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07/06/2024 | FRANCE | N°21/12011

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 3ème section, 07 juin 2024, 21/12011


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me KAROUNI et Me CASSEL
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me GUEGAN-GELINET




8ème chambre
3ème section

N° RG 21/12011
N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

N° MINUTE :

Assignation du :
20 septembre 2021









JUGEMENT

rendu le 07 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [J] [S]
Madame [F] [U]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentés par Maître Joseph KAROUNI, avocat au b

arreau de PARIS, vestiaire #G0434


DÉFENDEURS

Madame [E] [D] épouse [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Monsieur [L] [B]
Madame [W] [K] épouse [H]
[Adresse 4]
[Localité 5]

S.C.I. VERGNE
[Adresse 1]
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le:
à Me KAROUNI et Me CASSEL
Copies certifiées
conformes délivrées le:
à Me GUEGAN-GELINET

8ème chambre
3ème section

N° RG 21/12011
N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

N° MINUTE :

Assignation du :
20 septembre 2021

JUGEMENT

rendu le 07 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [J] [S]
Madame [F] [U]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentés par Maître Joseph KAROUNI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0434

DÉFENDEURS

Madame [E] [D] épouse [I]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Monsieur [L] [B]
Madame [W] [K] épouse [H]
[Adresse 4]
[Localité 5]

S.C.I. VERGNE
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentés par Maître Laurence GUEGAN-GELINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0886

Décision du 07 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/12011 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], représenté par son syndic le cabinet CITYA BONNEFOI
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Hervé CASSEL de la SELAFA CABINET CASSEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0049

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Lucile VERMEILLE, vice-présidente
Madame Céline CHAMPAGNE, juge

assistées de Léa GALLIEN, greffier

DÉBATS

A l’audience du 14 mars 2024 présidée par Madame Frédérique MAREC
tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'immeuble du [Adresse 4] à [Localité 7], composé de deux bâtiments, est soumis au statut de la copropriété.

M. [S] et Mme [U] (ci-après les demandeurs) sont ainsi propriétaires, au sein du bâtiment A, d'un appartement en duplex aux quatrième et cinquième étages et d'une cave (lots 9, 32 à 35 et 40).

Sont également copropriétaires au sein du bâtiment A :
-Mme [E] [I], propriétaire d'un appartement situé au troisième étage ainsi que d'une cave,
-Mme [W] [H], propriétaire d'un appartement au premier étage et d'une cave,
-M. [L] [B], propriétaire d'un appartement au deuxième étage et d'une cave,
-la SCI Vergne, propriétaire d'un appartement au troisième étage.

La configuration actuelle de l'appartement des demandeurs résulte de l'acquisition et de l'aménagement, par leurs vendeurs, les époux [V], de trois parcelles de grenier, situées au cinquième étage.

Ayant souhaité acquérir les autres parcelles de grenier, afin d'agrandir leur lot, les demandeurs ont présenté des résolutions en ce sens lors des assemblées générales de 2019, 2020 et 2021.
Décision du 07 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/12011 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

Les copropriétaires ont voté contre ces demandes et aucune de ces décisions n'a fait l'objet de recours.

Par courrier en date du 10 décembre 2020, réitéré le 12 janvier 2021, les demandeurs ont dénoncé au syndic l'occupation et la jouissance de ces combles, parties communes, par ces copropriétaires, sans autorisation préalable de l'assemblée générale et lui ont demandé de prendre toute mesure utile pour faire cesser cette emprise, qu'ils ont qualifiée d'abusive et d'irrégulière, considérant qu'elle était constitutive d'un trouble et d'une rupture d'égalité de traitement entre les copropriétaires.

