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13/06/2024 | FRANCE | N°22/03402

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 13 juin 2024, 22/03402


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre


N° RG 22/03402
N° Portalis 352J-W-B7G-CWGIT

N° MINUTE :


Assignation du :
23 Février 2022







JUGEMENT
rendu le 13 Juin 2024



DEMANDERESSE

La société PATRIMOINE LYS MARTAGON
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Maître Jean- Louis FACCENDINI, avocat plaidant et par Maître Laurence DE MONTAUZAN, avocat

au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #J0149


DÉFENDEURS

Monsieur [C] [I]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 8] THAILAND

Madame [A] [I]
[Adresse 1]
[Localité 7]

Monsieur [...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre


N° RG 22/03402
N° Portalis 352J-W-B7G-CWGIT

N° MINUTE :

Assignation du :
23 Février 2022

JUGEMENT
rendu le 13 Juin 2024

DEMANDERESSE

La société PATRIMOINE LYS MARTAGON
[Adresse 2]
[Localité 3]

Représentée par Maître Jean- Louis FACCENDINI, avocat plaidant et par Maître Laurence DE MONTAUZAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #J0149

DÉFENDEURS

Monsieur [C] [I]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 8] THAILAND

Madame [A] [I]
[Adresse 1]
[Localité 7]

Monsieur [G] [I]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentés par Maître Laurent BANBANASTE, avocat plaidant et par Maître Laëtitia GAMBERT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #G0172

Décision du 13 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 22/03402 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWGIT

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Catherine LECLERCQ RUMEAU, 1ère Vice-présidente
Madame Claire ISRAEL, Vice-Présidente
Monsieur Robin VIRGILE, Juge

assistés de Madame Audrey HALLOT, greffière lors des débats et de Madame Adélie LERESTIF, greffière lors de la mise à disposition.

DEBATS

A l’audience du 04 Avril 2024, présidée par Catherine LECLERCQ RUMEAU et tenue publiquement, rapport a été fait par Robin VIRGILE, en application de l’article 804 du code de procédure civile.

Après clôture des débats avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DES FAITS

[A] [I], [G] [I] et [C] [I] (ci-après les consorts [I]) étaient propriétaires indivis d'un terrain et d'une ferme sis, [Adresse 5]).

Suivant arrêté du 19 mars 2018, le maire de la commune de [Localité 10] a délivré à [G] [I] un permis de construire autorisant la construction sur le terrain de deux logements avec une surface plancher de 594,14 m².

Suivant acte du 23 janvier 2020, les consorts [I] ont unilatéralement promis aux époux [B] [M] et [D] [J] de leur vendre ladite propriété, au prix de 3.500.000 euros, sous la condition suspensive d'obtention par les bénéficiaires d'un autre permis de construire purgé de tout recours autorisant la rénovation de la ferme en un bâtiment à usage d'habitation. Cette promesse unilatérale de vente comportait en outre une clause de substitution de bénéficiaire.

Ladite promesse énonçait par ailleurs « le bénéficiaire déclare avoir l’intention de construire un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel sur le terrain acquis au sens de l’article L 115-4 du code de l’urbanisme et de rénover la totalité de la ferme existante, en en changeant totalement sa destination actuelle, qui est principalement agricole, pour en faire un bâtiment totalement à usage d’habitation ».
Elle comportait en outre les stipulations suivantes :

- « Il est ici précisé qu’il appartiendra exclusivement au titulaire dudit permis de construire (aujourd’hui Monsieur [G] [I] et « X » une fois l’arrêté de transfert obtenu) de veiller à sa validité et d’en demander, le cas échéant, sa prorogation en temps et en heure auprès de la Mairie de [Localité 10] (Haute-Savoie), avant son expiration qui aura lieu le 19 mars 2021 ».
- « De convention expresse entre les parties les coûts de la taxe d’aménagement et de la redevance archéologique seront supportés par le PROMETTANT ».
- « Les frais de création des accès, de viabilisation, de raccordement aux réseaux de distribution, notamment d'eau et d'électricité, de toute construction à édifier par le BENEFICIAIRE seront intégralement supportés par ce dernier, y compris les frais de création d'un dispositif d'assainissement individuel ou de raccordement au réseau public d'assainissement, et également la ou les taxes afférentes. »

Le 30 juillet 2020, la validité du permis de construire en date du 19 mars 2018 a été prorogée pour une durée d'un an à compter du 19 mars 2021.

