entre elles prévoyant une obligation pour le preneur de « déposer à ses frais et sans délai toute installation dont l'enlèvement est nécessaire pour effectuer les réparations éventuelles à la charge de la copropriété ou du bailleur ».

Toutefois, le seul fait pour la copropriété d'invoquer un contrat auquel elle est tierce ne rapporte pas la preuve que le bailleur aurait effectivement imputé ces frais sur le compte de son locataire, la SCI K&M Com justifiant avoir effectivement exposé ces sommes et pouvant librement choisir de ne pas faire application de cette clause.

Les frais de dépose de divers équipements du local commercial, exposés à la demande de l'architecte maître d’œuvre, constituent un chef de préjudice en lien de causalité direct avec les travaux sur parties communes engagés par la copropriété. Celle-ci sera ainsi condamnée à indemnisation à ce titre.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

- Sur les travaux de remise en état effectués après l'achèvement des travaux, la SCI K&M Com justifie avoir fait engager des travaux d'aménagement et d'embellissement de son local commercial pour un montant total de 28 672,03 euros, suivant trois factures datées des 3, 22 et 27 mars 2021.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut également des stipulations du bail conclu entre la SCI K&M Com et sa locataire, ainsi que des dispositions de l'article 605 du code civil, pour soutenir que ces travaux étaient à la charge du preneur et non du bailleur.

Si le bail prévoit en effet que le preneur devra effectuer sans délai « toutes les réparations grosses ou menues sans distinction, l'entretien, les travaux et les mises en conformité (…) y compris les travaux prévus suivant l'article 605 du code civil », ces stipulations usuelles ne révèlent aucunement la volonté des parties de faire supporter au locataire le coût de réfection de l'intégralité des embellissements du local.

Comme le soutient justement le syndicat des copropriétaires, le bailleur est tenu d'une obligation de délivrance conforme envers le preneur, et c'est pourquoi il est bien fondé à réclamer indemnisation au titre des travaux de réfection du local nécessaires à la remise en location du bien.

Alors que le défendeur invoque l'« extrême vétusté » du local commercial de la SCI K&M Com afin de minorer son indemnisation, il est rappelé que le principe de réparation intégrale du préjudice empêche de tenir compte de l'état du bien antérieurement aux désordres. Cependant, il convient d'effectuer le départ entre les travaux constituant une remise en l'état antérieur et ceux constituant une mise aux normes ou une amélioration.

A l'examen des procès-verbaux de constat établis les 22 et 26 janvier 2021, qui démontrent l'état « brut » dans lequel le local commercial a été restitué après travaux, la réalisation d'importants aménagements et embellissements apparaît nécessaire avant la délivrance du bien au locataire. A l'exception des frais relatifs au remplacement de la porte d'entrée du local, dont le lien de causalité avec les travaux menés par la copropriété n'est pas établi, les frais listés dans les factures datées des 3 et 22 mars 2021 correspondent tous à des travaux rendus nécessaires par l'intervention de l'entreprise chargée de la réfection de la toiture-terrasse (peinture, électricité, plomberie et maçonnerie).

Le préjudice subi à ce titre par la SCI K&M Com sera ainsi évalué à la somme totale de 25 768,03 euros, et le syndicat des copropriétaires sera condamné à l'en indemniser.

- Sur les préjudices subis par M. [X] [O]

M. [X] [O], propriétaire du lot n°202 par lequel les travaux d'intérêt collectif ont en partie été réalisés, soutient avoir subi une perte de jouissance totale de son studio à l'entresol du 23 septembre 2019 au 17 décembre 2020.

Il ne peut toutefois être considéré que le syndic aurait demandé à M. [X] [O] de laisser un total accès à son studio dès le 23 septembre 2019, dans la mesure où le courrier du 16 juillet 2019 ne lui était pas adressé. Cette missive est en effet destinée à la seule SCI K&M Com, et les lots concernés sont expressément désignés en en-tête (« Lots : 201, 209 »).
Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 22/00763 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVNCU

Par ailleurs, il est établi que par un courriel du 27 février 2020, le syndic a demandé à M. [X] [O] de pouvoir accéder aux lots n°206 et 207, et ce du 30 mars 2020 au 3 avril 2020 et du 27 avril 2020 au 7 mai 2020. Les clés du bien ont été remises au syndic devant huissier le 28 mai 2020 et restituées le 17 décembre 2020.

Dans la mesure où le syndic n'a pas initialement demandé à M. [X] [O] l'accès à son studio, et qu'il n'a ensuite demandé qu'un accès ponctuel limité à une quinzaine de jours, il apparaît qu'il n'était aucunement nécessaire de procéder au relogement de la locataire du bien. Le demandeur ne peut donc se prévaloir d'un préjudice financier résultant d'une perte de revenus locatifs, et sera ainsi débouté de sa demande à ce titre.

2 – Sur la demande reconventionnelle

L'article 1242 (anc. 1384) du code civil dispose notamment qu' « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

De jurisprudence constante (Cass., ch. réun., 13 févr. 1930, Jeand'heur), « la présomption de responsabilité établie par l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ; il ne suffit pas de prouver qu'il n'a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue ».

Le syndicat des copropriétaires réclame indemnisation au titre des travaux de désamiantage qu'il a engagés au début de l'année 2020, pour un montant total de 16 571,79 euros.

Il a été précédemment jugé que les éléments déposés constituaient des parties privatives appartenant à la SCI K&M Com, et que la copropriété a avancé les fonds nécessaires à l'exécution des travaux.

Par conséquent, dès lors que les parties privatives de la SCI K&M Com sont à l'origine d'un dommage pour la copropriété, sa responsabilité est engagée en qualité de gardien et elle sera tenue à indemnisation.

3 - Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En outre, en vertu de l'article 699 du code de procédure civile, les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

Le syndicat des copropriétaires, partie perdant principalement le procès, sera condamné au paiement des entiers dépens de l'instance.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Les parties étant chacune partiellement bien-fondées en leurs prétentions, il convient de les débouter de leurs demandes indemnitaires au titre des frais irrépétibles.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, au regard de la nature des condamnations prononcées et de la particulière ancienneté du litige, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires à payer à la SCI K&M Com la somme totale de 57 385,01 euros, se décomposant comme suit :

- 31 616,98 euros, au titre d'une perte de revenus locatifs ;
- 25 768,03 euros, au titre de frais de travaux ;

CONDAMNE la SCI K&M Com à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 16 571,79 euros à titre de dommages et intérêts ;

DÉBOUTE M. [X] [O] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires au paiement des entiers dépens de l'instance, avec autorisation donnée à la SELARL HSA Associés de recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles ;

DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Fait et jugé à Paris, le 21 juin 2024.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 22/00763
Date de la décision : 21/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-21;22.00763 ?
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