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14/06/2024 | FRANCE | N°14/03460

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 6ème chambre 2ème section, 14 juin 2024, 14/03460


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :




6ème chambre 2ème section


N° RG 14/03460 - N° Portalis 352J-W-B66-CCFN5

N° MINUTE :

Réputé Contradictioire

Assignation du :
24 Février 2014















JUGEMENT
rendu le 14 Juin 2024


DEMANDERESSE

Société ENTREPRISE DE TRAVAUX INTERNATIONAUX (ETI)
[Adresse 16]
[Adresse 16]


représentée par Maître Carol SABA, avocat au barreau de PARIS,

, vestiaire #E1782



DÉFENDEURS

SCCV WILSON-ROUQUIER
[Adresse 12]
[Localité 11]


représentée par Maître Johanne ZAKINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0145







S.A. BUREAU D’ETUDES DE COORDINATI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

6ème chambre 2ème section


N° RG 14/03460 - N° Portalis 352J-W-B66-CCFN5

N° MINUTE :

Réputé Contradictioire

Assignation du :
24 Février 2014

JUGEMENT
rendu le 14 Juin 2024

DEMANDERESSE

Société ENTREPRISE DE TRAVAUX INTERNATIONAUX (ETI)
[Adresse 16]
[Adresse 16]

représentée par Maître Carol SABA, avocat au barreau de PARIS, , vestiaire #E1782

DÉFENDEURS

SCCV WILSON-ROUQUIER
[Adresse 12]
[Localité 11]

représentée par Maître Johanne ZAKINE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0145

S.A. BUREAU D’ETUDES DE COORDINATION ET DE REALISATION IMMOBILIERE
[Adresse 6]
[Adresse 6]

Société L’AUXILIAIRE
[Adresse 5]
[Adresse 5]

représentée par Maître Guillaume CADIX de l’AARPI GALLICA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0667

S.A. CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK
[Adresse 14]
[Adresse 14]

représentée par Maître Gachucha COURREGE de la SELARL M&C Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0159

S.A.R.L. DGM & ASSOCIES
[Adresse 13]
[Adresse 13]

La SAS VANIM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège et venant aux droits de la société SASU Pierre EPSTEIN
[Adresse 9]
[Localité 11],
représentées par Maître Eric LE FEBVRE de la SELARL LeFEBVRE PARTNERS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0226

Monsieur [T] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représenté par Maître Antoine TIREL de la SELAS LARRIEU ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0073

Société BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL
[Adresse 4]
[Adresse 4]

défaillante non constituée

Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 15]
[Adresse 15]

représentée par Maître Marc FLINIAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0146

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Nadja GRENARD, Vice-présidente
Madame Marion BORDEAU, Juge
Madame Stéphanie VIAUD, Juge

assistée de Madame Audrey BABA, Greffier

DEBATS

A l’audience du 18 Janvier 2024 tenue en audience publique devant Madame Nadja Grenard , juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

- Corcontradictoir
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
- Signé par Madame Nadja Grenard , Président de formation et par Madame BABA Audrey, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

En 2010 la SCCV WILSON ROUQUIER a, en sa qualité de maître d'ouvrage, entrepris une opération immobilière consistant dans la construction d’un ensemble immobilier [Adresse 19], [Adresse 21] et [Adresse 20] à [Localité 18], se composant de 4 bâtiments de type R+1 à R+6 destinés à l'habitation ainsi que des commerces en rez-de-chaussée et deux niveaux de sous-sol à usage de parkings.

Dans le cadre de cette opération de construction sont notamment intervenus :

la SASU Pierre Epstein et la SARL Cabinet [O] [E] en qualité de maître d'oeuvre de conception selon contrat de maîtrise d'oeuvre du 9 novembre 2009 puis par avenant n°1 du 2 septembre 2010 la société DGM et Associés, assurée auprès de la MAF, a succédé à la SARL Cabinet [O] [E] suite au décès de M. [E];
la société BECRI, assurée auprès de la société l'AUXILIAIRE, en qualité de maître d'oeuvre d'exécution, selon contrat du 16 décembre 2010 ;
M. [T] [I] (EBBE) en qualité d'assistant à maître d'ouvrage ;
Selon acte sous seing privé du 8 novembre 2011, la SCCV WILSON ROUQUIER a confié à la société ENTREPRISES DE TRAVAUX INTERNATIONAUX (ETI) le lot n°1 gros œuvre -façades semi porteuses pour un prix initial de 6.975.000€ HT.

Le 9 novembre 2011, un additif n°1 a été conclu entre les parties prévoyant la conclusion d'un futur avenant afin de prendre en compte des modifications à venir notamment suite au dépôt d'un permis de construire modificatif. Cet avenant n'a jamais été conclu.

Le 20 mars 2012, la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK (CRÉDIT AGRICOLE CIB) a délivré au profit du maître d’ouvrage un engagement de caution solidaire en remplacement de la retenue de garantie, conformément aux articles 1 et 2 de la loi n° 71584 du 16 juillet 1971.

Suite à l'application de pénalités contractuelles sur les situations de travaux établies par la société ETI, celle-ci a contesté l'application de ces pénalités et sollicité auprès du maître d'ouvrage de lui fournir une garantie de paiement.

Suite à l'envoi de mises en demeure restées infructueuses, la société ETI a fait établir un constat d'huissier le 10 février 2014 sur l'état d'avancement de ses travaux et a quitté le chantier le 14 février 2014 renvoyant les clés du chantier au maître d’ouvrage.

Parallèlement la société ETI a assigné la SCCV WILSON ROUQUIER, par exploit d'huissier du 10 février 2014, devant le président du Tribunal de grande instance de Paris statuant en référé aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer à titre de provision la somme de 242.231,40 € correspondant au remboursement de pénalités appliquées sur ses situations de travaux.

Par ordonnance du 11 avril 2014, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé.

Par courrier du 20 février 2014, la SCCV WILSON ROUQUIER a enjoint la société ETI de réintégrer le chantier sous 48h sous la menace d'une résiliation.

Le maître d’ouvrage a, par courrier du 20 février 2014, adressé à la société ETI une copie d’un engagement de caution solidaire souscrit auprès de la BECM à titre de garantie de paiement qui a été par la suite notifiée par acte d’huissier le 24 février 2014.

Engagement de la procédure au fond

Par exploits d’huissier du 24 février 2014, la société ETI a assigné la SCCV WILSON ROUQUIER devant le Tribunal de grande instance de Paris (devenu tribunal judiciaire) aux fins de voir :

prononcer la résiliation judiciaire du marché ;
dire que le maître d'ouvrage n'est pas fondé à appliquer des pénalités de retards sur les situations de travaux de la société ETI ;
condamner le maître d'ouvrage à lui payer le solde des travaux exécutés soit la somme de 814.634,27 € TTC outre 2.170.841,50 € de dommages et intérêts.
Par courrier du 27 février 2014, le maître d'ouvrage a notifié à la société ETI la résiliation de son marché à ses torts exclusifs.

Par exploits d'huissier des 11 et 15 juillet 2014, la société ETI a assigné en intervention forcée la société BECRI, la société DGM & Associés et M. [T] [I].

Par exploit d'huissier du 11 juillet 2014, la société ETI a assigné la Banque Européenne de Crédit Mutuel (BECM) en qualité de caution solidaire de la SCCV WILSON ROUQUIER.

Par exploit d'huissier du 2 décembre 2014, la SCCV WILSON ROUQUIER a assigné en intervention forcée le Crédit agricole Corporate and investment Bank en sa qualité de caution bancaire de la société ETI.

Enfin par exploit d'huissier du 24 février 2016, la SCCV WILSON ROUQUIER a assigné en intervention forcée la société PIERRE EPSTEIN, la MAF et la société l'Auxiliaire en qualité d’assureur de la société BECRI.

Les procédures ont été jointes.

Sur la procédure devant le juge de la mise en état

Par ordonnance du 15 mai 2015, le juge de la mise en état a, à la demande de la société ETI, ordonné une expertise judiciaire et désigné M. [P] [X] pour ce faire.

Par ordonnance du 27 novembre 2015, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.

Par ordonnance du 30 septembre 2016, les opérations d'expertise ont été rendues communes à l'ensemble des défenderesses.

L'expert a déposé son rapport le 13 février 2019.

Prétentions des parties

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 6 mai 2022, aux termes desquelles la société ETI, représentée par son liquidateur amiable, la société FRADIM, sollicite de voir, par décision assortie de l’exécution provisoire :

débouter la SCCV WILSON ROUQUIER, la SAS VANIM venant aux droits de la SASU EPSTEIN, les sociétés DGM, BECRI et l’AUXILIAIRE de leurs demandes visant à voir prononcer la nullité du rapport d’expertise ;
dire que la résiliation unilatérale du marché, notifiée par la SCCV WILSON ROUQUIER le 27 février 2014 est abusive;
prononcer la réception sans réserve des travaux d’ETI au 27 février 2014, date de la résiliation;
condamner solidairement la SCCV WILSON ROUQUIER et la BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL, en sa qualité de caution solidaire, dans la limite de son engagement de caution (784.214,90 € TTC), à lui payer la somme en principal de 818.716 € TTC ;
condamner la SCCV WILSON ROUQUIER à lui payer, par application de l’article 20.8 de la norme NFP 03-001 applicable au marché, les intérêts moratoires contractuels au taux de l’intérêt légal majoré de 7 points ;
sur la somme de 450.701,95 €, à compter du 31 mai 2013 et jusqu’à parfait paiement, et sur la somme de 368.014,05 €, à compter du 24 février 2014 et jusqu’à parfait paiement;
ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil;
condamner in solidum la SCCV WILSON ROUQUIER, la SAS VANIM aux droits de la SASU EPSTEIN, DGM et Associés, la MAF, BECRI et l’AUXILIAIRE à lui payer la somme de 777.245 € TTC et ce, avec intérêts moratoires contractuels au taux de l’intérêt légal majoré de 7 points, à compter du 24 février 2014, date de l’assignation, conformément aux dispositions de l’article 20.8 de la norme NFP 03-001;
prononcer la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil;
ordonner la mainlevée au 27 février 2015, soit un an après la réception, de la caution souscrite par ETI auprès de la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK ;
condamner la SCCV WILSON ROUQUIER à lui payer les frais de caution, soit la somme de 139,04 € par mois, depuis le 27 février 2015 et jusqu’à la mainlevée effective de la caution.
débouter la SCCV WILSON ROUQUIER de toutes ses demandes dirigées contre à son encontre ;
débouter la société BECRI, la SAS VANIM aux droits de la SASU EPSTEIN, DGM et Associés, la MAF, l’AUXILIAIRE et [T] [I] de leurs demandes principales ou en garantie dirigées contre elle ;
condamner in solidum la SCCV WILSON ROUQUIER, la SAS VANIM aux droits de la SASU EPSTEIN, DGM et Associés, la MAF, BECRI et l’AUXILIAIRE à lui payer la somme de 150.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile; condamner in solidum la SCCV WILSON ROUQUIER, la SAS VANIM aux droits de la SASU EPSTEIN, DGM et Associés, la MAF, BECRI et l’AUXILIAIRE en tous les dépens, incluant les frais d’expertise qui pourront être directement recouvrés par Maître Sylvie JOZON-BRIEND, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.
* * *

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 13 juillet 2022, aux termes desquelles la SCCV WILSON ROUQUIER sollicite de voir:

déclarer nuls les opérations et le rapport d’expertise de Monsieur [P] [X] pour défaut d’impartialité objective et subjective,
fixer la réception contradictoire des travaux du lot 1 Gros œuvre du chantier du Carré d’or sis à [Localité 18] au 6 mars 2014,
débouter la société ETI de sa demande de réception judiciaire,
condamner in solidum la société ETI et son assureur CACIB à lui payer la somme de 4.570.462,73 euros à titre de pénalités de retard,
condamner in solidum la société ETI et son assureur CACIB, la société BECRI et son assureur l’AUXILIAIRE, la SASU EPSTEIN et son assureur la MAF, la SARL DGM & ASSOCIES et son assureur la MAF, à lui payer la somme de 1.332.133,44 euros à titre de réparation des préjudices subis par elle du fait du retard de chantier,
condamner in solidum la société ETI et son assureur CACIB à lui payer la somme de 1.530.005,21 euros à titre de réparation des préjudices subis par elle du fait de l’abandon de chantier ;
condamner in solidum la société ETI et son assureur CACIB à lui payer la somme de 40.238,90 euros à titre de réparation des dommages et non-conformités affectant les ouvrages de la SCCV WILSON ROUQUIER,
condamner in solidum la société ETI et son assureur CACIB à lui payer la somme de 61.840,76 euros au titre de sa gestion d’affaire du compte prorata outre les intérêts légaux à compter du 14 février 2014, subsidiairement, au titre de l’enrichissement sans cause,
fixer le montant du solde du marché dû par la SCCV WILSON ROUQUIER à ETI à la somme de 678.277,50 euros,
prononcer la compensation judiciaire,
débouter la société ETI de l’ensemble de ses demandes autres que celle relative au solde du marché,
condamner in solidum la société ETI et son assureur CACIB, la société BECRI et son assureur l’AUXILIAIRE, la SASU EPSTEIN et la SARL DGM & ASSOCIES et leur assureur la MAF à lui payer la somme de 20.000 euros HT au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, lesquels comprendront ceux afférents aux instances en référé ainsi que les dépens de la présente instance, en ce inclus les honoraires d’expertise judiciaire.
* * *

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 1er juin 2021, aux termes desquelles la société CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK sollicite de voir:

débouter la SCCV WILSON ROUQUIER et Monsieur [T] [I] de toutes leurs demandes dirigées à son encontre ;
condamner solidairement la SCCV WILSON ROUQUIER et Monsieur [T] [I] à lui payer une somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
* * *

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 11 mai 2022, aux termes desquelles la société BECRI et son assureur la société L'AUXILIAIRE sollicitent de voir:

déclarer les demandes formées à leur encontre par la société ETI irrecevables
débouter la société ETI de l'intégralité de ses demandes formées à leur encontre ;
A titre subsidiaire,

dire les limites contractuelles de garantie de la société L’AUXILIAIRE (plafond et franchise) opposables. condamner in solidum la société SCCV WILSON ROUQUIER, la société CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK, la société DGM & ASSOCIES, la société VANIM aux droits et obligations de la société PIERRE EPSTEIN, Monsieur [T] [I], la a société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, la société BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL à relever et garantir les sociétés BECRI et L’AUXILIAIRE de toute condamnation au profit de la société ENTREPRISE DE TRAVAUX INTERNATIONAUX (ETI), en principal, intérêts, avec accessoires et frais ;
condamner in solidum, la société ETI, la société CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK, la société DGM & ASSOCIES, la société VANIM aux droits et obligations de la société PIERRE EPSTEIN, Monsieur [T] [I] La société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS, la société BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL à relever et garantir les sociétés BECRI et L’AUXILIAIRE de toute condamnation au profit de la société SCCV WILSON ROUQUIER en principal, intérêts, avec accessoires et frais et de toute condamnation prononcée à leur encontre ;
En tout état de cause,

condamner in solidum, la société ETI, la société SCCV WILSON ROUQUIER et tous succombants aux entiers dépens, avec bénéfice à Maître Guillaume CADIX du recouvrement direct de l’article 699 du Code de procédure civile et à leur payer la somme de 15.000 € au titre des frais non compris dans les dépens.

* * *

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 22 avril 2022, aux termes desquelles la société DGM & Associés et la société VANIM venant aux droits de la SASU PIERRE EPSTEIN sollicitent de voir:

annuler le rapport d’expertise de Monsieur [P] [X] au visa de l’article 233 du code de procédure civile,
débouter la société ETI de ses demandes formées à leur encontre;
subsidiairement, condamner la SCCV WILSON ROUQUIER, AXA son assureur, BECRI et L’AUXILIAIRE son assureur, à les garantir intégralement de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre ;
débouter la SCCV WILSON ROUQUIER de ses demandes de dommages intérêts dirigées à leur encontre ;
subsidiairement, condamner la société ETI, la société BECRI et son assureur L’AUXILIAIRE à les garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcées à leur encontre ;
débouter les parties de leurs appels en garantie ;
condamner tout succombant à leur payer la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl LeFEBVRE PARTNERS, Avocats.

* * *

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 12 novembre 2020, aux termes desquelles la MAF en qualité d'assureur de la SASU PIERRE EPSTEIN et DGM & ASSOCIES sollicite de voir:

débouter la SCCV WILSON ROUQUIER et la société ETI de leurs demandes formées à son encontre ;
Subsidiairement,

dire qu'elle ne pourra garantir la SASU EPSTEIN et la SARL DGM et ASSOCIES que dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise opposable aux tiers lésés ainsi qu'un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis d’un montant de 500 000 € hors actualisation pour chacun de ses deux assurés, ledit plafond étant unique pour l'ensemble des réclamations dirigées à l'encontre de la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANÇAIS;
condamner la société ETI, la SCCV WILSON – ROUQUIER, la société BECRI et son assureur l’AUXILIAIRE à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
condamner solidairement la société ETI, la SCCV WILSON – ROUQUIER, la société BECRI et son assureur l’AUXILIAIRE à lui payer la somme de 4 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marc FLINIAUX.
* * *

Vu les dernières conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 22 février 2021, aux termes desquelles M. [T] [I] sollicite de voir:

donner acte à la Société ETI qu’elle ne présente plus aucune demande en ouverture de rapport à l’encontre de Monsieur [T] [I] et prononcer sa mise hors de cause ;
débouter la société BECRI et son assureur, L’AUXILIAIRE, de toute demande présentée à son encontre ;
condamner la SCCV WILSON ROUQUIER, la BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL, la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK, la société BECRI et son assureur, L’AUXILIAIRE à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
condamner la société ETI ou tout autre succombant à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
*

Régulièrement assignée à personne morale, la société BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL n’a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties.

La clôture est intervenue le 8 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LES DEMANDES PRINCIPALES

I. Sur les fins de non-recevoir

La société BECRI et son assureur l'Auxiliaire sollicitent de voir déclarer irrecevables les demandes formées par la société ETI :

pour défaut de droit d'agir dans la mesure où la société ETI a été dissoute le 15 décembre 2016 et qu'elle ne justifie pas, au visa de l'article 1844-8 du Code civil, de la prolongation du mandat du liquidateur amiable pour la représenter en l'absence de publication de cette prolongation ;pour prescription de l'action engagée par la société ETI à l'égard de la société l'AUXILIAIRE dès lors qu'elle n'a présenté pour la première fois de demande à son encontre que par conclusions du 10 avril 2019 alors qu'elle connaissait au plus tard son préjudice au 24 février 2014 ;pour défaut de droit d'agir dès lors que la société ETI et la SCCV WILSON ROUQUIER ont transigé par deux fois et ne peuvent plus formuler de prétentions en lien avec les retards objets de ces avenants.
En réponse, la société ETI fait valoir que :

elle justifie que le mandat du liquidateur a été renouvelé pour une durée de 3 ans par décision de l'assemblée générale ordinaire du 12 décembre 2019 et que seule la nomination ou la révocation d'un liquidateur doit être publiée ce qui a été fait le 20 décembre 2016 ,son action n'est pas prescrite à l'égard de la société l'Auxiliaire dans la mesure où le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de l'assignation de son assurée, la société Becri, ce qui a été fait le 11 juillet 2014, qu'elle n'a appris le nom de l'assureur que suite à l'assignation en intervention forcée délivrée par la SCCV WILSON ROUQUIER, qu'enfin le juge de la mise en état a prononcé un sursis à statuer sur toutes les demandes des parties de sorte que le délai de prescription a été suspendu entre 30 septembre 2016 et le 13 février 2019 ;il n'est justifié d'aucune irrecevabilité dès lors que l'expert a tenu compte des dispositions des avenants n°1 bis et 2 dans le calcul de l'allongement imputable.
I.A. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir

Aux termes de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l’article 1844-8 du Code civil, si la personnalité morale subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à ce que la clôture de celle-ci ait été publiée, seul en pareil cas le liquidateur a qualité pour agir au nom de la société dissoute. La nomination et la révocation ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur publication.

Au cas présent, il ressort des pièces du dossier que :

- selon procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2016, produite aux débats, les actionnaires de la SA ETI ont décidé de la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable, enfin ont nommé la SAS Fradim en qualité de liquidateur amiable de la société pour la durée de la liquidation ;

- au vu de l’attestation de parution produite, la décision de dissolution et la nomination de la société Fradim en qualité de liquidateur a fait l’objet d’une publication dans le journal d’annonces légales «Les Affiches Parisiennes » le 20 décembre 2016 ;

- au vu du procès-verbal de la réunion de l’assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2016, il ressort que cette décision a été transmise au greffe du tribunal de commerce tel que cela ressort du tampon figurant sur l’acte apposé le 23 décembre 2016 ;

- selon procès-verbal ordinaire du 12 décembre 2019, les actionnaires de la société ETI ont décidé de renouveler le mandat du liquidateur, la société Fradim, pour une durée de 3 ans compte tenu des contentieux en cours et des garanties décennales des chantiers effectués par la société.

Dans la mesure où la société ETI justifie de la publication de la nomination de son liquidateur amiable suite à la décision de dissolution, où son mandat a été renouvelé, et où enfin les dispositions légales n’exigent pas de publication du renouvellement dudit mandat, il s’ensuit que celle-ci démontre la qualité à agir en demande à la présente instance de la société Fradim en qualité de liquidateur amiable. La fin de non-recevoir ainsi formée par la société Becri et son assureur la société l’Auxiliaire doit dès lors être rejetée.

I.B. Sur la fin de non -recevoir tirée de la prescription

En vertu de l’article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Au cas présent, il ressort des éléments du dossier que la société ETI a assigné la SCCV Wilson Rouquier le 24 février 2014 puis a assigné la société Becri au mois de juillet 2015, qu’enfin la société ETI n’a formé pour la premières des demandes à l’encontre de la société l’Auxiliaire, assignée par la SCCV Wilson par exploit d’huissier du 24 février 2016, par conclusions du 10 avril 2019.

Force est de constater qu’il n’est nullement démontré par la société l’Auxiliaire que la société ETI avait connaissance de la souscription d’une assurance par la société Becri auprès de cette compagnie d’assurance avant la délivrance d’une assignation à son encontre par la SCCV Wilson Rouquier en sa qualité de maître d’ouvrage et cocontractante de la société Becri.

En conséquence dans la mesure où le délai de prescription ne peut courir avant que la société ETI ait pu connaître que la société Becri était assurée auprès de la société l’Auxiliaire, laquelle est intervenue postérieurement au 24 février 2016, où la société ETI a formé pour la première fois ses demandes le 10 avril 2019, soit dans le délai de 5 ans à compter de cette date, il convient de la dire recevable et non prescrite en son action.

La fin de non-recevoir formée par la société l’Auxiliaire doit dès lors être rejetée.

I.C. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir

Aux termes de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l’article 2052 du Code civil, la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet ». Constitue dès lors une fin de non-recevoir pour défaut d’intérêt légitime à agir la partie qui forme à l’encontre d’une autre partie avec laquelle elle a transigé une demande ayant déjà fait l’objet de ladite transaction.

Or force est de constater que la société Becri et la société l’Auxiliaire ne justifient pas en l’espèce avoir transigé avec la société ETI, que de surcroît elles ne peuvent pas se prévaloir d’une transaction conclue entre deux autres parties et à laquelle elles n’ont pas participé de sorte qu’il convient de rejeter la fin de non-recevoir ainsi soulevée, laquelle constitue en définitive une défense au fond portant sur la démonstration d’un préjudice par la société ETI.

II. Sur la demande de nullité du rapport d’expertise

La SCCV WILSON ROUQUIER, la société BECRI et son assureur l'Auxiliaire, la société DGM & Associés et la SAS VANIM venant aux droits de la SASU EPSTEIN sollicitent de voir prononcer la nullité du rapport d'expertise en raison du défaut d'impartialité de l'expert judiciaire.

La SCCV WILSON fait valoir que l'expert judiciaire a, en premier lieu, fait preuve d'un manque d'impartialité objective dès lors qu'il a été désigné par le même tribunal dans deux expertises liées à la même opération immobilière, l'une opposant la SCCV Wilson Rouquier à la société ETI, l'autre l'opposant aux consorts [L], acquéreurs d'un appartement et l'ensemble des entrepreneurs, que sans reconnaître de lien véritable entre les deux expertises, il a néanmoins annexé le rapport [L] au rapport ETI et que le défaut d'impartialité objective est constitué dès lors que l'expert a formulé un jugement sur une même partie dans une autre affaire. Elle expose par ailleurs que la société ETI a délibérément demandé la désignation d'un expert judiciaire spécialisé en ingénierie BTP afin d'obtenir un expert de sa propre profession, le gros œuvre, privilégiant sa position, la SCCV Wilson Rouquier estimant que M. [X] est à ce titre un confrère de la société ETI et qu'il est notoire que les entreprises de BTP sont en tension permanente avec les maîtres d'ouvrage professionnels.

