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20/06/2024 | FRANCE | N°22/05919

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 5ème chambre 2ème section, 20 juin 2024, 22/05919


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions exécutoires
Me Géraldine LABORIE
Me Ali SAIDJI
+1copie dossier
délivrées le:




5ème chambre 2ème section
N° RG 22/05919
N° Portalis 352J-W-B7G-CW5XA


Assignation du :
13 Mai 2022

N° MINUTE :






JUGEMENT
rendu le 20 Juin 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. EIREAN
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Me Géraldine LABORIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J107

DÉFENDERESSES

L

a Compagnie AMALINE ASSURANCES

La CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES, [Localité 4] VAL DE LOIRE (ci-après « GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE ») Société d’Assurance Mutu...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions exécutoires
Me Géraldine LABORIE
Me Ali SAIDJI
+1copie dossier
délivrées le:

5ème chambre 2ème section
N° RG 22/05919
N° Portalis 352J-W-B7G-CW5XA

Assignation du :
13 Mai 2022

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le 20 Juin 2024
DEMANDERESSE

S.C.I. EIREAN
[Adresse 5]
[Localité 3]

représentée par Me Géraldine LABORIE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J107

DÉFENDERESSES

La Compagnie AMALINE ASSURANCES

La CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES, [Localité 4] VAL DE LOIRE (ci-après « GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE ») Société d’Assurance Mutuelle immatriculée auprès du Registre de Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le n° SIREN 382 285 260, constituée sous la forme de syndicat professionnel, entreprise régie par le Code des Assurances et par l’article L 771-1 du Code Rural, soumise à l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution située [Adresse 2], dont le siège social est sis [Adresse 1], domiciliée pour les présentes [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, venant aux droits et obligations de la SA AMALINE ASSURANCES en vertu de la décision de l’ACPR du 19 décembre 2019 n°2019-C-76 publiée le 27 décembre 2019
Intervenante volontaire

venant aux droits et obligations de la SA AMALINE ASSURANCES
Décision du 20 Juin 2024
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/05919 - N° Portalis 352J-W-B7G-CW5XA

représentées par Maître Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #J076, Me Emeric DESNOIX, avocat au barreau de TOURS, avocat plaidant, vestiaire #62

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Antoine de de MAUPEOU, Premier Vice-Président adjoint
Antoinette LE GALL, Vice-Présidente
Christine BOILLOT, Vice-Présidente

assistés de Catherine BOURGEOIS, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 23 Avril 2024 tenue en audience publique devant Antoine de MAUPEOU, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

*********

La SCI EIREAN, dont Madame [N] [P] est gérante, est propriétaire d'une maison située [Adresse 5] à [Localité 3] (41) qu'elle a assurée auprès de la société AMALINE représentée par la société AMAGUIZE.COM suivant contrat AH13003085 à effet du 11 février 2013.

Le 3 avril 2018, un incendie a détruit la maison.

La SCI EIREAN a déclaré le sinistre auprès de son assureur et il a été convenu, après expertise, qu'elle reçoive :

303 922,82 euros d'indemnité immédiate
117 994,51 euros d'indemnité différée sur justification du montant des travaux réalisés en vue de la restauration de la maison.

Ayant reçu l'indemnité immédiate, la SCI EIREAN a, par courrier électronique du 26 septembre 2019, envoyé à la société AMAGUIZE.COM une facture numéro 19314 d'un montant total de 341 560,16 euros censée correspondre aux travaux de restauration réalisés.

Par lettre du 14 janvier 2020, la société AMAGUIZE.COM lui a signifié un refus de garantie au motif que la facture envoyée correspondait à des travaux non effectués en totalité, invoquant l'article 10.2 des conditions générales du contrat d'assurance selon lequel, en cas de fausses déclarations sur les circonstances du sinistre ou d'exagération frauduleuse du préjudice déclaré, l'assuré perd tout droit à indemnisation.

Par lettre du 9 mars 2020, Madame [N] [P] a contesté cette décision auprès de la société AMALINE ASSURANCES en indiquant que c'était par erreur que l'entreprise en charge des travaux avait qualifié de facture le document envoyé le 26 septembre 2019.

La société AMALINE ASSURANCES n'ayant pas réservé à ce courrier la suite que Madame [P] souhaitait, celle-ci a saisi le Médiateur de l'Assurance qui, par courrier du 15 novembre 2021, a émis l'avis qu'il convenait de réserver une suite favorable à sa réclamation.

Par lettre du 22 février 2022, l'avocat de la SCI EIREAN a mis en demeure la société AMALINE ASSURANCE de payer à sa cliente la somme de 113 000 euros au titre de l'indemnité différée.

