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14/06/2024 | FRANCE | N°22/00826

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/2/2 nationalité b, 14 juin 2024, 22/00826


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




1/2/2 nationalité B

N° RG 22/00826 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVTYZ

N° PARQUET : 21/1266

N° MINUTE :


Assignation du :
15 Décembre 2021

A.F.P.


[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 14 Juin 2024

DEMANDERESSE

Madame [D]
domiciliée : chez Madame [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Audrey KALIFA de la SELEURL AUDREY KALIFA AVOCATS, avocats au barreau

de PARIS, avocats postulant, vestiaire #C0942, Maître Marie-Anne SOUBRE de l’AARPI BOREL & SOUBRE, avocats au barreau de VAL D’OISE, avocats plaidant, vestiaire Toque206


DEFENDERESSE

LA PROCUREURE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

1/2/2 nationalité B

N° RG 22/00826 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVTYZ

N° PARQUET : 21/1266

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Décembre 2021

A.F.P.

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 14 Juin 2024

DEMANDERESSE

Madame [D]
domiciliée : chez Madame [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Audrey KALIFA de la SELEURL AUDREY KALIFA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #C0942, Maître Marie-Anne SOUBRE de l’AARPI BOREL & SOUBRE, avocats au barreau de VAL D’OISE, avocats plaidant, vestiaire Toque206

DEFENDERESSE

LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 8]
[Localité 3]
Sophie Bourla Ohnona, vice-procureure

Décision du 14/06/2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section B
N° RG 22/00826

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente
Présidente de la formation

Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Madame Victoria Bouzon, Juge
Assesseurs

assistées de Madame Manon Allain, Greffière.

DEBATS

A l’audience du 29 Mars 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Contradictoire,
En premier ressort,
Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Antoanela Florescu-Patoz, Vice-présidente et par Manon Allain, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les articles 56, 455 et 768 du code de procédure civile,

Vu l'assignation délivrée le 15 décembre 2021 au procureur de la République par Mme [D],

Vu les dernières conclusions de Mme [D], notifiées par la voie électronique le 12 janvier 2023 et le dernier bordereau de communication de pièces notifié par la voie électronique le 2 juin 2023,

Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 27 avril 2023,

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 16 février 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 29 mars 2024,

Vu l’avis de prorogation transmis par voie électronique aux parties le 31 mai 2024 fixant le délibéré au 14 juin 2024,

MOTIFS

Sur la procédure

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, applicable à la date de l'assignation, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.

En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 3 mars 2022. La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.

Sur l'action déclaratoire de nationalité française

Mme [D], se disant née le 26 février 1960 à [Localité 7] (Madagascar), revendique la nationalité française par filiation paternelle, sur le fondement de l'article 18 du code civil. Elle fait valoir que son père, [R] [O], né le 7 juillet 1939 à (Madagascar), a conservé la nationalité française de plein droit lors de l'accession à l'indépendance de Madagascar, pour être issu de [L] dit [R] [N], né en 1915 à [Localité 5] (Fianarantsoa), de statut civil de droit commun selon le jugement n° 627 rendu le 29 mai 1933 par le Tribunal de première instance de Tananarive, pour être fils d'un père légalement inconnu mais présumé d'origine française, de souche européenne et de [V] [H].

Son action fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 4 octobre 2017 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Juvisy sur Orge, au motif au motif que la filiation n’était pas établie entre [R] et [L] (lequel a accédé au statut de droit commun par jugement du 29 mai 1933). En effet, l’acte de naissance de [R] indiquait que la déclaration de naissance avait été faite par un tiers, sans mention d’une reconnaissance par [L] ; que l’acte de reconnaissance par [L] n’avait pas été dressé conformément au décret du 7 novembre1916 qui prévoyait que la reconnaissance par un père citoyen français de droit commun devait être constatée par acte authentique et soumise à homologation obligatoire, et que la mention de l’homologation par la juridiction compétente devait être portée en marge de l’acte, ce qui n’était pas le cas en l’espèce (pièce n°3 de la demanderesse).

Sur le fond

En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code, sans possibilité, pour lui, d'invoquer les certificats délivrés à des membres de sa famille, fussent-ils ses ascendants, dans la mesure où la présomption de nationalité française qui est attachée à ces certificats ne bénéficie qu'à leurs titulaires, et ce même s'ils n'ont fait l'objet d'aucune contestation.

Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par Mme [D], l'action relève des dispositions de de l'article 17 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, et non pas des dispositions de l’article 18 du code civil comme l'indique la demanderesse, aux termes duquel est français l’enfant, légitime ou naturel, dont l’un des parents au moins est français

Il convient également de rappeler que les effets sur la nationalité de l’accession à l’indépendance de Madagascar sont régis par la loi numéro 60-752 du 28 juillet 1960 et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code civil (soit ses articles 32 à 32-5), qui s’est substitué au titre VII du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, dont il résulte que seuls ont conservé la nationalité française :
- les personnes originaires (et leurs descendants) du territoire de la République française tel que constitué le 28 juillet 1960, c'est-à-dire en ce notamment inclus La Réunion, auxquels étaient assimilés les “métis” (et leurs descendants) nés de parents dont l’un, demeuré légalement inconnu, était présumé de souche européenne et d’origine française, reconnus comme tels citoyens français par jugements rendus sur le fondement du décret du 5 septembre 1930 (pour l’Afrique Occidentale Française) ou du décret du 15 septembre 1936 (pour l’Afrique équatoriale française),
- les personnes qui ont souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française,
- les personnes qui ne se sont pas vu conférer la nationalité de l’un des nouveaux Etats anciennement sous souveraineté française,
- les personnes originaires de Madagascar, qui avaient établi leur domicile hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants.

Il appartient ainsi à Mme [D], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel il la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.

Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

Enfin, nul ne peut revendiquer à quelque titre que ce soit, la nationalité française, s’il ne dispose d’un état civil fiable et certain.

En l'espèce, la demanderesse, pour justifier de sa filiation à l'égard de [R] [O], produit en pièce n°4 la copie de l'acte de naissance n° [Numéro identifiant 1] de ce dernier, délivrée le 7 mars 2018 par l'officier d'état civil de Tananarive, aux termes duquel il est né le 7 mars 1939 à … h, à [Localité 6], de [L] [N] dit [R], géomètre cadastre, âgé de 25 ans, domicilié à [Localité 6], et de [A] [Y], l'acte ayant été dressé le 12 juillet 1939 à 14h30 par l'officier d'état civil de Tananarive, sur déclaration de « [W] [I], chef de canton, en présence de deux témoins.

Il est produit ensuite en pièce n°5, une expédition conforme délivrée en date du 19 janvier 2022, du jugement n°421 du 18 mai 1942 du Tribunal de première instance de Tananarive, qui indique que l’enfant [R] [J] [O], né le 7 juillet 1939, et reconnu le 19 juillet 1939 devant Maître [T], notaire à Tananarive, par les époux [L] [N] dit [R], a été légitimé par le mariage de ses parents le 7 mars 1940.

Or, comme le fait valoir à juste titre le ministère public, lorsque l’acte de naissance n°[Numéro identifiant 1] de [R] [O] a été dressé, le 12 juillet 1939, l’enfant n’avait pas encore été reconnu par son père [L] [N] dit [R], la reconnaissance n’ayant eu lieu que le 19 juillet 1939.

Dès lors, l’acte de naissance de [R] [O] ne devrait pas mentionner, le 12 juillet 1939, le nom de [L] [N] dit [R] en qualité de père, et devrait en tout état de cause mentionner en marge cette reconnaissance du 19 juillet 1939.

La demanderesse n'a pas répondu au moyen soulevé par le ministère public.
Dès lors, l’acte de naissance de [R] [O] n’est pas probant.

La demanderesse ne rapporte donc ni la preuve qui lui incombe de l'état civil de son présumé père, ni de la filiation de [R] [O] à l’égard de son propre père, [L] [N].

En conséquence, la demanderesse sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française par filiation paternelle. En outre, dès lors qu'elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.

Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil

Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [D], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1043 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [D], de sa demande tendant à voir dire et juger qu'elle est de nationalité française ;

Juge que Mme [D], se disant née le 26 février 1960 à [Localité 7] (Madagascar), n'est pas de nationalité française ;

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Condamne Mme [D] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 14 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
M. ALLAIN A. FLORESCU-PATOZ


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/2/2 nationalité b
Numéro d'arrêt : 22/00826
Date de la décision : 14/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-14;22.00826 ?
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