TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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1/2/1 nationalité A
N° RG 23/01477
N° Portalis 352J-W-B7G-CYPHC
N° PARQUET : 23/742
N° MINUTE :
Assignation du :
23 Janvier 2023
M.M.
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 12 Juin 2024
DEMANDERESSE
Madame [D] [J]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1] (COTE D IVOIRE)
représentée par Me Marie christiane AVI KASSI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0807
DEFENDERESSE
LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Parquet 01 Nationalités
[Adresse 9]
[Localité 2]
Madame Isabelle MULLER-HEYM, Substitute
Décision du 12 juin 2024
Chambre du contentieux
de la nationalité Section A
RG n° 23/01477
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Maryam Mehrabi, Vice-présidente
Présidente de la formation
Madame Victoria Bouzon, Juge
Madame Clothilde Ballot-Desproges, Juge
Assesseurs
assistées de Madame Christine Kermorvant, Greffière
DEBATS
A l’audience du 24 Avril 2024 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile par Madame Maryam Mehrabi, Magistrate rapporteure, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.
JUGEMENT
Contradictoire
en premier ressort
Rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Maryam Mehrabi, vice-présidente et par Madame Christine Kermorvant, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
Vu les articles 455 et 768 du code de procédure civile,
Vu l'assignation délivrée le 23 janvier 2023 par Mme [D] [J] [H] [V] au procureur de la République,
Vu les dernières conclusions du ministère public notifiées par la voie électronique le 19 octobre 2023,
Vu les dernières conclusions de Mme [D] [J] [U] [V] notifiées par la voie électronique le 25 janvier 2024,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 21 mars 2024 ayant fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 24 avril 2024,
MOTIFS
A titre liminaire il est relevé que la demanderesse a assigné le procureur de la République sous l'identité « [D] [J] [H] [V] ». Dans ses dernières conclusions, elle se désigne indifféremment sous les prénoms [D] et indifféremment sous les noms « [J] [U] [V] », « [J] [H] [V] « , « [J] [U] » ou « [J] [H] ». Dans son acte de naissance camerounais son identité est « [D] [J]-[H] [V]».
Or, dans son acte de naissance dressé sur les registres d'état civil de la mairie de [Localité 8], son identité est indiquée comme étant «[D] [J] ». C'est donc sous cette identité qu'elle sera désignée dans le présent jugement.
Sur la procédure
Aux termes de l’article 1040 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au ministère de la justice qui en délivre récépissé.
En l’espèce, le ministère de la justice a délivré ce récépissé le 27 avril 2023. La condition de l’article 1040 du code de procédure civile est ainsi respectée. Il y a donc lieu de dire que la procédure est régulière au regard de ces dispositions.
Sur l'action déclaratoire de nationalité française
Mme [D] [J], se disant née le 24 juillet 1974 à [Localité 8], revendique la nationalité française par double droit du sol, sur le fondement de l'article 19-3 du code civil et 23 de la loi du 9 janvier 1973 tel que modifié par l'article 4 de la loi du 2 juillet 1993. Elle fait valoir qu'elle est née à [Localité 7] de M. [O] [J], né le 3 août 1941 à [Localité 6] (Cameroun), et de Mme [B] [N] [V], née le 26 septembre 1949 à [Localité 3] (Cameroun).
Sur le fond
En application de l’article 30 alinéa 1 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même code.
Conformément à l'article 17-1 du code civil, compte tenu de la date de naissance revendiquée de la demanderesse, sa situation est régie par les dispositions de l’article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, selon lequel est français, l'enfant légitime ou naturel, né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né, ces dispositions étant applicables à l'enfant né en France d'un parent né sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française.
Il appartient dès lors à Mme [D] [J], qui n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française, de démontrer, d'une part, sa naissance en France et, d'autre part, la naissance d'un de ses deux parents sur un territoire ayant le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer et l'existence d'un lien de filiation légalement établi à l’égard de celui-ci au moyen d’actes d’état civil probants, étant précisé qu’afin de satisfaire aux exigences de l’article 20-1 du code civil, cet établissement doit être intervenu pendant sa minorité pour avoir des effets sur la nationalité.
En l'espèce, l'acte de naissance de Mme [Z] [K] indique qu'elle est née le 24 juillet 1974 à [Localité 8], d'[O] [J], né à [Localité 4] (Cameroun) le 3 août 1941, et de [N] [V] [B], née à [Localité 3] (Cameroun) le 26 septembre 1949 (pièce n°1-a de la demanderesse).
Toutefois, comme le relève le ministère public, le Cameroun ne faisait pas partie des territoires sous souveraineté française. Si ce pays était sous mandat français, contrairement aux affirmations de la demanderesse, les dispositions précitées ne s'appliquent pas aux anciens protectorats.
La naissance des parents revendiqués de Mme [Z] [K] au Cameroun ne permet donc nullement à celle-ci de se prévaloir des dispositions de l'article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, précitées.
En conséquence, Mme [D] [J] sera déboutée de sa demande tendant à se voir reconnaître la nationalité française sur le fondement de l'article 23 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973. En outre, dès lors qu'elle ne revendique la nationalité française à aucun autre titre, il sera jugé, conformément à la demande reconventionnelle du ministère public, qu'elle n'est pas de nationalité française.
Sur la mention prévue à l'article 28 du code civil
Aux termes de l’article 28 du code civil, mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. En conséquence, cette mention sera en l’espèce ordonnée.
Sur les dépens
En application de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [D] [J], qui succombe, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort et par mise à disposition au greffe :
Dit la procédure régulière au regard des dispositions de l'article 1040 du code de procédure civile ;
Déboute Mme [D] [J] de sa demande tendant à voir juger qu'elle est de nationalité française ;
Juge que Mme [D] [J], se disant née le 24 juillet 1974 à [Localité 8], n'est pas de nationalité française ;
Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil ;
Condamne Mme [D] [J] aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 12 Juin 2024
La GreffièreLa Présidente
Christine KermorvantMaryam Mehrabi