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07/06/2024 | FRANCE | N°23/02390

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jtj proxi fond, 07 juin 2024, 23/02390


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître MONTA


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître METAIS

Pôle civil de proximité


PCP JTJ proxi fond

N° RG 23/02390 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZNNM

N° MINUTE :
6 JTJ






JUGEMENT
rendu le vendredi 07 juin 2024


DEMANDERESSE
Madame [P] [C],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître MONTA, avocat au barreau de Paris, vestiaire #D546


DÉFENDERESSE
S.A.S. BNP PARI

BAS,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître METAIS, avocat au barreau de Paris, vestiaire #R030


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eloïse CLARAC, Juge, statuant en juge ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître MONTA

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître METAIS

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi fond

N° RG 23/02390 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZNNM

N° MINUTE :
6 JTJ

JUGEMENT
rendu le vendredi 07 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [P] [C],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître MONTA, avocat au barreau de Paris, vestiaire #D546

DÉFENDERESSE
S.A.S. BNP PARIBAS,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître METAIS, avocat au barreau de Paris, vestiaire #R030

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eloïse CLARAC, Juge, statuant en juge unique
assistée de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 07 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en dernier ressort, prononcé par mise à disposition le 07 juin 2024 par Eloïse CLARAC, Juge assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 07 juin 2024
PCP JTJ proxi fond - N° RG 23/02390 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZNNM

EXPOSE DU LITIGE

Madame [P] [C] est titulaire d'un compte bancaire auprès de la société BNP PARIBAS.

Le 14 avril 2022, Madame [P] [C] a déposé plainte pour des faits d'escroquerie. Elle expliquait avoir reçu un appel d'un homme se présentant comme un employé de la société BNP, lui indiquant que des opérations frauduleuses étaient en cours sur son compte bancaire et lui demandant de transmettre des codes d'annulation reçu sur son téléphone portable. Elle ajouté avoir donné ces codes dans la panique.

Par courrier du 22 avril 2022, Madame [P] [C] a réclamé à la société BNP PARIBAS le remboursement de deux virements frauduleux.

Par acte de commissaire de justice en date du 16 février 2023, Madame [P] [C] a fait assigner la société BNP PARIBAS devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir, sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :
2 019 euros au titre du préjudice financier,3 000 euros au titre du préjudice moral,3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le 10 mars 2023, en application de l'article 82-1 du code de procédure civile, le juge des contentieux du 28 juin 2023. L'affaire a fait l'objet de deux renvois, à la demande des parties, pour être finalement retenue à l'audience du 7 mars 2024.

A l'audience du 7 mars 2024, Madame [P] [C], représentée par son avocat, a déposé des conclusions, dont elle a demandé le bénéfice de lecture, aux termes desquelles elle a maintenu l'ensemble de ses demandes et modifier sa demande formée au titre du préjudice financier à la somme de 1 994 euros.

Au soutien de ses prétentions, Madame [P] [C] expose sur le fondement des articles 133-18 et 133-19 du code monétaire et financier que la société BNP PARIBAS doit lui rembourser les sommes ayant fait l'objet d’opérations frauduleuses, cette dernière ne démontrant pas qu'elle aurait fait preuve de négligence grave. Elle ajoute que la responsabilité de la banque est engagée pour manquement au devoir de vigilance prévu par l'article 561-6 du code monétaire et financier.

La société BNP PARIBAS, représentée par son conseil, a déposé des conclusions, dont elle a demandé le bénéfice de lecture, aux termes desquelles elle a sollicité le rejet de l'ensemble des demandes de Madame [P] [C] et sa condamnation à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société BNP PARIBAS explique avoir respecté ses obligations relatives à la sécurisation des instruments de paiement par un système d'authentification forte par SMS. Elle soutient que les opérations frauduleuses ont été permises par Madame [P] [C] par des négligences successives en communiquant les informations permettant d'accéder à l'espace en ligne, les codes confidentiels de sa carte bancaire et cryptogramme ainsi que les trois codes confidentiels reçus par SMS.

Il sera référé aux écritures des parties déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIF DE LA DECISION

Il sera rappelé que les demandes de « donner acte », de « constater » ou de « dire et juger » ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, il ne sera donc pas statué sur celles-ci dans le présent jugement.