Elle expose en outre que l'expert a fait preuve d'une impartialité subjective en ce que :
l'expert a manqué d'indépendance dans la mesure où il a reconnu qu'il était dû une somme à la société ETI malgré les nombreuses carences de la société ETI et a reconnu une part d'imputabilité à cette société de 0,37% ;l'absence d'impartialité de M. [X] se déduit de la connexion qu'il a établie entre les deux rapports d'expertise ETI et [L] mue par une volonté d'accabler la SCCV WILSON ROUQUIER en suggérant qu'elle cumule les affaires et les turpitudes alors qu'il est formellement interdit à l'expert de nuire à une partie en communiquant à la juridiction des informations étrangères à sa mission ;M. [X] a effectué de nombreuses critiques à l'égard de la SCCV WILSON ROUQUIER et l'a harcelée de demandes de communication de documents révélant un préjugé défavorable et a fait preuve d'une franche hostilité à son égard ;l'expert a écarté une pièce (l'analyse comptable des préjudices subis par ETI effectuée par l'expert comptable [W]) violant l'article 276 du Code de procédure civile lui faisant obligation de répondre à toutes les observations des parties et n'a pas tenu compte de son dire n°8.
La société BECRI et son assureur l'Auxiliaire, s’associent de leur côté aux moyens développés par la SCCV Wilson Rouquier soulignant que ses conclusions aboutissant à retenir une part d’imputabilité à la société ETI dans le retard à hauteur de 0,37% suffisent selon elles à trahir son manque d’impartialité. Ces parties reprochent enfin à l’expert d’avoir écarté l’expertise comptable produite par la SCCV Wilson Rouquier.

La société DGM & Associés et la SAS VANIM venant aux droits de la SASU EPSTEIN s’associent également aux moyens développés par la SCCV Wilson Rouquier estimant que l’expert a adopté une démarche agressive à l’égard tant de la maîtrise d’ouvrage que de la maîtrise d’oeuvre se manifestant par des commentaires soupçonneux voire accusateurs et une défiance dont la société ETI aurait pour sa part été épargnée. Enfin elles exposent que l’expert a violé le principe du contradictoire en écartant l’expertise comptable de M. [W] bien que versée aux débats et que le caractère minime du taux d’imputabilité dans le retard retenu à l’égard de la société ETI suffit à démontrer son défaut d’impartialité.

En réponse la société ETI fait valoir que :

l’expert judiciaire a parfaitement respecté le principe du contradictoire et mené les opérations d’expertise en toute transparence en faisant en sorte de diffuser aux parties la progression de sa réflexion et l’évolution de ses réponses provisoires aussi souvent que possible pour que les parties puissent orienter et compléter leurs argumentaires en conséquence ;
l’expert s’est évertué à rappeler aux parties l’importance de lui communiquer les pièces sollicitées, que s’il n’a émis aucune observation à son encontre à ce titre, c’est qu’elle a toujours transmis les documents sollicités ;
l’expert a étudié l’ensemble des observations et dires qui lui ont été adressés et s’est appliqué à y répondre ;
les défenderesses notamment la SCCV Wilson Rouquier sont irrecevables à invoquer pour la première fois devant les juges du fond un manquement de l’expert à l’exigence d’impartialité objective tirée de l’application de l’article 6 de la CEDH alors qu’elles invoquent des événements dont elles avaient connaissance durant les opérations d’expertise sans que cela ne les ait conduit à solliciter la récusation de l’expert (telle que la désignation de l’expert dans deux dossiers impliquant la SCCV Wilson Rouquier) ;
l’adjonction du rapport d’expertise [L] à l’expertise ETI ne constitue pas une violation de l’article 244 du Code de procédure civile dès lors que certains points sont communs, notamment la question du SPA évoquée dans le cadre des deux opérations d’expertise, qu’en outre l’expert a sollicité l’avis des parties sur cette adjonction sans que la SCCV Wilson Rouquier n’ait émis d’observations ;
les appréciations émises par l’expert sur le comportement de la SCCV Wilson Rouquier ou les autres parties dans son rapport ne sont que le reflet de la vérité qu’en outre ces parties n’ont jamais saisi le juge du contrôle pour solliciter le remplacement de l’expert ou se plaindre d’un manquement de l’expert à ses obligations ;
l’expert judiciaire contrairement à ce que soutient la SCCV Wilson Rouquier a pris en compte le rapport comptable de M. [W] comme son dire n°8 et y a répondu dans son rapport ;
la qualité du travail fourni par l’expert a été reconnue tant par le juge du contrôle des expertises que par le conseiller d’appel chargé de statuer sur le recours formé sur la taxation de ses honoraires ;
les défenderesses ne justifient d’aucun lien ni parti pris entre elles et l’expert judiciaire, dès lors que l’expert a affirmé dès le départ des opérations d’expertise son indépendance vis-à-vis des parties et qu’il a répondu de manière objective aux chefs de mission grâce à ses propres analyses et déductions, qu’il a ainsi écarté des méthodologies proposées par elle et diminué ses demandes indemnitaires, et qu’aucune collusion ou complicité ne peut être déduite du simple fait d’avoir sollicité la désignation d’un expert ingénieur du BTP pour réaliser cette expertise.
***

Aux termes de l’article 175 du Code de procédure civile, la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

En vertu de l’article 114 du Code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

L’article 237 du Code civil prévoit que le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.

L’impartialité du juge comme du technicien qu’il désigne est garantie par l’article 6-1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dotée d’une valeur constitutionnelle, qui confère au justiciable un droit au procès équitable.

En application de ce principe, le technicien est tenu d’un devoir d’impartialité subjective lui imposant de n’avoir aucun parti pris en son for intérieur. L’impartialité subjective du technicien est présumée de sorte qu’il incombe à la partie qui reproche à l’expert un défaut d’impartialité subjective de rapporter la preuve de la partialité de l’expert.

Or à ce titre, il est constant que le fait pour un tribunal d’avoir déjà statué sur des faits similaires ou dans le cadre de contentieux répétitifs entre les mêmes parties ne suffit à démontrer un manque d’impartialité subjective.

Parallèlement, l’expert est tenu également d’une impartialité objective conduisant à ce que les circonstances dans lesquelles il intervient ne doivent pas être de nature à faire naître chez les parties un soupçon légitime de partialité. Dans ce cadre, il ne s’agit pas uniquement de constater que l’expert a préalablement connu de l’affaire, mais plutôt de déterminer la nature de sa prise de décision antérieure. L’impartialité objective ou fonctionnelle se présume jusqu’à preuve du contraire.

Au cas présent, les parties défenderesses et en particulier la SCCV Wilson Rouquier reprochent principalement à l’expert un manque d’impartialité objective, un manque d’impartialité subjective et un manquement au principe du contradictoire qu’il convient d’examiner successivement.

Sur le manque d'impartialité objective

- La SCCV Wilson Rouquier expose, en premier lieu, que M. [X] a été désigné entre mai et octobre 2015, deux fois par la même chambre du Tribunal de grande instance de Paris pour connaître d’un litige qui mettait en cause la même société la SCCV WILSON ROUQUIER à propos de la même opération immobilière, l’ayant conduit à déposer un premier rapport d’expertise dans le dossier [L] en 2017 puis un second rapport d’expertise dans le dossier ETI en 2019. Elle fait valoir que l’expert a annexé le rapport d’expertise [L] au rapport ETI établissant un lien entre les deux opérations d’expertise et dès lors l’influence que l’une avait eu sur l’autre et que ces éléments sont de nature à caractériser un défaut d’impartialité objective. Elle ajoute que l’adjonction de ce rapport [L] au rapport ETI ne peut s’expliquer que par une volonté d’accabler une partie en suggérant qu’elle cumule les affaires et les turpitudes démontrant dès lors le préjugement de l’expert sur le litige opposant la SCCV Wilson Rouquier à la société ETI.

En l’espèce, aux termes du rapport d’expertise, il ressort en page 13 que l’expert a indiqué qu’en 2015, une seconde mission lui avait été confiée par le Tribunal de grande instance de Paris concernant la même opération de construction mais opposant cette fois-ci M. [L] (un acquéreur en VEFA) notamment à la SCCV Wilson Rouquier, que ce rapport a été déposé en l’état le 4 décembre 2017 et que pour le confort du tribunal celui-ci était joint en annexe 05E tout en indiquant néanmoins que « les deux expertises ont une faible interaction ».

Force est de constater que le simple fait que l’expert ait été désigné deux fois pour mener des opérations d’expertise concernant une même opération de construction ne suffit pas à démontrer un manquement d’impartialité objective et ce d’autant plus que dans le cas présent les deux opérations d’expertise ne concernaient ni les mêmes parties ni les mêmes problématiques.

Par ailleurs et surtout, en page 308 du rapport d’expertise ETI, il ressort que l’expert vise le devis n°17 ( SPA W13 travaux modificatifs acquéreurs) qui porte sur le sujet du SPA du duplex appartenant aux consorts [L] et évoque les conclusions de l’expertise connexe [L] à laquelle la société ETI n’était pas partie afin de donner son avis sur la demande de paiement des devis pour travaux modificatifs acquéreurs formulée par la société ETI. Or il convient de constater que l’expert ne retient aucune somme due à ce titre à la société ETI compte tenu d’un geste commercial effectué par cette société mais surtout fonde son avis sur les investigations menées dans le cadre du rapport [L] qui lui ont permis de conclure à l’absence de réalisation des travaux objets de ce devis (renforcements de la structure béton pour l’intégration d’une charge complémentaire de 9 tonnes).

Dès lors il convient de constater, d’une part, que le fait d’avoir annexé le rapport [L] au rapport ETI constitue une simple application de l’article 244 alinéa 1, précité, qui permet à l’expert de faire état dans son rapport de toutes les informations qui apportent un éclaircissement sur les questions à examiner, d’autre part, que le renvoi au rapport [L], loin de démontrer un parti-pris en défaveur de la SCCV Wilson Rouquier, permet à l’expert de donner un avis défavorable à la demande formée par la société ETI sur le paiement du devis n°17.

- La SCCV Wilson Rouquier expose, en second lieu, que la société ETI a volontairement sollicité la désignation d’un expert ayant la même spécialité qu’elle, afin de la favoriser dès lors qu’il est notoire que les ingénieurs du BTP sont en tension permanente avec les maîtres d’ouvrages professionnels.

Force est de constater que s’il est établi et non contesté par la société ETI qu’elle a sollicité la désignation d’un expert ingénieur BTP pour mener les opérations d’expertise, il convient de constater que la désignation de l’expert relève des attributions du juge, en l’espèce, du juge de la mise en état, et non d’une décision unilatérale de la société ETI, qu’en outre le simple fait d’avoir la qualité d’ingénieur en BTP ne peut suffire à en déduire une inimitié à l’égard de tous les maîtres d’ouvrage professionnels, et particulièrement à l’égard de la SCCV Wilson Rouquier, susceptible de caractériser un manquement d’impartialité.

Sur le manque d’impartialité subjective

- La SCCV Wilson Rouquier fait valoir que le préjugé défavorable de l’expert transparaît dans le rapport [L], dans lequel il adresse des reproches au maître d’ouvrage et l’a harcelé de demandes de communication de pièces allant jusqu’à solliciter une ordonnance d’injonction pendant les périodes de vacations auprès du juge du contrôle et une fois les pièces obtenues, que l'expert a critiqué le formalisme des pièces communiquées.

Au vu du rapport [L], il convient de constater que ce rapport a été réalisé dans le cadre d’un litige opposant M. [L], acquéreur VEFA à la SCCV Wilson Rouquier, et de nombreux intervenants à la construction concernant principalement la question de la toiture-terrasse comportant une véranda et située au 6ème étage (incluant la question des charges pouvant être supportées notamment pour l’installation d’un SPA et le respect de la réglementation thermique), et différents autres désordres (parquet, cheminée).

Il ressort qu’afin de répondre aux chefs de mission précis qui lui avaient été confiés, l’expert a sollicité auprès de plusieurs parties la transmission de pièces.

Force est de constater que dans ce cadre l’expert a sollicité le 18 décembre 2015 des pièces à la SCCV Wilson Rouquier notamment « la note de calcul de la charge pouvant être supportée par la toiture-terrasse, son visa par le maître d’oeuvre d’exécution et l’avis émis par le contrôleur technique ainsi que son rapport initial de contrôle technique », que le 28 avril 2016 l’expert a constaté que cette note de calcul n’avait pas été communiquée.

Le 24 mai 2016, l’expert constatait que la SCCV Wilson Rouquier communiquait la note de calcul sollicitée établie par le bureau d’études techniques (SNC Lavallin) le 12 janvier 2013 traitant de l’impact qu’aurait l’implantation d’un SPA de 19 tonnes en toiture-terrasse du 6ème sur le plancher haut et sur toute la descente de charge, mais qu’en raison d’une mention apposée sur celui-ci de « plan de récolement » laissant supposer que le renforcement des structures avait été effectué, l’expert se posait dès lors la question de la réalisation ou non des travaux de renforcement structurels, ce qui le conduisait à solliciter de nouvelles pièces pour s’en assurer auprès de la société Becri (maître d’oeuvre d’exécution) et auprès du maître d’ouvrage, notamment un dossier de récolement certifié par le maître d’oeuvre ainsi que d’autres pièces (note de calcul version 7 tonnes prescrivant les aciers prévus dans les devis, son visa par le maître d’oeuvre d’exécution et l’avis du contrôleur technique). Si la SCCV Wilson Rouquier indiquait oralement que le renforcement du plancher haut du 5ème étage avait été réalisé pour reprendre la charge d’un SPA de 7 t elle ne fournissait pas les pièces sollicitées de sorte que l’expert réitérait ses demandes, qu’en raison de l’absence de communication des pièces sollicitées, l’expert avait formé auprès du juge du contrôle, tel que le lui permet l’article 275 du Code de procédure civile, une demande aux fins de production de pièces qui a été suivie d’effet par une injonction de communiquer rendue par le juge du contrôle le 25 juillet 2016. En l’absence des documents sollicités, l’expert a dès lors analysé les autres pièces produites pour parvenir à la conclusion qu’il ne bénéficiait d’aucun justificatif probant concernant les charges pouvant être supportées par la toiture-terrasse du 6ème étage provenant tant du maître d’ouvrage que de l’entreprise de gros œuvre ou d’une autre partie.

Au vu de ces éléments, il ne ressort nullement que les demandes formées par l’expert aux fins de communication de pièces n’aient eu un autre objectif que de tenter de répondre à ses chefs de mission, que par ailleurs l’expert a relevé que les autres intervenants à la construction n’avaient pas été non plus en mesure de répondre à ses interrogations, indiquant même à cet effet que les pièces du dossier tendaient à jeter le discrédit sur les propos de la société ETI (fin de page 20/63 du rapport [L]).

S’agissant de la question du respect de la réglementation thermique de la véranda située au 6ème étage, il ressort de la même manière que l’expert a sollicité différentes pièces pour tenter de répondre aux chefs de mission posés auprès de l’ensemble des parties et qu’en l’absence d’obtention des pièces sollicitées auprès du maître d’ouvrage depuis le mois de décembre 2015 le juge du contrôle a été saisi lequel a fait droit à la demande de l’expert.

Si la SCCV Wilson Rouquier reproche d’avoir été la seule à être destinataire d’une injonction de communiquer, l’expert fait observer en réponse qu’elle participe aux opérations d’expertise depuis plus longtemps que le maître d’oeuvre BECRI qui a été mis en cause uniquement depuis le mois de mai 2016 alors que des pièces sont sollicitées auprès du maître d’ouvrage depuis le mois de décembre 2015.

Enfin les reproches formés par la SCCV Wilson Rouquier sur la date de demande de pièces en période de vacation ne peuvent prospérer dès lors que le recours au juge du contrôle s’est fait après plusieurs relances pour obtenir les pièces, et qu’il est établi au vu du rapport d’expertise, reprenant les échanges ayant eu lieu sur la question de la communication de pièces, que la SCCV Wilson Rouquier a été à chaque fois en mesure de former toutes observations et de défendre sa position de sorte qu’il n’est nullement démontré de grief à ce titre, qu’elle reconnaît en outre avoir transmis différentes pièces à la suite des demandes formées par l’expert.

Il s’ensuit qu’il ne découle ni des termes ni de l’attitude de l’expert aucune preuve d’inimitié ou parti-pris en défaveur du maître d’ouvrage, l’expert ayant décrit dans son rapport simplement l’ensemble des demandes de pièces formées pour être en mesure de répondre aux questions posées par le tribunal et son analyse des pièces fournies.

- La SCCV Wilson Rouquier indique que l’expert a fait preuve à son égard d’une hostilité viscérale et de préjugés défavorables se caractérisant par des propos retranscrits dans le rapport d’expertise « Nous sommes en face d’un promoteur qui estime sans doute que la position de donneur d’ordre permet d’obtenir à peu près tout ce que l’on veut au moindre coût y compris ce qui n’est pas explicitement prévu dans les contrats » ou déplore que la société Becri n’ait « malheureusement pas appuyé ses CR par des courriers circonstanciés à la SCCV », lui reproche la « rétention de certaines informations essentielles », mais également les reproches continus de l’expert concernant la communication des pièces puis leur formalisme, ainsi que par la saisine du juge du contrôle pour obtenir communication des pièces, le refus de l’expert de lui accorder des délais supplémentaires pour répondre à la note de synthèse, enfin son avis sur les imputabilités et sur l’existence d’une créance en faveur de la société ETI à hauteur d’une somme de 728.843 euros. Les sociétés Becri, DGM et Epstein reprochent également à l’expert une attitude agressive à leur égard et une complaisance à l’égard de la société ETI et le fait d’avoir imputé un pourcentage minime à cette société.

Force est de constater qu’après un travail d’analyse approfondi du déroulement du chantier Wilson Rouquier l’expert est parvenu à des conclusions sur la question des imputabilités au titre du retard de chantier et la désorganisation du chantier, que les réflexions de l’expert figurant dans son rapport sont le fruit d’un travail d’analyse des pièces et renvoient systématiquement à des propos tenus par les parties ou des pièces du dossier. Il s’ensuit que le véritable reproche formé par la SCCV Wilson Rouquier et les défenderesses ne touche pas aux conditions du déroulement des opérations d’expertise ni à l’impartialité de l’expert contre lesquels aucune de ces parties n’a formé de demande de récusation ou de remplacement devant le juge du contrôle pendant les opérations d’expertise mais porte en définitive sur les conclusions mêmes auxquelles a abouti l’expert, lesquelles ne peuvent permettre d’asseoir une demande de nullité de l’expertise.

S’agissant de l’agressivité alléguée, force est de constater que celle-ci n’est nullement établie par les parties, qu’il ressort du rapport d’expertise que toutes les parties ont été amenées à faire l’objet de de demandes de pièces, que des critiques sur les pièces ou éléments indiqués par les parties ont été formulées à l’égard de toutes les parties par l’expert sans exception, l’expert n’ayant pas hésité à indiquer, notamment dans le rapport [L], s’agissant de la société ETI que ces paroles étaient discréditées par les investigations menées au vu des pièces, ou dans le rapport ETI que cette société présentait « des raisonnements parfois spéciaux sur le chiffrage de son préjudice ».

- la SCCV Wilson Rouquier reproche une complicité voire une collusion entre la société ETI et l’expert dès lors que la société ETI a défendu la requête en taxation de ses honoraires formée par l’expert judiciaire face à la demande de diminution sollicitée par la société Becri et la société l’Auxiliaire, a même avancé l’intégralité de ces frais à hauteur de la somme de 185.109 euros et continue lors de la présente instance à défendre la méthodologie utilisée par l’expert pour la présentation de son rapport.

Là encore le fait que la société ETI défende le travail réalisé par l’expert qui a été en outre reconnu tant par le juge du contrôle de l’expertise que par le conseiller de la cour d’appel qui a statué sur la requête en taxation, ne peut suffire à caractériser un manquement d’impartialité de l’expert.

Sur les manquements au respect du contradictoire

La SCCV Wilson Rouquier reproche principalement à l’expert d’avoir écarté l’analyse comptable des préjudices subis par la soicété ETI effectuée par l'expert comptable [W] et de ne pas avoir répondu au dire n°8 .

- Sur l’analyse comptable de M. [W] : Aux termes du rapport d’expertise, il ressort que l’expert a diffusé aux parties le 19 juillet 2018 sa note de synthèse et imparti aux parties un délai jusqu’à fin septembre 2018 pour transmettre leurs derniers dires. Me Cadix pour la société Becri et Me Zakrine pour la SCCV Wilson Rouquier ont sollicité auprès de l’expert un délai plus long ce qui a été accordé par celui-ci jusqu’au 19 octobre 2018 par courriel du 20 juillet 2018. Il ressort que les parties ont saisi le juge du contrôle pour disposer d’un mois de report supplémentaire auquel l’expert a indiqué s’opposer dans la mesure où les parties s’étaient mises précédemment d’accord sur la mi-octobre, laquelle lui paraissait une date raisonnable. Le délai a finalement été prorogé jusqu’au 15 novembre 2018 par le juge du contrôle des expertises.

Or il ressort du rapport d’expertise que bien que la société ETI avait développé dès son dire n°8 en date du 1er mars 2017 une évaluation de ses préjudices, la SCCV Wilson Rouquier a inclus pour la première fois une critique des préjudices ainsi sollicités par la société ETI dans son aspect comptable dans son dire récapitulatif n°8 datant du 15 novembre 2018, soit à la dernière date accordée aux parties pour déposer leurs dernières observations. Il s’ensuit que le document nouvellement produit par la SCCV Wilson Rouquier n’a pas été préalablement transmis aux parties notamment à la société ETI pendant le déroulement des opérations d'expertise alors qu’elle était en mesure de le faire depuis le mois de mars 2017 jusqu’à la note de synthèse et que cette partie a attendu la date butoir de dépôt des derniers dires pour transmettre cette nouvelle pièce.

La SCCV Wilson Rouquier reproche à l’expert d’avoir écarté cette pièce de l’expertise. Or force est de constater que l’expert, malgré les conditions de transmission de cette pièce ayant privé de fait les parties d’un débat contradictoire pendant le déroulement des opérations d’expertise, a néanmoins reproduit ladite pièce dans son rapport et y a répondu en indiquant qu’elle ne changeait pas sa position sur les préjudices sollicités par la société ETI. Il s’ensuit dès lors qu’il ne peut être reproché à l’expert d’avoir écarté cette pièce de l’expertise alors que cette pièce est reproduite dans son rapport et que seule la SCCV Wilson Rouquier, en attendant la dernière date impartie aux parties pour transmettre les derniers dires pour diffuser sa pièce, a contribué seule à priver les parties pendant les opérations d’expertise d’un débat sur la dite pièce.

- sur le dire n°8 : Il ressort du rapport d’expertise que le dire n°8 a été annexé au rapport dans son intégralité et qu’il y a été répondu dans le corps de son rapport sur chaque thématique abordé : Ainsi par exemple sur le thème de la garantie de paiement, l’expert reproduit des extraits du dire du 15 novembre 2018 et y répond aux pages 240 à 242 du rapport (« dernières observations de la SCCV » ; « dire récapitulatif SCCV du 15 novembre 2018 (DO) »

Au vu de l’ensemble de ces éléments, faute pour les parties d’établir un manquement commis par l’expert judiciaire à son devoir d’impartialité et au principe du contradictoire, il y a lieu de rejeter la demande de nullité du rapport d’expertise.

III. Sur la nature de la rupture des relations contractuelles entre la société ETI et la SCCV Wilson Rouquier

La société ETI sollicite de voir dire que la résiliation unilatérale du marché, notifiée par la SCCV WILSON ROUQUIER le 27 février 2014 est abusive.

Au soutien de sa demande, elle expose que :

- la SCCV Wilson Rouquier s’est abstenue de lui fournir une garantie légale de paiement de ses travaux en violation des dispositions de l’article 1799-1 du Code civil ;

- le maître d’ouvrage n’a pas payé les situations de travaux en appliquant de manière injustifiée des retenues au titre de pénalités de retard non dues ;

- elle a décidé, en conséquence du non-respect de ses obligations contractuelles par le maître d’ouvrage, de surseoir à l’exécution de ses travaux à compter du 14 février 2014 après l’envoi de plusieurs mises en demeure au maître d’ouvrage conformément à l’article 1799-1 du Code civil et l’article 20.9 de la norme NFP 03-001 applicable au marché ;

- cette suspension de l’exécution des travaux constitue une voie légitime pour contraindre le maître d’ouvrage à respecter ses propres engagements contractuels qui ne peut s’assimiler à un abandon de chantier ;

- faute pour le maître d’ouvrage d’avoir justifié de l’exécution de ses engagements incluant non seulement la fourniture de la garantie de paiement mais également le paiement des situations de travaux restées impayées et faute de signature d’un avenant pour organiser les conditions de reprise du chantier, elle n’ a pas repris le chantier ;

- la décision unilatérale prise par le maître d’ouvrage de résilier le contrat d’entreprise liant les parties était dans ces circonstances abusives.

