TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
1/2/1 nationalité A
N° RG 23/03789
N° Portalis 352J-W-B7H-CZMF7
N° PARQUET : 23/1463
N° MINUTE :
Requête du :
27 Février 2023
V.B.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 13 Juin 2024
DEMANDERESSE
Madame [R] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3] - ALGERIE
représentée par Me Djaafar BENSAOULA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1797
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Madame Laureen SIMOES, Substitute
Décision du 13 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 23/03789
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière
DEBATS
A l’audience du 25 Avril 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu les articles 455, 768 et 1045-2 du code de procédure civile,
Vu la requête de Mme [R] [D] reçue le 27 février 2023 au greffe du tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'avis du ministère public notifié par la voie électronique le 10 août 2023,
Vu les dernières conclusions de Mme [R] [D] notifiées par la voie électronique le 22 janvier 2024,
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 mars 2024, ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 25 avril 2024,
MOTIFS
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur le refus de délivrance d'un certificat de nationalité française une copie de la requête est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 16 mai 2023. La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l'action en contestation de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française
Mme [R] [D], se disant née le 25 avril 1994 à [Localité 1] (Algérie), sollicite la délivrance d'un certificat de nationalité française. Elle fait valoir qu'elle est de nationalité française par filiation paternelle, en vertu de l'article 18 du code civil. Elle expose que son père, M. [T] [D], né le 28 novembre 1968 à [Localité 6] ([Localité 7]), est français en vertu de l'article 23 du code de la nationalité française, pour être né en France de parents nés sur les territoires français d'Algérie.
Sa requête fait suite à la décision de refus de délivrance d'un certificat de nationalité française qui lui a été opposée le 21 novembre 2019 par le directeur des services de greffe judiciaires du pôle de la nationalité française du tribunal d'instance de Paris au motif que l'acte de mariage de ses grands-parents paternels ne portait pas les mentions prévues par les articles 30 et 73 de l'ordonnance n°70-20 du 19 février 1970 relative à l'état civil algérien et ne pouvait se voir reconnaître de force probante telle que prévue à l'article 47 du code civil (pièce n°1 de la requérante).
Mme [R] [D] sollicite du tribunal de :
-constater qu'elle est la fille légitime de M. [T] [D],
-constater que son père est français en vertu de l'article 23 du code de la nationalité française,
-constater que sa demande est fondée sur la base de l'article 18 du code civil,
-lui délivrer un certificat de nationalité française.
Le ministère public a émis un avis défavorable à la demande, au seul motif que les demandes de « constat » sont irrecevables dans la présente instance.
Sur les demandes de Mme [R] [D]
Les demandes de constat formulées par la requérante, qui constituent des moyens et non des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
Toutefois, la requérante sollicite également la délivrance d'un certificat de nationalité française de sorte que, contrairement aux affirmations du ministère public, l'ensemble de ses demandes ne sont pas irrecevables et qu'il y a lieu de statuer sur cette demande.
Sur le fond
En application de l'article 30-1 du code civil, lorsque la nationalite française est attribuée ou acquise autrement que par déclaration, naturalisation, réintégration ou annexion de territoire, la preuve ne peut être faite qu'en établissant l'existence de toutes les conditions requises par la loi.
Aux termes de l'article 31 du même code, un certificat de nationalite française est délivré à une personne justifiant qu'elle a cette nationalité.
Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée par la requérante, sa situation est régie par les dispositions de l’article 18 du code civil aux termes duquel est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.
Il appartient ainsi à Mme [R] [D], qui sollicite la délivrance d'un certificat de nationalite française, de démontrer, d'une part, la nationalité française du parent duquel elle la tiendrait et, d’autre part, un lien de filiation légalement établi a l’égard de celui-ci, au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
Aux termes de l’article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
Il est précisé à ce titre que dans les rapports entre la France et l'Algérie, les actes d'état civil sont dispensés de légalisation par l'article 36 du protocole judiciaire signé le 28 août 1962 et publié par décret du 29 août 1962 ; il suffit que ces actes soient revêtus de la signature et du sceau officiel de l'autorité ayant qualité pour les délivrer.