Le 4 janvier 2021, le permis de construire a été transféré aux bénéficiaires de la promesse unilatérale de vente précitée.

Suivant acte du 11 février 2021 reçu par Me [E] [L], notaire à [Localité 6] (Rhône), la vente a été réitérée et la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON, se substituant aux époux [M]/[J], a acquis des consorts [I] le bien précité au prix de 2.200.000 euros, l'acte reprenant les clauses relatives au coût de la taxe d'aménagement et de la redevance archéologique ainsi qu’à la prise en charge des frais de création des accès, de viabilisation, de raccordement aux réseaux de distribution.

Par courriel du 19 mars 2021, la direction générale des finances publiques de l'Ain a indiqué avoir remboursé le 9 mars 2021 à [G] [I] la somme de 54.632 euros au titre des taxes d'aménagement et de la redevance archéologie préventive à la suite du transfert de permis de construire et de l'annulation des taxes émises à son nom, ledit courriel précisant que les fonds n'ont donc pas été affectés au règlement des nouvelles taxes émises au nom de la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON.

Le 29 juin 2021, la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON a mis en demeure les consorts [I] de lui payer la somme de 54.632 euros au titre des frais exposés par elle au titre de la taxe d'aménagement et de la redevance archéologique, alors que selon elle l'acte de vente mentionnait que ces frais incombaient solidairement aux vendeurs.

Par courrier du 30 juillet 2021, les consorts [I] ont demandé à la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON et [B] [M] de leur payer la somme 66.811,99 euros, au titre de différents travaux que ces derniers s'étaient selon eux engagés à rembourser.
Par exploits d'huissier des 22 et 23 février 2022 ainsi que du 4 mars 2022, la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON a fait assigner les consorts [I] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 54.632 euros correspondant au montant acquitté au titre de la taxe d'aménagement et de la redevance archéologique.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 février 2023, la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON demande au tribunal de :

« Vu l’article 1104 du code civil.
Vu la promesse unilatérale de vente du 23 janvier 2020.
Vu l’acte authentique de vente du 11 février 2021.

Condamner solidairement Monsieur [G] [C] [I], Madame [A] [I] et Monsieur [C] [H] [I], à verser à la société PATRIMOINE LYS MARTAGON la somme de 54.632 euros correspondant au montant de la taxe d’aménagement et de la redevance archéologique, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 juin 2021.

Débouter Monsieur [G] [C] [I], Madame [A] [I] et Monsieur [C] [H] [I] de l’ensemble de leurs demandes.

Condamner solidairement Monsieur [G] [C] [I], Madame [A] [I] et Monsieur [C] [H] [I] à verser à la société PATRIMOINE LYS MARTAGON la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner solidairement Monsieur [G] [C] [I], Madame [A] [I] et Monsieur [C] [H] [I] aux entiers dépens. »

Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 24 octobre 2022, [C], [A] et [G] [I] demandent au tribunal de :

« Vu l’article 1353 du Code civil,
Vu l’Article 1302-2 du Code civil.
Vu les articles 1347 et 1348 du Code civil,
Vu les pièces produites,

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

DIRE ET JUGER que Monsieur [G] [I], Monsieur [C] [I] et Madame [A] [I], ont acquitté la somme de 66.811,99 € dans l’intérêt exclusif la Société PATRIMOINE LYS MARTAGON SA, pour la construction de deux chalets et selon les instructions expresses de Monsieur [B] [M] son représentant légal et principal associé.

