La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2024 | FRANCE | N°22/03302

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 2ème section, 14 juin 2024, 22/03302


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS



3ème chambre
2ème section


N° RG 22/03302
N° Portalis 352J-W-B7G-CWJQV

N° MINUTE :


Assignation du :
03 Mars 2022








JUGEMENT
rendu le 14 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [T] [W]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représenté par Maître Stéphanie LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1104


DÉFENDERESSES

S.N.C. NEPTUNE DISTRIBUTION
[Adresse 5]
[Localité 1]

S.A.S. PIERVA

L
[Adresse 8]
[Localité 4]

S.A.S. SOCIETE DES EAUX MINERALES DE [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentées par Maître Aldjia BENKECHIDA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulan...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section


N° RG 22/03302
N° Portalis 352J-W-B7G-CWJQV

N° MINUTE :

Assignation du :
03 Mars 2022

JUGEMENT
rendu le 14 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [T] [W]
[Adresse 2]
[Localité 7]

représenté par Maître Stéphanie LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1104

DÉFENDERESSES

S.N.C. NEPTUNE DISTRIBUTION
[Adresse 5]
[Localité 1]

S.A.S. PIERVAL
[Adresse 8]
[Localité 4]

S.A.S. SOCIETE DES EAUX MINERALES DE [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentées par Maître Aldjia BENKECHIDA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0556

et par Maître Maître Bastien MASSON, avocat au barreau de ROUAN et par Maître Nadège LEMARCHAND, avocate au barreau de CEAN, avocats plaidants.

Copies délivrées le :
- Maître LEGRAND #D1104
- Maître BENEKECHIDA #C556

Décision du 14 Juin 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 22/03302 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWJQV

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge

assistés de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l’audience du 04 Avril 2024 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2024 puis prorogé au 14 Juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

1.M. [T] [W] a exercé en tant que designer spécialisé dans la création, le design, le graphisme et l'illustration dans le domaine du packaging alimentaire et cosmétique.

2.La société NEPTUNE DISTRIBUTION assure le marketing et la commercialisation des eaux du groupe ALMA, parmi lesquelles l'eau de source Pierval et l'eau minérale [Localité 9], qui sont respectivement distribuées par la société PIERVAL et la SOCIETE DES EAUX MINERALES DE [Localité 9] (ci-après désignée [Localité 9]).

3.Estimant que NEPTUNE DISTRIBUTION diffusait sans autorisation les visuels reprenant ses créations sur les sites internet www.sources-alma.com, www.pierval.com et www.eau-[Localité 9].com, dont elle est l'éditrice, et que ces eaux minérales étaient vendues en grande surface avec ce packaging, M. [W] a fait établir un procès-verbal de constat Internet par huissier de justice le 14 octobre 2020, puis a mis en demeure, le 18 décembre 2020 [Localité 9], PIERVAL et NEPTUNE DISTRIBUTION de cesser les agissements litigieux.

4.Constatant que ceux-ci s'étaient toutefois poursuivis, M. [W] a fait assigner les 3 et 4 mars 2022, les sociétés PIERVAL, NEPTUNE DISTRIBUTION et [Localité 9] devant le tribunal judiciaire de PARIS pour contrefaçon de ses droits d'auteur et pour violation par NEPTUNE DISTRIBUTION de ses obligations contractuelles.

5.Par ordonnance du 9 décembre 2022, le juge de la mise en état a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par les défenderesses, et dit que la question de l'originalité des œuvres au titre du droit d'auteur et de la titularité de celles-ci relevaient de l'examen du juge du fond.