Ce courrier étant demeuré vain, la SCI EIREAN a fait assigner la société AMALINE ASSURANCE devant le tribunal judiciaire de Paris, demandant à celui-ci de :

Condamner la société AMALINE ASSURANCE à lui payer :
. la somme de 117994,51 euros au titre de l'indemnité différée,
. la somme de 23 599 euros au titre des coût des travaux,

A titre subsidiaire, de condamner la société AMALINE ASSURANCES à lui payer la somme de 60 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat d'assurance,
Plus subsidiairement encore, d'ordonner une expertise,
En tout état de cause, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de condamner la défenderesse au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait valoir que, contrairement à ce que prétend la défenderesse, elle n'a commis aucune fraude de nature à la déchoir de toute garantie. Elle soutient que le document envoyé à la société AMAGUIZE.COM était intitulé « facture » par erreur. Elle explique qu'il était évident qu'au moment de l'envoi de ce document, tous les travaux dont il faisait état n'étaient pas réalisés.

Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, la société AMALINE ASSURANCES et la CAISSE REGIONNALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES [Localité 4] VAL DE LOIRE, ci-après GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE, intervenante volontaire, demandent au tribunal de :

Mettre hors de cause la société AMALINE ASSURANCES,
Recevoir la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE en son intervention volontaire,
Débouter la SCI EIREAN de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, débouter la SCI EIREAN de sa demande de dommages et intérêts,
A titre très subsidiaire, limiter à 97 091,53 euros l'indemnité à laquelle peut prétendre la SCI EIREAN et débouter la SCI EIREAN de ses demandes plus amples et contraires aux présentes écritures,
A titre reconventionnel, condamner la SCI EIREAN à verser à la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE la somme de 3356 751,73 euros correspondant aux indemnités indûment versées et aux frais de gestion du dossier,
En tout état de cause :

Condamner la SCI EIREAN au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de leur avocat,
Débouter la SCI EIREAN de toutes ses demandes, fins et prétentions.
Elles font valoir que, par décision du 19 décembre 2019, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution a transféré les contrats d'assurance conclus par la société AMALINE ASSURANCES à la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE et que la société AMALINE ASSURANCES n'est donc plus en charge de la police souscrite par la demanderesse.

Elles soutiennent que c'est avec une intention frauduleuse que Madame [P] a transmis la facture numéro 19314 à la société AMALINE ASSURANCES car elle savait que les travaux mentionnés sur cette facture n'étaient pas totalement réalisés. Elles soulignent qu'en transmettant ce document, Madame [N] [P] a fait état d'une facture, ce qui signifie que, dans son esprit, il ne s'agissait de rien d'autre et certainement pas d'un devis.

Elles énoncent que, si la garantie devait être mobilisée, la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE ne serait tenue de verser que la somme de 97 091,53 euros au titre de l'indemnité complémentaire, l'indemnité total à verser n'étant que de 438 820,83 euros.

Elles expliquent que la déchéance de garantie prévue par l'article 10.3 des conditions générales du contrat d'assurance rétroagit et a pour conséquence le remboursement de toutes les indemnités déjà versées et des frais engagés pour le traitement du sinistre qui constituent un indu au sens de l'article 1302 du code civil.

Elles s'opposent à la demande de dommages et intérêts formulée par la SCI EIREAN au motif que le retard dans l'exécution d'une obligation ne donne lieu au paiement d'intérêts de retard au taux légal.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus complet de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 décembre 2023 et l'affaire a été renvoyée à l'audience à juge rapporteur du 24 avril 2024 lors de laquelle elle a été mise en délibéré au 20 juin 2024.

MOTIFS :

Sur la mise hors de cause de la société AMALINE ASSURANCES et l'intervention volontaire de la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE :

Par décision n°2019-C-76 du 19 décembre 2019, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution a approuvé le transfert de portefeuille de contrats d'assurances détenus par la société AMALINE ASSURANCES vers les Caisses Régionales d'Assurances Mutuelles d'Oc, du Centre Manche, de Rhône Alpes Auvergne, du Grand Est, de Bretagne, Pays de la Loire, de Méditerranée, du Nord-Est, de [Localité 4] Val de Loire et du Centre-Atlantique.

Le contrat conclu entre la demanderesse et la société AMALINE ASSURANCE a ainsi été transféré à la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE.

N'étant plus l'assureur de la SCI EIREAN, la société AMALINE ASSURANCES doit être mise hors de cause.

Par ailleurs, la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE doit être reçue en son intervention volontaire qui se rattache au présent litige par un lien suffisant.