Faire droit à la demande reconventionnelle des défendeurs,

CONDAMNER la Société PATRIMOINE LYS MARTAGON SA à payer la somme de 66.811,99 € correspondant au prix des travaux de terrassement, d’aménagement et de réseaux pour l’édification de deux chalets par la Société PATRIMOINE LYS MARTAGON SA.
Décision du 13 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 22/03402 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWGIT

ORDONNER la compensation des sommes qui seraient dues par les vendeurs en exécution de dispositions de l’acte de cession du terrain cédé.

Condamner PATRIMOINE LYS MARTAGON SA à payer la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner PATRIMOINE LYS MARTAGON SA aux entiers dépens ; »

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 juin 2023.

A l'audience du 4 avril 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024.

MOTIFS

Il sera rappelé que les demandes des parties de « juger que » tendant à constater tel ou tel fait ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur la demande de la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON de condamner solidairement les défendeurs à leur payer la somme de 54.632 euros au titre de la taxe d'aménagement et de la redevance archéologique.

Au soutien de sa demande en paiement, la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON fait valoir que :
- la promesse unilatérale de vente du 23 janvier 2020 mettait à la charge des consorts [I] les coûts de la taxe d’aménagement et de la redevance archéologique, et que l'acte de vente prévoit aussi cette même stipulation,
- l'administration fiscale a estimé à la suite de l'arrêté de transfert du permis de construire du 4 janvier 2021 qu'elle ne pouvait recevoir les sommes dues à ce titre que du nouveau titulaire du permis de construire, à savoir la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON, laquelle s'est acquitté d'une somme de 54.632 euros,
- les consorts [I] sont donc tenus aux frais acquittés à ce titre à l'administration fiscale, pour un total de 54.632 euros, ceci solidairement en ce que l'acte de vente énonce en cas de pluralité de vendeur qu'ils contractent solidairement les obligations à leur charge,
- les consorts [I] ne contestent pas être redevables de cette somme, et produisent un courrier du 19 mars 2021 de la Direction Générale des Finances Publiques de l’Ain précisant que les sommes versées par [G] [I] au titre de la taxe d’aménagement et de la redevance archéologique lui ont été remboursées par l'administration fiscale,
- elle est donc bien fondée à solliciter la condamnation solidaire des consorts [I] à lui payer la somme de 54.632 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 29 juin 2021.
En défense, les consorts [I] ne concluent pas sur le bien-fondé de cette demande de la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON, et se limitent à faire valoir la compensation au titre des sommes dont cette dernière leur serait redevable. Sur ce,

Selon l'article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Aux termes de l'article 1310 du code civil, « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

Il résulte de l'article 1344-1 du code civil que « la mise en demeure de payer une obligation de somme d'argent fait courir l'intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d'un préjudice. »

En l'espèce, la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON justifie s'être acquittée auprès de l'administration fiscale d'une somme de 54.632 euros au titre de la taxe d’aménagement et de la redevance archéologique.

L'acte de vente mentionnait de façon claire que la taxe d’aménagement et la redevance archéologique resteraient à la charge des vendeurs, ce qu'ils ne contestent d'ailleurs pas, ni davantage le paiement effectif par la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON de ces frais.

L'acte de vente prévoit par ailleurs une clause de solidarité s'agissant des obligations des vendeurs, lesquels ont été mis en demeure le 29 juin 2021 par la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON de lui régler la somme de 54.632 euros.

Par conséquent, les consorts [I] seront condamnés solidairement à payer à la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON la somme de 54.632 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 29 juin 2021.