6.Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 17 mai 2023, M. [W] a sollicité A titre principal :
- de juger irrecevables, et subsidiairement mal fondées, les fins de non-recevoir opposées par les défenderesses ;
- de condamner in solidum les défenderesses à lui payer la somme forfaitaire de 50.000 euros en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de ses droits d'auteur ;
- de leur interdire sous astreinte, de poursuivre ces agissements sous quelque forme et sur quelque support que ce soit, le tribunal se réservant la liquidation des astreintes ordonnées et la fixation d'astreintes définitives ;
Subsidiairement :
-de condamner NEPTUNE DISTRIBUTION, à lui payer la somme forfaitaire de 30.000 euros, en réparation du préjudice résultant de la violation de ses obligations contractuelles ;
En tout état de cause :
-de débouter les défenderesses de l'intégralité de leurs demandes ;
-de les condamner in solidum à lui verser la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre le remboursement des frais et honoraires exposés à l'occasion des opérations de constat et aux dépens dont distraction au profit de Me Legrand.

7.A l'appui de ses demandes, M. [W] soutient que les fins de non-recevoir soulevées par les défenderesses pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ont été rejetées par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 9 décembre 2022, et relevaient de sa compétence exclusive. Sur le fond, il fait valoir que ses packagings constituent des créations originales, portant l'empreinte de sa personnalité ; qu'il a la qualité d'auteur, son travail ne se limitant pas à une prestation technique. Il fait valoir que les défenderesses ne rapportent pas la preuve de l'attribution des designs en cause à un autre auteur, ni d'une quelconque initiative ou direction dans leur création. Il soutient qu'il a cédé ses droits de reproduction à la société NEPTUNE DISTRIBUTION pour une durée de dix ans et que celle-ci a commis des actes de contrefaçon, en reproduisant ses œuvres au-delà de ce délai et les a également modifiées et utilisées sur d'autres formats non prévus par la cession. Il fait grief aux sociétés PIERVAL et [Localité 9] d'avoir commis des actes de contrefaçon en poursuivant la commercialisation de leurs gammes dans le packaging qu'il a créé, au-delà de la durée de leurs accords.

8.Subsidiairement, il fait valoir que NEPTUNE DISTRIBUTION a commis une faute contractuelle, en reproduisant le packaging de la gamme Pierval qu'il a créé, postérieurement au 28 juin 2016, en reproduisant, après le 30 septembre 2018, le packaging de la gamme [Localité 9] et en l'utilisant pour des formats non prévus par la cession.

9.En réponse et par conclusions en date du 31 mai 2023, les défenderesses sollicitent :
In limine litis,
-de juger irrecevables les demandes de M. [W], pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;
Sur le fond :
-de le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause :
-de condamner M. [W] à payer à chacune d'elles 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, au regard du préjudice subi par celles-ci ;
-de le condamner à leur verser à chacune la somme de 10 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

10.Les défenderesses soutiennent en réponse que M. [W] ne dispose ni intérêt ni qualité à agir, en l'absence de droit sur les packagings en cause, de cession de droits à NEPTUNE DISTRIBUTION, et de relations contractuelles avec elle. Elles font valoir qu'il se borne à lister ses créations graphiques, et à les décrire objectivement, sans définir leur objet et leur portée et sans démontrer leur originalité, ni la titularité de ses droits ; qu'il a exécuté une prestation technique selon leurs instructions, et que les packagings en cause constituent des œuvres collectives, sans que M. [W] soit en mesure de justifier d'un travail distinct. Elles soutiennent que dès lors, que M. [W] n'était lié par aucun contrat à NEPTUNE DISTRIBUTION, celle-ci ne peut être à l'origine de manquements contractuels. Elles soutiennent que M. [W] se serait rendu coupable de dol et de déloyauté en engageant la présente procédure, avec une intention de leur nuire.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2023.

MOTIVATION

I. Sur les fins de non-recevoir

11.Selon l'article 31 du code de procédure civile, " l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ".

12.Dans son ordonnance du 9 décembre 2022, le juge de la mise en état a rappelé que la question de la titularité dépendait de celle de l'existence d'une œuvre protégeable par le droit d'auteur et que le moyen opposé par les défenderesses ne constituait donc pas une fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir, mais un moyen de fond dont l'examen relevait du tribunal.

II. Sur la contrefaçon de droits d'auteur et les demandes subséquentes

13.Selon l'article L.112-2 du code de propriété intellectuelle, sont considérées comme des oeuvres de l'esprit, les oeuvres de dessin, les oeuvres graphiques et typographiques et les illustrations.

14.Suivant l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, " la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom duquel l'œuvre est divulguée ".

15.En application de son article L. 111-1, " L'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ", comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, sous réserve que l'œuvre soit originale, c'est-à-dire porte l'empreinte de la personnalité de son auteur.

16.Selon son article L.113-2, " Est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ".

17.Selon l'article L122-4 du code de la propriété intellectuelle, " toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ".

18.Selon l'article 1240 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ".

1. Sur les demandes relatives au packaging [Localité 9]

19.M. [W] justifie avoir créé le packaging des eaux de [Localité 9] en 2002 et avoir cédé en 2008 à la société NEPTUNE DISTRIBUTION ses droits de reproduction pour une durée de dix ans, sur un packaging créé pour les étiquettes banderoles et les films pack des bouteilles de 1,5 L et 0,5 L des eaux de [Localité 9], constituant une déclinaison du packaging de 2002. Il précise avoir modifié ce packaging en 2017 :
(2002)

(2008) (2017)

20.M. [W] décrit ainsi sa démarche créative : " un médaillon présentant en partie supérieure une illustration de paysage de haute montagne et en partie inférieure une illustration de paysage de moyenne montagne. En son milieu, le logo [Localité 9] en lettres capitales de couleur bleue à effet volume et dépassant de part et d'autre du médaillon en sorte de produire une mise en avant de la marque. La représentation de l'emblème de Savoie au coeur de la marque, incrusté dans le " O " du logo [Localité 9], comme apparaissant à travers une lucarne. Les contours du médaillon tout comme ceux du logo étant entourés d'une auréole blanche illustrant la fraîcheur du produit et rappelant la brume des montagnes ".

21.Plusieurs des caractéristiques de ce packaging prises individuellement sont certes communes à celui d'autres eaux minérales, comme le paysage de montagne en arrière-plan. Cependant, ces éléments sont ici associés à la mise en valeur de l'origine géographique de l'eau de [Localité 9], traduite par l'incrustation dans les lettres de son nom, de l'emblème de couleur rouge de la région et par un double paysage, vallonné et montagnard encadrant cette dénomination. La typographie choisie et de manière générale, la composition de l'ensemble, reflètent un travail de recherche graphique, tendant à renforcer l'identité du produit. Les slogans écrits par l'auteur et les couleurs du packaging, mettent en valeur les qualités attribuées à l'eau de [Localité 9] (fraîcheur, pureté…). La combinaison de ces éléments constitue une création originale portant l'empreinte de la personnalité de son auteur.

22.En outre, il résulte des pièces produites que le packaging [Localité 9] résulte du travail de recherche de M. [W] (pièces 4A, 4B, 4D, 15) et de son associée Mme [X] qui en atteste (pièce 13), sans qu'aucun élément ne puisse confirmer qu'il se soit borné à la mise en œuvre de directives techniques. A cet égard, le devis pour la création d'un packaging relatif à une " nouvelle identité (de l') eau minérale de [Localité 9] " comporte seulement l'objet du contrat ainsi défini : " analyse de recherche graphique en vue du développement de l'ensemble packaging comprenant : l'étiquette banderole [Localité 9], le film du pack [Localité 9] ", sans autre directive sur le design de ce packaging que ces indications sommaires :" [Localité 9], c'est l'eau minérale qui me transmet tous les bienfaits de la Haute Savoie et me permet de vivre mieux / Transmettre les valeurs de respect de la nature authenticité, passion, partage , bien-être/ Favoriser la modernisation du pack actuel " (pièce 4C et devis pièce 5B).