En réponse la SCCV Wilson Rouquier fait valoir que :

- la résiliation unilatérale notifiée le 27 février 2014 à la société ETI était régulière dans sa forme dès lors qu’elle a été notifiée après l’envoi d’une mise en demeure le 13 février 2014 de respecter ses engagements contractuels conformément à l’article 43.2 du CCAP et le 20 février 2014 de réintégrer le chantier et qu’un constat d’huissier destiné à faire l’état de l’achèvement des travaux a été fait en présence de l’entreprise le 6 mars 2014 conformément à l’article 44.1 du CCAP ;

- la résiliation unilatérale est régulière sur le fond dès lors qu’elle est la sanction du manquement le plus grave que peut commettre une entreprise, soit l’abandon du chantier, et est prévue par l’article 43.2 et 43.21 du CCAP ;

- la société ETI ne peut se prévaloir de l’interruption légitime du chantier prévue à l’article 1799-1 du Code civil dès lors qu’elle n’a pas suspendu l’exécution de ses travaux le 14 février 2014 mais a décidé de quitter définitivement le chantier en procédant à l’enlèvement de l’ensemble de ses installations et en privant d’électricité tous les corps d’état travaillant sur le chantier ;

- la société ETI ne peut se prévaloir d’une exception d’inexécution en raison de l’absence de fourniture d’une garantie de paiement dans la mesure où selon l’additif n°1 les parties avaient convenu expressément de recourir à une garantie à la fois légale et conventionnelle liée à la subrogation de la société ETI dans les droits du crédit octroyé au maître d’ouvrage par la banque et par la garantie d’achèvement et qu’en tout état de cause cette garantie a été fournie sans que l’entreprise ne revienne sur le chantier ;

- la société ETI ne pouvait se prévaloir de l’exception d’inexécution prévue à l’article 1799-1 alinéa 3 du Code civil fondée sur l’absence de paiement de ses situations de travaux dans la mesure où ces dispositions étaient applicables uniquement dans les cas où le maître d’ouvrage ne fournissait ni la garantie d’un prêt ni garantie conventionnelle, dans la mesure où elle a quitté le chantier avant la fin du délai imparti pour justifier de la garantie de paiement et où cette suspension n’était pas prévue pour les cas d’application de pénalités de retard.

***

Au vu des demandes formées et des moyens soulevés à l’appui de celles-ci par les parties, il convient de constater que, d’un côté, selon la société ETI, le maître d’ouvrage a résilié unilatéralement le marché de travaux de manière abusive dès lors qu’elle estime avoir de manière légitime suspendu l’exécution de ses obligations compte tenu du défaut de fourniture d’une garantie de paiement par le maître d’ouvrage et du non paiement de ses situations de travaux de sorte que la SCCV Wilson Rouquier ne pouvait se fonder sur ce motif pour résilier le contrat les liant.

De l’autre côté, selon la SCCV Wilson Rouquier, la société ETI n’a, d’une part, pas suspendu l’exécution de ses obligations mais a abandonné le chantier, d’autre part, n’avait aucun motif légitime pour le faire dès lors qu’elle lui avait fourni des garanties de paiement légale et conventionnelle et qu’elle avait contractuellement le droit d’appliquer des pénalités de retard.

Il convient dès lors de vérifier si les motifs de suspension de l’exécution de ses obligations par la société ETI étaient justifiés ainsi que les conditions dans lesquelles cette suspension s’est réalisée.

Concernant l’absence de fourniture de la garantie légale de paiement

Aux termes de l’article 1799-1 du Code civil, le maître de l'ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3o de l'article 1779 doit garantir à l'entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d'État.

Lorsque le maître de l'ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l'établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3o de l'article 1779 tant que celles-ci n'ont pas reçu le paiement de l'intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l'ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l'ouvrage entre les mains de la personne ou d'un mandataire désigné à cet effet.

Lorsque le maître de l'ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu'il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d'une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, «une société de financement» une entreprise d'assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. Tant qu'aucune garantie n'a été fournie et que l'entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.

Selon l’article 1er du décret n° 99-658 du 30 juillet 1999 , le crédit visé à l’alinéa 2, doit être destiné exclusivement et en totalité au paiement de travaux exécutés par l’entrepreneur. Il s’ensuit que ce mécanisme de paiement direct ne s’applique pas en cas de crédits globaux obtenus par le maître de l’ouvrage, finançant l’ensemble de l’opération réalisée.

Il ressort de l’alinéa 3 précité que la fourniture d’un cautionnement solidaire est obligatoire lorsque trois conditions sont remplies :
- la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage portant sur un prix supérieur au seuil fixé par le décret du 30 juillet 1999 soit 12000 € ;
- les travaux ne sont pas financés par un crédit exclusivement et en totalité à leur paiement ;
- le maître d’ouvrage n’a pas fourni de garantie résultant d’une stipulation particulière.

Enfin il est constant que la garantie, qui est d’ordre publique, doit être fournie spontanément par le maître d’ouvrage, peut être demandée et consentie à tout moment y compris en cours de chantier voire en fin de chantier même si le maître d’ouvrage peut mettre en avant une créance de dommages et intérêts à l’encontre de l’entrepreneur se compensant avec les sommes encore dues.

Au cas présent, il ressort des éléments du dossier qu’aux termes du marché de travaux liant la SCCV Wilson Rouquier signé le 8 novembre 2011, la SCCV Wilson Rouquier, en qualité de maître d’ouvrage, a confié à la société ETI le lot « gros œuvre - façades semi porteuses » en contrepartie du paiement d’une somme de 6.975.000€ HT (7.342.100€TTC).

Aux termes de l’article III « documents contractuels constituant le marché », le contrat renvoie au cahier des clauses administratives particulières ( CCAP) lequel renvoie en son article 2.222 à la norme NF P 03-001 pour les seules matières non traitées par le CCAP. Il est établi que le CCAP ne contient aucune disposition relative à la garantie de paiement de sorte que l’article 20.9 de la norme NF P 03-001 devait être en principe applicable au contrat.

Aux termes de l’additif n°1 signé entre les parties le 9 novembre 2011, les parties ont ajouté à l’article VIII- Règlement des travaux du marché de travaux du 8 novembre 2011 un 3ème paragraphe prévoyant que :

« le délai de paiement effectué par le maître d’ouvrage est porté à 60 jours (au lieu de 40 jours) à compter de la date d’émission de la situation de travaux.

Il transmettra au plus tard à la notification de l’ordre de service n°1 démarrage des travaux et en lieu et place de la garantie de paiement due à l’entrepreneur au titre de l’article 20.9 de la norme AFNOR NFP 03-001 un courrier attestant que la présente opération fait l’objet d’un financement bancaire avec garantie d’achèvement par la BECM (groupe CM-CIC) et que l’ensemble des mouvements recettes-dépenses de l’ opération transitent par un compte centralisateur actionné par la banque. »

Il ressort que l’ordre de service de démarrage des travaux a été établi et signé le 20 décembre 2011 et que le même jour la Banque de l’Economie du Commerce et de la Monétique (ci-après BECM) a établi une attestation à l’attention du conseil de la SCCV Wilson Rouquier aux termes de laquelle elle a attesté « avoir accordé un financement bancaire avec garantie d’achèvement à la SCCV Wilson Rouquier afin de faciliter le paiement de la réalisation de son opération immobilière dénommée « carré d’or » située à [Localité 18] et que l’ensemble des mouvements « recettes-dépenses » relatifs à cette opération sont domiciliés sur un compte centralisateur ouvert en nos livres. »

Au vu des dispositions rappelées plus haut, il convient de constater que le mécanisme de paiement direct prévu à l’article 1799-1 alinéa 2 du Code civil n’était pas applicable en l’espèce dans la mesure où le crédit ainsi octroyé par la banque n’était pas exclusivement destiné au financement des seuls travaux de la société ETI mais de l’opération immobilière dans son ensemble tel que cela ressort de la propre attestation fournie par la banque et du courrier du 11 février 2014.

Ainsi aux termes du courrier de la société BECM du 11 février 2014, il est indiqué que « nous vous confirmons avoir délivré à la SCCV Wilson Rouquier par acte notarié du 6 décembre 2011 un crédit d’accompagnement spécifiquement destiné au financement de la réalisation de l’opération de promotion immobilière citée en objet [programme : Carré d’or] » et une garantie financière d’achèvement des travaux conformément à l’article R.261-21 b) du Code de la construction et de l’habitation. »

La SCCV Wilson Rouquier soutient en outre que la garantie financière d’achèvement souscrite auprès de la banque constitue une garantie conventionnelle équivalente au cautionnement solidaire prévue à l’alinéa 3 de l’article 1799-1 du Code civil comme pouvant s’y substituer. Or il résulte de l’article R 261-21 b) du Code de la construction et de l’habitation que la garantie financière d’achèvement fournie par un établissement bancaire se limite à une obligation de la caution envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble. Il s’ensuit que cette garantie ne crée aucune obligation de la caution à l’égard de l’entrepreneur et ne peut dès lors être considérée comme offrant une sécurité aussi grande que le cautionnement solidaire prévu à l’article 1799-1 alinéa 3 précité.

Il en découle que les dispositions prévues à l’additif n°1 ne respectaient pas les conditions posées à l’article 1799-1 du Code civil de sorte qu’il incombait à ce titre au maître d’ouvrage, qui ne pouvait y déroger de manière conventionnelle s’agissant de dispositions légales d’ordre public, de fournir la garantie obligatoire dès lors que les trois conditions, rappelées plus haut, étaient réunies.

Au vu des éléments du dossier, il ressort que :

- par courrier du 11 juin 2013, la société ETI a mis en demeure la SCCV Wilson Rouquier de souscrire une caution solidaire au titre de l’article 1799-1 du Code civil dans un délai de 15 jours sans quoi elle serait fondée à surseoir à l’exécution de son marché ;

- par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 juillet 2013, la société ETI, par l’intermédiaire de son conseil, a mis à nouveau en demeure la SCCV Wilson Rouquier de lui fournir une caution solidaire d’un montant minimum de 2 896 825,90€ au vu du solde du marché outre de lui régler les situations de travaux restées impayées à hauteur de la somme de 489 320,60€ sous peine à l’issue d’un délai de 15 jours de la réception de la lettre de suspendre l’exécution des travaux ;

- le 30 janvier 2014 le maître d’ouvrage, après visa de la société Becri, a appliqué une nouvelle retenue au titre de pénalités de retard à hauteur de la somme de 149 234,52 € TTC sur la situation de paiement n°23 ;

- la société ETI a, par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 janvier 2014, réceptionné le 3 février 2014, mis en demeure le maître d’ouvrage de lui fournir la garantie de paiement prévue à l’article 1799-1 du Code civil et de lui payer la somme de 241 436,47 € au titre du montant des pénalités appliquées dépassant le plafond contractuel et a informé qu’en l’absence elle suspendrait l’exécution des travaux, quitterait le chantier et transférerait la garde juridique des travaux au maître d’ouvrage ;

- par courrier du 6 février 2014, la société ETI a convoqué le maître d’ouvrage pour réaliser un constat d’huissier contradictoire de l’état d’avancement de ses ouvrages le 10 février 2014 ;

- par courrier du 7 février 2014 le maître d’ouvrage, par l’intermédiaire de son conseil, a qualifié d’illégitime la demande de caution bancaire formée par la société ETI et lui a indiqué qu’elle estimait que celle-ci avait renoncé à se prévaloir de la caution bancaire après la mise en demeure adressée en juillet 2013 enfin a refusé de rembourser les pénalités de retard appliquées ;

- par courrier du 11 février 2014, la société ETI, constatant l’absence de délivrance de la caution solidaire et la retenue de sommes opérées sur ses situations de travaux, a informé la SCCV Wilson Rouquier de la suspension de l’exécution des travaux à compter du 12 février 2014, de l’organisation du repli de ses installations de chantier à compter du 13 février 2014 et de la remise des clefs du chantier le 14 février 2014 actant le transfert de la garde du chantier au maître d’ouvrage ; dans ce cadre, la société ETI a informé le maître d’ouvrage qu’elle allait procéder aux replis de l’ensemble des salariés, matériels d’ETI présents sur le chantier, des installations participant de l’accès et de la sécurité collective du site, des matériels loués dans le cadre des installations communes, à la passation/ résiliation de l’ensemble des contrats concessionnaires (fluides) sous réserve de lui garantir du paiement du solde des appels de fonds du compte prorata non réglés à ce jour et à la suspension de la gestion du compte prorata ;

- par courriel du 13 février 2014, la SCCV Wilson Rouquier a mis en demeure la société ETI de poursuivre l’exécution de son marché, maintenant que la fourniture d’une caution solidaire n’était pas nécessaire compte tenu des dispositions prévues dans l’additif n°1, mais a indiqué avoir sollicité auprès de la BECM une caution d’un montant égal au montant des travaux restant à réaliser et dans l’attente a indiqué lui transmettre par envoi séparé une attestation de séquestre du même montant, soit la somme de 360 844€, enfin elle lui a adressé la copie d’ordre de virement portant sur une somme de 161 955€ passé ce jour à son attention ;

- par courrier du 17 février 2014, la société ETI a indiqué que les propositions effectuées par le maître d’ouvrage dans son courrier du 13 février ne la satisfaisaient pas dès lors que la caution bancaire fournie devait porter sur un minimum de 784 215 € et n’était pas censée inclure les pénalités de retard enfin faisait observer que sa situation de travaux n°15 payable au 31 mai 2023 n’avait pas été réglée et que la situation de travaux n°23 avait été réglée partiellement à hauteur de la somme de 9196 € de sorte que son solde impayé au 31 janvier 2014 s’élevait à la somme de 241.231,40 € et non à la somme de 161 955 € ;

- par courrier recommandé du 20 février 2014, la SCCV Wilson Rouquier a indiqué à la société ETI lui fournir la caution solidaire demandée à hauteur de la somme de 784 215 € et l’a mise en demeure de revenir sur le chantier dans un délai de 48h sous peine de résiliation du marché de travaux aux torts exclusifs de la société ETI.

Au vu de ces éléments en l’absence de fourniture du cautionnement solidaire dans le délai de 15 jours et de paiement des situations, et compte tenu de l’attitude réitérée du maître d’ouvrage de s’opposer à la fourniture d’une garantie de paiement et au paiement des situations de travaux, il convient d'en conclure que la société ETI était dès lors en droit de suspendre l’exécution de ses propres obligations à compter du 14 février 2014.

En effet dans la mesure où l’article 1799-1 du Code civil permet que l’entrepreneur suspende l’exécution de ses obligations compte tenu du non respect par le maître d’ouvrage de son obligation légale de fournir une garantie de paiement à l’entrepreneur, il s’ensuit que l'entrepreneur est autorisé par la loi à quitter le chantier, ce qui entraîne nécessairement le transfert de la garde juridique sur les travaux déjà exécutés au maître d’ouvrage, ce à quoi l’entrepreneur doit alerter expressément le maître d’ouvrage et qui a été fait en l’espèce par la société ETI dans son courrier du 11 février 2014.

Or il convient de constater que par la suite, la SCCV Wilson Rouquier a adressé une copie de l’attestation de caution solidaire souscrite auprès de la société BECM par courrier du 20 février 2014 portant sur une somme de 784.214,90 € et l’a notifié par huissier à la société ETI le 24 février 2014. Au vu du marché de travaux et des avenants 1 à 8, il convient de relever que le montant du cautionnement correspondait bien au coût du solde du marché après déduction des acomptes versés. En effet au vu du marché, des avenants et du rapport d’expertise, il est établi que le montant total du marché incluant les avenants signés par les parties s’élevait à la somme de 8 580 225,49 € TTC de sorte que le solde du marché après déduction des acomptes versés (7 796 011 € ) était de 784 214,49 euros.

Il s’ensuit qu’à la date du 24 février 2014, le maître d’ouvrage justifiait avoir produit un cautionnement solidaire à hauteur de ce montant répondant aux conditions posées par l’article 1799-1 du Code civil.

Toutefois à la même date, la société ETI a assigné la SCCV Wilson Rouquier par exploit d’huissier du 24 février 2014 aux fins de demander au tribunal de prononcer la résiliation judiciaire du marché de travaux les liant aux torts du maître d’ouvrage ainsi que de voir dire que le maître d'ouvrage n'est pas fondé à appliquer des pénalités de retards sur les situations de travaux de la société ETI et de condamner le maître d'ouvrage à lui payer le solde des travaux exécutés soit la somme de 814.634,27 € TTC outre 2.170.841,50 € de dommages et intérêts.

Enfin par courrier du 27 février 2014, la SCCV Wilson Rouquier a notifié, au visa de l’article 43.2 du CCAP à la société ETI la résiliation de son marché à ses torts exclusifs invoquant un retard et la non exécution par la société ETI de prestations, l’absence de suite donnée à plusieurs observations formées par le contrôleur technique, aux retraits prématurés de ses installations de chantier et résiliation des contrats d’électricité et à l’absence de reprise du chantier malgré la mise en demeure du 20 février 2014.

Il convient dès lors d’analyser le second motif soulevé par la société ETI à l’appui de la suspension de l’exécution de ses travaux.

Sur le défaut de paiement des situations de travaux

Il est constant qu’une partie à un contrat synallagmatique peut refuser d'exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui était due en vertu de la convention. Cette obligation doit reposer sur l’obligation principale et être suffisamment grave pour justifier la propre suspension de ses obligations.

En outre au titre des règles spéciales prévoyant un cas de suspension légale d’exécution d’obligations, l’article L113-1-1 du Code de la construction et de l’habitation, dans sa version applicable au présent litige (soit issu de la loi du 2012-387 du 22 mars 2012 applicable aux contrats en cours), dispose que les délais de paiement convenus pour le règlement des acomptes mensuels et du solde des marchés de travaux privés mentionnés au 3° de l’article 1779 du code civil ne peuvent dépasser le délai prévu au neuvième alinéa du I de l’article L 441-6 du Code de commerce [Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours à compter de la date d'émission de la facture.]. Ce délai ne s'applique pas à l'acompte à la commande, qui est payé selon les modalités prévues au marché.

En cas de dépassement du délai de paiement mentionné au premier alinéa du présent article, l'entrepreneur peut suspendre l'exécution des travaux après mise en demeure de son créancier restée infructueuse à l'issue d'un délai de quinze jours.

Le présent article est applicable aux marchés de travaux privés conclus entre professionnels soumis au code de commerce.

Aux termes de sa mise en demeure du 19 juillet 2013, il ressort que la société ETI reproche au maître d’ouvrage le défaut de paiement de la situation de travaux n°15 du 31 mars 2013 exigible au 31 mai 2013 dans le délai imparti en raison de l’application de pénalités de retard qu’elle estime non justifiées. Par courrier du 31 janvier 2014, la société ETI de même reproche l’application de pénalités de retard sur ses situations de paiement et de surcroît dépassant le plafond autorisé.

Il ressort ainsi que les situations de travaux n°15 et 23 portaient sur les sommes respectives de 548.560,36 € TTC et 308 364,27 € TTC sur lesquelles ont été appliquées des pénalités à hauteur de 450 701,95 € et 149 234,52€, correspondant à une somme totale de 599 936,47 € TTC.

La SCCV Wilson Rouquier soutient qu’elle était en droit d’appliquer des pénalités de retard. Elle expose à ce titre que le retard imputable au lot gros œuvre était de 360 jours pour la période allant du 4 mars 2013 au 27 février 2014 (date de la résiliation) et que le montant des pénalités journalières était de 14.362,22 € (soit 1/500 x 7 181 113,58 € (montant total du marché)) , que sur cette somme globale de 5.170.399,20 € a été retenue la somme de 599.936,47 euros. Elle fait valoir que le plafonnement de 5 % prévu par la norme AFNOR ne s’appliquait pas dès lors qu’il ressort de l’additif n°1 que les parties ont entendu écarter la norme pour ce qui concerne les délais globaux.

Le maître d’ouvrage ajoute que l’entrepreneur est tenu d’une obligation de résultat de respecter les délais contractuels, qu’il incombe dès lors à la société ETI de rapporter la preuve d’une cause étrangère susceptible de l’en exonérer. Elle indique enfin que la société ETI ne peut se prévaloir de ses propres manquements pour échapper à sa responsabilité dès lors qu’il lui incombait de procéder à la démolition du transformateur et était tenue de procéder à une reconnaissance des avoisinants avant l’exécution de ses travaux.

La société ETI réplique que le maître d’ouvrage ne pouvait appliquer de pénalités de retard en l’absence d’établissement d’un calendrier détaillé d’exécution et qu’en tout état de cause le retard était principalement imputable au maître d’ouvrage qui n’avait pas défini préalablement son programme ainsi qu' à la maîtrise d’oeuvre.

Sur l’application des pénalités de retard prévues contractuellement

Dans la mesure où le second motif allégué par la société ETI pour justifier l’exécution de ses propres obligations porte sur le non-respect des délais de paiement de ses situations de travaux et le non-paiement de ses situations de travaux, il convient d’analyser si la SCCV Wilson Rouquier pouvait appliquer les pénalités de retard contractuellement prévues.

L’application de pénalités contractuelles suppose, d’une part, que les parties aient prévu expressément un délai d’exécution dans le marché de travaux, d’autre part, il incombe à celui qui se prévaut de l’application de ces pénalités sur les situations de travaux ou le DGD d’une entreprise de rapporter la preuve de l’imputabilité de ce retard à cette entreprise.

La société ETI conteste l’application de pénalités de retard sur la base du planning prévisionnel ETI du 2 novembre 2011 intégré au marché de travaux dès lors que ce planning est rapidement devenu caduc en ce que les délais d’exécution ont été fixés hors incidence transformateur qui n’a jamais fait l’objet d’un avenant bien que prévu par l’additif n°1, en raison de la découverte de débordements des fondations voisines sur l’emprise du chantier ayant provoqué un décalage des études et des travaux de terrassement de parois puis d’infrastructures et superstructures. Enfin elle fait valoir, s’appuyant en ce sens sur les conclusions de l’expert judiciaire, que l’application de pénalités de retard n’était pas possible en l’absence d’établissement de tout calendrier détaillé d’exécution.

La SCCV Wilson Rouquier soutient pour sa part qu’en application du marché de travaux du 8 novembre 2011, le délai global TCE a été fixé à 19 mois de sorte que le chantier aurait dû se terminer au mois de juin 2013 et le délai global de réalisation des travaux de gros œuvre a été fixé à 13 mois à compter de la signature du marché, de sorte que les travaux auraient dû se terminer le 8 décembre 2012 et qu’il s’agissait de délais indépassables. Elle fait ainsi valoir que les avenants conclus postérieurement au marché ne pouvaient pas modifier ce délai global. Elle indique que par la suite que l’avenant 1 bis de décembre 2022 a absorbé avec bienveillance le retard pris dans le démarrage des travaux par l’entreprise en raison de l’accident des terrassements occasionnés par les sous-traitants de la société ETI, et que malgré la conclusions des avenants n° 1 bis et 2 ayant reporté les délais contractuels de 10 puis 3 semaines pour les bâtiments PERL et 10 et 8 semaines pour les bâtiments ARIE, la société ETI n’a pas non plus respecté ses engagements contractuels dès lors que les travaux de gros œuvre auraient dû être terminés respectivement les 28 janvier 2013 et 23 février 2013.

La SCCV Wilson Rouquier expose en outre qu’un calendrier d’exécution existe et a bien été intégré aux pièces contractuelles dès lors que le planning initial établi le 2 novembre 2011 par la société ETI s’est vue doter d’une valeur contractuelle par les parties. Elle oppose que la société ETI ne peut échapper aux pénalités applicables au seul motif que son planning était optimiste ou irréalisable, qu’elle est tenue d’une obligation de résultat quant aux délais ainsi fixés et qu’en tout état de cause durant une bonne partie de la phase des travaux, elle était seule à travailler sur le chantier, celle-ci devant livrer le gros œuvre avant l’intervention de l’ensemble des autres corps d’état.

*

Aux termes du marché de travaux du 8 novembre 2011, il ressort que les pièces contractuelles sont fixées dans l’ordre de préséance suivant :
- « 0- le présent marché
- 1- le CCAP
[...]
- 13- le calendrier prévisionnel des travaux TCE établi par l’entreprise en date du 2 novembre 2011
- 14- le cahier des clauses générales applicables aux travaux de construction des marchés privés complété par la NFP 03-001. »

Aux termes de l’« article V Délais d’exécution » du marché de travaux du 8 novembre 2011 conclu entre le maître d’ouvrage et la société ETI, il est stipulé que :

«De manière à assurer le bon déroulement, le planning général, ainsi que les phases intermédiaires de chaque corps d’état devront être scrupuleusement respectées. Les délais contractuels sont rappelés ci-après, ainsi que les sanctions encourues en cas de dérive :

1/ Délai global d’exécution de l’ensemble des travaux tous corps d’état

L’ensemble des travaux tous corps d’état devra être terminé dans un délai global de 19 mois à compter du présent marché qui tient compte des aléas divers et de 21 jours d’intempéries par année d’exécution. Au présent marché est joint un ordre de service de démarrage des études.

Le délai des travaux TCE est fixé à 19 mois (hors incidence transfo). Sous réserve que la signature de l’ordre de service de démarrage des travaux intervienne 30 jours après la signature du présent marché.

Les travaux seront considérés comme terminés le jour de la signature du procès-verbal de réception par le maître d’ouvrage sur proposition du maître d’oeuvre […]

2/ Délai global d’exécution de chaque corps d’état

Chaque entreprise devra respecter les délais qui lui sont impartis dans le cadre du calendrier détaillé des travaux visé au §13 de l’article III du présent marché pour terminer les travaux à sa charge. Le délai de fin de travaux du lot gros œuvre (chemin critique) est fixé à 13 mois.

