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20/06/2024 | FRANCE | N°23/07652

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 20 juin 2024, 23/07652


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Déborah TOUIZER


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Sylvie JOUAN

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/07652 - N° Portalis 352J-W-B7H-C24ZF

N° MINUTE :
2






ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 20 juin 2024


DEMANDERESSE
S.A. [3],
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Sylvie JOUAN de la SCP JOUAN WATELET, avocats au barreau de PARIS, ves

tiaire : #P0226

DÉFENDEUR
Monsieur [E] [R],
demeurant [3] [Adresse 2]
comparant en personne assisté de Me Déborah TOUIZER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1606

CO...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Déborah TOUIZER

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Sylvie JOUAN

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/07652 - N° Portalis 352J-W-B7H-C24ZF

N° MINUTE :
2

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 20 juin 2024

DEMANDERESSE
S.A. [3],
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Sylvie JOUAN de la SCP JOUAN WATELET, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0226

DÉFENDEUR
Monsieur [E] [R],
demeurant [3] [Adresse 2]
comparant en personne assisté de Me Déborah TOUIZER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1606

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 avril 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 20 juin 2024 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente, assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier

Décision du 20 juin 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/07652 - N° Portalis 352J-W-B7H-C24ZF

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat sous seing privé du 17 août 2018, la société [3] a attribué à M. [E] [R] la jouissance privative d'un appartement à usage d'habitation situé au [Adresse 2] moyennant une redevance mensuelle de 385,70 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 octobre 2022 distribuée le 26 octobre 2022, la société [3] a mis en demeure M. [E] [R] de faire cesser l'hébergement de tiers dans un délai de 48 heures et qu'à défaut le contrat sera résilié de plein droit à expiration du délai d'un mois, visant les articles 10 et 9 du contrat.

Par ordonnance sur requête du 17 mai 2023 le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a commis un commissaire de justice afin de vérifier les conditions d'occupation dudit logement.

Le rapport de constat a été établi le 24 juin 2023.

Par acte de commissaire de justice du 14 septembre 2023, la société [3] a fait assigner M. [E] [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :
- constater que M. [E] [R] est devenu occupant sans droit ni titre à la suite de la résiliation de son contrat,
- ordonner l'expulsion de M. [E] [R] et de tous occupants de son chef au besoin avec l'assistance de la force publique,
- condamner M. [E] [R] à payer à titre de provision une indemnité d'occupation à compter de l'expiration du contrat égale au montant de la redevance mensuelle au taux en vigueur dans le foyer jusqu'à la libération des lieux,
- condamner M. [E] [R] au paiement d'une somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'affaire, appelée à l'audience du 5 décembre 2023, a été renvoyée à l'audience du 4 avril 2024.

À l'audience, la société [3], représentée par son conseil, maintient ses demandes. Elle soutient que le dispositif de la résidence sociale relève des exceptions prévues à l'alinéa 2 de l'article 8 de la CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME. Elle s'en rapporte s'agissant de la demande de délai pour libérer les lieux.

A l'audience, M. [E] [R], représenté par son conseil qui a déposé des conclusions soutenues oralement demande :
-A titre principal :
oque le juge se déclare incompétent
ole rejet des demandes de la société [3]
-à titre subsidiaire
ol'octroi du délai d'un an pour libérer les lieux
-que l'exécution provisoire soit écartée.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties visées ci-dessus reprises et soutenues oralement à l'audience pour l'exposé de leurs différents moyens.

La décision été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 20 juin 2024.

MOTIFS

En application des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge du contentieux de la protection peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend, et, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu'il n'y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, le juge n'en étant pas saisi.

Sur le statut juridique applicable au titre d'occupation litigieux, il convient de rappeler que le logement occupé par M. [E] [R] est soumis à la législation des logements-foyers résultant des articles L.633-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Ainsi, il est soumis à une réglementation spécifique qui exclut le droit au maintien dans les lieux de l'occupant et il échappe aux dispositions protectrices de l'article L.632-1 du code de la construction et de l'habitation en vertu de l'article L.632-3 du même code ainsi qu'au titre Ier bis précité de la loi du 6 juillet 1989 en vertu de l'article 25-3 de la loi du 6 juillet 1989.

Sur la demande in limine litis

M. [E] [R] soutient qu'il existe des contestations sérieuses rendant incompétent le juge des référés. Or, il s'agit d'une fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel et non d'une exception d'incompétence d'attribution.
La demande, mal fondée, sera écartée.

Sur la demande de constat de la résiliation du titre d'occupation

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure doit viser expressément la clause résolutoire pour produire effet.

En matière de logement foyer plus précisément, en application de l'article L.633-2 du code de la construction et de l'habitation, le contrat est conclu pour une durée d'un mois et tacitement reconduit à la seule volonté de la personne logée. La résiliation du contrat par le gestionnaire ou le propriétaire ne peut intervenir que dans les cas suivants :
- inexécution par la personne logée d'une obligation lui incombant au titre de son contrat ou d'un manquement grave ou répété au règlement intérieur ;
- cessation totale d'activité de l'établissement ;
- cas où la personne logée cesse de remplir les conditions d'admission dans l'établissement considéré.

Les dispositions de l'article R.633-9 du code de la construction et de l'habitation encadrent par ailleurs le droit pour la personne logée d'héberger pendant une période totale ne pouvant excéder six mois par an, un ou des tiers, selon les caractéristiques des logements et les conditions de sécurité, pour une période maximale de trois mois par an pour une même personne hébergée et prévoient l'obligation de déclarer la présence et l'identité des personnes accueillies ainsi que leurs dates d'arrivée et de départ.