En l'absence de solution amiable au litige, les demandeurs ont ensuite, par acte délivré le 20 septembre 2021, fait assigner devant la présente juridiction d'une part, Mme [I], M. [B], Mme [H] et, d'autre part, le syndicat des copropriétaires afin de faire condamner les premiers, sous astreinte, à mettre fin à l'usage ainsi fait des parties communes et à les libérer de tous objets encombrants avec remise en l'état initial, à restituer au syndicat des copropriétaires les clefs des serrures et à régler à ce dernier, à titre subsidiaire, une indemnité d'occupation d'un montant de 4500 euros chacun, outre leur condamnation à leur régler la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Aux termes de leurs conclusions n°2, notifiées par voie électronique le 13 mars 2023, M. [S] et Mme [U] demandent au tribunal, au visa des articles 6 et 9 du code de procédure civile, 2258, 2261, 2262, 2265 et 2272 du code civil, 2, 3, 9, 14 et 15 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, de :
« DECLARER les demandes de Monsieur [S] [J] et Madame [U] [F] recevables et bien fondées ;
DEBOUTER Madame [D] [E] épouse [I], Madame [K] [W] épouse [H], Monsieur [B] [L], la SCI VERGNE et le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 7] de l'ensemble de leurs prétentions, fins et moyens ;
Y faisant droit,
CONSTATER que les parcelles de grenier situées au 5ème étage du bâtiment A sont des parties communes ;
DIRE ET JUGER que Mesdames [I] et [H], Monsieur [B] et la SCI VERGNE se sont appropriés sans autorisation et en violation des stipulations du règlement de copropriété ledit espace collectif et en usent abusivement ;
DECLARER que la condition relative au délai de trente ans pour l'usucapion n'est pas remplie ;
DECLARER que Mesdames [I] et [H], Monsieur [B] et la SCI VERGNE n'ont pas publiquement, continuellement et paisiblement joui sans équivoque de ces parcelles de grenier comme s'ils en étaient propriétaires ;
En conséquence
DIRE que Madame [I] ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située à droite de l'escalier commun ;
DIRE que Madame [H] ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située à droite de l'escalier commun au bout du couloir;
DIRE que Monsieur [B] ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun ;
DIRE que la SCI VERGNE ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun ;
CONDAMNER Mesdames [I] et [H], Monsieur [B] et la SCI VERGNE à mettre fin à l'usage illégitime des parcelles de grenier à les libérer de tous les objets encombrants avec remise en l'état initial à leurs frais et à restituer au Syndicat des copropriétaires les clés de serrures donnant accès à chacune de ces parcelles ;
LEUR IMPARTIR pour ce faire un délai d'un mois à compter de la date de signification du jugement à intervenir, puis passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
LES CONDAMNER chacun à payer à Monsieur [S] et Madame [U] une indemnité d'occupation s'élevant respectivement à la somme de 75 euros par mois, soit pour la période non prescrite une somme de 5 850 euros chacun, sauf à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2021 ;
LES CONDAMNER in solidum à payer à Monsieur [S] et Madame [U] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
DECLARER le jugement à intervenir opposable au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES de l'immeuble sis [Adresse 4] ;
CONDAMNER ledit syndicat représenté par son syndic, le cabinet CITYA BONNEFOI, à payer à Monsieur [S] et Madame [U] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNER in solidum Madame [I], Madame [H], Monsieur [B], la SCI VERGNE et le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES représenté par son syndic à payer aux époux [S] [U] la somme de 6 000 euros en application de 1'artticle 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
DIRE que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître KAROUNI [Y] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision. »

Dans leurs conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 25 mai 2023, Mme [I], M. [B], Mme [H] et la SCI Vergne (ci-après les défendeurs) demandent au tribunal, au visa des articles 2272 et 2261 du code civil, de :
« RECEVOIR Madame [I], Monsieur [B], la SCI VERGNE et Madame [H] en leurs conclusions et les déclarer bien fondées ;
DEBOUTER Monsieur [S] et Madame [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
A titre reconventionnel :
DIRE ET JUGER que les conditions de l'usucapion sont réunies ;
En conséquence :
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de Madame [I] comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située à droite des escaliers communs ;
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de Monsieur [B] comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun ;
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de la SCI VERGNE comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun et jouxtant celle occupée par Monsieur [B] ;
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de Madame [H] comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située à droite des escaliers communs au bout du couloir ;
En tout état de cause :
Décision du 07 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/12011 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

CONDAMNER solidairement Monsieur [S] et Madame [U] à payer aux concluants la somme de 5000 euros à chacun des concluants à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [S] et Madame [U] à payer aux concluants la somme de 6000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [S] et Madame [U] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Laurence GUEGAN-GELINET, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. »

Dans ses conclusions en défense n°2, notifiées par voie électronique le 13 juin 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal, au visa des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, de :
« Dire et juger le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4]), représenté par son syndic en exercice, le Cabinet CITYA BONNEFOI, recevable et bien fondé en ses demandes ;
En conséquence,
Débouter Monsieur [J] [S] et Madame [F] [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Condamner solidairement, et à défaut in solidum, Monsieur [J] [S] et Madame [F] [U] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4]), la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner solidairement et à défaut, in solidum, Monsieur [J] [S] et Madame [F] [U] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Hervé CASSEL, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rappeler que l'exécution provisoire est de droit. »

Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits, de la cause et des prétentions des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 juin 2023 et la date de plaidoirie fixée au 14 mars 2024, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré au 07 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de « dire et juger », « constater », « déclarer » et « dire »

Ces demandes, dont la formulation ne consistent qu'en une reprise de simples moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions formulées par les parties, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 768 du code de procédure civile, en ce qu'elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert.

Or, en application des dispositions de l'article 768 du code de procédure civile, « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».

