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20/06/2024 | FRANCE | N°22/07626

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 20 juin 2024, 22/07626


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 22/07626 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWZPY

N° PARQUET : 22/629

N° MINUTE :


Assignation du :
16 Juin 2022

V.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :






JUGEMENT
rendu le 20 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [N] [R] [E]
[Adresse 1], USA
[Localité 2]

représentée par Me Haywood WISE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #210



DEFENDERESSE

L

A PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure







Décision du 20/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 22/07626 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWZPY

N° PARQUET : 22/629

N° MINUTE :

Assignation du :
16 Juin 2022

V.B.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 20 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [N] [R] [E]
[Adresse 1], USA
[Localité 2]

représentée par Me Haywood WISE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, avocat plaidant, vestiaire #210

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure

Décision du 20/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 22/07626

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Hanane Jaafar, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 02 Mai 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile par Madame Victoria Bouzon, magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Jaafar Hanane, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions de Mme [N] [E] constituées par l'assignation délivrée le 16 juin 2022 au procureur de la République, et le bordereau de communication de pièces délivré le 20 avril 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 7 juin 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 22 mars 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 2 mai 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 9 avril 2024. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [N] [E], se disant née le 1er octobre 1931 à [Localité 2] fait valoir qu'elle est française par double droit du sol comme fille légitime née en [P] d'un père qui y est lui-même né, et que ni son mariage célébré le 5 juin 1954 à [Localité 5], avec M. [B] [Z], citoyen américain ni l'acquisition de la nationalité américaine le 2 mai 1960 ne lui ont fait perdre la nationalité française.

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.

Conformément aux dispositions de l'article 17-1 du code civil, précité, au regard de sa date de naissance, la situation de Mme [N] [E], née le 1er octobre 1931, est régie par l'article 23 du code de la nationalité française dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945 selon lequel est français l'enfant légitime né en [P] d'un père qui y est lui-même né ou l'enfant naturel né en [P] lorsque celui de ses parents à l'égard duquel la filiation a d'abord été établie, est lui-même né en [P].

Il appartient dès lors à Mme [N] [E], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, sa naissance en [P] et, d'autre part, la naissance d'un de ses deux parents en [P] et l'existence d'un lien de filiation légalement établi à l’égard de celui-ci au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Décision du 20/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 22/07626

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, Mme [N] [E] produit en pièce n°2 une copie délivrée le 3 mars 2022, de son acte de naissance indiquant qu'elle est née le 1er octobre 1931 à [Localité 2], de [I] [M] [F] [E], ingénieur, né à [Localité 7] le 30 octobre 1900 et de [U] [J] [Y], sans profession, née à [Localité 3] (Algérie) le 7 octobre 1901.

L'acte de mariage de [I] [E] et de [U] [Y] mentionne que ces derniers se sont mariés le 4 février 1925 à [Localité 2], avant la naissance de la demanderesse (pièce n°3 de la demanderesse).

Mme [N] [E] justifie ainsi de son état civil et de sa filiation légitime à l'égard de [I] [E].

Elle justifie également de l'état civil et de la naissance en [P] de [I] [E] par la production de la copie intégrale de l'acte de naissance de ce dernier, dont il ressort qu'il est né le 3 octobre 1900 à [Localité 7] (pièce n°8 de la demanderesse).

Dès lors, en application de l'article 23 1° du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, Mme [N] [E], enfant légitime née en [P] d'un père qui y est lui-même né, est donc française par naissance.

En outre, Mme [N] [E] soutient que son mariage célébré le 6 juin 1954 avec un citoyen américain n'a pas eu d'incidence sur sa nationalité française.

Le ministère public ne conteste pas que Mme [N] [E] a conservé la nationalité française après son mariage avec un citoyen américain.

En application de l'article 17-2 du code civil, la situation de Mme [N] [E] sur la perte ou la conservation de la nationalité française suite à son mariage en 1954 est régie par les dispositions du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°45-2441 du 19 octobre 1945.

L'article 94 de ce code précise que la femme française qui épouse un étranger conserve la nationalité française, à moins qu'elle ne le déclare expressément avant la célébration du mariage, dans les conditions et les formes prévues aux articles 101 et suivants, par la souscription d'une déclaration devant le juge d'instance ou le consul, qu'elle répudie la nationalité française.

En l'espèce, il n'est pas contesté par le ministère public que Mme [N] [E] n'a pas fait de déclaration en vue de répudier la nationalité française avant la célébration de son mariage. Celle-ci a dès lors conservé la nationalité nationalité après son mariage avec un citoyen américain.

Le tribunal rappelle toutefois que les dispositions de l'article 94 du code de la nationalité française n'excluent pas celles de l'article 87 du même code selon lesquelles « perd la nationalité française le Français majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ».

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [N] [E] a acquis volontairement la nationalité américaine le 2 mai 1960 par décision du tribunal d’instance des Etats-Unis, du district ouest de l'Etat de l'[Localité 4], de sorte qu'elle a perdu la nationalité française (pièce n°7 de la demanderesse).

Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, a jugé que les dispositions de l'article 87 du code de la nationalité et de l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 instituent entre les femmes et les hommes une différence de traitement sans rapport avec l'objectif poursuivi et qui ne peut être regardée comme justifiée. Il a donc jugé contraires à la Constitution les mots « du sexe masculin » figurant à l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 9 avril 1954, laquelle était applicable du 1er juin 1951 jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 73-42 du 9 janvier 1973, qui a abrogé ces dispositions. Le Conseil précise néanmoins que seules les femmes qui ont perdu la nationalité française par l'application de ces dispositions entre le 1er juin 1951 et l'entrée en vigueur de la loi du 9 janvier 1973 peuvent invoquer cette déclaration d’inconstitutionnalité.

En l'espèce, Mme [N] [E], qui a perdu la nationalité française le 2 mai 1960 en application des dispositions de l'article 87 du code de la nationalité française, est fondée à invoquer la décision d'inconstitutionnalité précitée.

En conséquence, elle est réputée n'avoir jamais perdu la nationalité française. Il sera donc jugé qu'elle est française sur le fondement de l'article 23 du code de la nationalité française dans sa version issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, l’instance judiciaire ayant été nécessaire à l’établissement des droits de la demanderesse, chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [N] [E] conservant la charge de ses propres dépens, sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Juge que Mme [N] [R] [E], née le 1er octobre 1931 à [Localité 2], est de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Rejette la demande de Mme [N] [R] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Fait et jugé à Paris le 20 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
H. JAAFAR A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 22/07626
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;22.07626 ?
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