Sur la demande des consorts [I] de condamner la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON à leur payer la somme de 66.811,99 euros au titre de différents travaux et d'ordonner la compensation entre les obligations respectives

Les consorts [I] demandent la condamnation de la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON à leur payer la somme totale de 66.811,99 euros, et de la compenser avec toute somme dont ils seraient débiteurs.
Ils font valoir au visa des articles 1302-2, 1347 et 1348 du code civil que :
- par courriel du 30 juin 2022, [B] [M] confirme leur avoir demandé d’assurer la prise en charge de travaux au-delà de la simple préservation et prorogation des permis de construire,
- le coût de ces travaux a été pris en charge par eux dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur, ce que confirme le procès-verbal de constat d'huissier du 12 août 2020 comme les factures, et des échanges sur cette demande en paiement ont eu lieu les 17 juin 2020, 11 et 26 juillet 2020,
- la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON ne démontre pas que les travaux effectués selon ses indications ont été réalisés uniquement pour veiller à la validité du permis de construire du 19 mars 2018 et à l'obtention de sa prorogation,
- ces travaux coordonnés par l'architecte d'[B] [M] sont des travaux préparatoires et de réseaux pour la construction de deux chalets,
- le courriel d'[B] [M] du 30 juin 2020 comporte des instructions expresses dénuées de toute ambiguïté, celui-ci écrivant : « Le choix de cette entreprise nous incombe car nous partons du principe qu’il n’y aura pas d’obstacle. Au moment de la signature, les frais que vous aurez engagés pour démarrer les travaux vous seront naturellement remboursés. »,
- l'entreprise a confirmé avant le début des travaux qu'il ne s'agit pas « d'un simple mouvement de terre »,
- outre les travaux de terrassement, l'établissement de réseaux d’évacuation des eaux, de télécommunications et l’abattage des arbres sous la supervision de la société ERM constituent des travaux de construction des deux chalets voulus par l'acquéreur.

Les consorts [I] exposent avoir acquitté les sommes suivantes :
- 7.560 euros auprès de la SARL EQUATERRE SUD-EST, au titre de l’étude de soutènement et de la phase de supervision de l’étude et du suivi de l’exécution,
- 3.360 euros auprès de la SAS ERM - ECONOMIE REALISATION MANAGEMENT, au titre des honoraires de suivi de la construction des deux chalets,
- 41.712,72 euros auprès de la SAS MONT-BLANC MATERIAUX, au titre des travaux préparatoires, de terrassement, de voirie, de fouilles, d’assainissement des eaux pluviales et usées et d’alimentation en eau potable pour les deux chalets,
- 14.179,27 euros auprès de la SAS MONT-BLANC MATERIAUX, au titre des travaux préparatoires, de terrassement, de voirie, de fouilles, d’assainissement des eaux pluviales et usées et d’alimentation en eau potable pour vos deux chalets, de génie civil pour les réseaux secs, de dévoiement des réseaux existants eau potable et eaux usées.