Décision du 07 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/12011 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

Par conséquent, le tribunal ne statuera pas sur les demandes suivantes formulées de la sorte par :

-les demandeurs
« CONSTATER que les parcelles de grenier situées au 5ème étage du bâtiment A sont des parties communes ;
DIRE ET JUGER que Mesdames [I] et [H], Monsieur [B] et la SCI VERGNE se sont appropriés sans autorisation et en violation des stipulations du règlement de copropriété ledit espace collectif et en usent abusivement ;
DECLARER que la condition relative au délai de trente ans pour l'usucapion n'est pas remplie ;
DECLARER que Mesdames [I] et [H], Monsieur [B] et la SCI VERGNE n'ont pas publiquement, continuellement et paisiblement joui sans équivoque de ces parcelles de grenier comme s'ils en étaient propriétaires ;
En conséquence
DIRE que Madame [I] ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située à droite de l'escalier commun ;
DIRE que Madame [H] ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située à droite de l'escalier commun au bout du couloir;
DIRE que Monsieur [B] ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun ;
DIRE que la SCI VERGNE ne justifie pas avoir acquis par prescription trentenaire un droit de jouissance exclusif sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun ; »

-les défendeurs
« DIRE ET JUGER que les conditions de l'usucapion sont réunies ;
En conséquence :
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de Madame [I] comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située à droite des escaliers communs ;
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de Monsieur [B] comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun ;
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de la SCI VERGNE comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située face à l'escalier commun et jouxtant celle occupée par Monsieur [B] ;
DIRE ET JUGER que le lot de copropriété de Madame [H] comprend le droit de jouissance privative sur la parcelle de grenier située à droite des escaliers communs au bout du couloir ; »

Sur la recevabilité de l'action des demandeurs

Les demandeurs expliquent qu'en cas de carence ou d'inaction du syndic, l'article 15 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 autorise tout copropriétaire à exercer seul les actions concernant la propriété ou la jouissance de son lot et qu'en conséquence il a ainsi le droit d'exiger la cessation d'une atteinte aux parties communes, sans être astreint à démontrer qu'il subit un préjudice personnel et spécial distinct de celui dont souffre la collectivité des membres du syndicat des copropriétaires.
Décision du 07 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/12011 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

Ils indiquent que tel est bien l'objet de leur action, et que le syndicat des copropriétaires soulève l'irrecevabilité de leur demande en considérant ainsi à tort qu'ils auraient dû attaquer les résolutions ayant refusé de procéder à la restitution.
Ils demandent donc à être déclarés recevables à agir individuellement pour exiger le respect du règlement de copropriété et solliciter la cessation de l'atteinte aux parties communes.

Cependant, aux termes du dispositif du syndicat des copropriétaires, dont seul le tribunal est tenu, aucune irrecevabilité n'est soulevée, de telle sorte que la recevabilité de l'action des demandeurs n'étant pas contestée, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur la demande de restitution des parcelles du grenier

L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble. »

Les demandeurs expliquent que le bâtiment A dispose, au cinquième étage, d'un grenier, réputé partie commune aux termes du règlement de copropriété mais que les défendeurs se sont attribués de fait et qu'ils occupent ainsi, chacun, abusivement et de manière illicite.

Ils soutiennent en effet que, contrairement à ce qu'ils font valoir, aucune disposition du règlement de copropriété ni aucune autorisation de l'assemblée générale ne leur confèrent un droit de propriété ou d'usage exclusif de ces parties communes, leurs seules affirmations et les quelques photographies produites étant insuffisantes pour caractériser le droit de jouissance privative dont ils se prévalent.
Ils relèvent qu'au contraire M. [B], lors des assemblées générales de 2019, 2020 et 2021, a manifesté, en vain, sa volonté de régulariser la situation en demandant l'inscription à l'ordre du jour d'une demande lui permettant de poursuivre la jouissance exclusive « de fait » des combles ou autorisant leur rachat.
Ils font également valoir que le syndicat des copropriétaires ne démontre pas plus cette jouissance privative, mais que les pièces produites établissent au contraire qu'il s'agit d'une simple jouissance par tolérance.
Or, ils font valoir qu'une décision de pure tolérance ne peut créer de droits.

Ils contestent l'existence de l'usucapion invoqué par les défendeurs, en expliquant que la possession ne présente pas les caractères exigés par l'article 2261 du code civil.
Ils soutiennent en effet que les défendeurs ne justifient pas s'être comportés comme les véritables propriétaires, cette occupation apparaissant en réalité clandestine et le seul fait d'entreposer des biens personnels ne les autorisant pas à se prévaloir d'un droit d'usage exclusif.
Ils nient le caractère connu de la possession revendiquée par les défendeurs en faisant valoir que, dans cette hypothèse, le syndic n'aurait pas proposé la vente de ces parcelles « à tout copropriétaire qui souhaiterait se rendre acquéreur d'une autre parcelle », comme il l'a fait lors de l'assemblée générale de 1990 et 1996, ce qui démontre selon eux que l'occupation ne résultait que d'un accord tacite et qu'elle était entachée d'équivoque et de clandestinité.
Ils font ainsi état du courrier adressé par Mme [O] [A], copropriétaire, au syndic et manifestant sa surprise s'agissant de cette occupation à titre gratuit des parcelles de grenier, et de celui de M. [C] indiquant n'avoir jamais eu connaissance de cette occupation avant la présentation de leur projet d'achat.
Ils relèvent de plus que l'allégation du syndicat des copropriétaires selon laquelle cette jouissance était exercée de manière officielle au vu et au su de tous les autres copropriétaires est toutefois démentie par le fait que le syndic et les membres du conseil syndical ont souhaité se rendre sur place pour constater le problème et vérifier la faisabilité du projet en créant des lots.