3/ Délai partiel d’exécution de chaque corps d’état

Chaque entreprise devra respecter les délais qui lui sont impartis dans le cadre du planning détaillé des travaux visé au §8 de l’article III du présent marché pour exécuter les phases successives des travaux à sa charge ».

Au vu du marché de travaux il convient de constater que le §8 ne renvoie pas au planning détaillé des travaux mais au « rapport préliminaire du bureau de contrôle établi par QUALICONSULT le 19 mai 2011 »

Le marché de travaux renvoie en ses articles V 5/ et 6/ concernant les pénalités pour non-respect des délais globaux et partiels à l’article 36 « Pénalités » du CCAP qui prévoit que :

« 36.1 si les travaux ne sont pas effectués et terminés dans le délai prévu, l’entrepreneur subira une pénalité pour chaque jour calendaire de retard. Cette pénalité sera égale au 1/500 ème du montant du marché de l’entrepreneur auquel le retard est imputable, sans qu’elle puisse être inférieure à 200€ par jour calendaire de retard.

[…]

36.3 : les pénalités ci-dessus sont applicables du seul fait du retard et sans qu’il y ait lieu, pour le maître d’ouvrage ou le maître d’oeuvre, d’adresser une mise en demeure à l’entrepreneur. Le constat de ce retard sera fait par le maître d’oeuvre.

36.4 : les pénalités ci-dessus sont applicables aussi bien en cas de retard dans la terminaison des travaux de l’entrepreneur à la date prévue, qu’en cas de retard dans l’exécution des phases successives de ses travaux telles que définies par le calendrier d’exécution, et dans ce dernier cas, sans que l’entrepreneur puisse se prévaloir de ce qu’il fait son affaire personnelle de rattraper son retard et de terminer ses ouvrages à bonne date. »

En vertu de l’additif n°1 conclu entre les parties le 9 novembre 2011, les parties ont modifié le marché de travaux liant les parties en son article V- Délais d’exécution :

« 5/ Pénalités pour non-respect des délais partiels

Le présent article du marché de travaux est modifié et/ou complété comme suit :

Par dérogation à l’article 36.1 du CCAP édition 17 mai 2004 les pénalités sont fixées à 1/1000ème par jour calendaire du montant du marché de l’entrepreneur conformément à la norme AFNOR NFP 03-001 de décembre 2000

En complément de l’article 36.4 du CCAP édition 17 mai 2004 il y a aura application éventuelle de pénalités pour non-respect des délais partiels pour autant que le calendrier détaillé d’exécution fixe d’un commun accord des dates jalons sanctionnant des phases successives de travaux.

6/ Pénalités pour non respect des délais globaux de la manière suivante : « Par dérogation à l’article 36.1 du CCAP édition 17 mai 2004 les pénalités sont fixées à 1/1000 par jour calendaire du montant du marché de l’entrepreneur conformément à la norme AFNOR NFP 03-001 de décembre 2000. »

Aux termes de l’article 16 du CCAP « délais d’exécution des travaux » il est stipulé que :

«16.1 Le délai global d’exécution est fixé par le calendrier général visé à l’article 2.220 ci avant. Ce délai tient compte des congés et de 21 jours d’intempéries.

Ce calendrier général est complété par le calendrier d’exécution ainsi qu’il suit.

16.2. Le maître d’oeuvre établit, en accord avec chacun des entrepreneurs concernés ou l’entrepreneur général, un calendrier détaillé d’exécution dans le délai d’un mois de la date de signature du présent marché ou de la lettre de commande. Après acceptation de celui-ci par le maître de l’ouvrage, il est notifié à l’entrepreneur et devient alors un document contractuel du marché.

Il indique la date de départ des travaux de chaque corps d’état, les dates d’arrêt, de reprise, la dénomination des phases successives et tous renseignements pouvant aider à sa compréhension et à la facilité de son exécution.

[...]

36.6 : Non seulement chaque entreprise doit respecter le délai général mais également et de façon impérative, les dates et les délais partiels la concernant. Tout retard, soit pour le délai général, soit pour chaque délai partiel, donne lieu de plein droit, par la seule échéance de chaque terme, et sans mise en demeure, à une pénalité dont le montant, défini à l’article 36 du présent cahier, est retenu sur les sommes dues et prélevé sur la situation qui suit immédiatement le constat de retard ».

Il ressort en outre que l’article 2.220 visé par le CCAP vise « le calendrier sommaire des travaux qui sera remplacé par le calendrier détaillé des travaux dès le début des travaux ».

Suite à la conclusion du marché de travaux le 8 novembre 2011 entre les parties, il ressort que :

- le 9 novembre 2011, les parties ont conclu un additif n°1 dans lequel elles ont convenu qu’ « une mise au point sera faite pendant le premier mois de la préparation de chantier pour prendre en compte l’incidence éventuelle du transfo, les modifications mineures liées au permis de construire modificatif déposé en septembre 2011, ainsi que les modifications éventuelles qui pourraient résulter du relevé géomètre à établir après travaux de démolition en cours sur les héberges et relevé du niveau de la plateforme après démolition (32.19 NGF hypothèse de rapport de sol DCE) ; les modifications de ces prestations et incidences administratives qui en découlent, seront notifiées par avenant au présent contrat : les nouveaux plans seront annexés à cet avenant., mais qu’aucun avenant relatif à l’incidence « transformateur » n’a finalement été conclu ;

- selon avenant n°1 bis daté du 27 décembre 2012, les parties ont convenu d’un allongement du délai contractuel de 10 semaines ; il est en outre indiqué que la date prévisionnelle de finition des travaux du gros œuvre pour les logements PERL prévue initialement le 29 octobre 2012 est reportée au 7 janvier 2013 tandis que la date prévisionnelle de finition des travaux des bâtiments ARIE Promotion prévue initialement au 15 décembre 2012 est reportée au 23 février 2013 ;

- selon avenant n°2 daté du 22 février 2013, les parties ont convenu un report du délai contractuel en fonction de chaque bâtiment de: 10 semaines au total pour les logements ARIE ([Adresse 10] & [Adresse 3]), 13 semaines pour le bâtiment Rouquier (Perl) et 18 semaines pour le bâtiment [Adresse 7] (PERL).

Il s’ensuit que les délais globaux d’exécution des travaux gros oeuvre ont par la suite été modifiés selon les bâtiments comme suit :
RIVAY : 10 semaines
60 WILSON : 10 semaines
ROUQUIER : 13 semaines
56 WILSON : 18 semaines.

Toutefois tel que le retient l’expert, il ne peut être retenu que les pénalités de retard étaient applicables dès le dépassement des délais globaux d’exécution ainsi fixés en l’absence d’établissement de calendrier détaillé des travaux seuls à même de pouvoir établir les imputabilités à l’origine du retard.

En effet au vu des articles V. 5 et 6 les parties ont expressément renvoyé la question de l’application des pénalités de retard aux dispositions de l’article 36 du CCAP lequel est indissociable de l’établissement d’un calendrier d’exécution détaillé contenant « la date de départ des travaux de chaque corps d’état, les dates d’arrêt, de reprise, la dénomination des phases successives », effectué par le maître d’oeuvre, accepté par le maître d’ouvrage et notifié à chaque entreprise tel que cela ressort de l’article 16 du CCAP.

L’expert judiciaire fait ainsi justement la distinction entre les délais auxquels la société ETI s’est engagée à respecter et l’application des pénalités de retard « Il faut être précis : ETI s'est engagée à respecter des délais (ceux des tâches du planning marché) mais des pénalités n'auraient pu lui être appliquées qu'en proportion de sa part de responsabilité, mesurée par l'OPC sur le planning contractuel TCE. Or, l'expertise a démontré que ce planning n'existait pas en raison principalement de la désignation tardive des autres corps d'état par la SCCV. ETI était incontestablement engagée par le planning marché, ce qui ne veut pas dire que tout retard pris par rapport à ce planning, quelle qu'en fût la cause, lui était imputable »

L’expert judiciaire relève notamment que tant le contrat de maîtrise d’oeuvre conclu avec la société BECRI ( page 89 mission OPC) que le CCAP ( article 16 précité) prévoyaient l’établissement de ce calendrier détaillé d’exécution en accord avec les entreprises dans le délai d’un mois de la signature du marché ou de la lettre de commande lequel n’a jamais été établi.

Il s’ensuit que l’entreprise de gros œuvre ne saurait être engagée, en termes de résultat, sur des délais figurant dans un planning prévisionnel avant de connaître les contraintes liées à l'intégration des ouvrages des corps d'état secondaires, en ce que les ouvrages de gros-oeuvre doivent faire l'objet de réservations pour permettre l'implantation des ouvrages d'étanchéité, d'électricité, de plomberie ou encore de menuiseries extérieures, etc., lesquels ne sont visibles que sur les plans d'exécution de chacun des intervenants.

L’expert met ainsi en exergue que ce n'est qu'après la synthèse des plans d'exécution du gros-oeuvre et des plans d'exécution des corps d'état secondaires, que le technicien en charge de l'Ordonnancement et du Pilotage du Chantier (mission OPC) est en mesure de planifier l'enchaînement des différentes tâches dans le cadre d'un plan d'exécution détaillé (méthode dite du chemin critique).

Le présent marché, qui a été conclu par marchés en corps d'états séparés, répond à cet enchaînement méthodologique de tâches puisque le CCAP prévoyant ce planning détaillé d’exécution est dans l’ordre de préséance d’une valeur supérieure au planning prévisionnel établi par la société ETI.

Or il ne ressort pas que le délai de 13 mois était un délai indépassable dès lors notamment qu’il a fait l’objet de divers avenants, ni qu’il était fixe et définitif en ce que les parties emploient les termes de délais « prévisionnels » dans les avenants, que ce délai n’intégrait pas les travaux relatifs au transformateur et qu’en outre ce délai de 13 mois ne contient aucune date fixe de point de départ et a été calculé sur la base du planning prévisionnel du 2 novembre 2011 auquel l’article V.2 renvoie expressément lequel planning est constitué uniquement de dates indicatives fixées par l’entreprise de gros œuvre sans coordination avec les corps d'état secondaires non encore désignés à cette date.

De surcroît, la plupart des corps d'état secondaires ont été désignés à des dates postérieures à celles mentionnées dans le planning prévisionnel, ainsi que le rappelle l'expert dans son rapport. Il s'ensuit que les dates mentionnées dans le planning prévisionnel sont obsolètes, faute de désignation simultanée de l'ensemble des corps d'état (principaux et secondaires). Cette désignation tardive des corps d'état secondaires rend impossible la détermination des causes du retard et leur imputabilité à telle ou telle entreprise déterminée, faute de planification des tâches.

Dès lors en l’absence de planning TCE contractuel permettant de mesurer des retards et de les imputer aux différents acteurs, il n’était pas possible, tel que l’a retenu l’expert judiciaire, d’appliquer des pénalités.

Au surplus il convient de relever que le maître d’oeuvre d’exécution (la société BECRI) qui a validé l’application des pénalités de retard sur les situations de travaux de la société ETI a indiqué pendant les opérations d’expertise que « Il faut conserver à l’esprit que le retard mentionné en rouge dans les comptes rendus de chantier était calculé par rapport au calendrier Gros Œuvre joint au marché. Or, ce calendrier n’était plus d’actualité au démarrage des travaux. », reconnaissant de la sorte l’application injustifiée de pénalités de retard.

Il ressort qu’en l’absence d’établissement d’un calendrier précis et détaillé des travaux, il y a lieu de constater que dans ces circonstances le maître d’ouvrage ne pouvait appliquer de pénalités de retard sur les situations de travaux établies par la société ETI.

En conséquence, il convient de dire que faute de paiement des situations de travaux émises par la société ETI pour des travaux dont il n’était pas contesté qu’ils avaient été exécutés, la société ETI était en droit de surseoir également pour ce motif à l’exécution de ses propres obligations contractuelles.

Il s’ensuit que ne pouvant se prévaloir d’un abandon de chantier par la société ETI laquelle avait légalement le droit de suspendre l’exécution de ses propres obligations contractuelles compte tenu de l’absence de fourniture d’une garantie de paiement puis du non règlement de ses situations de travaux dans les délais impartis (soit 60 jours maximum à compter de l’émission de la facture), la SCCV Wilson Rouquier ne pouvait au motif de cet abandon de chantier procéder à la résiliation unilatérale du marché de travaux liant les parties de sorte que celle-ci doit être considérée comme abusive.

S’agissant des autres motifs figurant dans la lettre de résiliation du 27 février 2014 (soit les malfaçons, le défaut de respect des avis du contrôleur technique), force est de constater que ceux-ci ne figurent nullement dans la mise en demeure adressée le 13 février 2014 visant essentiellement à obliger la société ETI de rester sur le chantier et maintenir ses installations pour achever ses ouvrages.

En conséquence dans la mesure où la société ETI était en droit de suspendre l’exécution de ses obligations contractuelles compte tenu du non respect par le maître d’ouvrage de son obligation légale de garantie de paiement et du paiement de ses situations de travaux à hauteur de la somme totale de 599 936 ,47€ TTC, il convient de dire que la SCCV Wilson Rouquier ne pouvait valablement se prévaloir d’un abandon de chantier par l’entreprise ETI pour justifier de procéder à la résiliation unilatérale du marché de travaux aux torts de l’entreprise. Il convient dès lors de dire que la résiliation est intervenue unilatéralement aux torts de la SCCV Wilson Rouquier le 27 février 2014.

IV. Sur la réception

La société ETI sollicite de voir prononcer la réception sans réserve des travaux d’ETI au 27 février 2014, date de la résiliation.

Au soutien de sa demande, la société demanderesse expose qu’aucune réception n’est intervenue entre les parties dès lors que le constat d’huissier effectué le 6 mars 2014 ne peut être assimilé à un procès-verbal de réception dans la mesure où le constat a été effectué 20 jours après la résiliation et où l’huissier n’est pas compétent pour se prononcer sur les ouvrages exécutés, n’a fait que reporter les paroles de chaque partie sans lister de réserves et ne peut dès lors servir de point de départ aux garanties.

La SCCV Wilson Rouquier sollicite de voir fixer la réception contradictoire des travaux du lot 1 Gros œuvre du chantier du Carré d’or sis à [Localité 18] au 6 mars 2014 et dès lors de voir rejeter la demande de réception judiciaire formée par la société ETI. Elle fait valoir que le constat d’huissier, réalisé le 6 mars 2014 aux fins d’établir un état des lieux suite à la résiliation, traduit sa volonté de réceptionner l’ouvrage avec les réserves reproduites par l’huissier dans le constat, qu’en outre la société ETI a été réglée de la quasi-intégralité du marché à hauteur de plus de 90 % et que postérieurement au constat, elle a pris des mesures pour faire achever le lot et reprendre les différentes malfaçons.

*

En vertu de l’article 1792-6 du Code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. Il se déduit de ces dispositions que la réception ne peut être prononcée judiciairement qu’à défaut de réception expresse ou tacite.

La réception peut être tacite à la condition que soit établie la volonté non équivoque du maître d’ouvrage d’accepter l’ouvrage. La réception tacite n'est pas soumise à la condition que l'immeuble soit habitable ou en état d'être reçu.

La prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves. La preuve contraire peut être rapportée. En l’absence il appartient à celui qui se prévaut de la réception de démontrer son existence.

Au cas présent, il ressort des éléments du dossier qu’aucune réception expresse n’est intervenue entre les parties faute pour le maître d’ouvrage d’avoir expressément convoqué la société ETI à une visite de réception et avoir signé un document actant de la réception avec ou sans réserves du lot concerné. En effet la seule convocation effectuée en l’espèce a été faite le 27 février 2014 concomitamment à la résiliation du marché par le maître d’ouvrage et afin de se conformer à l’article 44.1 du CCAP en vue d'établir un constat contradictoire des travaux effectués.

Il convient dès lors d’examiner si une réception tacite est intervenue entre les parties. Au cas présent il ressort que par assignation du 24 février 2014, la société ETI a sollicité devant les juges du fond la résiliation judiciaire du contrat les liant, que par courrier du 27 février 2014, la SCCV Wilson Rouquier a notifié à la société ETI de la résiliation du marché de travaux à ses torts exclusifs de sorte qu’il convient de constater qu’à la date du constat d’huissier du 6 mars 2014 les parties étaient toutes les deux d’accord pour procéder à la résiliation du marché de travaux.

Dans ces conditions et conformément à l’article 22.4.1 de la norme Afnor (« Dans tous les cas de résiliation en application des paragraphes 22.1 et 22.2, il est établi un constat contradictoire des travaux exécutés à la date de la résiliation. Leur règlement sera effectué sur la base de cet état, après liquidation des indemnités éventuellement dues. ») à laquelle se sont soumis les parties sauf disposition contraires du marché de travaux, la SCCV Wilson Rouquier a requis l’huissier, tel que cela est mentionné sur le constat, de procéder à « un constat de l’état d’avancement du lot de la société ETI » « pour la sauvegarde de ses droits et défense de ses intérêts ».

Aux termes de ce constat il convient de constater que tant le maître d’ouvrage que la société ETI étaient représentées et ont pu chacun former des observations sur les constatations effectuées par l’huissier. Aux termes du rapport d’expertise (dire n°4 SCCV du 6 février 2017 reproduit en page 24 du rapport), il convient de constater que la SCCV Wilson Rouquier reconnaît que l’huissier n’a constaté que des inachèvements des travaux et qu’en page 243, il est établi que la SCCV Wilson Rouquier a postérieurement à ce constat confié au maître d’oeuvre (la société Becri) le soin de procéder à un décompte de travaux non exécutés suite à l’arrêt des travaux par ETI qui a servi de base de travail pour consulter les entreprises en charge de terminer les lots gros oeuvre/ façades semi-porteuses initialement confiés à la société ETI.

Il est en outre établi que la quasi-totalité du marché de travaux a été réglée à la société ETI laissant un solde impayé d’environ 10 % démontrant que l’achèvement de l’ouvrage était pour l’essentiel achevé.

Il ressort que par la suite la SCCV Wilson Rouquier a procédé aux opérations de réception de l’ensemble des bâtiments au mois de juillet 2014 avec les sociétés ayant succédé à la société ETI puis a adressé à la société ETI uniquement un courrier portant réclamation de différents désordres les 6 et 27 février 2015.

Il s’ensuit que la SCCV Wilson Rouquier démontre suffisamment une volonté non équivoque de recevoir les travaux à la date du 6 mars 2014 avec les réserves figurant dans le constat d’huissier établissant essentiellement la liste des ouvrages inachevés. Il convient dès lors de constater que la réception des travaux confiés à la société ETI est intervenue le 6 mars 2014 avec les réserves figurant dans ledit constat.

V. Sur les demandes formées au titre du retard de chantier

V.A. Sur les demandes formées par la SCCV Wilson Rouquier

V.A.1-Au titre des pénalités de retard

La SCCV Wilson Rouquier sollicite de voir condamner in solidum la société ETI et sa caution la société CACIB à lui payer la somme de 4.570.462,73 euros à titre de pénalités de retard.

Au vu de ce qui a été précédemment développé, en l’absence de l’établissement d’un planning contractuel détaillé d’exécution TCE liant la société ETI, seul à même de pouvoir justifier l’application de pénalités, le maître d’ouvrage doit être débouté de sa demande formée à ce titre.

V.A.2-Au titre de l’indemnisation du retard

La SCCV Wilson Rouquier sollicite de voir condamner in solidum la société ETI et la société CACIB, la société BECRI et son assureur l’AUXILIAIRE, la SASU EPSTEIN et son assureur la MAF, la SARL DGM & ASSOCIES et son assureur la MAF, à lui payer la somme de 1.332.133,44 euros à titre de réparation des préjudices subis par elle du fait du retard de chantier.

Il ressort que cette somme comprend les sommes suivantes :

371 507 € au titre des indemnités versées aux acquéreurs à la suite de la signature des protocoles suite au retard de livraison des appartements ;
400 252 € au titre de la perte de perception des loyers commerciaux (avec Monoprix et Casa France) entre le 30 juin 2013 et la mise à disposition des locaux commerciaux intervenue respectivement en novembre 2013 et juillet 2014 ;
83 367,04€ au titre des frais de portage supplémentaires supportés suite à l’allongement des délais;
470 758,72€ au titre du surcoût des honoraires de gestion consécutifs à l’allongement des délais;
6248,68 € au titre des frais de voirie pour l’année 2014.
V.A.2-1 Sur les demandes formées à l’encontre de la société ETI

La SCCV Wilson Rouquier expose qu’en application des délais prévus au contrat, les travaux auraient dû être achevés au 4 mars 2013 alors que l’achèvement du lot gros œuvre a eu lieu au mois de mai 2014 de sorte que le retard de gros œuvre est égal à 449 jours (14 mois et 23 jours).

Le maître d’ouvrage fait valoir que l’entrepreneur est tenu d’une obligation de résultat de respecter les délais contractuels, qu’il incombe dès lors à la société ETI de rapporter la preuve d’une cause étrangère susceptible de l’en exonérer. Elle indique par ailleurs que la société ETI ne peut se prévaloir de ses propres manquements pour échapper à sa responsabilité dès lors qu’il lui incombait de procéder à la démolition du transformateur et était tenue de procéder à une reconnaissance des avoisinants avant l’exécution de ses travaux.

Elle soutient ainsi que la société ETI doit se voir imputer les retards survenus sur le chantier en ce que :

elle a omis de procéder à une reconnaissance des avoisinants ayant engendré un retard dans le démarrage du chantier ;elle a omis de réaliser un double accès au chantier ;elle s’est montrée désorganisée et n’a jamais émis de réserves sur les documents lui manquant pour réaliser les travaux ;son sous-traitant (terrassier) a été tenu responsable de désordres de terrassement sur deux niveaux du sous-sol et sur l’ouvrage voisin à l’origine de retard ;la société ETI n’a pas procédé à la mise au point relative au transformateur tel que prévu dans l’additif n°1 faute pour elle d’avoir adressé un devis ou demande particulière à ce titre et n’a fourni ses plans qu’en décembre 2012 tardant le règlement du problème du transformateur ;plusieurs malfaçons imputables à la société ETI sont à l’origine de retard et ont nécessité la modification de l’ordre d’exécution des bâtimentsla société ETI a procédé au montage de sa grue 2 avec retard ;la société ETI n’a pas mobilisé de personnel sur le chantier pendant 4 semaines au mois d’août ;la société ETI a connu une importante période de désorganisation interne de son entreprise ; la société ETI a commis de nombreuses erreurs sur les façades nécessitant des modifications et un allongement des délais ;la société ETI a en quittant le chantier à compter du 14 février 2014 engendré des retards supplémentaires.
La société ETI soutient en réponse en reprenant l’avis de l’expert que la principale cause de la dérive générale des délais de chantier réside dans le transfert de toutes les difficultés liées au montage de l’opération et de conception sur la phase chantier. Elle estime ainsi que les retards pris sur le chantier résultent principalement d’une carence du maître d’ouvrage et de ses maîtres d’oeuvre dans l’organisation de l’opération de construction compte tenu de l’absence de définition contractuelle des ouvrages, l’absence de synthèse technique des lots et de pilotage, d’ordonnancement et coordination des intervenants, compte tenu également de la fourniture de plans au fil de l’eau, l’absence de détection des fondations saillantes des propriétés voisines avant le démarrage des travaux, la désignation tardive de l’ensemble des lots, l’absence d’établissement d’un calendrier contractuel détaillé d’exécution, l’absence de décision prise par le maître d’ouvrage concernant le transformateur, un retard important pris dans la définition des ouvrages en raison des modifications incessantes du maître d’ouvrage, des preneurs à bail et des futurs acquéreurs enfin l’application infondée de pénalités de retard sur ses situations de travaux et l’absence de fourniture de garantie de paiement qui ont conduit à son départ du chantier.

*

Lorsque dans le contrat d’entreprise ou par avenant ultérieur, les parties envisagent la réalisation de la prestation dans un certain délai, le non-respect de ce délai est susceptible de caractériser une faute contractuelle appelant réparation. Toutefois il appartient au maître d’ouvrage de démontrer que le retard est au moins pour partie imputable au constructeur auquel il demande réparation et justifie de l’existence d’un préjudice prévisible et en relation causale avec le retard.

Sur l’existence d’un retard

Au vu du marché de travaux du 8 novembre 2011 modifié par avenant 1 bis du 27 décembre 2012 et de l’avenant n°2 du 22 février 2013 il ressort que les parties ont convenu que :

- un délai global d’exécution des travaux de gros œuvre de 13 mois avec un renvoi au calendrier prévisionnel établi par la société ETI ;

- un allongement du délai contractuel pour les bâtiments ARIE ( Rivay et 60 Wilson) de 10 semaines ;

- un allongement du délai contractuel pour les bâtiments PERL, de 13 semaines pour le bâtiment [Adresse 21] et de 18 semaines pour le bâtiment du [Adresse 7].

En l’absence de point de départ du délai global d’exécution des travaux de gros œuvre il convient de se référer au point de départ du délai global d’exécution TCE lequel se réfère à la date du marché avec cette justification qu’au présent marché est joint un ordre de service de démarrage des études. En outre le délai de 19 mois de délai global d’exécution TCE est indiqué comme conditionné à la signature de l’ordre de démarrage des travaux dans un délai de 30 jours à compter du marché.