La SA PATRIMOINE LYS MARTAGON conteste être redevable envers les consorts [I] de toute somme au titre des travaux, de sorte qu'aucune compensation ne peut selon elle être ordonnée. Elle fait valoir que :
- la promesse unilatérale de vente du 23 janvier 2020 ne comporte aucune stipulation prévoyant que les bénéficiaires ou leur substituée devaient prendre à leur charge les honoraires concernant des études en lien avec le permis de construire du 19 mars 2018,
- elle ne comporte pas davantage de stipulation prévoyant que les bénéficiaires ou leur substituée auraient à prendre en charge quelque travaux que ce soit pour le terrain,
- elle stipulait au contraire qu'il appartenait au titulaire du permis de construire d'alors, [G] [I], de veiller à sa validité et d'en demander la prorogation,
- les consorts [M] avaient uniquement à leur charge l’accomplissement des démarches en vue de l’obtention d’un autre permis de construire, portant sur la rénovation de la ferme existante sur le terrain objet de la promesse,
- le courriel d'[B] [M] du 30 juin 2020 est intervenu avant l'arrêté de prorogation du permis de construire en date du 30 juillet 2020, sur la base des explications qui lui avaient été données indiquant qu'il était nécessaire de commencer les travaux sur le terrain pour éviter la péremption du permis de construire du 19 mars 2018,
- [B] [M], de nationalité belge et ignorant le droit français, avait ainsi proposé dans un premier temps de rembourser ces travaux, - dans ses courriels ultérieurs des 8, 9 et 23 juillet 2020, puis du 9 août 2020 et des 15, 16 et 18 septembre 2020, [B] [M] a rappelé à [G] [I] qu'en qualité de bénéficiaire il n'avait aucune diligence à accomplir concernant ce permis de construire,
- après avoir envisagé de rembourser [G] [I], il a très rapidement décidé de s'en tenir aux stipulations de la promesse unilatérale de vente et l’en a informé, refusant dès le 8 juillet 2020 refusé de prendre en charge les honoraires de Maître [F],
- dès les 8 et 9 juillet 2020, [G] [I] savait que [B] [M] était revenu sur sa proposition du 30 juin 2020,
- le 23 juillet 2020, [B] [M] a renvoyé à ses courriels des 8 et 9 juillet 2020 pour s'opposer au projet de convention adressé le 21 juillet 2020 prévoyant un engagement de remboursement des travaux envisagés,
- l'arrêté de prorogation du 30 juillet 2020 a fait disparaître quasiment tout risque pour la validité permis de construire du 19 mars 2018,
- les travaux réalisés sans son accord ne sont intervenus qu'en septembre 2020, c’est-à-dire après que [G] [I] a eu connaissance du refus d’[B] [M] et après la prorogation du permis de construire.

Sur la facture de la SARL EQUATERRE SUD-EST, ils exposent que :
- le devis a été établi le 3 août 2020, après que la position finale de [B] [M] a été connue,
- les consorts [I] ne produisent aucune facture, ni ne justifient avoir réglé la somme de 7.560 euros,

Sur la facture d'honoraires de la société SAS ERM - ECONOMIE REALISATION MANAGEMENT, du 30 septembre 2020, ils soutiennent que :
- elle fait référence à un contrat du 20 août 2020 qui n'est pas produit, et est postérieure à la position d'[B] [M] communiquée les 8 et 9 juillet 2020,
- les consorts [I] savaient donc que les honoraires resteraient à leur charge,
- les consorts [I] ne justifient pas avoir réglé ladite facture.

Sur les travaux de terrassement, ils observent que :
- le document intitulé « situation de travaux n°1 » du 30 septembre 2020 d'un montant de 41.717,72 euros, le visa de la SAS ERM - ECONOMIE REALISATION MANAGEMENT concernant le paiement ces travaux ainsi que le « Certificat de paiement » du 9 octobre 2020 pour 14.179,27 euros montrent que ces travaux ont été réalisés en septembre 2020, soit près de deux mois après qu'[B] [M] a communiqué sa position,
- dans un courriel du 15 septembre 2020, [G] [I] écrivait d’ailleurs « Nous avons commencé les travaux depuis début septembre »,

Sur ce,

Aux termes de l'article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
Selon l'article 1302-2 du code civil, « Celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier. Néanmoins ce droit cesse dans le cas où le créancier, par suite du paiement, a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance.
La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur. »

Il en résulte qu'il incombe à celui qui se prévaut du paiement indu de la dette d'autrui de rapporter la preuve de l'effectivité de son paiement et de démontrer que ce paiement a été par erreur ou sous la contrainte.

