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20/06/2024 | FRANCE | N°24/01722

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 20 juin 2024, 24/01722


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [V] [Z] née [E]


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Philippe DE LA GATINAIS

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 24/01722 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AGC

N° MINUTE :
4






ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 20 juin 2024


DEMANDERESSE
Madame [C] [Y] née [W]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Philippe DE LA GATINAIS de la SELEURL CABINET DLG, avocats au

barreau de PARIS, vestiaire : #C2028

DÉFENDERESSE
Madame [V] [Z] née [E],
demeurant [Adresse 2]
représentée par M. [D] [Z] (fils), muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [V] [Z] née [E]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Philippe DE LA GATINAIS

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 24/01722 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AGC

N° MINUTE :
4

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 20 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [C] [Y] née [W]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Philippe DE LA GATINAIS de la SELEURL CABINET DLG, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C2028

DÉFENDERESSE
Madame [V] [Z] née [E],
demeurant [Adresse 2]
représentée par M. [D] [Z] (fils), muni d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 avril 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 20 juin 2024 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente, assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier

Décision du 20 juin 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 24/01722 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AGC

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 4 mars 1990, M. [X] [Y], aux droits duquel est venue Mme [C] [Y], a consenti un bail d'habitation à Mme [V] [E] sur des locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 3].

Par acte de commissaire de justice du 12 octobre 2023, la bailleresse a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 7278,54 euros au titre de l'arriéré locatif dans un délai de deux mois, en visant une clause résolutoire.

La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Mme [V] [E] le 13 octobre 2023.

Par assignation du 29 janvier 2024, Mme [C] [Y] a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en référé pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l'expulsion de Mme [V] [E] et obtenir sa condamnation au paiement par provision des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération des lieux,
7278,54 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 11 janvier 2024, 4è trimestre 2023 inclus,
727,85 euros au titre de la clause pénale,
3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.

L'assignation a été notifiée au représentant de l'État dans le département le 30 janvier 2024, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.

À l'audience du 4 avril 2024, Mme [C] [Y], représentée par son conseil, maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative s'élève désormais à 6645,98 euros, échéance du 2è trimestre 2024 incluse. Mme [C] [Y] considère enfin qu'il y a bien eu une reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

Mme [V] [E], régulièrement représentée par son fils M. [D] [Z], reconnait le montant de la dette. Elle demande des délais de paiement sur 24 mois et souhaite rester dans les lieux.

La bailleresse n'est pas opposée à l'octroi de délais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire, précisant qu'un règlement de 7000 euros a été effectué le 20 mars 2024.

À l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu'à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIVATION

En application des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge du contentieux de la protection peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Il peut également allouer au créancier une provision, lorsque l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Sur la demande de constat de la résiliation du bail

Sur la recevabilité de la demande

Mme [C] [Y] justifie avoir notifié l'assignation au représentant de l'État dans le département plus de six semaines avant l'audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l'assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Sur la résiliation du bail

Aux termes de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l'espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié à la locataire le 12 octobre 2023. Or, d'après l'historique des versements, la somme de 7278,54 euros n'a pas été réglée par cette dernière dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement.

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 13 décembre 2023.

Cependant, selon l'article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l'espèce, la condition de reprise du paiement intégral du loyer courant avant la date de l'audience est satisfaite.

Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l'audience, que les revenus du foyer de Mme [V] [E] lui permettent raisonnablement d'assumer le paiement d'une somme de 277 euros par mois en plus du loyer courant afin de régler sa dette.

Dans ces conditions, il convient de lui accorder des délais de paiement pour s'acquitter des sommes dues, selon les modalités prévues ci-après, et de faire droit à la demande de Mme [V] [E] de suspension les effets de la clause résolutoire durant le cours de ces délais.

En cas de respect de ces modalités de paiement, la clause résolutoire sera donc réputée n'avoir pas joué, et l'exécution du contrat de bail pourra se poursuivre.

L'attention de la locataire est toutefois attirée sur le fait qu'à défaut de paiement d'une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d'apurement, la clause résolutoire sera acquise, et le bail résilié de plein droit, sans qu'une nouvelle décision de justice ne soit nécessaire : dans ce cas, et pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, la bailleresse pourra faire procéder à son expulsion, et à celle de tout occupant de son chef.

Sur la dette locative

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En l'espèce, Mme [C] [Y] verse aux débats un décompte démontrant qu'à la date du 2 avril 2024, Mme [V] [E] lui devait la somme de 6645,98 euros.

Mme [V] [E] reconnaissant le montant de la dette et n'apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elle sera condamnée à payer cette somme à la bailleresse, à titre de provision.

Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l'exigibilité de cette somme en autorisant Mme [V] [E] à se libérer de cette dette selon les modalités détaillées ci-après.

Sur l'indemnité d'occupation

En cas de maintien dans les lieux de la locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d'occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera provisoirement fixé à celui du loyer et des charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail.

L'indemnité d'occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l'étaient le loyer et les charges, à partir du 13 décembre 2023, et ne cessera d'être due qu'à la libération effective des locaux avec remise des clés à Mme [C] [Y] ou à son mandataire.

Sur la demande au titre de la clause pénale

En application de l'article 4 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version applicable au litige est réputée non écrite toute clause qui autorise le bailleur à percevoir des amendes en cas d'infraction aux clauses d'un contrat de location ou d'un règlement intérieur à l'immeuble.

En l'espèce, le contrat de bail litigieux prévoit une pénalité due par Mme [V] [E] en cas de manquements à l'exécution du contrat de bail.

L'obligation étant sérieusement contestable au sens de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés ne peut en connaître.

La demande de Mme [C] [Y] tendant à obtenir une condamnation par provision sur le fondement de cette clause sera donc rejetée.

Sur les frais du procès et l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée.

Mme [V] [E], qui succombe à la cause, sera condamnée aux dépens de la présente instance, en ce compris le coût du commandement de payer, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 500 euros à la demande de Mme [C] [Y] concernant les frais non compris dans les dépens, en application des dispositions précitées.

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS,

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATONS que la dette locative visée dans le commandement de payer du 12 octobre 2023 n'a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATONS, en conséquence, que le contrat conclu le 4 mars 1990 entre Mme [C] [Y], d'une part, et Mme [V] [E], d'autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 3] est résilié depuis le 13 décembre 2023,

CONDAMNONS Mme [V] [E] à payer à Mme [C] [Y] la somme de 6645,98 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 2 avril 2024,

AUTORISONS Mme [V] [E] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 24 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 277 euros, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

DISONS que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,

SUSPENDONS les effets de la clause résolutoire pendant l'exécution des délais de paiement accordés à Mme [V] [E],

DISONS que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n'avoir jamais été acquise,

DISONS qu'en revanche, pour le cas où une mensualité, qu'elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l'arriéré, resterait impayée quinze jours après l'envoi d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,

-le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 13 décembre 2023,
-le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
-la bailleresse pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, faire procéder à l'expulsion de Mme [V] [E] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique,

-le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,
-Mme [V] [E] sera condamnée à verser à Mme [C] [Y] une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu'à la date de libération effective et définitive des lieux,

DISONS n'y avoir lieu à référé sur la demande de Mme [C] [Y] au titre de la clause pénale,

CONDAMNONS Mme [V] [E] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 12 octobre 2023,

CONDAMNONS Mme [V] [E] à payer à Mme [C] [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 24/01722
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée en référé avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;24.01722 ?
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