23.Aucun élément ne vient établir que des tiers auraient procédé à l'assemblage des différents éléments composant l'étiquette comme le soutiennent les défenderesses, ni que " les réalisations graphiques litigieuses constituent en tout état de cause des réalisations se fondant dans les réalisations globales d'étiquettes et de packagings sous forme d'oeuvres collectives ". La production par M. [W] de son travail de recherche (pièces 4 et s.) le confirme, alors que les défenderesses ne justifient pas de la participation de tiers à l'élaboration de ce packaging, ni ne produisent l'un des " briefs techniques " ( cf point 22), qui auraient été communiqués à M. [W] ou toute autre pièce tendant à établir l'implication de plusieurs auteurs ayant collectivement créé une oeuvre.

24.A cet égard, l'origine et la date de l'image figurant dans les conclusions des défenderesses, pas plus que l'auteur des commentaires dont elle est assortie, ne sont justifiées (il s'agirait d'un brief technique de 2007), et, a fortiori, établis :
25.Ainsi M. [W] doit être regardé comme étant titulaire de droits d'auteur sur le packaging [Localité 9].

26.Il ressort du devis du 7 août 2008 (pièce 5B du demandeur), que " tous les droits de reproduction packaging du projet retenu sont compris pour dix ans ". Or, il n'est pas contesté que la reproduction et l'exploitation du packaging de l'eau de [Localité 9], créé par M. [W] se sont poursuivies depuis le 30 septembre 2018 (cf procès-verbal de constat), sur les bouteilles et packs de 1,5 L, sans l'autorisation de son auteur. Il convient d'en déduire que les défenderesses, ont contrefait les droits d'auteur de M. [W] sur le packaging de l'eau minérale [Localité 9].

27.Quant à l'évaluation du préjudice subi par M. [W] pour atteinte à ses droits d'auteur sur ce packaging, compte tenu du montant des devis précédents, au terme desquels, M. [W] avait perçu 16702 euros d'honoraires en 2002 (TTC) et en 2008, 13620 euros (HT), ainsi que de la durée d'exploitation depuis le 30 septembre 2018, il en sera fait une juste appréciation en mettant à la charge des défenderesses le paiement in solidum de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au profit de M. [W].

28.Il sera fait droit à la demande d'interdiction de reproduction du packaging de l'eau de [Localité 9], sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte, le procès-verbal de constat précité comprenant à la fois le packaging réalisé par M. [W] et des packagings [Localité 9] présentant des différences, si bien que l'exploitation actuelle du premier n'est pas établie (pièce 8 du demandeur précitée).

2. Sur le packaging Pierval

29.M. [W] produit les devis et relevés d'honoraires, relatifs à la création d'un packaging pour l'eau de source Pierval en 2004 et 2006 (pièces 6A, 6B, 7A, 7B). Ces éléments viennent confirmer l'existence d'une relation contractuelle entre les parties, contestée en défense.

30. En 2006, un nouveau devis a été établi par NEPTUNE DISTRIBUTION. Il est relatif aux films pack des bouteilles de 1,5 L et 0,5 L de l'eau de source Pierval et comporte la mention : " tous les droits de reproduction packaging sont compris pour dix ans ". Il a en outre effectué un travail de repositionnement de la gamme en 2007.
(2002)(2004)
(2006) (2007)

31.Il décrit ainsi cet étiquetage : " un cartouche central de couleur blanche arrondi en sa partie supérieure et traversé par l'illustration de deux feuilles vertes contrastantes ;
En son centre, le logo Pierval en lettres minuscules de couleur bleue, au sein duquel la lettre i surmontée d'un point de couleur rose évoque le visage d'un personnage ;
En partie inférieure, dans un médaillon le visage d'un nourrisson représenté en jeu de transparence avec différentes teintes de bleu ; Le tout sur un fond en nuances de bleu et de blanc évoquant les mouvements d'une cascade d'où jaillissent deux feuilles vertes représentant la vie ".