Ils relèvent également qu'aucune pièce ne vient établir une possession de 30 ans.
Ils indiquent en effet que quand bien même un prétendu droit personnel aurait été consenti aux précédents propriétaires des lots, cette prétendue autorisation personnelle ne se transmet pas aux copropriétaires successifs des lots.
Ils considèrent donc que l'ensemble de ces éléments démontre que les défendeurs échouent à caractériser l'existence d'une prescription acquisitive trentenaire dans la mesure où ils se sont comportés de manière équivoque et sans une âme de propriétaire.

Les défendeurs soutiennent pour leur part que deux à trois ans après la mise en copropriété de l'immeuble, en 1950, la jouissance privative des parcelles de grenier a été attribuée à chacun des lots du bâtiment A, et que les cloisonnements réalisés à cette époque afin de délimiter les parcelles de grenier confirment cette situation.
Ils indiquent que depuis 70 ans, ces droits de jouissance sont exercés paisiblement et se sont transmis, au gré des mutations, aux propriétaires successifs de chaque lot.
Ils contestent qu'il ne s'agisse là que d'une simple tolérance, comme soutenu par les demandeurs, mais affirment que ces droits de jouissance privative résultent au contraire d'une décision collective des copropriétaires, réaffirmée à plusieurs reprises lors des assemblées générales, et dont les demandeurs ont bénéficié très directement puisqu'ils ont permis à leurs vendeurs d'agrandir l'appartement qu'ils ont acquis.
Ils indiquent de plus qu'ils étaient parfaitement informés de la légitimité de cette occupation puisqu'ils ont tenté de convaincre les propriétaires des lots concernés d'abandonner leur droit de jouissance privative en leur proposant une indemnisation financière et que ce n'est qu'en réaction au refus de leur céder ces parcelles qu'ils feignent d'ignorer l'existence de ces droits.
Ils relèvent ainsi que l'assemblée générale a refusé, à trois reprises, de céder les parcelles de grenier aux demandeurs, ce qui démontre ainsi, selon eux, qu'il ne s'agit pas d'une emprise irrégulière des parties communes ni d'une simple tolérance accordée à un copropriétaire.

Ils invoquent en tout état de cause l'existence d'une prescription acquisitive du droit de jouissance privative, mettant en avant le fait que chaque lot dispose d'un accès exclusif à une parcelle de grenier, se matérialisant par la présence d'une porte et d'un verrou dont les clés ne sont détenues que par le propriétaire du lot disposant de cette jouissance.
Ils indiquent également que ces parcelles servent de lieu de stockage pour les affaires personnelles des propriétaires successifs des lots concernés, de telle sorte qu'ils se sont ainsi comportés en titulaires exclusifs de ce droit de jouissance, au vu et au su de l'ensemble des copropriétaires.
Enfin, ils font valoir que l'assemblée générale a défini un protocole exigeant le consentement exprès des copropriétaires qui bénéficient de la jouissance de ces parcelles, ce qui constitue une reconnaissance incontestable de l'ensemble de la copropriété à les voir se comporter en copropriétaires puisque tout renoncement à cette jouissance est soumis à leur consentement.

Le syndicat des copropriétaires soutient, pour sa part, que les demandeurs sont mal fondés à solliciter du tribunal qu'il se prononce sur une restitution dans la mesure où l'assemblée générale n'a jamais été à même de voter sur une telle décision, aucune décision n'ayant en effet rejeté une demande qu'ils auraient formée à ce titre.
Il considère qu'ils auraient donc dû agir en annulation d'une résolution ayant refusé cette restitution et que le tribunal ne peut se substituer au syndicat des copropriétaires pour prendre une décision que les requérants ne lui ont jamais soumise.

Toutefois, en l'absence d'autorisation donnée par l'assemblée générale des copropriétaires, à laquelle un accord entre copropriétaires ne se substitue pas, tout copropriétaire est fondé à demander la cessation d'une atteinte aux parties communes ou la destruction d'un ouvrage édifié en violation du règlement de copropriété.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que, tant le syndic que l'assemblée générale ou les copropriétaires ont, à plusieurs reprises, évoqué cette jouissance des greniers.

Ainsi, les époux [V] ont-ils indiqué, dans leur courrier daté du 20 février 1990, dans lequel ils font part de leur souhait d'acquérir une partie du grenier qu'il est « actuellement divisé en 7 parcelles inégales (voir plan ci-joint), sur lesquelles chaque propriétaire d'un appartement de l'escalier A a une « jouissance » et il fait globalement partie de la copropriété (escalier A et B compris).
Nous proposons de racheter une partie de grenier, il s'agit alors d'une transaction immobilière entre nous, M et Mme [V], personnes physiques et la copropriété, personne morale représentée par le syndic Teissier, et propriétaire de cette partie commune qu'est le grenier. »

Lors de l'assemblée générale du 14 mars 1994, il est indiqué que « les copropriétaires évoquent les travaux réalisés sans aucune autorisation par M. et Mme [N] dans la parcelle de grenier qui est partie commune et dont la jouissance seule leur a été accordée. »