Par ailleurs, nul ne peut revendiquer la nationalité française à quelque titre que ce soit s’il ne justifie pas de façon certaine de son état civil et de celui des ascendants qu’il revendique, par la production de copies intégrales d'actes d’état civil en original, étant précisé que le premier bulletin de la procédure rappelle la nécessité de produire de tels actes.
En l'espèce, Mme [R] [D] produit la copie intégrale, délivrée le 20 décembre 2022, de son acte de naissance n°01106, indiquant qu’elle est née le 25 avril 1994 à [Localité 1] (Algérie), de [T] [D] âgé de 28 ans, sans profession et de [J] [Z], âgée de 22 ans, sans profession, domiciliés à [Localité 1] (pièce n°3 de la requérante).
Décision du 13 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 23/03789
L'acte de mariage de M. [T] [D] et de Mme [J] [Z], transcrit sur les registres du service central de l'état civil, indique que ces derniers se sont mariés le 24 août 1992 à [Localité 1] (Algérie), soit avant la naissance de la requérante (pièce n°6 de la requérante).
Il est ainsi justifié de l'état civil de Mme [R] [D] et d'un lien de filiation entre celle-ci et M. [T] [D].
L'acte de naissance de celui-ci indique qu'il est né le 28 novembre 1968 à [Localité 6] ([Localité 7]) de [U] [D], né en 1919 à [Localité 4] (Algérie) et de [I] [A], née le 28 janvier 1927 à [Localité 2] (Algérie) (pièce n°4 de la requérante).
Il ressort de l'acte de mariage de [U] [D] et de [I] [A] que ces derniers se sont mariés le 15 décembre 1945 à Boukhelifa (Algérie), avant la naissance de M. [T] [D] (pièce n°10 de la requérante). Il est ainsi établi un lien de filiation entre M. [T] [D] et [U] [D].
L'acte de naissance de [U] [D] indique qu'il est né en 1919 à [Localité 4] (Algérie), de [E] et de [S] [O], établissant ainsi l'état civil de celui-ci et sa naissance dans les départements français d'Algérie (pièce n°8 de la requérante).
Il est ainsi démontré que M. [T] [D] est né en France métropolitaine d'un père qui est lui-même né dans les départements français d'Algérie.
Il est donc français en application des dispositions de l’article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, selon lequel est français, l'enfant légitime ou naturel, né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né, étant rappelé que ces dispositions sont applicables à l'enfant né en France d'un parent né sur le territoire des anciens départements français d'Algérie avant le 3 juillet 1962.
Née d'un père français, Mme [R] [D] est dès lors française en application de l'article 18 du code civil, précité.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française à Mme [R] [D].
Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil
La requérante sollicite du tribunal d’ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil.
Il est rappelé qu'il n'appartient pas au tribunal judiciaire saisi d'un recours fondé sur les articles 31-3 du code civil et 1045-2 du code de procédure civile d'ordonner l'apposition de la mention prévue à l'article 28 du code civil, étant relevé que l'apposition de la mention sera demandée par le service de la nationalite du tribunal judiciaire, une fois le certificat délivré.
Dès lors, cette demande sera jugée irrecevable.
Sur les dépens
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile ;
Ordonne la délivrance d'un certificat de nationalité française à Mme [R] [D], le 25 avril 1994 à [Localité 1] (Algérie) ;
Renvoie à cette fin Mme [R] [D] devant le service de la nationalité française du tribunal judiciaire de Paris ;
Juge irrecevable la demande de Mme [R] [D] tendant à voir ordonner la mention prévue à l'article 28 du code civil ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
Fait et jugé à Paris le 13 Juin 2024
La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi