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21/06/2024 | FRANCE | N°20/08300

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 21 juin 2024, 20/08300


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me CASTAGNET
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me DE COULHAC MAZERIEUX




8ème chambre
3ème section

N° RG 20/08300
N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

N° MINUTE :

Assignation du :
11 août 2020









JUGEMENT

rendu le 21 juin 2024
DEMANDEURS

S.C.I. CASTEL prise en la personne de sa gérante Madame [L] [H]
Madame [L] [H]
Madame [S] [H]
Monsieur [M] [C]
Madame [G] [X]


[Adresse 1]
[Localité 3]

représentés par Maître Armelle DE COULHAC MAZERIEUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0788


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représe...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me CASTAGNET
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me DE COULHAC MAZERIEUX

8ème chambre
3ème section

N° RG 20/08300
N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

N° MINUTE :

Assignation du :
11 août 2020

JUGEMENT

rendu le 21 juin 2024
DEMANDEURS

S.C.I. CASTEL prise en la personne de sa gérante Madame [L] [H]
Madame [L] [H]
Madame [S] [H]
Monsieur [M] [C]
Madame [G] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentés par Maître Armelle DE COULHAC MAZERIEUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0788

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], représenté par son syndic le cabinet CENTENNIAL GESTION
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Luc CASTAGNET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0490

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/08300 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Mme Léa GALLIEN, greffier,

DÉBATS

A l’audience du 30 avril 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

______________________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [H] est propriétaire d'un pavillon sur cour, d'une cave en sous-sol et d'un appartement au deuxième étage de l'immeuble sis [Adresse 1].). Ces biens constituent les lots de copropriété n°5, 15 et 26.

Mme [S] [H] est quant à elle propriétaire d'un appartement au deuxième étage et d'une cave au sous-sol du même immeuble, lesquels constituent les lots n°6 et 14.

La Société civile du Castel est propriétaire d'un appartement au premier étage et d'une cave, constituant les lots n°3 et 23.

M. [M] [C] et Mme [G] [X] sont également propriétaires d'un appartement au premier étage de l'immeuble et d'une cave, constituant les lots n°4 et 24.

Par courrier daté du 6 février 2020, le syndic a convoqué les copropriétaires de l'immeuble à une assemblée générale devant se tenir le 3 mars 2020. L'ordre du jour comprenait notamment trois résolutions (n°17, 18 et 18-1) relatives à une « étude de faisabilité » relative à l'installation d'un ascenseur dans l'immeuble.

Lors de l'assemblée générale tenue le 3 mars 2020, les résolutions n°17, 18 et 18-1 ont chacune été adoptées à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.

Par exploit d'huissier signifié le 11 août 2020, Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] ont fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble devant le tribunal judiciaire de Paris, afin d'obtenir à titre principal l'annulation des décisions n°18 et 18-1.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 9 mai 2023, Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] demandent au tribunal de :

- annuler la résolution 18 de l’Assemblée Générale Ordinaire des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] du 3 mars 2020 ;
- annuler la résolution 18-1 de l’assemblée Générale Ordinaire des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] du 3 mars 2020 ;
- débouter le Syndicat des copropriétaires de l’intégralité de leurs demandes, en tous leurs chefs et moyens ;
- condamner la société CABINET BALZANO à titre personnel à payer à Mme [L] [H], Mme [S] [H], Mme [X] et M. [C] et la SCI DU CASTEL, chacun, la somme de 1.000 euros, à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, soit la somme globale de 4.000 euros ;
- condamner le Syndicat des copropriétaires à payer à Mme [L] [H], Mme [S] [H] et la SCI DU CASTEL la somme globale de 3.000 euros TTC à titre d’indemnité pour frais irrépétibles ;
- condamner le Syndicat des copropriétaires à payer à M. [C] et Mme [X] la somme de 3.000 euros TTC à titre d’indemnité pour frais irrépétibles ;
- condamner le Syndicat des copropriétaires aux entiers dépens ;