Dans un courrier adressé le 30 juillet 2003 à Mme [H], le syndic lui a indiqué : « en notre qualité de syndic de la résidence référencée en marge, nous avons constaté que le grenier dont vous avez la jouissance est habité par quelqu'un de votre connaissance.
Nous vous mettons en demeure de ne plus utiliser ce grenier comme logement. Les greniers sont des lieux pour stocker des objets et non des locaux à usage d'habitation. »

Toutefois, aux termes du règlement de copropriété, le grenier est identifié comme constituant une partie commune, ce qui n'est au demeurant contesté par aucune des parties et il est exact, comme l'indiquent les demandeurs, qu'il ne contient aucune disposition conférant aux défendeurs un droit d'usage exclusif de ces parties communes alors que ces derniers occupent, chacun, une parcelle de ce grenier.
Décision du 07 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/12011 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

Les défendeurs indiquent dans leurs écritures que ce n'est que deux à trois ans après la mise en copropriété de l'immeuble, en 1940, que la jouissance privative des parcelles de grenier a été attribuée à chacun des lots du bâtiments A.
Toutefois, ce droit n'est pas plus mentionné dans les actes de vente des défendeurs que dans ceux des propriétaires précédents ni dans le modificatif du règlement de copropriété, en date du 28 septembre 1990, pourtant modifié aux fins de création du lot n°32, non prévu au règlement originel, décrit comme « dans le bâtiment unique, côté rue Fondary, escalier A, au 5ème étage, un ensemble de greniers ».

Le fait que cette occupation, de fait, soit acceptée par le syndic et le syndicat des copropriétaires n'est pas pour autant créatrice de droits et ne constitue en réalité qu'une simple tolérance.

Les défendeurs ne peuvent ainsi soutenir que « compte tenu du refus de quatre copropriétaires qui bénéficiaient d'une jouissance privative et du refus de l'assemblée générale au regard des droits de ces derniers, l'assemblée générale a décidé, pour ne pas altérer leurs droits, d'assujettir toute autorisation de vente de parcelles à l'autorisation expresse de ceux qui en possèdent la jouissance (...) ».
En réalité, le procès-verbal de l'assemblée générale du 09 mai 1990 mentionne, à la deuxième résolution portant sur la vente d'une parcelle de grenier aux époux [V], que « le syndic précise que pareille autorisation peut être éventuellement donnée à tout copropriétaire qui souhaiterait se rendre acquéreur d'une autre parcelle, la procédure à suivre étant identique pour chaque demandeur ».

Ainsi, non seulement l'assemblée générale n'a nullement, à cette occasion, indiqué que le grenier était grevé d'un droit de jouissance privative au profit des défendeurs mais elle a, au surplus, précisé, que la possibilité d'acquérir une parcelle de cette partie commune était offerte à tout copropriétaire, sans la restreindre aux seuls occupants de ces locaux.

Ce droit de jouissance exclusive ne peut donc exister que si les défendeurs justifient qu'ils en bénéficient depuis trente ans.
Dans cette hypothèse, en effet, ce droit serait né par l'effet de la prescription acquisitive qui consiste en un mode d'acquisition de la propriété par l'effet de l'écoulement du temps qui doit, pour être reconnu, répondre aux conditions fixées par les articles 2261 et 2272 du code civil.

Ainsi, aux termes des dispositions de l'article 2261 du code civil, « pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire » et l'article 2272 du même code prévoit, pour sa part, que « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

Contrairement à la prescription décennale, l'acquisition de la prescription trentenaire ne nécessite pas que l'occupant soit de bonne foi.
La possession doit cependant être continue (c'est-à-dire exercée sans interruption assez prolongée pour constituer une rupture), paisible (l'appréhension du bien ne devant pas résulter d'une voie de fait ou de l'utilisation de la force ou de la violence), publique (c'est-à-dire connue de tous et non dissimulée), non équivoque (le possesseur doit manifester sans ambiguïté son intention de se comporter comme le propriétaire et doit être considéré par les tiers comme le véritable propriétaire, sans aucun doute) et enfin exercée à titre de propriétaire (le possesseur devant effectuer sur le bien les actes que ferait un réel propriétaire).
Décision du 07 juin 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/12011 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4UZ

Il appartient alors à celui qui le revendique d'établir la preuve du caractère privatif de la jouissance trentenaire de la partie commune en cause.

Mme [I] est nu propriétaire du bien depuis 1988, date de décès de sa mère qui en était auparavant propriétaire avec son père.
Au décès de ce dernier, elle est devenue propriétaire indivise avec sa sœur à compter du 18 août 1998, et enfin seule propriétaire depuis le 18 mars 2023, date du partage successoral lui ayant attribué la pleine propriété du bien.

Mme [H] a pour sa part acquis son logement, le 31 mars 2003, de M. [T] qui l'avait lui-même acquis le 25 janvier 1999 de Mme [N].