Sur les demandes de la SCI EIREAN :

Selon l'article 1134 du code civil dans sa version en vigueur lors de la souscription de la police d'assurance, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le septième alinéa de l'article 10.3 des conditions générales de cette police stipule qu'en cas de fausse déclaration sur les circonstances du sinistre ou d'exagération frauduleuses sur le préjudice déclaré (réclamation exagérée ne correspondant pas à la réalité, usage de fausse facture, facture de complaisante, invocation de bien(s) faussement endommagé(s) ou disparus), l'assuré perdra tout droit à indemnisation.

Le courrier électronique envoyé le 26 septembre par Madame [P] à la société AMALINE ASSURANCES auquel était joint la facture litigieuse est libellé comme suit : « Bonjour Madame [U], vous trouverez les factures pour le complément à percevoir suite à notre sinistre incendie »

Ce courrier montre que, dans l'esprit de Madame [P], le document qu'elle envoyait était bien une facture qu'elle produisait afin de percevoir l'indemnité complémentaire. En outre, Madame [P] n'ignore certainement pas la différence entre une facture et un devis et, si elle avait simplement voulu, comme elle le prétend, informer l'assureur de la SCI EIREAN sur l'estimation du coût des travaux à réaliser, elle aurait envoyé un devis et aurait fait état d'un devis dans son courrier d'envoi. Elle ne peut prétendre s'être méprise sur la nature du document qu'elle envoyait.

La SCI EIREAN reconnaît par ailleurs, dans son assignation que la facture 19314 qu'elle a envoyée fait état de travaux non réalisés. Il s'agit donc d'une fausse facture.

Il apparaît donc que Madame [P], ès qualité de gérante de la SCI EIREAN, a sciemment produit une fausse facture en vue d'obtenir l'indemnité complémentaire.

En cherchant ainsi à faire indemniser la SCI EIREAN de travaux non exécutés en totalité, Madame [P] a exagéré le préjudice subi par cette société.

La SCI EIREAN est donc déchue de toute garantie en vertu de l'article 10.3 des conditions générales du contrat d'assurance qu'elle a conclu avec la société AMALINE ASSURANCES.

La société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE ne doit donc aucune garantie à la demanderesse.

Celle-ci sera déboutée de l'ensemble de ses demandes au fond.

Sur la demande reconventionnelle de la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE :

La déchéance de garantie prévue à l'article 10.3 des conditions générales du contrat d'assurance étant rétroactive, la SCI EIREAN doit rembourser les indemnités qu'elle a perçues qui doivent être considérées comme indues au sens de l'article 1235 du code civil, dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du contrat d'assurance.

La SCI EIREAN reconnaît avoir reçu la somme de 303 922,82 euros. Les défenderesses soutiennent que la société AMALINE ASSURANCES lui a payé 341 729,30 euros.

Elles se fondent sur un tableau qu'elles versent en pièce numéro cinq dont on ignore de qui il émane et qui fait état d'un versement total de 357 237,73 euros. Ce document dont on ignore la provenance n'est pas probant.

En l'absence d’autres éléments, il y a lieu de considérer que la SCI EIREAN a été indemnisée à hauteur de 303 922,82 euros seulement.

La société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE réclame également le remboursement de frais d'expertise d'un montant de 15 022,43 euros.

Décision du 20 Juin 2024
5ème chambre 2ème section
N° RG 22/05919 - N° Portalis 352J-W-B7G-CW5XA

D'une part, ces frais ne constituent pas un indu dans la mesure où il n'est pas contesté que l'expert a accompli sa mission et d'autre part, pour prouver leur paiement, les défenderesses produisent le tableau constituant leur pièce numéro cinq dont il a été démontré qu'il n'est pas probant.

La SCI EIREAN sera donc condamnée à payer à la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE la somme de 303 922,82 euros au titre de la répétition de l'indu.

Sur les demandes accessoires :

Il sera inéquitable de laisser à la charge de la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE les frais non compris dans les dépens. En conséquence, la SCI EIREAN sera condamnée à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant, la SCI EIREAN sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS 

Le tribunal, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en premier ressort,

Reçoit la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE en son intervention volontaire,

Met hors de cause la société AMALINE ASSURANCES,

Déboute la SCI EIREAN de l'ensemble de ses demandes,

Condamne la SCI EIREAN à payer à la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE la somme de 303 922,82 euros correspondant à l'indemnité indûment versée,

Condamne la SCI EIREAN à payer à la société GROUPAMA la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société GROUPAMA [Localité 4] VAL DE LOIRE du surplus de ses demandes,

Condamne la SCI EIREAN aux dépens, dont distraction au profit de Maître Ali Saidji, avocat.

Fait et jugé à Paris le 20 Juin 2024.

Le GreffierLe Président

Catherine BOURGEOISAntoine de MAUPEOU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 5ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/05919
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;22.05919 ?
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