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 14 mars 2023 par voie électronique, et au visa des dispositions de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et du décret n°67-223 du 17 mars 1967, ainsi que de l'article 14 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

- débouter Madame [L] [H], Madame [S] [H], Monsieur [M] [C], Madame [G] [X], la société civile DU CASTEL de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- condamner solidairement Madame [L] [H], Madame [S] [H], Monsieur [M] [C], Madame [G] [X], la société civile DU CASTEL aux entiers dépens;
- condamner solidairement Madame [L] [H], Madame [S] [H], Monsieur [M] [C], Madame [G] [X], la société civile DU CASTEL à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 6.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

* * *

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries (juge rapporteur à la collégialité) du 30 avril 2024, et la clôture de l'instruction a été ordonnée avant l'ouverture des débats. A leur issue, la décision a été mise en délibéré au 21 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur les demandes en annulation de décisions d'assemblée générale

L'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée, sans ses annexes. Cette notification est réalisée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale ».

Il est constant que le délai imparti par ces dispositions constitue un délai préfix insusceptible d'interruption ou de suspension, dont la méconnaissance entraîne la forclusion et non la prescription de l'action.

*

Les demandeurs sollicitent à titre principal l'annulation des décisions n°18 et 18-1 adoptées par l'assemblée générale des copropriétaires le 3 mars 2020.

La recevabilité de leur action n'est pas contestée et apparaît établie, dans la mesure où le syndic ne justifie avoir notifié le procès-verbal de ladite assemblée que le 18 juin 2020, et où l'examen de ce document révèle que les résolutions n°18 et 18-1 ont été adoptées malgré l'opposition des cinq copropriétaires demandeurs.

Sur le fond, les demandeurs soulèvent divers moyens pour obtenir l'annulation des décisions contestées : une « absence d'objet » ; la violation des règles de majorité applicables ; un défaut d'inscription d'une question à l'ordre du jour ; un défaut de mise en concurrence du choix du prestataire ; le caractère « ambigu et confus » du projet de résolution soumis au vote des copropriétaires ; un abus de majorité.

La résolution n°18, intitulée « Réalisation de l'étude de faisabilité de création d'un ascenseur », a été adoptée à la majorité des suffrages exprimés (article 24 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965) et est ci-après reproduite : « après avoir délibéré, l'assemblée générale décide de missionner la société Ascaudit concernant l'étude de faisabilité de création d'un ascenseur pour la phase II pour un montant de 2 700,00 euros TTC conformément à son devis n°AIDF2-18-600463-03. Il est à noter que Madame [R] sera exclue de cette phase »

La résolution n°18-1, intitulée « Financement de cette étude », a été adoptée à la majorité des suffrages exprimés (article 24 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965) et est ci-après reproduite : « l'assemblée générale décide de financer cette étude au moyen de l'appel de fonds qui sera exigible le 1er juin 2020, le coût des travaux étant réparti en charges bâtiment conformément au règlement de copropriété ».

- Sur l'objet des décisions

Sur le premier moyen, les demandeurs exposent tout d'abord que ces résolutions encourent l'annulation en raison d'un « défaut d'objet » ou de leur objet « impossible et inexistant », dès lors que la question du choix de la société attributaire de la seconde phase de travaux (« phase II ») aurait d'ores et déjà été soumise au vote des copropriétaires lors de l'assemblée générale du 27 mars 2019.
Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/08300 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

Il est constant que pour être valable, une décision d'assemblée générale doit avoir un objet, c'est-à-dire une existence matérielle et juridique. La notion de décision peut être définie comme l'adoption d'une position définitive par la copropriété, consacrée par un vote en assemblée générale.

En l'espèce, à l'examen des pièces produites aux débats, il apparaît que les copropriétaires ont voté le 28 mars 2018 la réalisation d'une étude de faisabilité d'un ascenseur (« phase I ») par la société Ascaudit, puis la réalisation d'une nouvelle étude aux mêmes fins par la société Acceo le 27 mars 2019. Lors de cette dernière assemblée, le syndicat des copropriétaires a également choisi de confier la « phase II » de l'étude à cette société.