S'agissant de M. [B], bien que l'acte de propriété ne soit pas produit, les demandeurs ne contestent pas ses affirmations selon lesquelles il est propriétaire depuis le 25 avril 2018, ce qui ressort au demeurant des mentions portées sur le procès-verbal du 28 mars 2019 où il apparaît pour la première fois en qualité de copropriétaire.

La SCI Vergne, enfin, est propriétaire depuis le 29 septembre 2009 par suite de la vente à son profit par M. et Mme Vergne, qui étaient eux-mêmes propriétaires du bien depuis le 22 décembre 1993 pour l'avoir acquis de M. et Mme [M], leurs vendeurs.

Dans leur courrier précité, du 20 février 1990, les époux [V] indiquent que le grenier est « actuellement divisé en 7 parcelles inégales (voir plan ci-joint), sur lesquelles chaque propriétaire d'un appartement de l'escalier A a une « jouissance » et il fait globalement partie de la copropriété (escalier A et B compris). », qu'ils proposent d'en racheter une partie, qu'il s'agit d'une transaction immobilière entre eux et « la copropriété, personne morale représentée par le syndic Teissier et propriétaire de cette partie commune qu'est le grenier » et que « la redistribution du montant de la transaction se ferait ensuite au prorata des millièmes pour l'ensemble des copropriétaires, (A et B) qui sont in fine propriétaires de cette partie du grenier. »

Il est donc établi qu'à cette date, les greniers étaient occupés par les propriétaires de l'époque des appartements de l'escalier A.

Toutefois, Mme [H], M. [B] et la SCI Vergne ne caractérisent nullement la durée de la possession qu'ils invoquent, se contentant d'indiquer que « depuis la mise en copropriété de l'immeuble soit près de 70 ans, les propriétaires successifs des lots appartenant aux concluants ont exercé des actes de possession à titre de propriétaire d'un droit de jouissance privative sur les parcelles de grenier. »
Or, leurs seules affirmations sur ce point, non étayées en fait, sont insuffisantes pour justifier l'écoulement de la période de 70 ans dont ils font état.

Ainsi, s'agissant de Mme [H] qui n'est devenue propriétaire dans l'immeuble qu'en 2003, il ressort d'un courrier du syndic du 30 juillet 2003, qu'elle a été mise en demeure à cette date de ne plus utiliser le grenier comme logement, le courrier précisant qu'elle bénéficie de la « jouissance » de ce local.
Les pièces produites attestent que Mme [N] bénéficiait déjà de cette jouissance exclusive.
En revanche, aucune pièce ne démontre que cette possession s'est poursuivie avec M. [T], acheteur de Mme [N] et vendeur de Mme [H].
En effet, lorsqu'un bien immobilier est vendu et que le nouveau propriétaire revendique le bénéfice de la prescription trentenaire sur un élément incorporé à ce bien, encore faut-il que l'acte fasse, au moins implicitement, référence à cette incorporation.
Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, l'acte de vente produit ne mentionnant nullement l'occupation du grenier.
Il n'est donc pas démontré l'existence d'une possession continue et ininterrompue.
Mme [H], qui ne justifie ainsi que d'une possession de 18 ans à la date de délivrance de l'assignation, ne peut par conséquent invoquer l'usucapion, en l'absence de la réalisation de la condition de durée prévue à l'article 2272 du code civil.

Il en va de même s'agissant de la SCI Vergne qui ne pourrait justifier que d'une possession de 18 ans à la date de délivrance de l'assignation, sans possibilité d'ajouter à sa possession celle de ses vendeurs et de M. et Mme [M], pour les mêmes raisons que celles précédemment évoquées pour Mme [H], l'acte de vente entre ces derniers et les époux Vergne n'étant pas produit.
Au surplus, comme relevé par les demandeurs, l'acte de vente de la SCI précise en page 13 s'agissant de la consistance des biens et droits immobiliers que « le vendeur déclare que la consistance des biens et droits immobiliers sus-désignés n'a fait l'objet d'aucune modification de son fait, ni par une annexion ou une utilisation irrégulière privative de parties communes, ni par une modification de la destination des parties privatives ou par des travaux non autorisés. »

Enfin, M. [B], propriétaire depuis 2018, ne pourrait donc justifier que d'une possession de 3 ans à la date de délivrance de l'assignation.
Il indique, certes, dans une demande d'inscription d'une résolution à l'ordre du jour, formulée par courrier en date du 22 janvier 2019, qu'était proposée avec l'acquisition de son logement « en jouissance exclusive (de fait) une partie des combles du 5ème étage (situés en face de la montée d'escalier) » et que « durant plus de 20 ans, les anciens propriétaires ont disposé la jouissance exclusive de ces combles ».
Toutefois, en l'absence de production de l'acte de vente et de toute pièce concernant les précédents propriétaires du bien, il n'est pas possible d'ajouter leur possession à la sienne et ainsi de justifier de l'existence d'une possession continue et ininterrompue.
Il ne peut donc, par conséquent, invoquer l'usucapion en l'absence de la réalisation de la condition de durée prévue à l'article 2272 du code civil.

S'agissant en revanche de Mme [I], dans la mesure où elle est nu-propriétaire du bien depuis 1988, il s'ensuit qu'elle pourrait justifier, à la date de délivrance de l'assignation, de la possession de 30 ans requise par l'article 2272 du code civil.