Or force est de constater, d’une part, que l’ordre de service de démarrage des études a été signé par le maître d’ouvrage et la société ETI le 15 novembre 2011 et non le 8 novembre 2011, d’autre part que l’ordre de service de démarrage des travaux est intervenu le 20 décembre 2011, soit postérieurement au délai de 30 jours courant à compter du marché du 8 novembre 2011.

Au vu de ces éléments, dans la mesure où les parties ont entendu coïncider le point de départ du délai global d’exécution TCE à la date de l’OS de démarrage des études, il convient de fixer le point de départ à la date du 15 novembre 2011, marquant le point de départ de la phase de préparation du chantier, tel que visé par le planning prévisionnel établi par la société ETI .

Il convient dès lors de constater que les parties ont entendu fixer le délai d’exécution des travaux gros œuvre comme suit :

RIVAY : 68,5 semaines soit du 15 novembre 2011 au 5 mars 2013
60 WILSON : 68,5 semaines soit du 15 novembre 2011 au 5 mars 2013
ROUQUIER : 71,5 semaines soit du 15 novembre 2011 au 26 mars 2013
56 WILSON : 76,5 semaines soit du 15 novembre 2011 au 30 avril 2013

Dès lors que la société ETI a quitté le chantier le 14 février 2014 et que le contrat a été résilié par le maître d’ouvrage le 27 février 2014, il ne peut être retenu de dates postérieures notamment la réception du lot gros œuvre par une autre entreprise de sorte que seule la date du 27 février 2014 sera retenue.

Il s’ensuit qu’il doit être considéré un allongement des délais d’exécution des travaux de gros œuvre de l’ordre de 10 mois.

Sur l’imputabilité du retard

La SCCV Wilson Rouquier, sur qui repose la charge de la preuve de l’imputabilité du retard pris par le chantier, identifie dix manquements commis par la société ETI ayant contribué à la survenance du retard qu’il convient d’analyser.

Sur l’absence de reconnaissance des avoisinants ayant engendré un retard dans le démarrage du chantier :

Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d’expertise, qu’après la phase de démolition ont été découvertes, dans l’emprise du site, des fondations saillantes des mitoyens non préalablement identifiées. Aux termes du rapport d’expertise, l’expert constate, ce qui n’a pas été contesté par les parties, que cette découverte est à l’origine d’un allongement de la phase des terrassements de trois mois.

La SCCV Wilson Rouquier soutient qu’aux termes du marché de la société ETI, pesait sur l’entreprise de gros œuvre la charge d’implanter son ouvrage et dès lors de prévoir la présence éventuelle de fondations mitoyennes débordant sur l’emprise du site, qu’elle ne peut contester ne pas avoir cette obligation alors qu’elle a missionné un géomètre-expert après avoir découvert les fondations saillantes.

La société ETI fait valoir pour sa part que la reconnaissance des avoisinants incombait à la maîtrise d’oeuvre de conception et que face à l’inertie du maître d’ouvrage et l’impréparation du chantier, elle a été contrainte de prendre l’initiative de désigner un géomètre-expert pour pouvoir poursuivre le chantier.

Aux termes du marché de travaux du 9 novembre 2011, il convient de constater que les parties n’ont pas fait figurer de clause prévoyant le cas spécifique de l’empiétement des fondations de l’immeuble mitoyen. Si le descriptif marché produit aux débats indique que l’entreprise est réputée avoir pris connaissance de l’ensemble de la documentation relative à l’ouvrage, avoir procédé à une visite des lieux et dès lors avoir une parfaitement connaissance des lieux, cette présomption de connaissance des lieux ne peut s’appliquer qu’aux aspects visibles et aux informations données à l’entreprise. L’expert ainsi relève qu’ « avant travaux aucune visite des lieux ni des abords, même détaillée, ne permettra jamais de détecter la géométrie exacte de fondations, qui, par définition sont enterrées. Seule une reconnaissance physique coordonnée par un géomètre-expert le permet. Elle implique des excavations partielles mécaniques ou à la pelle en général difficiles à réaliser avant les terrassements. L’entrepreneur ne peut donc pas être réputé y avoir procédé avant ses travaux, sauf à avoir reçu une commande le prévoyant spécifiquement, ce qui n’est pas le cas ici. »

Il convient en outre de relever que l’obligation d’implanter son ouvrage mentionnée à l’article 1.2.17 du descriptif des travaux relatif aux travaux de gros œuvre a pour conséquence de rendre responsable l’entreprise de gros œuvre de toute erreur d’implantation mais n’a pas pour conséquence de mettre à la charge de l’entreprise le soin de procéder avant le démarrage des travaux à un sondage permettant de vérifier l’existence d’empiétements de la part des immeubles voisins.

Au vu des pièces contractuelles, il ressort ainsi que la société ETI n’avait pas à procéder à une reconnaissance des fondations des avoisinants susceptibles de se trouver sur l’emprise du site, n’était pas présumée avoir une connaissance des éléments non visibles et dont elle n’avait pas été préalablement avertie relative à l'existence de fondations saillantes. Or il est établi que suite à la découverte des débords de fondations, et pour ne pas prendre du retard dans l'avancement du chantier, celle-ci a diligenté un géomètre-expert afin de procéder à un état des lieux précis et a soumis les devis de travaux supplémentaires destinés à remédier à cette situation conditionnant la poursuite du chantier. En conséquence la SCCV Wilson Rouquier ne démontre pas un manquement commis par la société ETI dans l’exécution de ses obligations à l’origine du retard provoqué par la découverte des fondations saillantes.

Sur l’absence de réalisation d’un double accès au chantier :

La SCCV Wilson Rouquier reproche à la société ETI de ne pas avoir respecté l’offre à laquelle elle a répondu prévoyant deux accès de chantier [Adresse 20] et [Adresse 21] et que celle-ci a reconnu que la mise en place d’un seul accès était à l’origine d’un retard.

Aux termes du rapport d’expertise, l’expert n’a pas retenu la mise en place d’un seul accès sur le chantier comme cause de l’allongement de la durée d’exécution du chantier.

Au vu des pièces du dossier, il ressort que la société ETI a établi lors de la phase d’appels d’offre un mémoire technique le 18 avril 2011 aux termes duquel elle a proposé de réaliser l’ensemble des lots clos et couverts en deux phases de travaux (phase PERL dans un premier temps puis phase ARIE) et proposé une organisation du chantier en deux zones de livraison soit la zone ARIE par la [Adresse 20] et la zone PERL par la rue Wilson, avec un plan d’installation de chantier établi le 15 avril 2011 faisant figurer les deux zones de livraison. Force est de constater que le plan d’installation de chantier établi le 11 janvier 2012 par la société ETI, suite à la signature du marché de travaux, qui a été finalement soumis à la mairie de [Localité 18] ne contient plus qu’une entrée et une sortie dans la zone de chantier du côté de la [Adresse 21].

Force est de constater qu'il ne ressort pas des pièces contractuelles que le marché de travaux conclu avec la société ETI ait fait peser l’obligation pour la société ETI de prévoir obligatoirement un double accès au chantier ; qu'en outre il résulte du compte-rendu de la réunion du 6 novembre 2012 ayant eu lieu entre la société ETI, la société BECRI et le maître d’ouvrage que si la société ETI avait prévu initialement ce double accès les négociations avec la mairie n’avaient pas permis d’obtenir les deux accès de sorte que le plan d’installation de chantier soumis à la mairie avait intégré un seul accès.

Dans la mesure où il n’est pas démontré que la société ETI s’était engagée à prévoir un double accès de chantier, où par ailleurs si la société ETI a pu reconnaître lors d’une réunion du 6 novembre 2012 que l’accès unique au chantier avait pu contribuer au retard ou du moins à un décalage d’avancement entre les zones au démarrage de chantier, l’expert, après avoir analysé l’ensemble des événements ayant jalonné le chantier, n’a pas retenu cet élément comme cause de l’allongement de la durée d’exécution du chantier, il s’ensuit que la SCCV Wilson Rouquier ne démontre ni un manquement de la société ETI à ses obligations à l’origine du retard ni que l’organisation du chantier avec une seule voie d’accès a contribué à l’allongement des délais d’exécution du chantier.

Sur l’absence de mise au point par la société ETI concernant l’ancien transformateur à supprimer:

La SCCV Wilson Rouquier soutient que la société ETI a manqué à ses engagements dans la mesure où l’additif n°1 lui imposait de faire une mise au point pendant le 1er mois de la préparation du chantier pour prendre en compte l’incidence du transformateur et qu’en l’absence de choix sur la mise en œuvre technique opéré entre le maître d’oeuvre et la société ETI aucun avenant n’a pu être régularisé.

Aux termes du rapport d’expertise, l’expert a mis en évidence le lien entre la durée du chantier et la résolution de la question de l’incidence de l’ancien transformateur. En effet, il est établi au vu des pièces du dossier qu’un transformateur ERDF figurait dans l’emprise du chantier mais qu’il devait être supprimé pour être remplacé par un deuxième transformateur ERDF à installer dans un local à l’intérieur de l’opération avec cette contrainte que le premier devait rester en tension jusqu’à la mise en service du second et que la mise en service du second nécessitait la construction du futur local de sorte que la fin de l’opération de construction était ainsi conditionnée à la mise hors tension et au démontage du premier transformateur.

Au vu de l’additif n°1 conclu entre la SCCV Wilson Rouquier et la société ETI en date du 9 novembre 2011, les parties ont prévu qu’ « une mise au point sera faite pendant le premier mois de la préparation de chantier pour prendre en compte l’incidence éventuelle du transfo, les modifications mineures liées au permis de construire modificatif déposé en septembre 2011, ainsi que les modifications éventuelles qui pourraient résulter du relevé géomètre à établir après travaux de démolition en cours sur les héberges et relevé du niveau de la plateforme après démolition (32.19 NGF hypothèse de rapport de sol DCE) ; les modifications de ces prestations et incidences administratives qui en découlent, seront notifiées par avenant au présent contrat : les nouveaux plans seront annexés à cet avenant. ».

Force est de constater en premier lieu qu’il ne résulte pas de la lecture de cet additif n°1 que la signature de l’avenant était conditionnée à la production par la société ETI de documents précis de sorte qu’il ne saurait être reproché à l’entreprise en charge du lot gros œuvre d’avoir manqué à une obligation clairement énoncée.

En second lieu il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces contractuelles et des comptes-rendus de chantier que :

- la société ETI a proposé deux options 1 et 2 (dans le cadre de l'émission d'un devis supplémentaire au moment de son offre initiale) sur les travaux à réaliser pour le transformateur sans que le maître d’ouvrage n’ait indiqué à la société ETI lors de la signature du marché quelle option il avait choisi ;

- le 9 janvier 2012 la société Becri indique à la société ETI qu’il va prendre attache auprès d’ERDF pour finaliser la conception du nouveau local transformateur ;

- dès le 9 janvier 2012, la société ETI propose au maître d’ouvrage de mettre en place un transformateur mobile et de démolir l’existant pour éviter tout dérapage de calendrier que le maître d’ouvrage a refusé ;

- il ressort qu’en définitive la société ETI faute de décision prise par le maître d’ouvrage et pour ne pas aggraver le retard du chantier a réalisé des travaux provisoires (dite « solution 2 bis ») destinés à pouvoir avancer sur le chantier malgré l’absence de décision sur le transformateur et que le maître d’ouvrage a signé un ordre de service exécutoire le 24 janvier 2014 en lieu et place d’un avenant afin que la société ETI engage les travaux relatifs à l’option 2 (et validant la solution 2 bis déjà mise en œuvre par la société ETI).

Il s’ensuit que la SCCV Wilson Rouquier ne démontre pas un manquement commis par la société ETI dans ses engagements contractuels à l’origine du retard de chantier.

Sur l’absence de remise des plans de génie civil avant décembre 2012 concernant le nouveau local du transformateur tardant le règlement du problème du transformateur :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que la société ETI a été informée dès le mois de mai 2012 qu’elle devait transmettre les plans de génie civil gros œuvre fourreaux technique afin de finaliser la mise au point technique avec ERDF mais que celle-ci ne l’a fait qu’en décembre 2012, engendrant un retard de 8 mois.

En réponse il ressort que la société ETI indique qu’elle n’était pas en mesure de fournir les plans sollicités dès lors qu’elle était elle-même dans l’attente des plans de conception.

Au vu du CR de chantier n°18 du 29 mai 2012, il ressort que le maître d’oeuvre (BECRI ) a indiqué dans la liste des points évoqués concernant la mise au point relative au local transfo et raccordement ERDF définitif la nécessité d’: « Etablir les Plans de Génie Civil Gros-Œuvre et fourreaux techniques suivant dernier Plan à jour de l’Architecte (en attente) et des fourreaux nécessaires suivant Cahier des Charges d’ERDF (précisions à voir sur E-mail BECRI du 24/05/12) ». Il s’ensuit qu’il est clairement indiqué que la transmission des plans de génie civil gros œuvre et fourreaux techniques par la société ETI est conditionnée à ce que celle-ci dispose au préalable des plans à jour de l’architecte et le cahier des charges d’ERDF. En outre il est indiqué que la société ETI a alerté le maître d’oeuvre sur une incohérence de conception concernant le réseau fluides passant dans le local et que le maître d’oeuvre a indiqué qu’il étudiera le problème.

Aux termes du CR de chantier n°30, il peut être constaté que la société ETI ne dispose pas encore de l’ensemble des données nécessaires pour établir ses plans et que le maître d’oeuvre la renvoie à solliciter les données nécessaires directement auprès d’ERDF. (« Position des fosses Local Transfo :BECRI rappelle à ETI de contacter directement ERDF, Mr [G], afin que ce dernier lui précise les cotes et positions des fosses pour le transfo du local ERDF ».) Il ressort en outre du CR de chantier n°43 du 10 décembre 2012 que le plan ELEC (plans des réseaux ERDF) a été remis ce jour. Or la société ETI indique qu’elle était en attente du plan de cheminement des réseaux pour mettre ses plans à jour.

Suite à la transmission des plans, il ressort que des nouvelles modifications ont été en outre apportées (CR de chantier n°64 : BECRI demande à l’Entreprise ETI de mettre à jour son plan d’exécution, suivant observations remises par BECRI ce jour, et de ne rien exécuter (fosse) avant validation d’ERDF. )

Aux termes de son rapport d’expertise, l’expert ainsi souligne que l’entreprise ne peut se voir imputer aucune responsabilité en terme de retard dans la mesure où elle était en attente de données d’entrée pour ses études EXE : avenant 1, plans architectes à jour des modifications liées au PC modificatif et aux relevés du géomètre.

Il s’ensuit que le maître d’ouvrage ne démontre pas que la société ETI avait l’ensemble des éléments lui permettant de fournir les plans demandés et de la sorte ne justifie pas de manquements imputables à la société ETI à ce titre.

Sur la survenance de désordres de terrassement sur deux niveaux du sous-sol et sur l’ouvrage voisin par son sous-traitant (terrassier) ayant contribué au retard :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que les travaux de terrassement que la société ETI a sous-traité à la société TERRE ET BETON ont pris du retard en raison de désordres commis sur les avoisinants par le sous-traitant, dont elle doit assumer la responsabilité. Le maître d’ouvrage expose ainsi que le sous-traitant a été désigné comme responsable d’une décompression locale du sol d’assise sur 4,10 m avec effet se répercutant jusqu’au 5 ème niveau coté 58 Wilson.

Aux termes du rapport d’expertise Clain (expert désigné dans le cadre du référé préventif), il ressort que le bâtiment voisin du chantier (situé au [Adresse 8]) a subi d’importants désordres de fissuration, d’effondrement partiel du sol des caves côté n°56 et un déchaussement des fondations existantes postérieurement au démarrage des travaux. Aux dires de l’expert ce désordre a été imputé à un phénomène de décompression lié à une mauvaise maîtrise des travaux de soutènement réalisés par la société Terre et Béton et la société Tor TP. Il est établi que ces désordres ont rendu nécessaire une reprise en sous-oeuvre afin de redonner aux fondations une assise.

Toutefois si cet évènement n’est pas contesté par la société ETI, le maître d’ouvrage ne justifie pas que celui-ci a entraîné un retard dans l’exécution des travaux dans la mesure où il a été par ailleurs reconnu par l’ensemble des intervenants à la construction que les travaux de terrassement avaient pris un retard de 3 mois lié à la découverte de fondations saillantes de l’immeuble voisin dans l’emprise du chantier. En conséquence il convient de dire que la SCCV Wilson Rouquier ne justifie pas d’un manquement imputable à la société ETI en lien avec le retard pris sur le chantier.

Sur le retard dans le montage de la grue n°2 par la société ETI :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que la société ETI a retardé le chantier de 4 semaines faute pour elle de procéder au montage de la grue n°2. Elle expose que celle-ci a refusé de monter sa grue afin de la contraindre à signer l’avenant n°1 dont l’objet était de modifier le marché à la suite du sinistre de terrassement.

Aux termes du rapport d’expertise, il ressort du tableau concernant le 56 rue Wilson que le montage de la grue est intervenu le 8 septembre 2012. Au vu du planning prévisionnel établi par la société ETI il ressort que le montage de la grue avait été initialement fixé au mois d’avril 2012 mais que le délai de terrassements avait été prolongé de 3 mois en raison de la découverte des fondations saillantes sur l’emprise du site de sorte que le montage de la grue aurait dû intervenir dans le courant du mois de juillet 2012. L’expert a ainsi estimé à environ 4 semaines le retard pris dans le montage de la grue n°2.

Au vu du compte-rendu de chantier n°29 du 3 septembre 2012, le maître d’oeuvre indique la mention suivante :

« ACCORD SUR DEVIS DE TRAVAUX ETI – MISE EN PLACE GRUE DE CHANTIER :
Suite au rendez-vous chez ARIE Promotion le Mardi 12/06/12, il a été décidé un accord commun sur l’ensemble des Devis de travaux d’ETI, faisant l’objet d’un Avenant n° 1 en date du 12/06/12 remis en main-propre au Maître de l’Ouvrage
ARIE Promotion a remis le 18/06/12 (Cf. CR n° 21) à ETI les 3 exemplaires originaux de l’Avenant n° 1 et demande pourquoi celui-ci n’est pas encore retourné signé ? ETI
ETI précise qu’il souhaite que le problème du délai soit pris en compte.
BECRI demande à ETI de faire le nécessaire au plus vite. »

Il ressort en outre du CR de chantier n°24 du 9 juillet 2012 que le montage de la grue 2 - Rouquier a été reporté : « Décalé à Mi / Fin Juillet 2012 Þ Reporté Semaine 35 (du 27/08/12) » puis du CR n°29 du 3 septembre 2012 que le montage a été à nouveau décalé au samedi 8 septembre 2012. Aux termes du CR n°27 du 30 juillet 2012, il est précisé par ETI qu’elle « souhaite que le problème du délai soit pris en compte » dans l’avenant n°1 ».

Toutefois il convient de constater que postérieurement au montage de la grue n°2, les CR de chantier ont continué d’inclure la mention relative à l’attente de signature de l’avenant n°1 par la société ETI. Toutefois quand bien même le maître d’oeuvre aurait lié les deux thématiques dans son CR de chantier, il ne ressort pas avec certitude que la société ETI a refusé de procéder au montage de la grue n°2 dans l’attente de la fin des négociations dans la mesure où l’avenant n°1 bis ayant suivi et remplacé l’avenant n°1 non accepté par la société ETI n’a été signé que le 27 décembre 2012. En outre il ressort du CR de chantier du 9 juillet 2012 que le décalage apparaît être la conséquence du recalage du planning suite au retard des travaux de terrassements. En conséquence il n’est pas démontré avec certitude de manquements imputables à la société ETI à ce titre en lien avec le retard de chantier.

Sur l’absence de mobilisation de personnel pendant 4 semaines au mois d’août :

La SCCV Wilson Rouquier reproche à la société ETI de ne pas avoir mobilisé de personnel pendant tout le mois d’août 2012 alors qu’elle prévoyait 2 semaines de ralentissement.
Force est de constater qu’entre le 30 juillet 2012 et le 27 août 2012 le maître d’oeuvre n’a pas établi de compte-rendu de chantier, qu’aux termes du compte-rendu de chantier du 30 juillet 2012, celui-ci a ainsi convoqué les entreprises uniquement pour une prochaine réunion de chantier fixée au 27 août 2012. Dans la mesure où en l’absence de planning contractuel, il ne peut être retenu que la société ETI se devait obligatoirement d’être présente sur le chantier tout le mois d’août alors que le propre maître d’oeuvre était absent et n’avait pas prévu de convoquer les entreprises entre le 30 juillet et le 27 août 2012, où enfin il ne résulte pas que cette période de 4 ou 2 semaines a une incidence sur le retard dans le délai de réalisation du chantier, il convient de dire que le maître d’ouvrage ne démontre ni l’existence d’un retard découlant de cette absence ni en tout état de cause un manquement imputable à la société ETI en lien avec le retard.

Sur la désorganisation interne de l’entreprise :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que les difficultés rencontrées sur le chantier litigieux sont la conséquence directe du contexte de désorganisation de la société ETI qui a connu un grand « turn-over » au sein de son entreprise.

Force est de constater que l’expert sur ce point indique que la SCCV n’établit pas de lien de causalité entre les difficultés internes d’ETI et celles du chantier de sorte qu’en l’absence de preuve de l’établissement des incidences concrètes en résultant sur le chantier par le maître d’ouvrage, il convient de dire que celui-ci ne démontre pas que la modification du personnel au sein de l’entreprise a eu une incidence particulière sur l’allongement du délai du chantier.

Sur la modification de l’ordre d’exécution des bâtiments :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que la société ETI est à l’origine d’un problème sur le niveau des planchers lesquels présentaient des côtes trop élevées et variables, que pour pouvoir remédier aux malfaçons de l’entreprise, le maître d’oeuvre n’a eu d’autre choix que de modifier l’ordre d’exécution des bâtiments qui a entraîné un retard sur le chantier.

Force est de constater qu’aux termes du rapport d’expertise, l’expert a clairement indiqué qu’il n’a pas été en mesure de cerner les raisons à l’origine de la modification de l’ordre des bâtiments décidée par le maître d’oeuvre. Aux termes du compte-rendu de chantier n° 71 du 15 juillet 2013 le maître d’oeuvre indique pour sa part :
« -Suite aux aléas de chantier sur les niveaux des planchers, l’ordre d’avancement des Bâtiments
est le suivant :
. Bâtiment [Adresse 2]
. Bâtiment [Adresse 10]
. Bâtiment [Adresse 7]
. Bâtiment [Adresse 17] »

Il n’est ainsi nullement fait état d’une défaillance de la société ETI ou de malfaçons imputables à cette dernière mais uniquement d’ « aléas ». En conséquence le maître d’ouvrage ne démontre là encore pas de manquements commis par la société ETI à l’origine d’un retard.

Sur les nombreuses erreurs commises par la société ETI sur les façades nécessitant des modifications :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que le chantier a dû subir un important allongement de ses délais en raison des nombreuses non conformités et malfaçons imputables à la société ETI dans le cadre de la réalisation des travaux relatifs aux façades, qu’en outre elle a fait face à de nombreux problèmes d’approvisionnement de préfabriqués sans qu’elle ne décide de changer de fournisseur.

Au vu du rapport d’expertise judiciaire, concernant les façades, notamment les descentes EP, les bow windows, les modénatures, il est établi que la société ETI a à plusieurs reprises été tributaire d’envois tardifs des plans de conception à jour ne lui permettant pas d’établir ses plans d’exécution et dû modifier ses travaux afin de tenir compte des dernières modifications sollicitées.

Il s’ensuit que la SCCV Wilson Rouquier ne démontre pas que la société ETI disposait de tous les éléments nécessaires pour réaliser les ouvrages sollicités dans les délais.

S’agissant de son sous-traitant, aux termes du compte-rendu de chantier n°51 du 25 février 2013, il est indiqué que la société ETI « signale que son sous-traitant actuel, la société CIR, concernant les éléments préfabriqués en béton blanc, n’est pas en mesure de respecter les dates d’approvisionnement demandées par ETI, et précise qu’il va remplacer cette entreprise par un autre sous-traitant : société EUVE », la société BECRI indique à l’expert judiciaire (Note technique n°8) que le nouveau sous-traitant a été agréé le 5 avril 2013 par le maître d’ouvrage. Il est par ailleurs indiqué que les plans de conception nécessaires au démarrage de la fabrication des éléments de modénatures ont été validés le 21 mars 2013 par la société DGM. Dès lors il n’est pas démontré par le maître d’ouvrage l’existence d’un retard induit par le seul changement du sous-traitant.

Si l’expert a en effet relevé des erreurs d’exécution de la société ETI sur les corbeaux et des défauts relevés sur les joints de pierre en façade, il n’est toutefois pas démontré par la SCCV Wilson Rouquier que leurs reprises ont eu une incidence sur le délai général d’exécution des travaux.

la société ETI a en quittant le chantier à compter du 14 février 2014 engendré des retards supplémentaires :

Dans la mesure où il a été précédemment jugé que le départ du chantier par la société ETI était justifié et lié à l’absence de fourniture d’une garantie de paiement et l’application infondée de pénalités de retard, aucun retard lié à cette suspension des travaux ne peut être reproché à l’entreprise.