S'il apparaît en effet que la copropriété avait déjà confié la réalisation de la « phase II » de l'étude préparatoire à la société Acceo lorsqu'elle a désigné la société Ascaudit aux mêmes fins le 3 mars 2020, cela n'a cependant aucun effet sur la validité de la décision n°18.

Il doit en effet être relevé qu'alors que les demandeurs invoquent une absence d'objet, ou encore un objet impossible, les résolutions ont au contraire un objet clairement défini, à savoir la réalisation d'une nouvelle « phase II » de l'étude de faisabilité par un second prestataire.

Le fait que les demandeurs considèrent cette décision inopportune car elle ferait « double emploi » n'affecte pas sa régularité, dans la mesure où le syndicat des copropriétaires peut librement revenir sur une précédente décision et procéder comme en l'espèce à la désignation d'un nouveau prestataire, ou même contracter simultanément avec deux sociétés si tel était son souhait.

Les décisions contestées n'étant pas dépourvues d'objet, elles n'encourent pas l'annulation sur ce moyen.

- Sur la violation des règles de majorité

Les articles 10 et 11 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 disposent notamment que « le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges. (...) Sous réserve des dispositions de l'article 12 ci-dessous, la répartition des charges ne peut être modifiée qu'à l'unanimité des copropriétaires ».

Alors que les décisions contestées ont été adoptées à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance (article 24 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965), les demandeurs soutiennent que celles-ci auraient dû l'être à l'unanimité, dès lors que leur adoption est selon eux susceptible de modifier la répartition des charges de copropriété.

A l'examen du texte de la résolution n°18, il apparaît que le syndicat des copropriétaires a entendu dispenser une copropriétaire du paiement des charges afférentes à la réalisation de l'étude de faisabilité confiée à la société Ascaudit (« il est à noter que Madame [R] sera exclue de cette phase »). Contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires, cette mention n'est pas un simple « commentaire » du secrétaire de séance dépourvu d'effet, mais est au contraire partie intégrante de la décision adoptée par les copropriétaires.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/08300 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

Toutefois, si la copropriété a entendu exonérer un copropriétaire du paiement de charges pourtant exigibles en application des clés de répartition fixées par le règlement de copropriété, cette décision n°18 n'a pas pour objet ou pour effet de modifier la répartition des charges au sens de l'article 11 susvisé.

Ces dispositions s'entendent en effet comme d'une modification des clés de répartition des charges fixées au règlement de copropriété, et non d'une « modification » dans les faits qu'engendrerait l'exemption accordée en l'espèce par la copropriété. Le fait de ne pas faire application des clés de répartition prévues, à le supposer établi, peut éventuellement constituer un motif d'annulation mais est sans incidence sur la majorité requise.

La décision n°18 a ainsi valablement été adoptée à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance (article 24 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965).

- Sur l'inscription à l'ordre du jour

Les demandeurs font également valoir que la modification de la répartition des charges engendrée par la décision n°18 aurait dû figurer expressément à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 3 mars 2020, et qu'il en résulte ainsi une violation des dispositions d'ordre public de l'article 13 du décret n°67-223 du 17 mars 1967.

Cependant, il a été précédemment jugé que le fait de ne pas faire application d'une clé de répartition par une « dérogation » au bénéfice d'un copropriétaire ne constitue pas une modification de la répartition des charges au sens de l'article 11 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965. Ce moyen est par conséquent insusceptible d'entraîner l'annulation des résolutions contestées.

- Sur l'obligation de mise en concurrence

L'article 21 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 dispose notamment que « l'assemblée générale des copropriétaires, statuant à la majorité de l'article 25, arrête un montant des marchés et des contrats à partir duquel la consultation du conseil syndical est rendue obligatoire. A la même majorité, elle arrête un montant des marchés et des contrats autres que celui de syndic à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire ».