Différents échanges de courriels sont intervenus après la signature de la promesse unilatérale de vente et avant celle de l'acte authentique de vente entre [B] [M], co-bénéficiaire, et [G] [I], co-promettant. Il ressort tout d'abord que ces échanges ne montrent, à eux seuls, aucun accord ferme et définitif des bénéficiaires de la promesse unilatérale pour prendre à leur charge les travaux finalement réalisés par [G] [I]. En effet, si [B] [M] a pu dans un premier temps accepter ce principe le 30 juin 2020 puisqu'il écrit à [G] [I] « Au moment de la signature, les frais que vous aurez engagés pour démarrer les travaux vous seront naturellement remboursés. » et lui indiquer le lendemain avoir « besoin d'une analyse complète et détaillée des étapes initiales pour sauvegarder le permis, ainsi que de tous les corps de métier (architecte, ingénieurs, etc.) qui devront intervenir à ce stade initial », les échanges qui ont suivi montrent qu'il a dans un second temps clairement exprimé son refus de prendre en charge les travaux, ceci avant-même qu'ils ne débutent en septembre 2020.

En effet, [B] [M] écrit par exemple dès le 7 juillet 2020 : « Afin de guider Maître [L] dans la rédaction de la convention, il est important de bien distinguer les responsabilités de chacun. »

Le 8 juillet 2020, [B] [M] s'est montré encore plus clair vis-à-vis de [G] [I], en lui indiquant :
« J'ai bien reçu votre courriel, mais je crains que le mien a prêté à confusion.
L'intervention de Me [F] est due à la suite d'une demande de M. [K]. En effet, M. [K] ne voulait prendre aucun risque juridique, afin de ne pas mettre en péril votre permis. C'est donc votre décision de retenir Me [F] ou non. Dans le contexte de mes responsabilités, l'analyse de Me [F] n'est pas nécessaire.
Pour être clair, ni l’intervention de Maître [F] ni les mécanismes préliminaires éventuelles sont de mon ressort. Ils servent uniquement à protéger votre permis. Notre accord ne prévoit aucune obligation de votre part d’effectuer les interventions précitées.
D’un autre côté, ma responsabilité actuelle se limite, et s’arrête, à l’obtention du permis pour la ferme. A la conclusion de celui-ci, j’attends le transfert d’un permis validé afin de me permettre la construction des 2 chalets. Il est clair que les délais y relatifs ont une importance fondamentale ».
Le 9 juillet 2020, [B] [M] lui écrivait aussi « (...)Afin d’éviter une continuation d’échanges, voici ma dernière position : (i) comme le prévoit notre accord, je m’occupe uniquement de l’obtention du permis de la ferme, et (ii) à la levée de la promesse, un permis en dû forme pour la construction de 2 chalets me sera délivré. Les délais y relatifs ont une importance fondamentale ».
En réponse au projet de convention formalisant l'engagement de prise en charge des travaux qui lui avait été adressé le 21 juillet 2020 par [G] [I], [B] [M] écrivait à celui-ci « Je fais référence à mes courriels du 8 et 9 juillet dernier (copie ci-dessous) qui expliquent clairement ma position depuis ces dates ».

Il est indifférent que ces travaux aient été nécessaires à la prorogation du permis de construire, en ce qu'il ressort d'une part de la promesse unilatérale de vente précitée qu'ils incombaient au bénéficiaire dudit permis, à savoir [G] [I] en l'absence de transfert du permis au moment de leur réalisation, et qu'il apparaît d'autre part que l'arrêté de prorogation du permis est intervenu le 30 juillet 2020, c'est à dire avant le début des travaux, de sorte qu'ils ne saurait en tout état de cause être soutenu qu'ils étaient encore nécessaires à cette fin.