Pour autant, ainsi que précédemment rappelé, la possession invoquée ne résulte que d'une simple tolérance, ce qui ressort au demeurant du courrier précité des époux [V] rappelant bien que la copropriété est propriétaire de ce grenier constituant une partie commune et que la redistribution du montant de la vente se ferait au prorata des millièmes pour l'ensemble des copropriétaires, tant du bâtiment A que B, « qui sont in fine propriétaires de cette partie du grenier. »

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Le simple fait d'avoir entreposé des effets personnels dans le grenier apparaît insuffisant, en l'absence d'autres éléments, à considérer que Mme [I] s'est comportée en propriétaire.
Au surplus, il ressort des pièces produites que cette occupation privative des greniers n'était pas connue de tous.
Mme [O] [A] indique ainsi, dans un courriel en date du 09 juin 2021 adressé notamment au syndic que (sic) « jusque là nous n'avions aucune idée que ces grainiers existaient et de plus qu'ils étaient occupés par des co-propriétaires à titre gracieux depuis des années car cette jouissance n'est mentionnée nulle part dans les documents officiels de l'immeuble.Nous avons acheté notre appartement il y a 15 ans et personne ne nous a parlé de ces espaces communs à jouissance privative. »

M. [R] [C] indique pour sa part « n'avoir jamais eu connaissance d'une occupation des greniers situés au 5ème étage du bâtiment A avant la présentation du projet d'achat de ces espaces communs par M. [S] et Mme [U]. »

Par conséquent, Mme [I], pas plus que M. [B], Mme [H] ou la SCI Vergne ne peut invoquer la prescription acquisitive trentenaire.

La demande de M. [S] et Mme [U] tendant à ce qu'il soit mis « fin à l'usage illégitime des parcelles de grenier à les libérer de tous les objets encombrants » et à « restituer au Syndicat des copropriétaires les clés de serrures donnant accès à chacune de ces parcelles » est ainsi bien fondée puisque le règlement de copropriété prévoit expressément, dans son article 18, que « les parties dont la propriété est commune entre les propriétaires d'appartements devront être maintenues libres en tout temps et aucun des propriétaires ou occupants de l'immeuble ne pourra encombrer l'entrée de la maison, les vestibules, paliers, escaliers, couloirs, cours ni y laisser séjourner ou y apposer un objet quelconque (...) ».

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas en revanche le prononcé d'une astreinte.

Il convient également de les débouter de leur demande de condamnation de remise en état dans la mesure où ils ne justifient pas de la configuration des greniers avant l'occupation qui en a été faite par les défendeurs.
En effet, il ressort du constat d'huissier, établi le 25 avril 2023 à la demande de ces derniers, que la structure des cloisonnements démontre qu'ils sont manifestement de la même époque que la charpente, de telle sorte qu'il n'est pas établi qu'ils aient été réalisés par les défendeurs.

Il convient par conséquent de condamner Mme [I], Mme [H], M. [B] et la SCI Vergne à mettre fin à l'occupation des parcelles de grenier, à les libérer de tous les objets encombrants, dans le délai de trois mois suivant signification du présent jugement et par conséquent à restituer au syndicat des copropriétaires les clés de serrures donnant accès à chacune de ces parcelles.

Sur l'indemnité d'occupation et la demande de dommages et intérêts

Les demandeurs soutiennent que la rupture manifeste d'égalité entre les différents copropriétaires, du fait de cette occupation des parcelles de grenier, leur cause un préjudice matériel et moral.
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Ils indiquent en effet que l'absence de paiement par les défendeurs des charges correspondantes à leur quote-part, primes d'assurance et autres, relatives à ces parcelles de grenier, justifie leur condamnation à payer chacun une indemnité d'occupation s'élevant respectivement à la somme de 75 euros par mois, soit pour la période non prescrite du 20 septembre 2016 à la date de leurs dernières conclusions, équivalente à 78 mois, une somme de 5 850 euros chacun, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 septembre 2021.

Ils indiquent subir par ailleurs un trouble de voisinage, qu'ils évaluent à la somme de 25 000 euros dont ils leur réclament également paiement, en faisant valoir que, outre l'absence de compensation financière à cette occupation, ils sont privés d'user, en tant que copropriétaires, de ces parcelles de greniers communs et ce, compte tenu de la négligence fautive du syndicat des copropriétaires parfaitement informé depuis 2019 de cette situation.
Ils sollicitent donc également sa condamnation à leur payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi.

Les copropriétaires défendeurs font valoir que tant la démonstration du principe que du quantum des préjudices invoqués est inexistante.
Ils soutiennent en effet qu'il n'est pas crédible de prétendre que les parcelles de grenier pourraient être utilisées collectivement par l'ensemble des copropriétaires pour du stockage d'effets personnels et considèrent ainsi que le trouble du voisinage invoqué n'est pas démontré.