L'article 19-2 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 dispose que « la mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic, prévue par le deuxième alinéa de l'article 21 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l'assemblée générale n'en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l'établissement d'un devis descriptif soumis à l'évaluation de plusieurs entreprises ».

Les demandeurs soutiennent en outre que le syndicat des copropriétaires n'aurait pas respecté l'obligation de mise en concurrence qui lui incombe en application des dispositions susvisées, et d'une décision prise en assemblée générale le 28 mars 2018 qui fixe à 1 500,00 euros HT le montant des marchés à partir duquel une mise en concurrence est obligatoire.

Il est établi et non contesté que deux devis ont été joints à la convocation à l'assemblée générale du 3 mars 2020. Les demandeurs estiment cependant que ces devis émanant des sociétés Ascaudit et Acceo ne sont pas comparables dès lors qu'ils ne proposent pas des prestations équivalentes.
Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/08300 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

Cela est cependant inexact dans la mesure où les deux devis portent chacun, en tout ou partie, sur une étude de « phase 2 », et où il n'est aucunement exigé que les prestations prévues aux différents devis soient strictement identiques, mais uniquement comparables et/ou de même nature.

Par ailleurs, le fait que les devis produits soient considérés comme difficilement compréhensibles par les demandeurs, ou que le syndic ait jugé nécessaire de réaliser et diffuser un « tableau récapitulatif » des prestations, est sans incidence sur le fait que ce dernier a en l'espèce exécuté l'obligation de mise en concurrence mise à sa charge par la production de deux devis portant sur des prestations comparables.

- Sur la rédaction de la résolution n°18

Les demandeurs contestent la validité de la décision n°18 au motif pris de son « caractère ambigu et confus ».

Il résulte en effet des dispositions de l'article 9 du décret n°67-223 du 17 mars 1967 que l'ordre du jour de l'assemblée générale ne peut être imprécis ou équivoque, et doit être rédigé de manière claire afin que chaque copropriétaire soit pleinement informé et puisse voter en connaissance de cause. A l'examen du procès-verbal de l'assemblée générale, les résolutions contestées sont toutefois libellées de manière claire et non équivoque, si bien que chaque copropriétaire était en mesure de comprendre la portée de son vote.

Si les demandeurs semblent en réalité reprocher à la résolution n°17 de présenter un « caractère ambigu et confus », ils n'en demandent toutefois pas l'annulation.

Par ailleurs, il est relevé que par la décision n°17 prise le 3 mars 2020, l'assemblée générale a expressément annulé la décision n°15-2 prise le 27 mars 2019, ce qui a pour conséquence qu'aucun marché pour la « phase II » de l'étude de faisabilité n'était plus attribué lors de l'adoption de la décision n°18.

Alors que les demandeurs se prévalent des termes d'un courrier adressé par le syndic avec la convocation à l'assemblée générale, il ne peut être tenu compte, quant à la régularité des décisions adoptées, que de l'ordre du jour et du procès-verbal. La décision adoptée par les copropriétaires (n°17) dans les termes de la convocation ne prévoit aucunement que l'annulation de la décision n°15-2 de l'assemblée générale du 27 mars 2019 serait limitée à la seule « phase 2 » de l'étude, celle-ci étant au contraire rédigée de manière « extensive » : « annulation de la décision concernant l'étude de faisabilité » (…), « l'assemblée générale décide de procéder à l'annulation de cette étude de faisabilité ».

Le remboursement d'appels de charges pour un montant total de 3 240,00 euros confirme en outre que l'annulation porte bien sur la « phase 2 » de l'étude de faisabilité.

Il est enfin rappelé que le fait pour le syndicat des copropriétaires de contracter avec deux prestataires ou même davantage pour un marché identique relève de son pouvoir souverain d'administration de l'immeuble, et ne peut constituer en soi un motif d'annulation.

Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/08300 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

- Sur l'abus de majorité

De jurisprudence constante, l’abus de majorité est défini comme le fait pour la majorité d'utiliser ses voix en assemblée générale de manière à favoriser ses intérêts exclusifs, au détriment de ceux des autres copropriétaires et de l'intérêt général. Il doit être distingué de la simple opposition d'intérêts que révèle nécessairement tout système de vote majoritaire.

Il appartient au copropriétaire qui demande l'annulation d’une décision au motif pris d'un abus de majorité de démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable, dans un but autre que la préservation de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires, qu’elle rompt l’égalité entre les copropriétaires, ou encore qu’elle a été prise avec l’intention de nuire ou porter préjudice à certains.

En l'espèce, les demandeurs soutiennent que l'adoption de la décision n°18 constituerait un abus de majorité dans la mesure où la réalisation de la « phase 2 » de l'étude marquerait le passage de l'étude de faisabilité stricto sensu à la « phase préliminaire à la réalisation des travaux ».

Il convient à cet égard de relever que ceci n'est aucunement susceptible de constituer un abus de majorité, car le syndicat des copropriétaires a librement choisi son cocontractant sur la base de devis détaillant précisément les prestations prévues.

Par ailleurs, si la « phase 2 » de l'étude ne peut en effet plus être qualifiée d' « étude de faisabilité » dès lors qu'elle concerne la gestion de l'appel d'offres et l'établissement d'un rapport préalable au démarrage des travaux, sa réalisation n'implique aucunement que la copropriété aurait d'ores et déjà voté le principe de la création d'un ascenseur. Il apparaît au contraire, au regard du faible montant de la prestation choisie, qu'un vote en assemblée générale sera nécessaire pour faire éventuellement procéder à l'installation d'un ascenseur (« phase 3 »), et que les copropriétaires demeurent donc libres de se prononcer in fine en faveur ou à l'encontre du projet.

Les demandeurs soutiennent enfin que le projet d'installation d'un ascenseur serait contraire à l'intérêt collectif de la copropriété, en ce qu'il engendrerait des problématiques de sécurité ainsi que des troubles de jouissance des parties communes et privatives, et viserait uniquement à favoriser les intérêts personnels de copropriétaires-bailleurs souhaitant valoriser leur bien et maximiser leurs revenus locatifs.

Toutefois, aucun abus de majorité ne peut résulter du seul fait d'avoir commandé une étude de faisabilité (« phase 1 ») puis une analyse des offres (« phase 2 »).

Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, il apparaît que les décisions n°18 et 18-1 ont été régulièrement adoptées par l'assemblée générale des copropriétaires le 3 mars 2020. Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] seront ainsi déboutés de leur demande principale.

2 - Sur la demande indemnitaire

Les articles 31 et 32 du code de procédure civile disposent que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.
Décision du 21 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 20/08300 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSVTY

En l'espèce, les demandeurs sollicitent la condamnation du syndic de copropriété, la société Cabinet Balzano, à les indemniser du préjudice moral qu'ils disent avoir subi.

Toutefois, la société Cabinet Balzano n'est pas partie à l'instance et ne dispose donc pas du droit d'agir en défense. Toute demande formée à son encontre est par conséquent irrecevable.

3 - Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X], parties perdant le procès, seront condamnés in solidum au paiement des entiers dépens de l'instance.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Tenus aux dépens, Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] seront condamnés in solidum à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles. Ils seront en conséquence déboutés de leur demande à ce titre.

- Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, au regard de la nature des condamnations prononcées et de la particulière ancienneté du litige, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE irrecevable la demande formée par Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] à l'encontre de la société Cabinet Balzano ;

DÉBOUTE Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] de l'ensemble de leurs demandes ;

CONDAMNE in solidum Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] au paiement des entiers dépens de l'instance ;

CONDAMNE in solidum Mme [L] [H], Mme [S] [H], la Société civile du Castel, M. [M] [C] et Mme [G] [X] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Fait et jugé à Paris, le 21 juin 2024.

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 20/08300
Date de la décision : 21/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-21;20.08300 ?
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