1. Sur la demande principale
 
Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
 
En application des articles L.133-16 et L.133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées
 
L'article L.133-3 du code monétaire et financier dispose qu'une opération de paiement est une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire. Elle peut être initiée : a) Par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement ; b) Par le payeur, qui donne un ordre de paiement par l'intermédiaire du bénéficiaire qui, après avoir recueilli l'ordre de paiement du payeur, le transmet au prestataire de services de paiement du payeur, le cas échéant, par l'intermédiaire de son propre prestataire de services de paiement ; c) Par le bénéficiaire, qui donne un ordre de paiement au prestataire de services de paiement du payeur, fondé sur le consentement donné par le payeur au bénéficiaire et, le cas échéant, par l'intermédiaire de son propre prestataire de services de paiement.
 
Selon l'article L.133-6 du code monétaire et financier, une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution. Le consentement est donné sous la forme convenue entre le payeur et son prestataire de services de paiement. En l'absence d'un tel consentement, l'opération de paiement est réputée non autorisée.
 
L'article L.133-18 du code monétaire et financier dispose qu'en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu.
 
L'article L.133-19 du code monétaire et financier IV et V ajoute que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17, et que sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n'exige une authentification forte du payeur prévue à l'article L. 133-44.
 
L'article L.133-23 du code monétaire et financier décide encore que lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l'opération de paiement n'a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre. L'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d'initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l'utilisateur de services de paiement.
 
La Cour de cassation décide qu'il résulte de ces dispositions que c'est au prestataire de services de paiement qu'il incombe de rapporter la preuve que l'utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n'a pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, aux obligations lui incombant, cette preuve ne pouvant se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisées.

À titre liminaire, s'agissant du guide d'utilisation de la carte Visa Premier que la société BNP PARIBAS évoque dans ses écritures, il sera relevé que cette dernière n'établit pas que Madame [P] [C] en avait connaissance et ce document ne lie nullement les parties dans la mesure où il n'est pas démontré qu’il avait été accepté conformément à l'article 1119 du code civil et donc qu'il était opposable.

En l'espèce, il ressort des débats et des pièces produites que trois virements ont été effectués au débit du compte de Madame [P] [C] : le 6 avril 2022 pour un montant de 350 euros au bénéfice de « DE BIJENKORF », le 11 avril 2022, pour un montant de 1 219 euros au bénéfice de « SFR EN LIGNE », et le 6 mai 2022, pour un montant de 425 euros au bénéfice de « DEBIJENKORF.FR ».

Madame [P] [C], contestant avoir autorisé ces opérations, il appartient à la société BNP PARIBAS, pour échapper au remboursement de l'opération litigieuse, de rapporter la preuve soit que l'ordre émanait bel et bien du client dûment identifié, soit que l'utilisation de ses données personnelles résultait d'un agissement frauduleux de sa part ou d'un manquement grave de celui-ci aux obligations lui incombant.

Il n'est pas soutenu que l’ordre de paiement émanerait du client mais que Madame [P] [C] a commis plusieurs négligences graves qui ont permis au fraudeur de réaliser les opérations frauduleuses.

Le fait que les codes confidentiels de la carte bancaire et le cryptogramme aient été renseignés sur un site marchand et que les paiements litigieux aient été validés depuis l'application « MesComptes » ou sur le site « mabanque.bnpparibas » dont l'accès nécessite de saisir identifiant et mot de passe confidentiels ne suffit pas à démontrer une négligence grave du client en raison de l'existence de techniques de piratage informatique permettant à leurs auteurs de s'approprier les identifiants bancaires de leurs victimes.

Si la société BNP PARIBAS ne produit aucune pièce à l'appui de ses écritures permettant d'établir que l'opération de paiement en ligne a bien été autorisée, il est constant que Madame [P] [C] a donné les codes reçus sur son téléphone permettant de valider chacune des opérations litigieuses.

En communiquant ainsi les codes d’authentification transmis, données personnelles du dispositif de sécurité personnalisé, en réponse à un simple appel téléphonique, Madame [P] [C] a commis une négligence grave, manquant ainsi à son obligation de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés.

Madame [P] [C] ne démontrant pas que la société BNP PARIBAS a commis une faute, ses demandes indemnitaires seront rejetées.

Sur les demandes accessoires

Madame [P] [C], partie perdante, sera condamnée aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité et les circonstances de l'instance commandent de ne pas accorder d'indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal judiciaire, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE les demandes en paiement de Madame [P] [C],

REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [P] [C] au paiement des entiers dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 7 juin 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jtj proxi fond
Numéro d'arrêt : 23/02390
Date de la décision : 07/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-07;23.02390 ?
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