Le syndicat des copropriétaires soutient pour sa part que son absence d'action ne saurait être considérée comme fautive mais qu'elle est justifiée au regard des circonstances de l'espèce et de l'historique de l'immeuble puisqu'après la mise en copropriété, le grenier a été divisé en autant de parcelles que de copropriétaires de l'escalier A, afin que chacun puisse en bénéficier.
Il soutient que cette situation était connue de tous, y compris des demandeurs, tel que cela ressort des courriers qu'ils ont adressé à la copropriété afin de l'informer de leur projet de rachat.
Il considère donc qu'en l'absence d'appropriation abusive des parties communes, il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas initié de procédure.
Il relève également que les demandeurs ne justifient pas d'un quelconque dommage ou trouble subi en raison de cette occupation mais qu'en réalité, ils n'acceptent tout simplement pas que les copropriétaires n'aient pas voté en faveur de leur projet.
Enfin, il soutient que le montant de 10 000 euros n'est justifié par aucun élément et disproportionné et ce d'autant qu'ils sollicitent également la condamnation des autres défendeurs à leur régler la somme de 25 000 euros.

Comme relevé par le syndicat des copropriétaires, dans la mesure où le grenier est une partie commune, les demandeurs apparaissent mal fondés à solliciter à leur profit le paiement d'une indemnité d'occupation.
Il convient par conséquent de les débouter de cette demande.

Il en va de même de leur demande en paiement de la somme de 25 000 euros pour trouble de voisinage.
En effet, quand bien même à considérer que cette occupation les a privés de la possibilité de bénéficier d'une parcelle de grenier, destinée à stocker des effets personnels, d'une part ils ne démontrent nullement avoir été dans l'obligation d'avoir recours à un autre espace de stockage en vue de l'indisponibilité du grenier et, d'autre part, ils ne justifient nullement du montant des frais qu'ils auraient dû engager de ce fait, par exemple pour louer une superficie équivalente dans le quartier.
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Enfin, s'agissant de la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du syndicat des copropriétaires, ce dernier soutient, à juste titre, que les demandeurs ne justifient d'aucun préjudice subi du fait de l'occupation des greniers.
Or la mise en jeu de sa responsabilité contractuelle suppose, outre l'existence d'un manquement, celle d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.
Les demandeurs sont donc également déboutés de leur demande formulée à l'encontre du syndicat des copropriétaires à hauteur de 10 000 euros.

Sur la demande indemnitaire de Mme [E] [D] épouse [I] Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B] et de la SCI Vergne

Les défendeurs sollicitent la condamnation des demandeurs à leur régler la somme de 5000 euros à titre de procédure abusive.

Bien qu'ils n'indiquent pas le fondement juridique invoqué, il est constant qu'ils agissent sur celui de l'article 1240 du code civil, la mise en jeu de la responsabilité des demandeurs nécessitant ainsi que soient justifiés l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.

Or, les défendeurs ne font état d'aucune démonstration juridique de la sorte, cette demande n'étant mentionnée que dans le dispositif des conclusions sans être expliquée ni même évoquée dans le corps des conclusions.

En tout état de cause, dans la mesure où il a été fait droit, partiellement, aux demandes de M. [S] et de Mme [U], il convient de débouter les défendeurs.

Sur l'opposabilité du jugement au syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires étant partie à l'instance, le jugement lui est ainsi nécessairement opposable, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de le rappeler.

Sur les autres demandes

Parties succombantes, Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B] et la SCI Vergne sont condamnés in solidum aux dépens.

Maître Karouni [Y] et Maître Hervé Cassel sont autorisés à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Tenus aux dépens, Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B] et la SCI Vergne sont également condamnés in solidum à payer aux demandeurs, ensemble, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3500 euros.

Le sens de la décision conduit à débouter les défendeurs et le syndicat des copropriétaires de leur demande formulée à ce titre.

L'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B] et la SCI Vergne à mettre fin à l'occupation des parcelles de grenier, à les libérer de tous les objets encombrants, dans le délai de trois mois suivant signification du présent jugement et par conséquent à restituer au syndicat des copropriétaires les clés de serrures donnant accès à chacune de ces parcelles ;

DÉBOUTE M. [J] [S] et Mme [F] [U] de leur demande de prononcé d'une astreinte ;

DÉBOUTE M. [J] [S] et Mme [F] [U] de leur demande de remise en état ;

DÉBOUTE M. [J] [S] et Mme [F] [U] de leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre de Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B], la SCI Vergne et du syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à [Localité 7] ;

DÉBOUTE Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B], la SCI Vergne de leur demande indemnitaire ;

CONDAMNE in solidum Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B] et la SCI Vergne aux dépens ;

AUTORISE Maître Karouni [Y] et Maître Hervé Cassel à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE in solidum Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B] et la SCI Vergne à payer à M. [J] [S] et Mme [F] [U], ensemble, la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme [E] [D] épouse [I], Mme [W] [K] épouse [H], M. [L] [B], la SCI Vergne et le syndicat des copropriétaires de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 07 juin 2024

Le greffierLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 3ème section
Numéro d'arrêt : 21/12011
Date de la décision : 07/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-07;21.12011 ?
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