Les consorts [I] ne peuvent demander le remboursement des travaux sur le fondement d'un accord intervenu avant la vente dès lors que le refus des travaux envisagés par [G] [I] a été manifesté de façon univoque par [B] [M] avant même le début de ceux-ci, de sorte que leur paiement allégué n'a pu intervenir par erreur.
Par ailleurs, l'acte de vente du 11 février 2021 comporte la clause suivante : « Les frais de création des accès, de viabilisation, de raccordement aux réseaux de distribution, notamment d'eau et d'électricité, de toute construction à édifier par le BENEFICIAIRE seront intégralement supportés par ce dernier, y compris les frais de création d'un dispositif d'assainissement individuel ou de raccordement au réseau public d'assainissement, et également la ou les taxes afférentes ». Cette clause ne peut que s'analyser comme l'acceptation par l'acquéreur, improprement qualifié de bénéficiaire en raison d'une erreur matérielle manifeste, de finalement prendre à sa charge certains des travaux qui ont déjà été réalisés par le vendeur. En effet, l'acte réitératif de vente comportant cette clause est postérieur aux travaux, et ce faisant aux différents refus exprimés par [B] [M] à l'été 2020 (cf. supra).
Néanmoins, cette acceptation ne peut porter que sur les travaux limitativement énumérés par cette clause, à savoir les travaux de création des accès, de viabilisation et de raccordement au réseau. Il s'ensuit que les dépenses relatives aux études et au suivi d'exécution et de la construction des chalets ainsi que les travaux de terrassement, de voirie et de fouilles n'entrent pas dans le champ d'application de cette clause, et qu’ainsi la facture du 3 août 2020 d’un montant de 7.560 euros émise par la SARL EQUATERRE SUD-EST et celle du 30 septembre 2020 d’un montant de 3.360 euros émise par la SAS ERM - ECONOMIE REALISATION MANAGEMENT ne peuvent donner lieu à remboursement.

Seules les dépenses mentionnées dans la facture du 30 septembre 2020 d’un montant de 41.712,72 euros émise par la SAS MONT-BLANC MATERIAUX au titre du « Chalet B » et relatives à « l'assainissement des eaux pluviales », « l'assainissement des eaux usées », « l'alimentation en eau potable », et au « génie civil pour réseaux secs » sont donc susceptibles d’être prises en charge par l’acquéreur.
Décision du 13 Juin 2024
2ème chambre
N° RG 22/03402 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWGIT

Toutefois, cette facture de la SAS MONT-BLANC MATERIAUX du 30 septembre 2020 n'apparaît pas acquittée. La facture de la SAS ERM - ECONOMIE REALISATION MANAGEMENT, maître d’œuvre, établie le 9 octobre 2020 à la suite de la « situation du 30 septembre 2020 » indique que la somme de 41.712,72 euros « reste à devoir à l'entreprise principale », et le bon de paiement qui y figure n'est pas non plus signé par le maître d'ouvrage.
De la même façon, le bon de paiement figurant à la facture du 9 octobre 2020 pour un montant de 14.179,27 euros n'est pas davantage signé.
Il s’ensuit qu’il n'est pas établi que [G] [I] a effectivement payé ces sommes. Dans ces conditions, la demande des consorts [I] de remboursement des sommes exposées au titre des travaux ne peut qu'être rejetée, de même que la demande subséquente de compensation devenue sans objet.

Sur les mesures accessoires

Les consorts [I] seront condamnés in solidum aux dépens.

Ils seront également condamnés in solidum à payer la somme de 4.000 euros à la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire de droit de la présente décision sera rappelée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

CONDAMNE solidairement [G] [I], [A] [I] et [C] [I], à payer à la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON la somme de 54.632 euros correspondant au montant de la taxe d’aménagement et de la redevance archéologique, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2021 ;

REJETTE la demande de [G] [I], [A] [I] et [C] [I] de condamner la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON SA à leur payer la somme de 66.811,99 euros correspondant au prix des travaux de terrassement, d’aménagement et de réseaux pour l’édification de deux chalets ;

Condamne in solidum [G] [I], [A] [I] et [C] [I] aux dépens ;

CONDAMNE in solidum [G] [I], [A] [I] et [C] [I] à payer à la SA PATRIMOINE LYS MARTAGON la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Fait et jugé à Paris le 13 Juin 2024

La Greffière La Présidente
Adélie LERESTIF Catherine LECLERCQ RUMEAU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/03402
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-13;22.03402 ?
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