L'article R.633-3 du même code précise que le gestionnaire ou le propriétaire peut résilier le contrat dans l'un des cas prévus à l'article L. 633-2 sous réserve d'un délai de préavis d'un mois en cas d'inexécution par la ou les personnes titulaires du contrat d'une obligation leur incombant au titre de ce contrat ou en cas de manquement grave ou répété au règlement intérieur. La résiliation du contrat est signifiée par huissier de justice ou notifiée par courrier écrit remis contre décharge ou par lettre recommandée avec avis de réception.

L'article 9 du règlement intérieur rappelle les règles du code de l'habitation et de la construction applicables concernant l'hébergement de tiers et limite à une seule personne le nombre de personnes pouvant être hébergée par un même résident, pour une période maximale de trois mois par an, après avertissement préalable obligatoire du responsable de la résidence. Cet article rappelle que tout hébergement exercé en dehors des règles est formellement interdit et précise que le résidant qui consentirait à une sur-occupation des lieux devrait y mettre fin sous 48 h après mise en demeure faite par lettre recommandée avec accusé de réception. L'article 10 de ce même règlement ajoute que "le résidant est tenu d'occuper personnellement le logement mis à sa disposition et de n'en consentir l'occupation à aucune tierce personne, à quelque titre que ce soit, partiellement ou en totalité, à titre onéreux ou à titre gratuit (...)".

En l'espèce, le commissaire de justice a constaté la présence au sein du logement de deux personnes : M. [E] [R] et Mme [U] [G] laquelle a indiqué occuper les lieux depuis septembre 2022. Il a en outre constaté l'affichage du règlement intérieur dans les parties communes.

Ces éléments confirment que M. [E] [R] héberge un tiers dans les lieux sans déclaration au responsable du foyer, ni respect des dispositions de l'article R.633-9 du code de la construction et de l'habitation et du règlement intérieur concernant la durée maximale d'hébergement et le nombre de personnes hébergées, ce qui constitue un trouble manifestement illicite.

L'article 11 du contrat de résidence contient une clause résolutoire rappelant que le gestionnaire peut résilier de plein droit le contrat en cas d'inexécution par le résidant de l'une des obligations lui incombant au regard du contrat ou manquement grave ou répété au règlement intérieur et que la résiliation ne produit effet qu'un mois après la date de notification par lettre recommandée avec accusé de réception.

La société [3] a mis en demeure M. [E] [R] de mettre fin à l'hébergement de tiers dans un délai de 48 heures, lettre recommandée avec avis de réception du 24 octobre 2022 distribuée le 26 octobre 2022, restée sans effet. La résiliation de plein droit du contrat de résidence sera en conséquence constatée à la date du 27 novembre 2022, de ce seul fait.

M. [E] [R] ne peut valablement invoquer l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Il a en effet la possibilité d'accueillir son épouse, dans les conditions posées par les dispositions légales et les stipulations contractuelles. Par ailleurs ces conditions sont justifiées par la nécessité primordiale d'assurer la sécurité des résidents, notamment en cas de sinistre, à laquelle il pourrait être porté atteinte dans l'hypothèse d'une suroccupation des locaux.

M. [E] [R] étant sans droit ni titre depuis le 28 novembre 2022 il convient d'ordonner son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il est par ailleurs redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle, à compter de la date de résiliation du contrat et jusqu'à libération effective et définitive des lieux, égale au montant de la redevance et des charges qui auraient été dues si le contrat de résidence s'était poursuivi.

Sur la demande de délais pour libérer les lieux

Aux termes des articles L412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d'exécution, le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le re-logement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. La durée des délais ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Il est tenu compte de la bonne ou mau-vaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux re-cours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l'espèce, M. [E] [R] qui est occupant sans droit ni titre depuis le 28 novembre 2022 ce qui lui a permis de fait de bénéficier de délais, ne justifie d'aucune recherche de logement ni de sa situation financière et professionnelle. La demande de délai sera en conséquence rejetée.

Aucune circonstance particulière de l'espèce ne justifiant que le délai de deux mois prévu par les dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution soit réduit ou supprimé, il convient d'indiquer que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à cette expulsion, avec le concours de la force publique.

Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l'application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l'exécution et non de la présente juridiction.


Sur les demandes accessoires


M. [E] [R], partie perdante, sera condamné aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de rejeter la demande de la société [3] présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La juge des contentieux de la protection, statuant en référé après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en premier ressort,

Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent, vu l'absence de contestation sérieuse,

ECARTONS l'exception d'incompétence d'attribution ;

CONSTATONS la résiliation du contrat de résidence conclu 17 août 2018 entre la société [3] et M. [E] [R] portant sur le logement situé au [Adresse 2] et ce à compter du 27 novembre 2022 ;

ORDONNONS à M. [E] [R] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,
REJETONS la demande de délai pour libérer les lieux ;
DISONS qu'à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux,

DISONS que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNONS M. [E] [R] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle à titre de provision égale au montant de la redevance qui aurait été due en cas de poursuite du contrat d'occupation, à compter de la date de résiliation du contrat et jusqu'à libération effective des lieux,

CONDAMNONS M. [E] [R] aux dépens,

DEBOUTONS la société [3] de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le GreffierLe Juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/07652
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;23.07652 ?
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