Au vu de l’ensemble de ces éléments et dès lors que l’expert a mis en exergue pour sa part que les principaux événements à l’origine de l’allongement des délais de chantier étaient liés :

- à la découverte des excroissances des fondations du bâtiment voisin

- au retard dans la transmission des plannings des études d’exécution

- au retard dans la transmission d’éléments de conception retard lesquels ont été transmis jusqu’à fin 2013 à ETI ;

- au retard dans la désignation des entreprises en charge des autres lots : important décalage de signature du marché gros oeuvre/ façades et autres marchés

- à l’absence de synthèse

- à l’absence d’établissement d’un calendrier détaillé d’exécution contractuel

- et à l’absence de décision prise sur le déplacement du transformateur

il convient de constater que la SCCV Wilson Rouquier ne démontre pas que le retard du délai d’exécution des travaux de gros œuvre soit imputable à la société ETI de sorte qu’il convient de la débouter de ses demandes formées à ce titre.

V.A.2-2 Sur les demandes formées à l’encontre de la société BECRI

La SCCV Wilson Rouquier soutient que les retards constatés sur le chantier sont imputables à la société BECRI dès lors que :

la société BECRI, en charge des missions d’OPC et de synthèse a manqué à son devoir de conseil faute pour elle de conseiller au mieux le maître d’ouvrage sur l’organisation du chantier (notamment l’absence de désignation d’un BET de conception, l’absence de mission portant sur la reconnaissance des avoisinants, l’absence de traitement en amont de la question du transformateur) ;la société BECRI n’a pas établi un planning détaillé d’exécution permettant de menacer les entreprises de pénalités de retard ;la société BECRI n’a pas mis en place un double accès au chantier ;le maître d’oeuvre a largement défailli dans sa mission de synthèse et d’ordonnancement notamment en s’abstenant de solliciter auprès de la société ETI un planning plus détaillé ;le maître d’oeuvre n’ a pas établi l’avenant n°1 prévu à l’additif n°1 ;le maître d’oeuvre en ne respectant pas les coûts d’objectifs et en sollicitant des offres éloignées de ces coûts a contribué à la désignation tardive des lots.
La société BECRI et son assureur la société l’Auxiliaire exposent que :

le maître d’ouvrage ne démontre pas de préjudices subis en raison d’un retard dès lors qu’il a compensé les retards de livraison avec les pénalités appliquées sur les différentes entreprises ;aucune faute ne peut lui être imputée dès lors que les modifications de programme et la désignation tardive des lots sont imputables exclusivement au maître d’ouvrage, qu’elle n’était pas en mesure d’établir le planning détaillé d’exécution faute pour le maître d’ouvrage d’avoir choisi les entreprises des autres lots,le retard est principalement imputable aux atermoiements du maître d’ouvrage et à la négligence de la société ETI qui n’a pas affecté assez de moyens personnels et techniques sur le chantier ;le maître d’oeuvre n’était pas tenu à l’égard du maître d’ouvrage professionnel de lui fournir des conseils sur la gestion technique du chantier constituant à fixer un programme, désigner les entreprises avant de commencer les travaux et de lui conseiller de procéder à des pénalités de retard pour les entreprises en retard.
*

Aux termes du contrat de maîtrise d’oeuvre d’exécution conclu entre la SCCV Wilson Rouquier et la société BECRI, l’article 2.3 prévoit un démarrage du chantier prévisionnel au mois d’avril 2011 et un délai prévisionnel de livraison de l’immeuble de 20 mois hors intempéries. L’article 4 prévoit à cet effet que le maître d’oeuvre s’engage à mettre en œuvre les moyens d’atteindre l’objectif des délais fixés à l’article 2.3 des conditions particulières.

En l’espèce il a été vu que les travaux ont démarré avec la préparation du chantier à compter du 15 novembre 2011 et ont fait l’objet d’une livraison aux acquéreurs fin juin et début juillet 2014 ( au vu des protocoles produits aux débats) de sorte qu’il est à noter un retard d’environ 12 mois par rapport au délai de livraison prévisionnel de 20 mois figurant dans le contrat de maîtrise d’oeuvre.

La SCCV Wilson Rouquier reproche principalement au maître d’oeuvre d’exécution d’avoir failli dans ses missions d’OPC, de synthèse et dans son devoir de conseil ayant ainsi contribué à l’allongement du délai du chantier.

Au vu du contrat de maîtrise d’oeuvre d’exécution, il ressort que les missions confiées à la société BECRI incluait notamment :

- la direction des travaux incluant la mise au point du planning général des travaux et des éventuelles mises à jour ainsi que leur notification aux entreprises, la rédaction des éventuels avenants en plus ou en moins ;

- une mission OPC :

incluant une mission d’ordonnancement et de planification comprenant l’analyse des tâches élémentaires portant sur les études d’exécution et les travaux, déterminer leurs enchaînements ainsi que leur chemin critique par des documents graphiques ;
incluant une mission de coordination comprenant l’harmonisation dans le temps et l’espace des actions des différents intervenants au stade des travaux et de mettre en application les mesures d’organisation arrêtées au titre de l’ordonnancement et de la coordination.

Au cas présent les deux principaux reproches formulés par l’expert judiciaire à la société BECRI repris par la SCCV Wilson Rouquier portent sur l’absence de mission de synthèse par le maître d’oeuvre d’exécution et l’absence d’établissement d’un calendrier détaillé d’exécution contractuel.

Force est de constater, en premier lieu, que si le contrat de la société BECRI renvoie à un tableau de répartition des tâches annexé au contrat de maîtrise d’oeuvre de conception conclu antérieurement avec la société Pierre Epstein et la sarl [E] le 9 novembre 2009 attribuant une mission de direction de cellule de synthèse au futur maître d’oeuvre d’exécution qui serait désigné, les dispositions particulières du contrat de maîtrise d’oeuvre d’exécution conclu postérieurement entre le maître d’ouvrage et la société BECRI ne visent pour leur part ni cette mission qu’elle ne définit donc pas ni ne prévoient de rémunération spécifique. Il s’ensuit que la seule mention sur le tableau de répartition des tâches ne suffit pas à en conclure que cette mission a été confiée en définitive à la société BECRI et ce d’autant plus que le contrat de maîtrise d’oeuvre de la société BECRI fait référence à ce tableau principalement pour faire état des missions attribuées au maître d’oeuvre de conception et aux tâches incombant au maître d’ouvrage.

S’agissant de l’absence d’établissement dudit calendrier, il ressort clairement du rapport d’expertise que ce calendrier ne pouvait être établi en raison de la désignation tardive des différentes entreprises par le maître d’ouvrage. Or il résulte de la lecture des comptes-rendus de chantier que la société BECRI n’a cessé d’enjoindre au maître d’ouvrage de procéder à la désignation des entreprises lui indiquant qu’en l’absence les marchés de travaux ne pouvaient être finalisés et a ainsi répété dans ses compte-rendus de chantier, entre janvier 2012 et juillet 2013 les mois de retard dans la désignation.

Le maître d’ouvrage oppose dans ses conclusions que la désignation tardive résulte de la sous-estimation des budgets des lots techniques par la société BECRI. Aux termes du rapport d’expertise toutefois, l’expert judiciaire indique « Pourtant, en séance du 25 avril 2017, à la question de l’expert qui demandait si les développements de la SCCV sur la sous-estimation des lots techniques par BECRI, signifiaient que la signature des marchés avait été retardée pour des raisons budgétaires, le MOA [le maître d’ouvrage] a répondu : non ! ».

La SCCV Wilson Rouquier ajoute que « les capacités financières du maître de l’ouvrage étaient suffisantes, elles couvraient le montant d’éventuels avenants » et que les offres des entreprises des autres lots qu’ETI rejoignaient l’estimation initiale effectuée par son précédent architecte, M. [E] décédé avant le lancement de l’appel d’offres. Il s’ensuit qu’il n’est nullement démontré un lien entre la désignation tardive des entreprises et la sous-estimation du budget qui aurait été faite par la société Becri alors que le projet notamment sur son aspect financier s’est construit nécessairement en amont de l’estimation effectuée par la société Becri avec les estimations effectuées par le premier architecte.

Il est en outre reproché à la société BECRI d’avoir contribué à l’allongement anormal des délais du chantier en raison, d’une part, de l’absence d’établissement d’un avenant destiné à régler la question du transformateur, d’autre part de l’absence de traitement de la question du double accès au chantier et enfin d’un manquement à son obligation de conseil sur la désignation d’un BET de conception et d’une mission sur les avoisinants.

Si la qualité de professionnel du maître d'ouvrage n'exonère pas le maître d'oeuvre de son devoir de conseil, il n'en demeure pas moins que cette qualité doit être prise en compte dans le cadre du lien de causalité entre les manquements reprochés au maître d'oeuvre et le retard pris sur le chantier.

Il convient ainsi de relever que la SCCV Wilson Rouquier est un maître d’ouvrage professionnel, averti et aguerri, relevant du Groupe ARIE PROMOTION, société de promotion immobilière, qu’aux termes du contrat de maîtrise d’oeuvre d’exécution il est spécifié que le maître d’ouvrage « traitera si nécessaire avec les bureaux d’étude qui seront seuls responsables de prestation vis-à-vis de lui » et qu’aux termes du tableau de répartition des tâches, le maître d’ouvrage s’engage à fournir le programme de conception, les plans relatifs au terrain, réseau, servitudes, cahier des charges de la zone ainsi que les plans de géomètre.

Il est ainsi relevé par l’expert judiciaire que la SCCV Wilson rouquier a souhaité gardé la main sur les aspects contractuels et stratégiques de l’opération de construction, ayant rédigé l’additif n°1 et intégrer une mention dans le contrat de maîtrise d’oeuvre d’exécution selon laquelle « le Maître d’Oeuvre d’Exécution rédigera les marchés de travaux avec les Entreprises sur la base des modèles établis par le Maître d'Ouvrage »

Force est de constater en l'espèce que le maître d’ouvrage, du fait de cette qualité de professionnel de la promotion immobilière, a choisi de conserver la charge de différentes missions. En effet si l’article 3.1.1 des conditions générales du contrat de maîtrise d’oeuvre de conception inclut les études de reconnaissance du terrain à la société EPS-DGM, l’article 2.6 du CCP les lui retire en indiquant que la définition du programme de sondage et d’études de sol et l’appréciation des résultats des reconnaissances seront confiées à un maître d’oeuvre d’exécution. Or force est de constater qu’aux termes du contrat de maîtrise d’oeuvre d’exécution conclu avec la société BECRI le maître d’ouvrage n’a pas inclus cette mission de sorte qu’il ne peut être reproché à la société BECRI de ne pas avoir réalisé cette mission ni d’avoir conseillé le maître d’ouvrage aux fins de lui confier une mission liée à la reconnaissance du terrain et des éventuels débordements des fondations des avoisinants par géomètre expert, dès lors que l’absence de tâche spécifiquement attribuée au maître d’oeuvre de conception ou d’exécution relevait au vu du tableau de répartition des tâches d’un choix de la maîtrise d’ouvrage et qu’il n’est en tout état de cause pas démontré que le maître d’ouvrage aurait décidé de confier cette mission ou de faire réaliser lesdits sondages avant les travaux de terrassement.

S’agissant du transformateur, la SCCV Wilson Rouquier ne démontre pas avoir fait son choix sur les options offertes par la société ETI dans son appel d’offre afin de régler la question du déplacement de l’ancien transformateur, décision de nature à permettre par la suite à la société BECRI d’établir l’avenant visé à l’additif n°1, qu’en outre il ressort de cet additif que d’autres éléments devaient être intégrés dans cet avenant et qui incombaient notamment au maître d’ouvrage ( incidences du relevé géomètre et modifications liées au permis de construire modificatif).

Enfin sur ces points, il est à relever que l’expert judiciaire a mis en évidence pendant les opérations d’expertise que le maître d’ouvrage a décidé, après l’acceptation de l’offre de la société ETI, de démarrer le chantier sans attendre la conclusion des autres marchés et sans régler en outre la question du transformateur, le maître d’ouvrage, prenant dès lors le risque en connaissance de cause du fait de sa position de promoteur professionnel dans la construction immobilière, particulièrement dans le cadre du choix d’un chantier en corps d’état séparé, d’un défaut de cohérence entre les différents marchés et l’absence de possibilité de mettre en place une planification du chantier, qu’il s’ensuit que ce faisant le maître d’ouvrage a placé le maître d’oeuvre d’exécution dans l’incapacité de remplir pleinement sa mission d’OPC.

Enfin s’agissant de l’absence de mise en place d’un double accès au chantier, dans la mesure où il a été vu précédemment que ce double accès au chantier n’a pas eu d’incidence sur l’allongement des délais et où en tout état de cause, celui-ci a été refusé par la commune, aucun manquement en lien avec l’allongement des délais ne peut être reproché à la société BECRI à ce titre.

En conséquence faute d’établir de fautes commises par la société BECRI en lien avec l’allongement anormal des délais de chantier, il convient de débouter la SCCV Wilson Rouquier de ses demandes formées à son encontre.

V.A.2.3 Sur les demandes formées à l’encontre des sociétés EPSTEIN et DGM

La SCCV Wilson Rouquier reproche aux sociétés EPSTEIN et DGM, maîtres d’oeuvre de conception, d’avoir contribué à l’allongement anormal du délai du chantier en raison :

- d’un défaut de conception architectural et technique ;
- de l’absence de plans PRO de structure et de plans de réseaux dans le DCE ;
- de l’absence d’identification des excroissances en phase conception ;
- du défaut d’anticipation de la solution du problème du transformateur ;
- de l’absence de pré-synthèse et de coordination en phase de conception ;
- des retards dans la remise des éléments de conception et des plans modifiés.

Les sociétés EPSTEIN et DGM font valoir en réponse que :

- la société maître d’ouvrage, constituée de professionnels de la construction, a validé sans contestation le DCE contesté, et ne peut lui reprocher le caractère incomplet ou l’absence de « PRO ni plans de réseaux » qui ne relevaient par de leur mission,

- les excroissances n’étaient pas décelables avant le démarrage des travaux et les tâches de «définition du programme de sondage et d’études de sols et appréciation du résultat de ces reconnaissances » ainsi que la « note synthèse concernant les risques techniques (fondations) » ne relevaient pas de sa mission mais de celle du maître d’oeuvre d’exécution ;

- ils ont répondu dans la mesure de leur possibilité aux nombreuses demandes de modification de programme du maître d’ouvrage et n’ont pas à prendre en charge les conséquences de la sur-optimisation financière voulue par le maître d’ouvrage ;

- l’absence de lien de causalité avec les préjudices allégués dans la mesure où les engagements pris par le maître d’ouvrage en terme de délais avec les acquéreurs et preneurs de bail étaient incompatibles avec les nombreuses demandes de modification du programme.

*

Au vu des éléments du dossier, il ressort que la SCCV Wilson Rouquier a conclu un contrat de maîtrise d’oeuvre de conception le 9 novembre 2009 avec la SASU EPSTEIN et la SARL [E] agissant conjointement à hauteur de 50%.

A la suite du décès de Monsieur [O] [E] en mai 2010, la société DGM a, par avenant du 2 septembre 2010, repris la part du contrat de Monsieur [E].

Les parties ont prévu de confier à ces sociétés une mission en phase de conception comprenant :

- les études et l’établissement des documents visés à l’article 3.1.1 et 3.1.2 et 3.1.3 des conditions générales (études préliminaires, esquisses préliminaires, APS)

- les études et l’établissement des documents nécessaires au dépôt et à l’obtention des permis de démolir et de construire sauf le devis descriptif sommaire tous corps d’état,

- projet de conception et documents graphiques du DCE (sauf avant projet structure et dimensionnement établi par un BET spécialisé)

- établissement des plans de vente,

- documents graphiques du dossier marché

- établissement du permis de construire modificatif

et en phase d’exécution la mission « conformité architecturale » comprenant l’examen et l’approbation de la conformité architecturale des plans d’exécution, assistance au maître d’ouvrage dans le choix des matériaux de finition et de décoration.

Au cas présent, le maître d’ouvrage reproche six manquements aux maîtres d’oeuvre de conception :

- S’agissant des erreurs de conception notamment concernant les façades et les ouvertures :

La SCCV Wilson Rouquier expose que la société ETI a, dans un courriel du 15 janvier 2013, indiqué être dans l’attente de la mise à jour des plans de façades par les maîtres d’oeuvre de conception tenant compte de l’uniformisation des profils des éléments préfabriqués en béton blanc, que cette modification, qui est l’origine de l’allongement des délais du chantier, est consécutive selon elle à une erreur de conception. Elle fait en outre valoir que la finalisation tardive du lot menuiseries extérieures par la société KRM est consécutive à une finalisation tardive de la mission conception par les architectes résultant d’une erreur de conception.

Les sociétés EPS-GDM exposent que le maître d’ouvrage ne démontre pas d’erreurs de conception des façades, que les plans ont dû être actualisés au vu de la réduction par la société ETI du nombre des modénatures, de la modification des baies, entraînant une modification des plans pour les menuiseries extérieures. Enfin elles exposent qu’aucun examen des plans archi ou ETI n’a été effectué de manière à établir que les reprises étaient consécutives à un défaut de conception.

Si aux termes des conclusions du rapport d’expertise, il est établi que des mises à jour des plans de conception ont été réalisées par les architectes ayant contribué à retarder la réalisation des travaux, il n’est pas démontré par le maître d’ouvrage que les modifications de plan sont liées à des erreurs de conception plutôt qu’à des demandes de modification du programme.

Au vu du rapport d’expertise, il ressort à ce titre que l’expert a mis en évidence que les problèmes de conception révélés en phase d’exécution sont principalement liés à l’absence de mission de synthèse que ce soit en phase de conception (mission de pré-synthèse) qu’en phase de conception qui auraient pu permettre d’anticiper sur ces difficultés. Or force est de constater que ces missions de synthèse TCE n’ont pas étés confiées aux architectes de sorte qu’il ne peut leur être opposé aucun manquement à ce titre.

L’expert met en outre largement en évidence les nombreuses modifications sollicitées par le maître d’ouvrage mais également que la mise au point même du projet n’était pas finalisée au stade de l’exécution et que cet état de fait est imputable à la maîtrise d’ouvrage.

- Sur l’absence de plans PRO de structure et de plans de réseaux dans le DCE :

La SCCV Wilson Rouquier reproche principalement aux architectes d’avoir manqué à leur obligation relative à la mission DCE faute d’avoir fourni les plans PRO de structure et les plans de réseaux tel que le prévoyait l’article 3.1.5.1.1 du cahier des clauses générales du contrat de maîtrise d’oeuvre incluant l’établissement des plans de principe des fondations et de définition des ouvrages enterrés et les plans de principe des fluides et de coordination des réseaux et avoir à ce titre contribué au retard de livraison du lot gros œuvre .

Les architectes font valoir que le maître d’ouvrage doit assumer l’absence de désignation des BET de conception pour les études de conception de structure et de fluides et dès lors le caractère incomplet ou l’absence de « PRO ni plans de réseaux » qui ne relevaient pas de leur mission.

Au cas présent, il ressort des conditions particulières du contrat de maîtrise d’oeuvre de conception que les architectes devaient établir le projet de conception et documents graphiques du DCE tel que prévu à l’article 3.1.5.1.1 à l’exclusion de l’avant-projet structure et dimensionnement établi par un BET spécialisé lequel selon l’article 3.1.5.1.1 comprenait « les plans de principe des fondations et de définition des ouvrages enterrés, (cuvettes d’ascenseur, fosses de relevage, réseaux enterrés, drainage,…) plans de principe des fluides (réseaux horizontaux et gaines verticales) et de coordination des réseaux, plans de principe des locaux techniques et des raccordements extérieurs, plans des terrasses et des ouvrages en terrasses (chaufferie, climatisation, VMC, édicules, ascenseurs) »

Cette exclusion est confirmée dans le tableau de répartition des tâches qui fait figurer les études sur les principes de structure et de fondations dans les tâches devant être réalisées par le maître d’oeuvre d’exécution, et les plans des réseaux à la charge de l’entreprise à désigner. Il s’ensuit qu’il ne peut être reproché aux architectes de ne pas avoir réalisé une mission qui ne leur a pas été confiée.

Force est de constater au surplus qu’aux termes du rapport d’expertise, l’expert met en évidence qu’ « En phase PRO (conception) le tableau de répartition des tâches de MOE attribue la production des études de conception des principales spécialités techniques, à savoir les études de béton armé, de maçonnerie, d’électricité, de chauffage, de ventilation, de climatisation, de thermique, d’acoustique et de plomberie aux entreprises! Outre que les entreprises ne sont souvent pas qualifiées pour faire des études de conception, au stade PRO, elles ne sont pas même encore désignées! En fait ces études de conception «technique », pourtant indispensables (et prévues), n’ont jamais été réalisées.

La SCCV a fait l’économie significative des BET de conception et il en est résulté de multiples difficultés lors de la production des études d’exécution, les entreprises travaillant ab nihilo. Ce choix est à l’origine d’une part importante des difficultés liées aux modifications du projet, ou, plus exactement à la définition du projet par les entreprises en phase exécution ».

Il en découle nécessairement que le maître d’ouvrage ne peut reprocher aux architectes les conséquences résultant des choix effectués en pleine connaissance de cause s’agissant d’un maître d’ouvrage averti et professionnel de la promotion immobilière de ne pas désigner des BET de conception alors qu’il s’est réservé ce choix dans le contrat de maîtrise d’oeuvre d’exécution et que le tableau de répartition des tâches montrait clairement que les missions normalement dévolues aux BET de conception ont été reportées à la fois sur le maître d’oeuvre d’exécution et les entreprises lesquelles n’avaient pas été toutes désignées en même temps au démarrage du chantier.

- Sur l’absence d’identification des excroissances en phase conception :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que les architectes sont responsables du retard de livraison du gros œuvre du fait de l’absence d’identification des excroissances qui se trouvaient dans le sol lesquelles auraient dû être décelées dès la phase de conception du projet. Elle expose que les maîtres d’oeuvre de conception avaient pour mission d’établir les plans graphiques des fondations et des ouvrages enterrés et se devaient de procéder à une inspection préliminaire du sol au moyen de sondages lesquels auraient permis de découvrir les excroissances.

Les architectes font valoir en réponse que les excroissances n’étaient pas décelables avant le démarrage des travaux et que les tâches de « définition du programme de sondage et d’études de sols et appréciation du résultat de ces reconnaissances » ainsi que de « note synthèse concernant les risques techniques (fondations) » ne relevaient pas de sa mission.

Au cas présent, il ne ressort pas des éléments du dossier que les excroissances étaient décelables avant la phase de terrassement sans avoir au préalable effectué des sondages. L’expert judiciaire indique ainsi « avant travaux aucune visite des lieux ni des abords, même détaillée, ne permettra jamais de détecter la géométrie exacte de fondations qui, par définition sont enterrées. Seule une reconnaissance physique coordonnée par un géomètre-expert le permet. Elle implique des excavations partielles, mécaniques ou à la pelle, en général difficiles à réaliser avant les terrassements. » Or il ressort de l’article 3.1 « phase conception » du contrat de maîtrise d’oeuvre de conception détaillant les missions confiées aux architectes qu’ont été expressément exclues des missions : « la définition du programme de sondage et d’études de sol et l’appréciation de résultat de ces reconnaissances », la « note de synthèse concernant les risques techniques (fondations) et environnementaux» de même que « l’établissement des plans des fondations et ouvrages enterrés» de sorte qu’il ne peut leur être reproché aucun manquement à ce titre.

- Sur l’absence de pré-synthèse et de coordination en phase de conception :

La SCCV Wilson Rouquier indique que les potentielles lacunes de coordination en phase de conception et les conséquences qui s’en sont suivies en terme de modifications de l’ouvrage, même si elles étaient minimes, ont sans nul doute eu une influence dans le calcul de l’allongement de l’opération.

Aux termes du contrat de maîtrise d’oeuvre de conception il est indiqué : « chapitre 4 : pilotage /coordination : pilotage : non compris : la coordination des intervenants techniques est assurée par la société Pierre Epstein/ SARL Cabinet [E] ou la maîtrise d’oeuvre d’exécution selon leurs missions respectives ». Toutefois force est de constater que l’expert judiciaire a mis en évidence que « la SCCV aurait dû désigner des BET de conception avant la phase PRO et organiser l’articulation juridique, contractuelle et technique des contrats de ses MOE de conception » et que « la SCCV n’a jamais mandaté de BET sur les lots majeurs : structure, fluides, etc ». Il s’ensuit qu’il ne peut dès lors être opposé aux maîtres d’oeuvre l’absence de désignation des BET de conception.

- Sur les retards dans la remise des éléments de conception et des plans modifiés :

L’expert judiciaire a mis en évidence que la quantité inhabituelle de modifications de projet a eu un impact sur l’allongement du délai. Tout au long de l’expertise, l’expert a en outre mis en exergue tel que cela a été indiqué plus haut que la principale difficulté de ce chantier réside dans le fait qu’il a démarré sur un projet non finalisé et que la mise au point des éléments de conception devant a priori être réglés en amont a été faite au fil de l’eau au stade de l’exécution, pointant du doigt que cet état de fait était imputable au maître d’ouvrage. En conséquence la SCCV Wilson Rouquier ne justifie pas de manquements commis par les maîtres d’oeuvre de conception à ce titre.