32.Toutefois, les éléments avancés par M. [W], ne suffisent pas à caractériser l'originalité du packaging. En premier lieu, la couleur bleue et le fonds blanc caractérisaient déjà le packaging de 2002. En second lieu, l'ajout d'un point rose sur la lettre i de Pierval, (en lieu et place d'un point bleu), ne permet pas à lui seul de conclure à la représentation d'un visage, comme le soutient le demandeur. En troisième lieu, la cascade à laquelle il est fait allusion en arrière-plan (alors que le produit présenté est de l'eau minérale), l'ajout de deux feuilles vertes au logo, constituent des éléments relevant du fonds commun du packaging de l'eau minérale ou des produits alimentaires se rapportant à la nature.

33.M. [W] a plutôt procédé à un travail de modernisation de l'étiquette, en conservant ses principales anciennes bases (typographie, police de caractère, couleur bleue des caractères, fond blanc) sans se livrer à un véritable travail créatif. En outre, il est justifié en défense de la production d'indications précises sur le repositionnement du packaging en 2006 (pièce 7B : " NEPTUNE souhaite modifier le pack PIERVAL " Cascade ". L'objectif consiste à augmenter la surface de l'image de la cascade pour réduire le cartouche blanc placé derrière le logo ").

34.Ainsi l'intervention de M. [W] doit être analysée comme une prestation spécialisée de graphisme et non comme une création protégeable par le droit d'auteur.

35.En conséquence, M. [W] sera débouté de sa demande de reconnaissance de droits d'auteur sur le packaging de l'eau Pierval et de ses demandes subséquentes.

III. Sur la demande subsidiaire relative à la responsabilité contractuelle

36.Selon l'article 1231-1 du code civil, " le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ".

37.En l'espèce, ni M. [W], ni NEPTUNE DISTRIBUTION n'ont sollicité le renouvellement de la période d'exploitation du packaging Pierval créé par M. [W], au-delà du 28 juin 2016.

38.La poursuite de cette exploitation depuis cette date est au demeurant incertaine, le procès-verbal de constat du 14 octobre 2020, faisant mention d'un packaging modifié par rapport à celui revendiqué par M. [W] (pièce 8, pages 37 et s.)

39.En tout état de cause, la mention de droits d'exploitation de 10 ans stipulée dans le devis accepté de 2006 ne peut conférer un droit d'exploitation limité dans le temps en l'absence de protection par le droit d'auteur.

40.Il convient d'en déduire que M. [W] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

IV. Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive

41.La nature des décisions prises ne justifie pas la condamnation du demandeur, qui a partiellement obtenu gain de cause, au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive. Les défenderesses en seront donc déboutées.

V. Sur les demandes annexes

42.Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie.

43.Les défenderesses perdent principalement le procès et sont donc tenues aux dépens. Elles doivent, en tenant compte de l'équité, indemniser in solidum le demandeur de ses frais à hauteur de 5 000 euros, dont distraction au profit de Me Legrand.

44.Il n'y a pas lieu en revanche et au surplus de les condamner à rembourser au demandeur les frais et honoraires exposés à l'occasion des opérations de constat.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

CONDAMNE les sociétés NEPTUNE DISTRIBUTION, PIERVAL et la SOCIETE DES EAUX MINERALES DE [Localité 9] au paiement in solidum de la somme de 10 000 euros, à M. [T] [W] pour contrefaçon de ses droits d'auteur sur le packaging de l'eau minérale de [Localité 9] ;

INTERDIT en tant que de besoin aux sociétés NEPTUNE DISTRIBUTION, PIERVAL et la SOCIETE DES EAUX MINERALES DE [Localité 9] la poursuite de leurs agissements s'agissant de l'utilisation du packaging de l'eau de [Localité 9], créé par M. [T] [W], à compter de la signification du présent jugement ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE les sociétés NEPTUNE DISTRIBUTION, PIERVAL et la SOCIETE EAUX MINERALES DE [Localité 9] au paiement in solidum à M. [T] [W], de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de Me Legrand.

Fait et jugé à Paris le 14 Juin 2024

Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/03302
Date de la décision : 14/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-14;22.03302 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award