- Sur le défaut d’anticipation de la solution du problème du transformateur :

La SCCV Wilson Rouquier soutient que les maîtres d’oeuvre sont responsables du retard de livraison du gros œuvre du fait de l’absence d’anticipation du problème posé par le transformateur existant situé dans l’emprise du futur bâtiment du [Adresse 10]. Elle expose à ce titre qu’il incombait aux maîtres d’oeuvre de conception de faire une demande de permis de démolir concernant le transformateur, que la société ETI a proposé 2 options pour traiter de la question du transformateur lors de la signature de son marché et qu’il appartenait donc tant à l’architecte qu’à ETI de faire leur choix dans le délai d’un mois prévu dans l’additif n°1, ce qu’ils se sont abstenus de faire. Enfin elle indique que les architectes auraient dû anticiper le fait que l’emplacement de ce transformateur allait compliquer l’opération envisagée et qu’il fallait envisager des solutions techniques rapidement pour éviter des retards de chantier.

Au cas présent il ressort du contrat de maîtrise d’oeuvre de conception que la mission du maître d’oeuvre avait été largement réduite par rapport à la définition des missions telle que résultant du cahier des clauses générales dès lors que les missions étaient listées strictement et comportaient de nombreuses exclusions. Il s’ensuit qu’au stade du « dossier de consultation des entreprises », préalable à l’appel d’offres, la mission des architectes avait été limitée à l’élaboration des pièces graphiques du DCE énumérées à l’article 3.1.5.1.1 (auquel ont été retranchées également divers plans tels que vus précédemment) et ne contenait ni descriptif sommaire des travaux tous corps d’état ni CCTP des différents corps d’état séparés.

Il ne ressort pas non plus du contrat de maîtrise d’oeuvre de conception que les architectes avaient été investis d’une mission spécifique relative aux études de conception portant sur la démolition de l’ancien transformateur, ceux-ci s’étant limités à intégrer dans les plans la position du futur transformateur.

Si aux termes des CCG du marché de maîtrise d’oeuvre de conception il est mentionné « les transformateurs PCB » sur la page en face du 3.1.4.1 « demande de permis de démolir » : force est de constater que l’absence de majuscule à « les transformateurs PCB » et son emplacement soit à côté et non en dessous comme les autres items y figurant, permettent d’en déduire que ces mots faisaient suite à l’article 3.1.4. suivants « Sur la base de l’avant projet sommaire, approuvé par le maître d’ouvrage, établissement de l’avant-projet détaillé comprenant : .. ; ». Il peut donc en être conclu que la question des transformateurs était intégrée dans l’avant-projet détaillé incluant un plan détaillé du futur ensemble immobilier et les futurs transformateurs mais n’était pas intégrée spécifiquement au marché sous l’angle de sa démolition et ce d’autant plus que les maîtres d’oeuvre de conception ne s’étaient pas vu confier ni la conception des lots techniques ni le plan des réseaux.

Or au vu de la note retraçant la chronologie des événements liés au transformateur établie par le maître d’ouvrage et du rapport d’expertise, il ressort que les travaux de suppression de l’ancien local et de mise en service du nouveau local nécessitaient l’établissement de différents documents, soit des bilans complets de puissances nécessaires aux logements et aux commerces, un plan de distribution des réseaux ERDF des bâtiments et des commerces, les plans génie civil gros œuvre et fourreaux techniques suivant le plan d’architectes et des fourreaux nécessaires selon le cahier des charges d’ERDF. Or tel que l’expert l’a mis en évidence, l’établissement d’un premier bilan de puissances de l’opération au stade du projet en phase PRO (conception) nécessitait la désignation d’un BET électricité de l’équipe de conception ce qui n’a pas été fait.

Il n’en demeure pas moins qu’au titre de leur devoir de conseil, il incombait aux maîtres d’oeuvre de conception, de se préoccuper de la question du transformateur au stade de la conception et d’alerter le maître d’ouvrage des incidences sur le déroulement du chantier en terme de coût et de délais.

Or force est de constater que cette information a été en définitive donnée par les entreprises de gros œuvre consultées dans le cadre de l’appel d’offre, l’expert judiciaire soulignant ainsi que « Le Maître d’Ouvrage (SCCV), sans doute alerté sur le sujet par les entreprises de gros œuvre soumissionnaires, a identifié le problème mais a fait le choix de contracter avec ETI sans que la question soit tranchée, en la reportant à plus tard (additif du 9 novembre 2011 qui prévoyait un avenant). Lorsque la solution d’un transformateur mobile (la seule raisonnable) est arrivée le 13 avril 2012 le délai d’un mois avait déjà explosé. La SCCV l’a refusée à cause du coût (59 496.56 € TTC) »

En effet au vu des éléments du dossier, il ressort que la société ETI a proposé dans le cadre de sa consultation deux options concernant le transformateur dans un devis intitulé « travaux supplémentaires- incidence transfo existant » annexé à son offre :

option 1 : organisation du chantier en démarrant par la zone PERL et décalage zone Rivay et wilson : la zone PERL démarre en premier et permet de livrer au stade R +2 de cette zone le futur local transformateur à ERDF, ERDF devra dans un nouveau délai de 6 mois installer et mettre en service le futur transformateur pour que nous puissions (après mise hors service et dépose ERDF du transformateur existant rue Wilson) démolir le local existant et enchaîner la structure du niveau -2 aux terrasses de la zone « [Adresse 10] »
selon planning prévisionnel joint de 23 mois
prix : 95 000 €

option 2 : réalisation du chantier dans le cadre du planning ETI de 13 mois et TCE de 19 mois : la zone délimitée par l’entreprise du local transformateur existant sera totalement différée du 2ème sous-sol aux terrasses. Nos travaux réalisés en coffrage manuportables et béton pompé sont estimés à 2,5 mois après démolition du local transformateur existant. La date de livraison de cette zone différée dépend du planning d’intervention ERDF y compris neutralisation et dépose des éléments composants le « transfo ». : prix : 150 000 €.

Il s’ensuit que le maître d’Ouvrage a au moment du démarrage du chantier été informé de l’incidence en terme de délais et de coût de la question du transformateur mais a fait néanmoins le choix de contracter avec la société ETI sans que la question ne soit tranchée, en la reportant à plus tard, notamment au délai d’un mois tel que cela ressort de l’additif du 9 novembre 2011. Toutefois alors que la SCCV Wilson Rouquier reconnaît dans sa note sur la chronologie relative au transformateur, versée au dossier, que la société ETI lui a proposé une solution alternative (le transformateur mobile) afin de limiter l’incidence de cette question sur les délais du chantier, celle-ci l’a refusée.

Par la suite le maître d’ouvrage reproche aux architectes l’absence de choix concernant les options proposées par ETI sur le transformateur n’ayant pu permettre au maître d’ouvrage de signer un avenant n°1, or force est de constater que le maître d’ouvrage ne justifie pas que l’absence d’établissement et de signature de l’avenant n°1 dans le délai d’1 mois est lié à un manquement des maîtres d’oeuvre de conception dans la mesure où cela ne relevait pas de la mission des architectes et où la question du transformateur nécessitait avant tout que le maître d’ouvrage prenne position sur les options proposées par la société ETI alors qu’au vu des propositions effectuées (option 1, 2 et transformateur mobile) et des différentes réunions organisées par la société BECRI avec EDF, le maître d’ouvrage disposait des éléments nécessaires pour faire son choix, choix que le maître d’ouvrage a finalement repoussé jusqu’en janvier 2014 avec l’émission d’un ordre de service signé le 24 janvier 2014 par la SCCV Wilson Rouquier laissant la société ETI de fait mettre en œuvre la solution 2 bis.

Dès lors au vu de l’ensemble de ces éléments il convient de constater que la SCCV Wilson Rouquier ne justifie pas de manquements commis par les intervenants du chantier en lien avec l’allongement des délais du chantier.

V.B. Sur les demandes formées par la société ETI

La société ETI sollicite de voir condamner in solidum la SCCV WILSON ROUQUIER, la SAS VANIM aux droits de la SASU EPSTEIN, DGM et Associés, la MAF, BECRI et l’AUXILIAIRE à lui payer la somme de 777.245 € TTC et ce, avec intérêts moratoires contractuels au taux de l’intérêt légal majoré de 7 points, à compter du 24 février 2014, date de l’assignation, conformément aux dispositions de l’article 20.8 de la norme NFP 03-001.

Il ressort que cette somme comprend les sommes telles que retenues par l'expert judiciaire au titre du retard de chantier, soit :
245 738 € HT au titre du surcoût de main d’oeuvre sur un délai de 12 mois supplémentaire ;66 408 € HT au titre du surcoût des frais d’encadrement retenus sur la base de 7,4 hommes par mois selon un coût mensuel moyen d’encadrement de 8962€ ;154 409 € HT au titre du surcoût des matériels immobilisés (grue, matériel de sécurité collective, matériels de manutention, matériel électrique, outillage, bennes, matériels de maçonnerie) pour une durée supplémentaire de 9 mois ;21 283 € HT au titre du surcoût d’immobilisation des installations de chantiers pour 9 mois supplémentaires ;12 303 € HT au titre des taxes de voirie supplémentaire supportées56 893 € HT au titre du coût supplémentaire des trous, scellements et rebouchages suite aux modifications de conception8 886,00 € HT au titre du surcoût résultant de l’augmentation des prix des fournitures consécutif au décalage des travaux dans le temps;60 846 € HT au titre des frais généraux consécutifs aux surcoûts précédemment listés12 311 € HT au titre de la perte de bénéfice (sur les déboursés secs supplémentaires, sur frais directs et sur les frais généraux sur frais directs) ;soit un total de 639 077 € HT ( 764 336 € TTC)
et les travaux commandés, réalisés et non payés, comprenant le paiement des devis suivants :
14. 896€ HT ( 17 816 € TTC) au titre du devis n°18 du 14 mars 2013
après déduction d’une somme de 4907 €.

Au soutien de ses demandes, la société ETI fait valoir :

- en l’absence de conclusion de l’avenant n°1 prévu à l’additif n°1, le marché de travaux n’a jamais acquis le caractère forfaitaire ou du moins l’a perdu en raison d’une conception au fil de l’eau ;

- l’expert ne lui a retenu aucune imputabilité ou une imputabilité minime dans les causes de l’allongement des délais du chantier qui sont dès lors imputables exclusivement au maître d’ouvrage, au maître d’oeuvre d’exécution et aux maîtres d’oeuvre de conception ;

- l’expertise judiciaire a mis en évidence les nombreux manquements du maître d’ouvrage se caractérisant notamment par l’absence de finalisation du programme, l’absence de désignation de bureaux d’études de conception, l’absence de remise complète des plans du permis de construire, l’absence d’établissement de l’avenant prévu par l’additif n°1, l’absence de mission AMO, le sous-dimensionnement des missions OPC et synthèse, la désignation tardive des lots, les atermoiements et modifications de programme incessantes, l’application indue de pénalités de retard et résiliation abusive du marché lesquels sont à l’origine d’une désorganisation complète du chantier, d’un doublement de sa durée prévisionnelle et d’un renchérissement considérable de ses coûts ;

- les maîtres d’oeuvre de conception et d’exécution ont par leurs manquements contractuels à l’égard du maître d’ouvrage commis des fautes à son égard dont elle est en droit de se prévaloir compte tenu des préjudices subis en résultant, se caractérisant notamment par l’absence de concertation entre les intervenants dans la phase conception, l’absence totale de gestion de la question du transformateur en phase conception, l’absence totale d’organisation du processus d’élaboration des documents visés à l’additif n°1 au marché et de gestion des modifications en dehors de tout cadre structuré, manquement à leur devoir de conseil (absence de mission sur les sondages et études de sol qui auraient permis d’identifier les excroissances des fondations voisines, absence de mise en garde sur les conséquences des atermoiements du maître d’ouvrage sur la question du transformateur, sur les insuffisances du programme, sur l’absence de désignation des lots, sur l’absence de désignation de BET de conception et absence d’un dossier PRO complet et suffisant), outre des défauts de conception pour les maîtres d’oeuvre de conception et absence d’établissement du calendrier détaillé d’exécution contractuel TCE, absence de planification des études d’exécution et des travaux, absence de synthèse, absence de direction de la cellule de synthèse, absence de visa des documents fournis par l’architecte.

La SCCV Wilson Rouquier fait valoir que :

- la société ETI n’a jamais fait état auprès du maître d’ouvrage d’une désorganisation du chantier lui étant préjudiciable avant l’envoi de son assignation au fond le 24 février 2014,

- la demande de la société ETI formée au titre de son mémoire indemnitaire, empruntée au régime des marchés de droit public, part d’une stratégie visant à obtenir une augmentation du coût de son marché à forfait qu’elle estime insuffisant ;

- la société ETI ne saurait prétendre à une obligation contractuelle de délai à la charge du maître de l’ouvrage dès lors que la prestation incombe à l’entrepreneur et non au maître de l’ouvrage ;

- l’expertise n’avait pas vocation à permettre aux juges du fond de se positionner sur une action en responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage à l’égard de l’entreprise en raison de retard mais avait pour objectif d’éclairer le juge sur la question de savoir dans quelle mesure l’entrepreneur pouvait s’exonérer des pénalités de retard en raison d’éventuelles fautes du maître de l’ouvrage.

La société BECRI expose que :

- la société ETI ne démontre pas de fautes commises par elle à l’origine d’un allongement du délai de chantier dès lors que l’expert a reconnu que le maître d’oeuvre d’exécution n’était ni responsable des modifications de programme ni de la désignation tardive des entreprises et qu’il ne peut lui être reproché l’absence d’établissement d’un planning TCE détaillé en l’absence de désignation des entreprises ;

- aucun manquement à son devoir de conseil sur la conduite de l’opération immobilière ne lui incombait dès lors que le maître d’ouvrage était un maître de l’ouvrage expérimenté, qui connaît parfaitement son métier, que le maître d’ouvrage a en outre participé à toutes les réunions de chantier et était parfaitement au courant des avertissements donnés par la maîtrise d’oeuvre.

La société DGM-Epstein fait valoir que :

- aucune faute ne peut leur être imputable alors qu’ils ont mis en évidence que la quasi-totalité des plans diffusés par eux au cours de l’opération constituaient d’une part, des mises à jour au vu des propres études de l’entreprise, d’autre part des modifications émanant du Maître d’ouvrage qu’elles concernent le programme de l’opération ou des travaux Acquéreurs/Preneurs.

- la société ETI ne peut se prévaloir a fortiori de l’insuffisance des plans de conception qui lui ont été communiqués au moment de la signature de son marché de travaux pour solliciter une quelconque indemnisation ;

-les architectes n’étaient nullement redevables à l’égard de la société ETI d’un calendrier quelconque s’agissant au surplus de plans soit modificatifs à la suite de demandes du Maître d’ouvrage soit d’actualisations liées aux propres modifications de l’entreprise.

*

Sur les demandes formées par la société ETI à l’égard de la SCCV Wilson Rouquier

L’article 1134 ancien du Code civil dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 1793 du Code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.

Le marché à forfait est le contrat par lequel l'entrepreneur s'engage, en contrepartie d'un prix précisément, globalement et définitivement fixé d'avance, à effectuer des travaux dont la nature et la consistance sont nettement définies. Le régime du marché à forfait a pour conséquence que l'entrepreneur ne peut exiger une majoration du prix quand bien même le coût du travail aurait dépassé ses prévisions, ou en cas d’erreur de calcul dans l’établissement du prix du devis initial, ou en cas d’erreurs commises dans les plans architecte.

Toutefois il est constant que le surcoût des travaux supplémentaires non prévus au contrat initial ne peut être admis qu’en cas de bouleversement de l'économie du contrat. Il est acquis que le surcoût, n'est pas, en soi, une cause de bouleversement, puisque l'entrepreneur prend en charge l'aléa économique dans le marché à forfait.

Aux termes de l’article 7.2 du CCAP, il est stipulé que « en cas d’augmentation ou de diminution dans la masse des travaux, l’entrepreneur ne peut élever aucune réclamation tant que l’augmentation ou la diminution, évaluées aux conditions initiales du marché, ne dépassent pas un quart du montant du marché dans le cas d’augmentation, ou un cinquième dans le cas de diminution ».

Aux termes de l’article 9.6 du CCAG norme AFNOR (pièce 2 ETI) « Indemnisation pour retard du fait du maître de l'ouvrage » , : il est indiqué que :

« 9.6.1 Retard dans le commencement de l'exécution : si les travaux ne peuvent commencer au jour fixé du fait du maître de l'ouvrage, ce dernier indemnise l'entrepreneur.

9.6.2 Augmentation des délais de préparation et d'exécution : à défaut de clauses plus sévères prévues par les documents particuliers du marché, si la somme des délais de préparation et d'exécution définis à l'article 10, corrigée s'il y a lieu par l'application des dispositions du paragraphe 10.3.1 , se trouve augmentée de plus du dixième par le fait du maître de l'ouvrage (par ajournement, suspension des travaux, atermoiements, etc.), l'entrepreneur a droit à indemnité, pourvu qu'il ait formulé ses réserves par écrit dès la survenance de l'événement ».

Au cas présent, il ressort des éléments du dossier, tel que l’a souligné l’expert, que le marché de travaux conclu entre la société ETI et le maître d’ouvrage doit être qualifié de marché forfaitaire dans la mesure où les parties avaient fixé un prix global et forfaitaire de 6 975 000 € HT (8 342 100€ TTC) sur la base d’un plan arrêté et convenu.

En effet au vu des pièces faisant partie intégrante du marché listées à la page 5 de l’acte d’engagement, est visé au 2° le descriptif des travaux tous corps d’état et au 3° « la série de plans établis par l’architecte suivant nomenclature précisée en annexe » lesquels visent la série de plans architecte du dossier de consultation de sorte que le dossier marché comportait donc bien des plans, un descriptif, un planning et un prix nonobstant le fait que la conception se soit affinée au fil du chantier de construction.

Il ressort des pièces du dossier que postérieurement, tel que le permettait le marché de travaux, les parties ont signé huit avenants :
- avenant 1 bis du 27 décembre 2012
- avenant n°2 du 22 février 2013
- avenant n°3 du 27 septembre 2013
- avenant n°4 du 3 octobre 2013
- avenant n°5 du 8 octobre 2013
- avenant n°6 du 18 octobre 2013
- avenant n°7 du 14 novembre 2013
- avenant n°8 du 28 janvier 2014

ayant conduit à augmenter le coût des travaux d’une somme de 199 101,58 € HT (238 125, 49€ TTC) afin d’intégrer les travaux complémentaires commandés ou acceptés par le maître d’ouvrage. Il ressort qu’en concluant ces 8 avenants jusqu’au 28 janvier 2014 les parties ont intégré les incidences financières, en terme de coût et de délai, des modifications de travaux sollicitées par le maître d’ouvrage ainsi que des événements survenus sur le chantier.

La société ETI fait état de coûts supplémentaires s’élevant à la somme de 777 245 € TTC laquelle représente 9 % du prix total du marché. Outre que le CCAP n’a prévu de possibilité pour l’entreprise pour élever une réclamation que si l’augmentation de la masse des travaux représente 1/4 du prix du marché, il n’est en outre nullement démontré par la société ETI un bouleversement de l’économie du contrat en ayant résulté.

En effet dans la mesure où le marché est qualifié de forfaitaire, la société ETI qui doit dès lors assumer les aléas économiques de son chantier, ne justifie pas être en droit de solliciter des sommes supplémentaires au titre de son marché de travaux à l’égard du maître d’ouvrage.

Aux termes de la norme AFNOR à laquelle les parties se sont expressément soumises sous réserve de clauses spécifiques prévues dans le CCAP, ce qui n’est pas le cas s’agissant du cas de retard imputable au maître d’ouvrage, il ressort des dispositions de l’article 9.6 précité que même dans le cas d’un marché forfaitaire l’entreprise est toutefois en droit de solliciter une indemnisation pour retard à l’égard du maître d’ouvrage seulement si certaines conditions sont réunies.

Or force est de constater, en l’espèce, que la société ETI ne justifie nullement que ces conditions sont remplies dans la mesure, tel que le souligne la SCCV Wilson Rouquier, la société ETI n’a jamais évoqué, avant l’engagement de la présente procédure, auprès du maître d’ouvrage d’agissements de la part de la maîtrise d’ouvrage ayant engendré de retard que ce soit dans la phase de démarrage des travaux et dans l’exécution du chantier.

Alors que la société ETI se plaint d’un retard imputable pour partie au maître d’ouvrage ayant entraîné un allongement des délais du chantier de 12 mois par rapport aux 19 mois prévus initialement, dès la phase de démarrage du chantier, suite à la découverte des excroissances, et tout le long de la phase d’exécution des travaux liés aux atermoiements du maître d’ouvrage (dans la finalisation du programme et la désignation tardive des lots notamment), celle-ci ne justifie à aucun moment avoir adressé, au maître d’ouvrage, lorsque ces évènements se sont produits, dees réserves écrites sur l’origine du retard destinées à se voir octroyer une indemnité afin de compenser le retard subi.

Faute d’avoir respecté les dispositions contractuelles liant les parties, celle-ci ne justifie pas pouvoir se voir octroyer une quelconque indemnité destinée à compenser un retard dans la réalisation du chantier. Il convient dès lors de débouter la société ETI de l’intégralité de ses demandes formées à ce titre.

Sur les demandes formées par la société ETI à l’égard des maîtres d’oeuvre de conception et d’exécution

Aux termes de l’article 1382 ancien du Code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La société ETI sollicite de voir condamner tant les maîtres d’oeuvre de conception, la SAS VANIM aux droits de la SASU EPSTEIN, et la société DGM et Associés, que le maître d’oeuvre d’exécution la société BECRI garantis par leur assureur respectif à l’indemniser des préjudices subis du fait du retard de chantier. Toutefois force est de constater tel que cela a été explicité précédemment qu'aucune faute en lien avec le retard de chantier n’a été retenue à l’encontre des maîtres d’oeuvre tant de conception que d’exécution de sorte qu’il convient là encore de débouter la société ETI de l’intégralité de ses demandes formées à leur encontre.

VI. Sur les demandes de la SCCV Wilson Rouquier

La SCCV Wilson Rouquier sollicite de voir condamner in solidum la société ETI et son assureur la CACIB à lui payer la somme de 40.238,90 euros HT à titre de réparation des dommages et non-conformités affectant les ouvrages de la SCCV WILSON ROUQUIER.

Au vu de la pièce 120.6 (DGD), il ressort que cette somme comprend les sommes suivantes :
3634 € avenant n°3 malfaçon fourreaux des fosses de relevage commerces – carottages (Airess)2254 € au titre d’un devis du 4 janvier 2016 du groupe C Deco (fourniture et pose d’un pare vue ) 3487,50 € au titre d’une facture du 29/02/2016 du groupe C DECO ( fourniture et pose de couvertines en aluminium et fourniture et pose d’une éclisse à chaque raccord de couvertines- non réalisation de la goutte d’eau) 1665€ au titre d’une facture du 31/10/2015 du groupe C DECO (fourniture et pose d’un garde corps sur muret en acier) 1200 € au titre d’un avenant n°3 reprise des enduits et peinture de 3 blocs-portes palières des lots R 04+ R07 = R 11 (DECOBAT)1200€ au titre de l’acheminement de terre végétale en sas démontage grue (Espace vert)7682,22 € remplacement de 7 vitrages sur vérandas du 60 PW et de 3 vitrages sur baies du 99 rouquier 4921,80 € au titre du devis SAPEB n°2014/03/062 remplacement des dalles détériorées nettoyage des terrasses en lien et place d’ETI1310,38 € au titre du devis SAPEB n°2014/03/062 reprise du SEL des balcons 4714 € facture désordres
Au soutien de ses demandes, la SCCV Wilson Rouquier se fonde sur un courrier du 6 février 2015 adressé à la société ETI faisant état de différentes malfaçons soit :
- « problème d’étanchéité en toiture / souches maçonnées non réalisées
- mauvaise réalisation de la fosse de relevage et regards du commerce 3/4 en sous sol – 2
- non réalisation de la goutte d’eau sur les corniches en béton en façade
- nombreuses fissures importantes aux planchers des stationnements en sous-sol – 1 et – 2
- présence de deux poteaux au droit des places de stationnement n°15 et 16
- surélévation des conduits existants non réalisée »
ainsi que sur le constat d’huissier du 6 mars 2014 et le procès-verbal de réception de l’opération intervenus entre le maître d’ouvrage et la société BJF.

La société ETI indique en réponse qu’en l’absence de réception contradictoire intervenue entre les parties avec une liste de réserves, il n’est pas possible d’imputer à ETI des préjudices ou coûts induits par des non-conformités et qu’en tout état de cause l’expert dommages-ouvrage n’a pas constaté la matérialité des désordres dénoncés par le maître d’ouvrage.

*

Au cas présent force est de constater en premier lieu que la SCCV Wilson Rouquier ne démontre pas de lien entre les désordres dénoncés par écrit et les sommes sollicitées en réparation.

En second lieu, il ne peut être sollicité sous couvert d’une demande en indemnisation pour des désordres survenus après la résiliation du contrat des sommes visant à financer l’achèvement de l’ouvrage réalisé par la société ETI dès lors que la résiliation a été prononcée aux torts de la SCCV Wilson Rouquier.

Ainsi par exemple, s’agissant des défauts d’étanchéité en toiture dénoncés par le maître d’ouvrage, il ressort du rapport dommages-ouvrage Saretec du 8 avril 2015 (suite à la déclaration de sinistre effectuée par le maître d’ouvrage auprès de l’assureur dommages-ouvrage) que le maître d’ouvrage fait état dans le courrier précité du 6 février 2015 de défauts d’étanchéité en toiture terrasse des 4 bâtiments de l’opération avec de nombreuses infiltrations dans les appartements. Or il ressort du rapport DO que l’expert dommages-ouvrage n’a pas constaté d’infiltrations en partie commune ni dans les logements et a constaté que le maître d’ouvrage se plaint uniquement que les souches maçonnées n’ont pas été réalisées conformément à leur descriptif dès lors que celui-ci prévoyait des murets avec des réservations latérales pour le passage des gaines et une tablette horizontale débordante en protection contre les eaux de pluie correspondant à des prestations inachevées ou non réalisées. Il en est de même s’agissant de la surélévation des conduits existants dont il a été constaté par l’expert DO qu’elle n’a pas été réalisée.

En outre il ressort qu’il n’est pas démontré la réalité des désordres dénoncés, l’expert DO indiquant par exemple s’agissant de la fosse de relevage n’avoir pas constaté de dysfonctionnement.

Enfin il convient de constater qu’il n’est pas non plus démontré que ces désordres ont été réservés à la réception ou que survenus postérieurement au constat d’huissier du 6 mars 2014, dernier état des lieux des travaux de la société ETI, ceux-ci sont en lien avec les travaux de la société ETI dès lors que le maître d’ouvrage a confié l’achèvement du lot n°1 à la société BJF. Il s’ensuit qu’il n’est pas démontré de lien d’imputabilité entre les désordres dénoncés et l’intervention de la société ETI.

Force est de constater qu’au vu de ces éléments, la SCCV Wilson Rouquier ne démontre pas l’existence de désordres survenus postérieurement à l’intervention de la société ETI en lien avec les travaux réalisés et doit être déboutée de ses demandes formées à ce titre.

VII. Sur le compte prorata

La SCCV Wilson Rouquier demande de condamner in solidum la société ETI et son assureur CACIB à lui payer la somme de 61.840,76 euros au titre de sa gestion d’affaire du compte prorata outre les intérêts légaux à compter du 14 février 2014.

Au soutien de sa demande formée au visa de l’article 1301-2 du Code civil (sur la gestion d’affaires) et subsidiairement de l’article 1303 du Code civil (sur l’enrichissement sans cause), elle expose qu’à la suite de l’abandon de chantier par la société ETI, elle a été contrainte de reprendre la gestion du compte prorata de sorte qu’elle est en droit de demander des comptes à l’ancien gestionnaire dudit compte. Elle expose qu’à la date de son départ du chantier la société ETI a perçu des entreprises la somme de 242 982,11 € HT alors qu’elle n’a dépensé dans l’intérêt commun du chantier uniquement la somme de 191 448,14 € HT au 13/12/2013 de sorte qu’elle justifie que la société ETI a conservé une somme de 61 840,76 € TTC qui n’a pu être réclamée aux autres entreprises et qui a dû être supportée par le maître d’ouvrage.

La société ETI soutient en réponse que la gestion du compte prorata ne relève pas du maître d’ouvrage de sorte que la SCCV Wilson Rouquier ne saurait former de demande à ce titre. Elle expose qu’au 14 février 2014 à la date de résiliation du marché, avoir avancé la somme de 191 448,14 € HT au titre du compte prorata et qu’elle était créditrice vis à vis des autres entreprises d’une somme de 48 473,02 € HT, que le maître d’ouvrage ne pouvait procéder au paiement du solde des marchés des entreprises en lots séparés sans avoir au préalable obtenu pour chacune d’elles le quitus d’ETI au titre du compte prorata.

*

Au cas présent, force est de constater en premier lieu que la SCCV Wilson Rouquier ne produit aucun justificatif de paiement des dépenses de chantier figurant sur le compte prorata (uniquement des tableaux effectués par la société ETI avant son départ et des tableaux réalisés par ses soins), en second lieu qu’elle justifie, compte-rendu de chantier à l’appui, que la gestion du compte prorata a été prise en charge par une autre société de son groupe, la société ARIE PROMOTION qui est pourvue d’une personnalité juridique distincte non partie à la présente instance. Enfin et en tout état de cause, il n’est nullement justifié que la société ETI lui doit une somme de 61 840,76 € TTC dans la mesure où il est établi que la société ETI a eu la gestion du compte prorata jusqu’à son départ en février 2014 de sorte qu’elle a du faire l’avance des frais des dépenses du chantier jusqu’à cette période, que la société ETI indique avoir perçu uniquement une somme de 29 541,98 € HT de la part des autres entreprises et nullement la somme de 242 982,11 € telle qu’alléguée sans en justifier par la SCCV Wilson Rouquier, enfin qu’elle ne saurait être redevable de dépenses engagées postérieurement à son départ du chantier. En conséquence faute de démontrer l’existence d’une dette à la charge de la société ETI pour les dépenses de chantier supportées avant son départ du chantier il convient de débouter la SCCV Wilson Rouquier de sa demande formée à ce titre.

VIII. Sur la demande de paiement formée par la société ETI au titre de son solde de chantier

La société ETI sollicite de voir condamner solidairement la SCCV WILSON ROUQUIER et la BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL, en sa qualité de caution solidaire, dans la limite de son engagement de caution (784.214,90 € TTC), à lui payer la somme en principal de 818.716 € TTC.

La société ETI sollicite en outre de voir condamner la SCCV WILSON ROUQUIER à lui payer, par application de l’article 20.8 de la norme NFP 03-001, les intérêts moratoires contractuels au taux de l’intérêt légal majoré de 7 points :

sur la somme de 450.701,95 €, à compter du 31 mai 2013 et jusqu’à parfait paiement,
et sur la somme de 368.014,05 €, à compter du 24 février 2014 et jusqu’à parfait paiement ;

ainsi que de voir ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil.

Enfin la société ETI sollicite de voir condamner la SCCV WILSON ROUQUIER à lui payer la somme de la SCCV WILSON ROUQUIER la somme de 14.896€ HT ( 17 816 € TTC) au titre du devis n°18 du 14 mars 2013. Si cette somme a été intégrée à la somme globale sollicitée au titre des retards de chantier de 777.245 € TTC à l'égard du maître d'ouvrage et des maîtres d'oeuvre, il convient de constater que cette demande en paiement ne peut concerner les maîtres d'oeuvre s'agissant d'une question intéressant uniquement le maître d'ouvrage et l'entreprise de gros-Œuvre.

Au soutien de sa demande, la société ETI expose que l’expert judiciaire a validé un avancement des travaux à hauteur de 99,41% à la date de la résiliation au 27 février 2014 dans la mesure où l’avancement avait été accepté à 98,15 % le 30 novembre 2013 par le maître d’oeuvre et le maître d’ouvrage selon le bon de paiement n°23 et qu’entre le 30 novembre 2013 et la date de résiliation devaient être prises en compte les prestations réalisées en décembre 2013, janvier et février 2014 représentant 1,26 % du marché de base, qu’en outre après intégration des travaux supplémentaires validés par avenant 1 à 7 et des travaux de l’option transformateur à hauteur de 70 000 € HT l’avancement total s’élevait à la somme de 7 202 948,12 € HT ( 8614 725,95€ TTC). Elle fait valoir ainsi qu’après déduction des sommes perçues (7 796 010,53€ TTC), le maître d’ouvrage lui restait devoir la somme de 818 716 € TTC.

La SCCV Wilson Rouquier oppose que la société ETI ne justifie pas le calcul de son solde de chantier dont elle réclame le paiement, qu’elle se contente de se fonder sur le rapport de l’expert qui n’a pas effectué non plus de calcul. Elle estime que les travaux supplémentaires inclus dans cette demande n’ayant pas fait l’objet d’un accord écrit par le maître d’ouvrage doivent être rejetés compte tenu du caractère forfaitaire du marché. Elle fait valoir que le montant total du marché de travaux de la société ETI s’élève à la somme de 8 617 336,29 € TTC , que lors de son départ du chantier, l’avancement des travaux doit être fixé à 98,34 % de sorte qu’après déduction des sommes déjà perçues le solde de chantier s’élève à la somme de 678 277,50 € TTC.

Sur le solde de chantier

Au vu du marché de travaux du 8 novembre 2011, il ressort que le prix du marché de base convenu entre les parties est de 6 975 000 euros HT (soit 8 342 100 € TTC).

Le montant total des avenants 1 à 8 conclus entre les parties a augmenté le prix du marché de base d’une somme de 199 101,58 (238 125 € TTC) faisant passer le prix total du marché à la somme de 8 580 225 € TTC.

Il ressort du DGD produit par la SCCV Wilson Rouquier que celle-ci a évalué à 20 000 € les travaux réalisés sur la variante option 2 des travaux relatifs à l’ancien transformateur (dont le coût total était évalué à 90 000 € HT) tandis que la société ETI l’a estimé à 70 000 € HT (sur un montant total de l’option de 150 000 € HT).

Il s’ensuit que les parties sont en désaccord sur le pourcentage d’avancement des travaux à la date de résiliation du marché de travaux et sur le montant des travaux du transformateur et l’avancement des travaux.

* Sur l’avancement des travaux hors transformateur :

La société ETI estime que l’avancement de ses travaux à la date de février 2014 doit être fixé à 99,41 % dans la mesure où la dernière situation de travaux en novembre 2013 faisait état d’un avancement à 98,15 % et que la société Becri a validé dans les comptes-rendus de chantier postérieur à un avancement de chantier en moyenne de 1,26 %. Force est de constater tel que l’a retenu l’expert judiciaire que les comptes-rendus de chantier auxquels se réfère la société ETI ne permettent pas de dire que l’avancement concerne le marché de base et non uniquement les avenants pour travaux supplémentaires. Il s’ensuit que faute pour la société ETI de démontrer en application de l’ancien article 1315 du Code civil qu’elle a réalisé l’intégralité des prestations dont elle demande le paiement, il convient d’évaluer à 98,34 % le taux d’avancement des travaux réalisés par la société ETI.

En conséquence il convient d’évaluer à la somme de 8 203 621,14 € TTC les travaux réalisés au titre du marché de base, à la somme de 238 125€ TTC les travaux réalisés au titre des avenants soit une somme totale de 8 441 746,14 € TTC.

* Sur les travaux relatifs au transformateur :

Au vu des éléments du dossier, soit du devis de travaux supplémentaires – incidence transfo existant il ressort que la société ETI a initialement proposé deux options pour la réalisation des travaux relatifs à la démolition de l’ancien transformateur :
- une solution 1 : évalué à 95 000 € HT aux termes de laquelle les travaux devaient commencer par la zone du futur transformateur avec achèvement rapide du local, installation et mise en service du transformateur puis démolition de l’ancien.
- une solution 2 : évalué à 150 000 € HT : solution qui consistait à exécuter les travaux autour du transformateur en attendant de pouvoir le démolir, solution plus onéreuse qui obligeait à conserver une trémie non construite sur deux niveaux jusqu’au départ de l’ancien transformateur et à intervenir dans un deuxième temps dans des conditions d’accès plus difficiles.

Il a été précédemment vu qu’aucune des solutions n’a été choisie par le maître d’ouvrage jusqu’à l’émission d’un ordre de service exécutoire en date du 24 janvier 2014 aux termes duquel il est indiqué « l’entreprise est priée de bien vouloir exécuter les prestations complémentaires nécessaires au droit de l’ancien transformateur EDF telles que définies dans la solution n°2 notifiée en option à l’article XXIV du marché de travaux à savoir : la zone délimitée par l’emprise du transformateur existant sera totalement différée du 2ème sous-sol au rez-de-chaussée, les structures du rez-de-chaussée et du 1er étage seront renforcées pour reprendre les charges des niveaux supérieurs en console, le voile de façade du 1er étage au droit du transfo sera coulé en plein, les ouvertures des baies seront exécutées après exécution de l’infrastructure ».

Aux termes de son rapport d’expertise, l’expert indique qu’in fine la solution finalement choisie ne correspond pas totalement à la solution n°2 mais à une solution 2 bis dès lors qu’elle consistait non seulement à tourner autour du transformateur dans un plan horizontal mais également sur un plan vertical permettant de construire immédiatement la quasi-totalité des logements en « pont » au-dessus du transfo restant en service jusqu’à la mise sous tension du nouveau et que cette solution 2 bis était nécessairement plus onéreuse que l’option 2 prévue initialement par la société ETI. Pour l’expert l’avancement des travaux réalisés par la société ETI ne saurait être fixé à la somme de 20 000 € tel que le fait la SCCV Wilson Rouquier et retient l’estimation proposée par la société ETI à hauteur de 70 000 € correspondant à 50 % d’avancement qu’il qualifie d’avantageux pour le maître d’ouvrage compte tenu du caractère très onéreux de ces travaux.

Au vu du compte-rendu de chantier du 12 février 2014 et de l’OS du 24 janvier 2014, il ressort que le maître d’ouvrage a sollicité de la société ETI qu’elle reprenne les travaux au droit de la zone transfo existant à démolir au bâtiment 60 président Wilson suivant l’option n°2 prévue dans l’offre de l’entreprise à partir de l’attestation d’ERDF de mise hors tension et de déséquipement du transfo existant prévu mi février 2014.

S’il est établi que la société ETI n’est en effet pas intervenue pour procéder à la démolition du local transformateur dès lors que la reprise des travaux était conditionnée au feu vert d’ERDF attendue pour février 2014 date à laquelle le marché de travaux a été résilié, et que les travaux ont dès lors été réalisés par la société BJF à qui la SCCV Wilson Rouquier a confié l’achèvement du lot n°1 gros œuvre, il n’en demeure pas moins qu’il est avéré que la société ETI n’a pas attendu l’OS de janvier 2014 pour réaliser les travaux prévus dans sa solution n°2 dès lors qu’il a été vu que cette solution avait l’avantage de pouvoir engager les travaux immédiatement sans attendre la démolition préalable de l’ancien transformateur mais consistait pour la société ETI à exécuter les travaux autour du transformateur en attendant de pouvoir le démolir, solution qui l’obligeait à conserver une trémie non construite sur deux niveaux et à construire les logements avec la technique du « pont » au-dessus du transfo restant en service jusqu’à la mise sous tension du nouveau dont il n’a pas été contestée qu’elle a été mise en œuvre. En conséquence il convient d’évaluer à 70 000 euros HT (83 720 € TTC) les travaux exécutés par la société ETI au titre de la mise en œuvre de cette solution n°2 « bis » tout au long du chantier.

* Sur la somme de 14. 896€ HT ( 17 816 € TTC) au titre du devis n°18 du 14 mars 2013

Au vu du devis n°18 produit en pièce 185, il ressort que cette somme correspond aux dépenses complémentaires pour adaptation de la base vie dans les commerces 6 et 7 sur les niveaux rez et N-1 pour un montant de 14 895,95 € HT (17 815,56 € TTC).

Aux termes de l'article 29.1 du CCAP selon lequel les travaux supplémentaires ne peuvent être pris en considération et réglés que dans la mesure où ils auront fait l'objet d'un ordre de service ou d'un avenant au marché délivré par le maître d'oeuvre et signé par le maître d'ouvrage préalablement à son exécution et ce conformément à l'article 1793 du Code civil.

Il convient de constater en l'espèce que les travaux objets du devis n°18 n'ont pas fait l'objet ni d'un ordre de service ni d'un avenant au marché de sorte que compte tenu du caractère forfaitaire dudit marché la société ETI ne justifie pas que cette somme doit être mise à la charge du maître d'ouvrage. En conséquence il convient de débouter la société ETI de sa demande formée à ce titre.

*

Il convient en conséquence de dire que le montant global du marché de base et des travaux supplémentaires acceptés par le maître d’ouvrage s’élève à la somme de 8 525 466,14 € TTC (8 441 746,14 + 83 720 € ). Compte tenu des sommes déjà perçues par la société ETI il convient d’évaluer le montant des sommes restant dues au titre du marché à la somme de 729 455,61 € TTC (8 525 466,14 - 7 796 010,53).

Sur les intérêts moratoires

Aux termes de l’article 20.8 de la norme NFP 03-001, « après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, les retards de paiement ouvrent droit, pour l’entrepreneur, au paiement d’intérêts moratoires à un taux qui, à défaut d’être fixé au cahier des clauses administratives particulières, sera le taux de l’intérêt légal augmenté de 7 points ».

La société ETI sollicite en outre de voir condamner la SCCV WILSON ROUQUIER à lui payer, par application de l’article 20.8 de la norme NFP 03-001, les intérêts moratoires contractuels au taux de l’intérêt légal majoré de 7 points :

sur la somme de 450.701,95 €, à compter du 31 mai 2013 et jusqu’à parfait paiement, et sur la somme de 368.014,05 €, à compter du 24 février 2014 et jusqu’à parfait paiement ;
Dans la mesure où il est établi que la SCCV Wilson Rouquier n’a pas réglé intégralement la situation de travaux n°15 en raison de l’imputation non justifiée de pénalités de retard, il convient d’assortir la condamnation de la somme de 450 701,95 € TTC due par la SCCV Wilson Rouquier à la société ETI des intérêts au taux légal majoré de 7 points à compter du courrier recommandé avec accusé de réception réceptionné le 22 août 2013 . Il convient en outre de dire que les intérêts échus depuis un an courant à compter de l’assignation produiront eux-mêmes intérêts.

Enfin il convient d’assortir le surplus de la condamnation soit la somme de 278 753,66 € TTC des intérêts au taux légal majoré de 7 points à compter de l’assignation et de dire que les intérêts échus depuis un an courant à compter de l’assignation produiront eux-mêmes intérêts.

Sur la caution de la BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL

Compte tenu de l’acte de caution délivré par la BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL au profit de la société ETI pour un montant maximum de 784.214,90 € TTC, il convient de la condamner in solidum avec la SCCV Wilson Rouquier à régler la somme de 729 455,61 € TTC outre les intérêts moratoires et capitalisés dans la limite de son plafond.

IX.Sur les demandes concernant la caution de retenue de garantie

La société ETI sollicite de voir :

ordonner la mainlevée au 27 février 2015, soit un an après la réception, de la caution souscrite par ETI auprès de la SA CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK ;
condamner la SCCV WILSON ROUQUIER à lui payer les frais de caution, soit la somme de 139,04 € par mois, depuis le 27 février 2015 et jusqu’à la mainlevée effective de la caution.
Au soutien de ses demandes, la société ETI expose que le 20 mars 2012, elle a fourni au maître d’ouvrage un engagement de caution solidaire de la CACIB en remplacement de la retenue de garantie de 5 %, que le 27 octobre 2014, la SCCV Wilson Rouquier a formé opposition entre les mains du CACIB à la mainlevée de la caution au motif qu’elle n’avait pas terminé ses prestations et avait abandonné le chantier.

Or elle soutient qu’en l’espèce la mobilisation de la caution n’est pas possible en l’absence de réserves à la réception dans la mesure où aucune réception n’est intervenue entre les parties, qu’en outre pendant les opérations d’expertise, la SCCV Wilson Rouquier n’a présenté à l’expert judiciaire aucune demande relative au non-respect par la société ETI des documents contractuels ou règles de l’art. Elle fait ainsi valoir que le maître d’ouvrage, qui a formé une opposition à mainlevée de manière abusive, doit dès lors supporter les frais afférents au maintien de la caution.

La SCCV Wilson Rouquier fait valoir que :

- la retenue de garantie ne se limite pas à garantir la réparation des réserves formées à la réception mais a pour objet de protéger le maître de l’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution qu’il y ait ou non eu des réserves à la réception,

- il y a eu réception des travaux avec réserves au jour du constat des travaux par un huissier de justice

- elle est dès lors bien fondée à solliciter la garantie de la CACIB au titre des sommes sollicitées à l’encontre de la société ETI.

*

Aux termes de l'article 1er n° 71-584 du 16 juillet 1971, les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés visés à l'article 1779 3° du code civil peuvent être amputés d'une retenue égale au plus à 5 pour 100 de leur montant et garantissant contractuellement l'exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage ; que la retenue de garantie stipulée contractuellement n'est pas pratiquée si l'entrepreneur fournit pour un montant égal une caution personnelle et solidaire.

En vertu de l’article 2 de ladite loi, à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserve, des travaux visés à l'article précédent, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur. L'opposition abusive entraîne la condamnation de l'opposant à des dommages-intérêts.

Il est constant qu’en application de ces dispositions, la retenue a pour objectif uniquement de garantir l'exécution des travaux permettant la levée des réserves et ne constitue pas une garantie de bonne fin des ouvrages.

Pour que la caution solidaire soit valablement opposée par le maître d’ouvrage, il est nécessaire qu’une réception assortie de réserves soit intervenue entre les parties. Le délai d’un an court à compter de cette réception.

Au cas présent il a été jugé que la réception est intervenue de manière tacite le 6 mars 2014 avec les réserves figurant dans le procès-verbal d’huissier. Il s’ensuit qu’à la date du 27 octobre 2014, l’opposition formée par la SCCV Wilson Rouquier à la mainlevée de la caution solidaire ne peut être considérée comme abusive dans la mesure où d’une part il a été jugé que la réception était intervenue de manière tacite avec réserves le 6 mars 2014 où d’autre part le délai n’était pas expiré.

Toutefois dans la mesure où l’ensemble des demandes formées par la SCCV Wilson Rouquier au titre de la reprise des désordres dénoncées ont été rejetées, et où le délai est aujourd’hui expiré il convient d’ordonner la mainlevée de la caution solidaire de la CACIB. Enfin il convient de débouter la société ETI de sa demande de condamnation de la SCCV Wilson Rouquier à prendre en charge les frais de maintien de la caution.

SUR LES DEMANCES ACCESSOIRES

La SCCV Wilson Rouquier succombant partiellement dans ses demandes doit être condamnée aux dépens comprenant 50 % des frais d’expertise et à payer la somme de 15 000 euros à la société ETI au titre des frais irrépétibles engagés.

L’équité ne commande pas de faire application des condamnations au titre des frais irrépétibles au profit des autres parties.

Compte tenu de l’ancienneté du litige, il convient d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par décision réputée contradictoire, rendue en premier ressort, par voie de mise à disposition au greffe en application de l'article 450 du Code de procédure civile, les parties en ayant été avisées,

REJETTE les fins de non-recevoir formées par la société Becri et la société l'Auxiliaire ;

REJETTE les demandes de nullité de l'expertise formées par la SCCV Wilson Rouquier, la société Becri et la société l'Auxiliaire, la société DGM & Associés et la SAS VANIM venant aux droits de la SASU EPSTEIN ;

DIT que la résiliation du marché de travaux conclu entre la SCCV Wilson Rouquier et la société ETI du 8 novembre 2011 est intervenue unilatéralement aux torts de la SCCV Wilson Rouquier le 27 février 2014 ;

CONSTATE que la réception tacite des travaux du lot n°1 confiés à la société ETI est intervenue le 6 mars 2014 avec les réserves indiquées au constat d'huissier du 6 mars 2014 ;

ORDONNE la mainlevée de la caution solidaire de la CACIB (CREDIT AGRICOLE CORPORATE INVESTMENT BANK ) en remplacement de la retenue de garantie de la société ETI ;

DEBOUTE la société ETI de sa demande de condamnation de la SCCV Wilson Rouquier aux frais de maintien de la caution de la CACIB ;

DEBOUTE la SCCV Wilson Rouquier de ses demandes de pénalités de retard formées et d'indemnisation au titre du retard de chantier ;

DEBOUTE la société ETI de ses demandes d'indemnisation des préjudices subis au titre du retard de chantier formées à l'encontre de la SCCV Wilson Rouquier de la société Becri, la société l'Auxiliaire, la société DGM & Associés et la SAS VANIM venant aux droits de la SASU EPSTEIN et la MAF ;

CONDAMNE la SCCV Wilson Rouquier à payer à la société ETI la somme de 729 455,61 € TTC au titre du solde de chantier resté impayé qui doit être assortie des intérêts au taux légal majoré de 7 points sur la somme de 450 701,95 € à compter du 22 août 2013 et sur la somme de 278 753,66 € à compter du 24 février 2014 ;

DIT que les intérêts échus depuis un an, à compter du 24 février 2014, produiront eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1154 ancien du Code civil ;

CONDAMNE la BANQUE EUROPEENNE DE CREDIT MUTUEL in solidum avec la SCCV Wilson Rouquier à régler la somme de 729.455,61 € TTC outre les intérêts moratoires et capitalisés dans la limite du plafond de son engagement soit la somme de 784.214,90 euros ;

CONDAMNE la SCCV Wilson Rouquier à payer à la société ETI la somme de 15 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés;

CONDAMNE la SCCV Wilson Rouquier aux dépens comprenant 50 % des frais d’expertise judiciaire ;

DEBOUTE les autres parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

ORDONNE l'exécution provisoire ;

ADMET les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

Fait et jugé à Paris le 14 Juin 2024

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 6ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 14/03460
Date de la décision : 14/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-14;14.03460 ?
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